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Demons & Angels

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50 states of American Dream

 
Fanella Ozark
# Enfin de RetourDim 12 Juin - 16:34
L’anxiété avait regagné Fanella dès son réveil. Elle restait convaincue que quelque chose allait leur arriver avant qu’ils puissent tous se réfugier à Salt Lake City. Alors qu’on démontait la tente pour remettre Eugène son brancard celui-ci s’inquiéta.

— Est-ce qu’elle aura assez de batterie jusque dans l’avion, la machine ?

La jeune chercheuse comprenait qu’il n’ait pas envie de se confronter toute de suite aux vestiges de sa vie ici dans les montagnes.

— Il y a 48 heures d’autonomie, rien ne t’oblige à l’éteindre… Tu pourras choisir le moment.

Elle força un sourire parce qu’elle ne voulait pas qu’Eugène s’inquiète de son état en plus du sien. Lorsqu’il fallu se remettre à marcher, elle se souvint à quel point ses jambes avaient été mises à rude épreuve ces derniers jours. Elle resta près de lui durant toute la descente, parce qu’elle avait encore l’impression qu’il pouvait disparaître soudain. Dans sa tête, elle entendait encore de temps à autre la détonation du coup de feu. Pour se rassurer, elle se répétait « ce n’est pas à moi que c’est arrivé ». Mais c’était si difficile parce qu’elle l’avait vécu, en propre à la première personne. Elle aurait mieux aimé ne jamais savoir ce que c’était de se faire tirer dessus. Le soleil était encore haut lorsqu’ils atteignirent les voitures. Voir le soleil se répercuter sur les carlingues emplit Fanella de soulagement. Ils n’étaient pas encore arrivés mais au moins elle ne serait plus obligé de mobiliser son corps fatigué à chaque pas. Ils seraient tous protégés par la ferraille des jeeps aux roues épaisses. On chargea Eugène à l’arrière de l’une d’elle et elle s’installa sur le siège avant. L’espace d’une seconde, elle ferma les yeux. Elle l’avait fait.

Carter vint vérifier que tout allait bien pour Eugène pendant que les équipes chargeaient les affaires. Posée sur la moquette de la jeep, la machine émettait toujours sa rassurante lumière bleue. Fanella était soulagée qu’il ait décidé de tenir les fantômes au loin. Ça n’était pas rationnel, mais elle pensait qu’ils pourraient les atteindre, compromettre leur retour d’une façon ou d’une autre. Le ronron des véhicules la rassura d’abord, mais l’anxiété grimpa à nouveau à mesure qu’ils se rapprochèrent de la frontière. Nerveusement, elle aida à décharger sous le regard des forces armées et à remplir le ventre de leur avion.

— L’un de nos hommes est tombé dans un ravin, répondit-elle lorsqu’on lui demande pourquoi ils transportaient un homme dans un brancard.

Elle retint son souffle mais son interlocuteur se mit à sourire.

— Vous êtes partis chercher le remède contre le cancer et vous revenez avec un blessé…

Fanella eut un rire forcé qu’elle trouva peu crédible mais cela n’attira pas plus de soupçons. Une fois lovée dans le siège de l’avion elle n’eut qu’une hâte : Qu’il décolle. Alors que les roues rompaient le contact avec le sol, elle crut voir les soldats restés au sol s’agiter un peu. C’était sans doute son imagination. Une fois dans le ciel elle fut sereine à nouveau. De là où il se trouvait elle ne pouvait pas vraiment voir Eugène, alors espéra que tout allait bien. Elle ferma les yeux une petite heure avant d’être réveillée en sursaut par le bruit de la détonation encore une fois. La jeune chercheuse essaya de se distraire avec un peu de travail sans vraiment y arriver. Après ce qu’ils venaient de faire, il y avait tant de données à traiter pourtant.

Jonathan a la prit par surprise lorsqu’il vint s’asseoir près d’elle.

— J’ai réfléchis, commença-t-il.

Fanella songea que cela n’annonçait rien de bon.

— Je pense que je devrais être en charge des recherches concernant Eugène.


Elle crut qu’elle allait s’étrangler de surprise. La colère domina d’abord et puis elle décida de lui laisser l’opportunité de s’exprimer plus clairement.

— De toute façon, il va falloir qu’on se répartisse le travail. Il faut que tu continues de contacter les morts depuis le générateur pour avoir des données plus statistiquement représentatives. Eugène ne résume pas notre étude après tout. Quand on a conçu le protocole, on aurait jamais imaginé une chose pareille.

Fanella réalisa qu’elle avait raison. Depuis tout ce temps, elle n’avait pas réutilisé le générateur. Elle avait complètement oublié la direction qu’ils s’étaient donnée au départ.

— Je sais que tu n’aimes pas que je dise ça, mais tu dois bien admettre que tu as raison quand je dis que tes émotions ont perturbé ta perception des choses. Alors je crois que le plus sage serait que je m’occupe d’étudier les facultés d’Eugène, pendant que tu termines notre étude d’origine. Bien évidemment, je veillerais à ce que la déontologie et son consentement soit respecté en toutes circonstances et…

— Tu as raison,
coupa Fanella, c’est le plus sage.

Jonathan resta un moment sur sa surprise. Alors elle hocha la tête pour confirmer que sa décision était prise. Elle ne se voyait pas étudier Eugène. Elle avait envie d’être une personne pour lui, et qu’il soit une personne avec elle. Elle ne pouvait pas l'étudier et lui faire visiter la ville, faire des expériences avec lui et l'emmener au restaurant comme il semblait en rêver.

— Très bien… de toute façon pour le moment je vais le laisser aux mains de Carter et son équipe. Nous auront le temps de rentrer dans le vif du sujet plus tard.

La santé d’Eugène restait une priorité et tout cela risquait de prendre du temps.

— Je lui annoncerais moi-même si tu veux bien par contre.


Fanella et son second tombèrent également d’accord sur ce dernier point. Jonathan décida que comme cela il reprenait un semblant de contrôle sur toute cette folle situation. Il pourrait s’adresser à Eugène comme cela, de manière professionnelle, sans que la jalousie ne prenne le dessus.

Des heures plus tard, Fanella était épuisée lorsque l’avion se posa sur le tarmac. Le trajet jusqu’au labo à travers la ville lui sembla interminable, de même que le déchargement du matériel. Retrouver son petit bureau l’emplit de joie pourtant. Elle y laissa son ordinateur, tous les dossiers, les résultats. Carter avait annoncé à Eugène qu’il allait rester au laboratoire dans un lieu entièrement équipé, il lui avait redit que tous mettraient tout en oeuvre pour veiller à son bien-être au maximum. Aussi, il était normalement installé et soigné lorsque Fanella vint le retrouver avant de rentrer pour une fois chez elle.

— Je venais juste te dire bonne nuit, Eugène. Je reviens demain.

Elle ne put retenir un bâillement. Avec le décalage horaire elle n’avait aucune idée de l’heure qu’il était mais son corps lui disait qu’elle avait du sommeil en retard. Ou peut-être les cachets de Carter l’endormaient un peu aussi.
Fanella Ozark
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Enfin de RetourJeu 16 Juin - 13:19
En l’espace de deux jours, Eugène avait vécu deux grands départs. Le premier, celui de son retour à la vie, était un mélange de sensations et de pensées confuses. Il en gardait néanmoins en mémoire l’engouement général, les applaudissements d’un projet mené à terme et la puissante étreinte de Fanella. Le reste n’était qu’un brassage de souvenirs, d’angoisse et d’une réalisation qui semblait se renouveler continuellement. Elle avait laissé le médium exsangue et épuisé après une nuit mouvementée au cœur d’une tête qui ne pouvait se reposer. Le second départ était donc celui de ce matin, celui qui signait le début d’un voyage jusqu’à l’autre bout du monde. Il s’imaginait monter dans l’avion, s’envoler loin de la Russie et atterrir aux Etats-Unis de la même manière que Joy l’avait emmené la première fois. Lorsqu’il regardait Fanella, l’image de sa femme se superposait encore parfois à la sienne. Toutes deux l’avaient sauvé à leur manière. Et il comprenait que naissait pour son amie les mêmes sentiments qui l’avaient transporté par le passé. Et d’une certaine manière cela le terrifiait parce qu’il avait l’impression de retourner sur le même chemin maudit qui l’avait amené à mourir une première fois.

Cependant, Eugène avait beaucoup d’autres choses à penser avant de réfléchir à ce point de sa vie. Présentement, il était inquiet à l’idée de passer la douane et que les fantômes interfèrent avec l’avion. Ce dernier était après tout rempli d’électronique et lui était responsable de suffisamment d’appareils cassés pour un moment. La scientifique qui marchait à ses côtés le rassura sur la durée de vie de la machine tampon, qui pouvait continuer de fonctionner bien après qu’ils soient tous arrivés à destination. Il l’éteindrait une fois bien installé dans le laboratoire de Fanella à Salt Lake City, autant pour se rassurer que pour commencer peu à peu à s’occuper des créatures qu’il cachait sous le tapis depuis la veille, faute de vouloir prendre le temps et d’avoir la force de les confronter. Cela le gêna une nouvelle fois qu’on ait à le porter dans la longue descente de la montagne mais il se sentait néanmoins plus léger à l’idée de s’éloigner du complexe et du pont. Il aurait aimé savoir ce que son amie cachait au fond de son esprit car derrière les sourires qu’elle lui lançait, son regard trahissait un trouble qu’elle peinait à cacher et il avait l’impression de ne pas vraiment pouvoir être là pour l’écouter ou la rassurer. En même temps, au milieu de l’expédition, il n’y avait que peu de place à l’intimité pour discuter.

Finalement, le groupe arriva aux voitures et Eugène put de nouveau vivre les sensations de la route au fond de son brancard et regarder par la fenêtre les paysages qui défilaient. Cela occupa quelque peu son esprit qui pouvait divaguer un peu plus loin de la réalité crue d’un corps fatigué et brassé par l’expérience qu’il devait à présent maintenir en vie, même sans s’en rendre compte. Il restait donc attentif aux vibrations de la jeep et observait dans un silence religieux la montagne qui s’éloignait. C’était peut-être la dernière fois qu’il la voyait et une partie de lui cherchait à graver ce moment dans sa mémoire. La gratitude le prit à la gorge à nouveau lorsqu’il osa un regard vers Fanella mais il s’efforça de ne pas alerter qui que ce soit en gardant les larmes à l’intérieur, pour cette fois.

Et puis vint l’aéroport, l’avion et la douane. Une étape qui terrifiait Eugène qui se demandait si on allait l’embêter, vouloir contrôler ses papiers ou, même si c’était hautement improbable, le reconnaître. Comme son esprit ne percevait rien, il préféra s’enfoncer et se faire tout petit dans le brancard sous la couverture et fermer les yeux de toutes ses forces pour ne rien voir. Peut-être qu’ainsi, on ne le verrait pas non plus. Il savait que c’était idiot, d’autant qu’il entendit son amie scientifique expliquer qu’il était tombé dans un ravin.
— Vous êtes partis chercher le remède contre le cancer et vous revenez avec un blessé…

Fanella lâcha un petit rire et même Eugène sentit le coin de ses lèvres frémir. C’était vraiment ironique et les pauvres soldats n’avaient même pas idée de ce qu’ils venaient de faire en réalité. Comme le médium n’osait pas bouger et était cramponné à sa couverture, l’air tendu pour masquer l’angoisse, cela devait ressembler à une grimace de douleur sur son visage qui eut l’air de convaincre les militaires. Ils ne semblaient pas s’être rendu compte qu’il n’était pas présent à l’aller et que le groupe comptait une personne en plus maintenant et il finit par monter dans l’avion avec un soupir de soulagement.

Il fut installé à l’arrière et observa tout le monde s’installer jusqu’au décollage qui le cloua sur place. Il ne s’était jamais habitué aux avions et serait définitivement resté sur le tarmac à l’aller s’il n’avait pas possédé Fanella tant la vitesse de l’ascension était forte. Les sensations semblaient moins pires que dans les vieux coucous vrombissants qu’il avait empruntés par le passé. Il garda les yeux fermés en se rappelant de son parachutage sur les plages du débarquement, de Joy qui avait serré sa main avec un sourire pour lui donner du courage. De l’inexorable descente, fouetté par le vent, la main tenant fermement le parachute en priant pour qu’il s’ouvre correctement. C’était pire que ce petit décollage qui n’avait duré qu’une longue minute et lorsque l’avion se stabilisa, la sensation n’était pas différente de la voiture.

Une fois remis de ses émotions, il demanda à Carter qui n’était jamais loin s’il pouvait l’aider à se redresser pour qu’il puisse observer par le hublot à côté du brancard. Il ne se souvenait pas avoir volé si haut les dernières fois non plus. Le sol semblait tout petit en dessous et dénué de frontières. Il sentit ses yeux se remplir de larmes en se disant qu’il était plus proche que jamais de l’espace où Joy était allée mais se fit le plus discret possible. Après tout, il ne pleurait pas de détresse mais plutôt de joie de pouvoir vivre tout cela à nouveau. Il passa la grande majorité du voyage à regarder par la fenêtre ou à se reposer par de petites siestes après sa courte nuit. Il avait vu Jonathan discuter avec Fanella et se demanda avec inquiétude ce qu’ils pouvaient bien se dire. Après tout, il n’avait pas eu l’occasion de discuter avec le jeune homme depuis son retour qui semblait l’avoir grandement perturbé. Il espérait qu’ils trouveraient une occasion de reparler et qu’il ne le détestait pas.

Lorsque l’avion finit par arriver à destination, Eugène eut l’impression d’avoir franchi la porte d’un autre monde. La ville était là, sous ses yeux, exactement comme il l’avait découverte sous sa forme de fantôme. Et c’était maintenant qu’il était bien là physiquement qu’elle lui semblait irréelle. Son cœur s’emballait d’anticipation et d’excitation à l’idée de pouvoir y vivre, incognito, un peu comme tout le monde. Il reconnut le laboratoire, ses murs familiers mais il put maintenant en percevoir même les odeurs. Il commença dès qu’il eut passé les portes à tenir à l’écart les souvenirs d’anciens murs blancs et épurés et d’un personnel beaucoup moins accueillant. Le temps qu’on l’installe et qu’on le rassure en s’occupant de lui avec beaucoup d’attention, la nuit avait dû tomber et il ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter ou d’étouffer d’un brin de solitude. Heureusement, celle qui occupait ses pensées vint le voir et il lui fit un grand sourire.

— Je venais juste te dire bonne nuit, Eugène. Je reviens demain.

Il sentit l’angoisse accélérer sa respiration. Dormir au laboratoire lui faisait bien plus peur que dans la tente principalement parce que la distance qui le séparait de Fanella n’était pas la même. Elle allait très certainement quitter le laboratoire pour rentrer chez elle et se reposer, ce qui était bien normal. Mais quelque chose en lui semblait se déchirer à l’idée qu’elle s’éloigne. Et s’il lui arrivait quelque chose ? Et s’il ne la revoyait plus ? Une partie de lui avait honte et se disait qu’il n’y avait que les enfants en bas âge qui réagissaient encore de cette manière alors il essaya de se tempérer. Il ne voulait pas qu’elle néglige encore plus sa santé parce qu’il avait peur de rester seul.

— Merci c’est gentil de passer me voir, lui dit-il, un peu ému autant par les émotions négatives qui le hantaient que par le positif de sa présence. C'est vrai que c'était un sacré voyage, tu dois être épuisée... repose-toi bien, je ne bougerai pas d’ici.

Il était clair qu’il n’allait pas se lever pour vadrouiller, elle pouvait dormir l’esprit tranquille. Par contre, bien protégé dans cet environnement sécurisé, il profiterait de cette nuit où il n’allait de nouveau pas fermer l’œil pour éteindre la machine. Il préférait la compagnie de fantômes en colère que de se retrouver seul avec ses angoisses, à pleurer et sombrer dans une folie temporaire au plus noir de la nuit.
Eugène (The Sorrow)
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Fanella Ozark
# Re: Enfin de RetourDim 19 Juin - 15:27
Fanella était passée voir Eugène avant de s’en aller. Elle se sentait épuisée, entre le voyage, l’avion, le décollage horaires et les cachets de Carter qui l’endormaient. Tôt ou tard elle devrait lui parler de la discussion qu’elle avait eue dans l’avion avec Jonathan, mais ce soir, elle n’en avait pas la force. Qui savait comment il allait le prendre. Il n’avait pas encore osé éteindre la machine ce qui voulait dire qu’il se sentait toujours faible et vulnérable. Elle détestait l’idée de le laisser seul ici mais elle savait que l’équipe de Carter prendrait soin de lui.

— Merci c’est gentil de passer me voir,
lui répondit Eugène qui visiblement cherchait à masquer son angoisse. C'est vrai que c'était un sacré voyage, tu dois être épuisée... repose-toi bien, je ne bougerai pas d’ici.

Elle osa un sourire timide. En effet, il ne risquait pas de disparaître alors pourquoi avait-elle la sensation étrange qu’elle trouverait ce lit vide demain matin ? Il avait raison cependant elle était épuisée, et si d’ordinaire elle dormait au laboratoire, cette nuit, elle sentait qu’elle avait besoin de couper et de se retrouver seule. Avant de s’en aller, elle éprouva le besoin de poser sa main sur la sienne, juste pour vérifier une énième fois qu’elle ne rêvait pas. Puis elle lui lâcha un petit « Bonne nuit » discret avant de tourner les talons.

Dans les couloirs du labo, elle n’entendit pas les commentaires encourageant sur son passage. Dehos il faisait nuit noire et les transports en communs ne fonctionnaient plus. Lorsqu’elle arriva à la porte de son petit appartement elle se sentit si soulagée qu’elle crut qu’elle allait se mettre à pleurer. L’eau de la douche lui fit du bien et les premières minutes dans son lit la douceur des draps l’aida un peu. Il fut presque impossible de trouver le sommeil cependant. En toile de fond, remontait ce sentiment que tôt ou tard le ciel allait lui tomber sur la tête. Ce ne pouvait pas être si facile. Il se passa encore de longues heures avant qu’elle ne trouve le sommeil au petit matin. Dans son esprit se mélangèrent les cauchemars répugnants de son enfance avec les souvenirs du voyage. En arrière fond, l’impact de balle rythmait l’angoisse. Lorsqu’elle se réveilla en sursaut, le réveil annonçait fièrement 10h30. Paniquée elle attrapa son téléphone convaincue que des mauvaises nouvelles l’y attendaient. En réalité elle avait seulement reçu un message de Jonathan et un de Carter qui s’inquiétaient. Elle leur répondit simplement qu’elle avait dormi tard. Dans le bus qui la conduisit au labo, elle constata qu’elle avait oublié de prendre son petit déjeuner. Elle s’acheta quelque chose en route, histoire d’éviter de s’évanouir.

La première chose qu’elle fit fut d’aller voir les infirmières pour aller prendre des nouvelles d’Eugène. Les infirmières s’étaient relayés dans la nuit. Elles avaient veillé sur son sommeil et rien d’alarmant ne semblait s’être produit, même s’il semblait qu’il ait fait le choix d’éteindre la machine tampon.

Malgré leur discours rassurant, Fanella s’attendait à tout en poussant la porte. Mais Eugène était toujours là où elle l’avait laissé la veille comme promis.

— Je suis désolée,
commença-t-elle, je n’ai pas vu l’heure ce matin. Et toi ça va ? Tu as dormi comment ?  

Elle tira une chaise pour s’assoir près de lui. Il lui paraissait impossible de commencer sa journée de travail sans s’être assurée qu’il allait bien. La première chose qu’elle ferait d’ailleurs serait de se concentrer sur la compression de la machine tampon.
Fanella Ozark
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Enfin de RetourLun 20 Juin - 16:34
Fanella avait posé sa main sur la sienne et même si cela n’avait duré qu’un instant, Eugène avait senti son cœur bondir dans sa poitrine, une sensation qui avait efficacement balayé ses angoisses, au moins temporairement. C’était toujours un réel bonheur de voir qu’elle ne traversait plus son corps translucide et qu’il pouvait enfin apprécier sa chaleur et la douceur de sa peau. Mais elle finit par prendre congé pour rentrer se reposer, ce qu’elle avait bien mérité après un voyage aussi riche en émotions. Mais lorsque la porte se referma sur elle, le médium ne put s’empêcher de se sentir bien seul à nouveau, écrasé par les murs en béton épuré de sa chambre qui ne laissaient filtrer que peu de sons, contrairement à la toile de la tente la veille. La quiétude était la bienvenue mais la frontière avec cette impression d’être seul au monde était fine, surtout pour lui qu’on avait privé de son sixième sens. Evidemment, il avait toujours sa petite sonnette en main pour appeler en cas de besoin mais la solitude ne lui semblait pas une urgence vitale.

Ce fut donc tout naturellement qu’il jeta un regard tiraillé vers la machine tampon posée à côté de lui et branchée au mur. Il s’était promis de régler les problèmes les uns après les autres et il venait de rentrer en un seul morceau, était allongé dans un espace beaucoup plus sécurisé et stable qu’au milieu de la forêt. Ne restait en réalité plus que celui-là qui se faisait de plus en plus urgent au fil du temps. Il espérait juste que personne n’allait lui crier dessus s’il brouillait les relevés mais n’était-ce pas aussi cela que les médecins et les scientifiques voulaient analyser ? Sa main hésita dans le vide au-dessus du bouton, tremblante et mal assurée. Mais fantômes ou pas, cette partie de ce qu’il était lui manquait atrocement et il ne se sentait pas pleinement intégré à cette nouvelle et vivante réalité s’il ne pouvait l’appréhender avec la malédiction de sa naissance. Et surtout, il avait maintenant la force mentale de ne plus se laisser marcher sur les pieds.

Le claquement du bouton rouge résonna contre les murs lorsque sa main assurée le pressa, éteignant de ce fait la machine tampon. Sa respiration s’accéléra avec l’angoisse et l’anticipation d’un déferlement qui tardait à venir tandis qu’il scrutait tous les recoins de sa chambre. Peut-être ne l’avaient-ils pas suivi ? Peut-être que les effets perduraient encore un peu malgré tout ? Il perçut d’abord avec un intense soulagement les pensées du personnel du laboratoire qui parfois s’approchaient ou s’éloignaient, arpentant certainement les couloirs ou les étages dans un rayon plus ou moins resserré. Il sentit son corps se détendre avec délectation lorsqu’il remarqua que personne ne pensait vraiment à lui, ou plutôt à lui faire le moindre mal. Les petites mains de cette grande installation vaquaient à leurs occupations et le monde continuait de tourner.

Mais ensuite il entendit les cris et sentit le froid. Un nuage informe de fantômes sembla émerger des murs en un amoncellement de mains décharnées, d’yeux exorbités et de bouches hurlantes prêtes à se jeter sur lui. Une cacophonique qu’il était le seul à entendre, une tempête qu’il était le seul à essuyer dans le silence le plus complet de la nuit. Dès l’instant où il était revenu du pont et où ces fantômes avaient posé leurs yeux sur lui, dès l’instant où son esprit tel un phare avait éclairé le peu de conscience qu’il leur restait, un lien c’était créé et il leur était possible de le retrouver, peu importe l’endroit. La seule barrière qui le protégeait un tant soit peu était la machine tampon de Fanella et il le savait pertinemment.

— Stop ! s’écria-t-il fermement et sa voix résonna contre les murs pour outrepasser celles des fantômes.

Surpris par son ton aussi vindicatif, le nuage difforme s’interrompit et se sépara tandis que les esprits désincarnés des soldats l’entouraient progressivement. Il ne les reconnaissait pas tous, certains avaient du arriver après sa mort mais les autres l'accusaient de tout leurs maux. Eugène pouvait lire en eux la panique, le désespoir, leurs dernières souffrances comme figées sur leurs visages mais le problème n’avait pas changé depuis la dernière fois, il ne pouvait rien faire pour eux si ce n’est leur infliger la réalité et mettre à nu l’existence même de leur propre mort. Peut-être qu’ils avaient le droit de le détester… mais ils n’avaient pas le droit de lui faire vivre un enfer pour cela. Il voulut ouvrir la bouche pour leur parler lorsqu’une colère dévorante sembla lui brûler le visage, comme si un obus venait d’exploser à quelques centimètres de lui. Au milieu des masses translucides, Volgin apparut à son tour dans sa tenue militaire rouge, son visage déformé par une rage corrosive, tel qu’Eugène l’avait toujours connu.

Même son fantôme dépassait bien de trois têtes tous les autres avec son impressionnante carrure. Ses cheveux blonds coupés court encadraient un visage dur, comme taillé dans la roche, lézardé de cicatrices qui remontaient jusqu’à son crâne et descendaient jusqu’à ses bras, comme des crevasses profondes semblables à un tronc dont l’impact avec la foudre aurait creusé d'innombrables sillons. Ses yeux d’un bleu électrique eux même lançaient des éclairs. C’était après tout ce qui faisait le plus peur chez lui ; sa capacité à emmagasiner de l’électricité et à la relâcher. Sa souffrance perpétuelle et son sadisme qu’il déversait sur les autres en un vain espoir d’être apaisé. Ils étaient deux monstres, deux expériences ratées et c’était la raison pour laquelle l’existence même d’Eugène lui avait toujours été intolérable. Il lui rappelait tout ce qui n’allait pas chez lui, tout ce qui était mauvais et à quel point il était une erreur de la nature.

Eugène n’avait jamais réussi à le détester malgré les coups, les insultes, les humiliations. Tout simplement parce qu’il était bien le seul incapable d’être sourd à son passé et à sa douleur. Il avait vu son père mort de ses mains hanter toutes ses décisions, découler de tout ses actes de violences et, en un sens, il avait toujours eu un brin d’espoir pour Volgin. De quoi rendre son existence encore plus insupportable aux yeux de son ancien commandant, tout comme son nouveau retour à la vie et le fait qu'il l'ait entraîné jusqu'en Amérique, pays qu'il haïssait plus que tout.

— Dégagez de là ! hurla-t-il à plein poumons sur les autres fantômes qui s’écartèrent et disparurent de terreur pour certains d’entre eux.

Eugène lui-même s’enfonça dans son lit en tremblant pour se faire plus petit, réflexe bien ancré de sa vie d’avant. Il se refusa néanmoins à fermer les yeux pour laisser passer l’orage. C’était lui maintenant qui était en position de force pour l’affronter. Des éclairs avaient beau sortir des poings de Volgin, à part lui pourrir la nuit, ou plus largement la vie, il n’était plus capable de lui faire du mal. Il se le répéta à plusieurs reprises pour ne pas céder à la panique lorsque le fantôme furieux se jeta sur lui et tenta de se saisir de son cou mais sans grand succès, si ce n’est lui causer cette désagréable sensation glacée qui le fit greloter.

— Qu’est-ce que tu as osé me faire ?

Plus ou moins comme les autres fantômes, il ne comprenait ni son état, ni où il était. Mais il savait tout des pouvoirs d’Eugène et pensait, à tort, que ce dernier était revenu d’entre les morts pour l’attaquer. Revenu vivant où sous forme de fantôme ?  Même là, les pensées du soldat russe enragé n’étaient pas cohérentes et se bousculaient mais continuaient d’alimenter une colère irréfléchie. Le médium dut user de ses pouvoirs pour lui faire lâcher prise et se redresser. Face à une telle agression, il ne se demanda heureusement pas si c’était la bonne chose à faire ou non.

— Recule, lui ordonna-t-il le plus calmement possible malgré son cœur qui tambourinait dans sa poitrine. Je n’hésiterai pas à rallumer la machine à la moindre chose qui me déplait, fais attention ! Ce n'est plus toi qui décide maintenant et je ne te laisserai pas me faire du mal !

Volgin écarquilla les yeux de stupeur et se figea l’espace d’un instant, à la manière des autres fantômes précédemment, peu habitués à ce que le médium fasse preuve de caractère ou de fermeté. Ils l'avaient toujours connu dépressif et éteint mais une nouvelle vigueur se cachait en lui désormais. La surprise chez le colonel qui avait reculé se transforma bien vite en un sourire malsain ; dans son esprit Eugène venait de lui donner exactement ce qu’il voulait, une excuse pour lui faire le plus mal possible.

— C’est une menace ? Le petit Eugène qui fait que chouiner s'essaye aux menaces ? T'es mignon mais je me rappelle que tu l'es encore plus quand je te fais crier.

— Si tu ne parviens pas à garder la tête froide et à avoir une conversation avec moi, ça deviendra plus qu'une menace.

Eugène voyait déjà dans son esprit se dessiner tout ce qu’il pourrait bien lui faire et la douleur de ses souvenirs se rappela à lui, manquant de lui faire perdre pied. Il tendit à nouveau la main au-dessus du bouton de la machine tampon en tremblant pour prouver à quel point il était sérieux. Et en même temps, il savait qu’il en demandait beaucoup à quelqu’un qui, de son vivant, n’avait jamais vraiment su garder le contrôle sur lui-même. Comme il s’y attendait, cela eut le don de l’enrager encore plus et les deux hommes virent soudain noir, incapable de réfléchir et corrompus par les mêmes émotions. Volgin avait toujours eu beaucoup de mal à obéir aux ordres alors si en plus ils venaient d’un être pathétique comme Eugène, l’humiliation devenait totale.

— La seule conversation à laquelle tu vas avoir droit, c’est celle de mon poing dans ta figure de sale crevard !

Il tenta de se jeter sur lui à nouveau et Eugène n’eut pas d’autre choix que d’écraser sa main sur la machine pour la rallumer. Volgin disparut ainsi que les autres fantômes avant de pouvoir l’atteindre et Eugène se retrouva seul avec lui-même à nouveau, complètement paniqué au fond de son lit. Trempé de sueur, sa tête lui tourna longtemps, son cœur palpitant avec fureur dans ses tempes ce qui n’arrangea en rien son mal de tête. C’était peut-être bien le fantôme qui allait lui donner le plus de fil à retordre mais il était hors de question de se cacher derrière la machine tampon toute sa vie. Il attendit une heure ou deux de s’être un peu remis de ses émotions pour l’éteindre une nouvelle fois et entamer le second round de sa nuit. Les esprits des vivants et des morts lui apparurent à nouveau mais bien plus doucement que la première fois. Ils ne semblaient pas avoir vraiment bougé même si Volgin se tenait d’un côté de la pièce et les autres à l’opposé, le plus discrètement possible.

— Tu es toujours là… constata-t-il plus calmement.

Il était toujours en colère évidemment mais elle semblait être redescendue de plusieurs crans et il restait à distance, les bras fermement croisés pour essayer de se contrôler. Il faisait des efforts même s’il se sentait lui aussi perdu et paniqué. Autant de sentiments qu’il attribuait à de la faiblesse et qui finissaient dans le même four, le seul et unique qui semblait fonctionner, celui qui tournait à plein régime pour tout brûler et détruire sur son passage.

— Et tu voudrais que j’aille où ? râla-t-il d’une vois sombre.

— Je sais, je suis désolé de t’avoir attiré à moi comme ça, s’excusa Eugène avec tristesse. Et je suis désolé de t’annoncer que tu es mort.

Le seul endroit où il pouvait encore aller, c’était l’entre deux, pour y disparaitre. Il crut percevoir en osant chercher un peu plus loin que son entre deux ressemblait à un luxueux jardin qui faisait douloureusement écho à celui de sa maison d’enfance. Un véritable enfer donc, tout comme la réalisation de ce qu’Eugène venait de dire.

— T’es en train de foutre la merde dans ma tête et je t’ai dit de jamais faire ça si tu veux pas mourir…

Le volcan menaçait de se réveiller à nouveau mais pour l’instant, malgré la fureur, sa voix restait calme et il ne bougeait pas. C’était presque encore plus terrifiant que de le voir essayer de le tuer.

— Réfléchis Volgin, s’il te plait. Moi aussi je suis mort tu t’en rappelles ?

L’intéressé s’interrompit pour effectivement réfléchir, essayer de démêler la chronologie de ses propres souvenirs, s’aider de cette chambre au matériel définitivement plus avancé que tout ce qu'il avait connu pour se repositionner dans la réalité mais l’exercice semblait vain. Eugène reformula donc sa question.

— En quelle année crois-tu que nous sommes ?

Volgin hésita encore une seconde et grimaça. Dans sa tête défilaient les dernières choses dont il se rappelait ; le sabotage du tank nucléaire par un américain infiltré alors qu’il comptait l’utiliser pour renverser Gorbatchev et instaurer un nouveau dirigeant à la tête de la Russie, en pleine guerre froide. Aveuglé par l’envie de le voir mort, il avait pris le commandement du tank presque inutilisable à mains nues, se reliant à la machinerie via les câbles électriques pour le piloter. Il avait vu le fantôme d’Eugène, il avait senti la pluie sur sa peau, le bruit d’un éclair. Après, il ne se rappelait plus.

— En 64, marmonna-t-il sombrement. 1964. Et toi tu es mort en 62.

Eugène hocha la tête gravement puisque cette chronologie était correcte. Mais pour tous les deux, soixante ans avaient passé. Cela semblait ouvrir un abysse vertigineux sous ses pieds.

— Nous sommes en 2021, Volgin… 1964 c’est l’année de ta mort. Et moi je… je sors d'une expédition qui m'a ramené à la vie, grâce à Fanella, une scientifique.

Le visage du colonel se déforma de colère à nouveau, incapable d’entendre ses explications. Visiblement ce n’était pas quelque chose qu’il souhaitait entendre ou accepter. C’était compréhensible. Le ton du médium ne laissait que peu de place au doute ; il ne cherchait pas à bluffer et ne semblait pas mentir. L'horreur de se retrouver dans la patrie qui avait depuis toujours été son ennemie, d'avoir fini par mourir en laissant son entreprise inachevée alors qu'Eugène était de retour finit par avoir raison de Volgin.

— Ferme là, c’est impossible ! Je te crois pas !

Les autres fantômes disparurent lorsque par rage et dépit il se jeta sur eux, à défaut de pouvoir faire mal au médium. C’était son monde, leur monde à présent, différent de celui de l’homme nouveau qu’il était, qui faisait de nouveau partie des vivants. Incapable de dire quoi que ce soit, l’ancien fantôme laissa son vieux camarade hurler et tenter de frapper les murs et le matériel des heures durant. Il fit trembler la petite table à côté de lui, bouger le tensiomètre pendant qu'Eugène tâchait de se concentrer sur sa respiration pour rester le plus calme possible. Il n'avait jamais senti son corps aussi tendu et douloureux cela dit. Plusieurs fois il voulut l’attaquer mais le médium gardait la main proche de la machine tampon pour l’en dissuader.

Il fit son possible pour ne rien laisser paraître de l’enfer qui se déroulait dans la pièce lorsque l’infirmière vint voir s’il dormait et qu’il mentit à moitié en disant que ça ne devrait plus tarder mais ses constantes devaient parler pour lui, obligées de dire la vérité. En réalité, comme la veille, Eugène ne put s’endormir qu’en toute fin de nuit, lorsque la fatigue vint surprendre Volgin à son tour et qu’il se délita temporairement, l’esprit vide de toute pensée et que sa colère se fut changée en une profonde tristesse à force de lutter en vain contre l’horrible réalité. Il n’eut pas besoin de rallumer le générateur pour être tranquille, même si les soignants vinrent le réveiller seulement quelques heures plus tard.

Son mal de tête avait eu le temps de devenir déchirant après cette nuit mouvementée et il accepta les médicaments avec son petit déjeuner sans broncher. Puis il fallut le laver et son esprit dut affronter cette nouvelle épreuve tant bien que mal même s’il préféra s’éteindre à certains moments plutôt que de voir les images dans l’esprit des infirmières. Globalement, malgré ce passage très gênant pour sa dignité, il se sentait à nouveau plus apaisé car plus en contrôle de la situation maintenant qu'on ne pouvait plus rien lui cacher. Mais toutes ces expériences l’avaient laissé relativement fatigué et assommé. Volgin revint avant Fanella, complètement fermé à toute tentative de discussion. Il se contentait de flotter dans un coin de la tête, le regard noir mais le déni semblait se déliter peu à peu. Eugène préféra l’ignorer que de risquer encore sa colère.

Il était en train de l’observer en chien de faïence lorsque son amie poussa finalement la porte de sa chambre et ce fut soudain comme s’il n’existait plus. Il était tellement content de la voir, tellement content de la percevoir même, entière, même si son esprit semblait toujours accaparé par l’expérience qu’elle avait vécue et qui se jouait encore en boucle devant ses yeux. La tristesse se mélangea à la joie à niveau équivalents. Il fit de son mieux pour tenir à l’écart les pensées culpabilisatrices et tendit faiblement sa main vers elle quand elle s’installa sur une chaise à côté de lui.

— Je suis désolée, je n’ai pas vu l’heure ce matin. Et toi ça va ? Tu as dormi comment ?  

— Ce n’est pas grave tu avais besoin de repos et moi j’ai été pas mal occupé, avoua-t-il.

Son sourire était un peu ému de pouvoir percevoir ses pensées à nouveau, qu’elles soient emplies des conséquences de la mission, de calculs scientifiques ou juste de ce qu’elle ressentait en le voyant. En disant ses mots, il ne put s’empêcher de risquer encore un regard vers Volgin qui observait lui aussi Fanella mais avec une intensité et des émotions tout autres.

— Encore une chienne de scientifique, après tout ce que t’as vécu on aurait pu croire que t’en aurais eu marre de ces gens, tu dois aimer te faire tripoter de partout pour la science, l’entendit-il marmonner.

Il essaya de ne pas y prêter attention mais les mauvais souvenirs repassèrent encore une fois devant ses yeux alors il les plongea dans ceux de son amie fermement. Fanella n’était pas comme les autres scientifiques, personne ici ne l’était, sauf Tanner à l’époque mais lui non plus il ne voulait pas y repenser. Cela sembla embêter Volgin de se faire ignorer de la sorte mais c'était la meilleure solution.

— Ça va, répondit-il à la jeune femme pour essayer de la rassurer. J’ai éteint la machine tampon alors j’ai mal à la tête et je suis un peu fatigué mais… je gère. Et toi, tu vas bien ?

Il crut entendre Volgin émettre un rire narquois et moqueur mais sa menace tenait toujours ; s’il le trouvait trop insupportable, il l’éteindrait une nouvelle fois. Il préférait ça que de le voir gâcher tous les futurs moments qu’il allait passer avec Fanella.
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# Re: Enfin de RetourDim 26 Juin - 19:27
Fanella était heureuse de retrouver Eugène en bon état après l’avoir laissé là toute une nuit. Elle s’attendait à tout quand elle avait poussé la porte, mais il semblait à peu près en forme, même si visiblement fatigué encore par une nuit difficile. Les infirmières lui avaient dit qu’il avait éteint la machine tampon. Pour la chercheuse c’était bon signe  : il avait trouvé la force de vaincre ses vieux démons. Etrangement, l’idée qu’il pouvait lire ses pensées la rassurait, elle retrouvait leur lien familier et transparent. D’un mot elle s’excusa de ne pas être venue plus tôt mais le lever du soleil l’avait prise de court. Elle se rendait compte à présent à quel point elle avait été épuisée depuis le voyage et à quel point elle était heureuse d’être rentrée et qu’ils aillent bien tous les deux. Restait la déflagration qu’elle entendait parfois, et ce sentiment d’angoisse qui finirait bien par la laisser en paix tôt ou tard.

— Ce n’est pas grave tu avais besoin de repos et moi j’ai été pas mal occupé, déclara-t-il.

Il marqua une pause et Fanella se contenta de rester là avec lui parce qu’elle ne savait pas bien quoi dire de plus. L’espace d’une seconde, elle se demanda si un fantôme se trouvait avec eux. En tout cas Eugène semblait calme c’était le principal.

— Ça va, poursuivit-il d’un ton qui se voulait rassurant. J’ai éteint la machine tampon alors j’ai mal à la tête et je suis un peu fatigué mais… je gère. Et toi, tu vas bien ?

Fanella lui sourit.

— Oui, les infirmières de la nuit m’on dit. C’est bien, c’était sûrement une étape nécessaire. J'espère que Carter pourra trouver une solution pour tes maux de tête...Je vais travailler sur la réduction de la machine. Avec l’équipe production on devrait arriver à faire quelque chose qui ferait la taille d’un montre par exemple… ça serait un peu moins puissant… tu nous diras si c’est assez.


De nouveau son esprit s’emplissait de calculs, il essayait déjà d’assembler les composants de telle sorte qu’ils prennent le moins de place possible. Les chiffres se succédaient, elle voulait limiter au maximum la perte d’amplitude. Avec un peu d’ingéniosité il n’y avait là rien d’impossible.

— Sinon, moi ça va,
reprit-elle. Enfin… Carter m’a donné des cachets pour me calmer… ça marche plus ou moins. Je dois le voir ce soir pour discuter un peu.

Repenser à cette expérience si particulière plongeait son esprit dans la confusion. Les images remplissaient les chiffres, les quatre murs sombre de la petite chambre d’Eugène, les visages tordus de douleur. Joy sur le pont et sa dernière déclaration d’amour. Fanella s’agita sur sa chaise. Eugène lisait les pensées et lui non plus n’avait sûrement pas envie de repenser à tout cela. Mieux valait un changement de sujet, même malhabile.

—Il faut aussi que je te parle de la suite. J’ai discuté avec Jonathan et on a pris une décision.


Fanella espérait qu’Eugène prendrait bien la chose. Elle-même restait convaincue que c’était le plus sage. Elle voulait lui montrer la vie, pas passer ses journées dans le laboratoire à conduire des expériences autour de ses capacités. Et puis comme Jonathan l’avait souligné, les études de la mort étaient loin d’être terminés. À présent qu’Eugène avait retrouvé son corps, il était temps d’allumer le générateur de nouveau et de poursuivre son exploration. Distraitement, elle pensa à quoi ressemblerait la vie les temps prochains, entre le laboratoire et les sorties au restaurant, les visites en ville, le cinéma et les balades au bord du lac. Elle s’imagina lui tenir la main et rire avec lui. Restait que pour l’instant, il était plus ou moins cloitré dans son lit.
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# Re: Enfin de RetourLun 27 Juin - 19:21
Eugène glissait de temps en temps quelques regards en direction de Volgin dans le coin de la pièce qui les observait d’un air sombre. S’il voulait tenter quoi que ce soit contre lui ou contre Fanella, il rallumerait la machine et ce dernier devait s’en douter car il tentait tant bien que mal de garder son énervement pour lui. La scientifique dut vaguement remarquer ce petit manège puisqu’elle se demanda mentalement si d’autres fantômes étaient dans la pièce. Mais puisqu’elle ne formula pas la question, le médium préféra pour l’instant ne pas lui répondre. Il voulait juste profiter de ce moment où il pouvait à nouveau la percevoir entière, son corps et ses pensées. Il avait attendu avec impatience le jour où cela arriverait même si cela le forçait à manquer d’intimité ou à subir des mots de tête incessants.

— Oui, les infirmières de la nuit m’on dit. C’est bien, c’était sûrement une étape nécessaire. J'espère que Carter pourra trouver une solution pour tes maux de tête...Je vais travailler sur la réduction de la machine. Avec l’équipe production on devrait arriver à faire quelque chose qui ferait la taille d’un montre par exemple… ça serait un peu moins puissant… tu nous diras si c’est assez.

La seule solution viable était celle à laquelle Eugène ne voulait pas penser, c’est-à-dire une opération. L’idée qu’on puisse lui ouvrir le cerveau encore une fois, même pour retirer les puces, le pétrifiait de terreur et son corps semblait se rappeler de toutes ces sensations horribles, comme si elles étaient toujours attachées à lui comme des sangsues dont il ne parvenait pas à se débarrasser. Même la mort ne semblait pas les avoir retirées et en même temps, cela ne le surprenait guère. En revanche l’idée de pouvoir discrètement porter une machine tampon et la possibilité de l’activer à tout moment semblait un confort qu’il pouvait presque toucher du doigt, espérait même avec tout son être.

— Ce serait… vraiment fantastique.

L’émotion faisait trembler sa voix. Fanella faisait encore tellement pour lui, elle ne semblait jamais s’arrêter. Tandis que son esprit s’emplissait familièrement de calculs qu’il ne comprenait pas, Eugène chercha timidement à prendre sa main dans la sienne. La sensation fut plus qu’étrange puisqu’il eut l’espace de quelque seconde l’impression que les calculs venaient de son cerveau alors qu’il n’y comprenait toujours absolument rien. Au moins cela l’aida à séparer leurs pensées même s’ils se touchaient et que cela faisait battre leur cœur à l’unisson.

— Sinon, moi ça va, enfin… Carter m’a donné des cachets pour me calmer… ça marche plus ou moins. Je dois le voir ce soir pour discuter un peu.

— Je suis vraiment désolé que tu doives subir tout ça… j’espère que tu finiras par aller mieux.

Un instant, il avait voulu ajouter ‘’à cause de moi’’ mais il savait pertinemment qu’elle lui aurait sans doute encore fait une remarque sur le fait qu’il se culpabilisait, peut-être pour rien. Les pensées de la jeune femme étaient tournées vers de douloureux souvenirs qui n’étaient pas les siens mais bien ceux d’Eugène, ceux de sa vie parsemée de tristesse et sa mort. Son crops la sentit comme si elle était là, toute proche, sur le point d’arriver à nouveau. Il baissa les yeux en la lâchant et récupéra sa main pour éviter que la situation n’empire. Il crut entendre Volgin marmonner que leur petit manège lui donnait la nausée mais il savait que ce n’était que pour être méchant ; un fantôme ne pouvait pas réellement avoir envie de vomir. Eugène lui le pouvait maintenant et il fit de son mieux pour se décrisper. Heureusement, Fanella changea de sujet et les sombres pensées qui l’habitaient la suivirent.

— Il faut aussi que je te parle de la suite. J’ai discuté avec Jonathan et on a pris une décision.

Eugène eut d’abord un peu peur de ce qu’elle pouvait bien avoir à lui dire tandis que son cerveau récupérait des bribes de la fameuse discussion. Et surtout, il comprenait les motivations qui poussaient Fanella à céder sa place à Jonathan dans les recherches. Elle voulait passer du temps avec lui, le voir comme un humain et pas comme un être surnaturel enfermé dans un laboratoire. Ses joues prirent un peu de couleur lorsqu’il se laissa entraîner par son imagination et se vit manger au restaurant ou aller au cinéma avec elle.

— Il va s’occuper de moi c’est ça ? devina-t-il sans grande difficulté. Tant qu’il est au clair avec ça et bienveillant avec moi… ça me va. Mais je le saurais bien vite.

Le scientifique avait eu l’air très perturbé par son retour à la vie et Eugène n’avait dès lors pas eu l’occasion de le voir ou de lire dans ses pensées. Qui pouvait savoir ce qui se tramait dans son esprit. Il espérait pouvoir lui parler pour s’en faire une idée et se rassurer. Une autre partie de lui craignait que Fanella l’oublie un peu et se consacre aux nouveaux fantômes qu’elle ramènerait avec le générateur. Il devait bien s’en trouver certains qui étaient plus intéressants que lui. L’instant d’après, il se trouva idiot d’avoir pensé une telle chose et le regretta. Fanella ne rêvait pas de projets à deux pour l’oublier dans un coin. Tout ce qu’il voulait, c’était que sa relation avec Jonathan se passe pour le mieux et qu’elle ne pâtisse pas sur le travail qu’ils auraient à faire ensemble. Et surtout, il voulait terriblement sortir de ce lit et passer du temps avec la jeune femme. Il essaya bien de bouger ses pieds sous les draps mais cela ne semblait pas donner grand-chose à part lui rappeler à quel point il se sentait lourd et engourdi.

— J’ai vraiment hâte de pouvoir sortir avec toi.

L’instant d’après, en se rendant compte de ses mots, il rougit jusqu’au bout des oreilles et s’agita en essayant de se rattraper. Pris d’un coup de chaud, il crut se sentit transpirer comme s’il avait couru un marathon.

— Euh… sortir dans le sens… sortir du laboratoire, aller marcher un peu, enfin, tu vois, bredouilla-t-il. Peut-être avec un fauteuil roulant, tu crois que j’aurais le droit ?

— Oh putain, ta femme doit s’en retourner dans sa tombe je l’entends d’ici. Accroche-lui une dynamo et elle va faire plus d’électricité que moi, ricana Volgin qui lui-même avait eu du mal à cacher un semblant d’expression choquée mais voulait maintenant profiter de la situation.

A l’évocation de Joy, la chaleur que ressentait Eugène sembla se transformer en glace, comme si on lui avait jeté un seau d’eau remplie de glaçons. Bien sûr, Volgin savait exactement où appuyer pour faire mal et il ne cachait pas sa fierté devant la face blessée du médium.

— Tu ferais mieux de te taire, une remarque comme ça je m'en serais bien passé… sinon je rallume la machine, lui lança-t-il d’une voix exaspérée.

L’instant d’après il se souvint que Fanella était là à côté de lui et qu’elle ne pouvait pas voir celui qui hantait ses pas. Dans tous les cas, elle aurait fini par être au courant. Il crut un instant que son ancien supérieur allait laisser éclater sa colère à nouveau mais il semblait si ravi de son petit effet, d’avoir tout gâché, qu’il n’en fut rien et qu’il resta planté dans son coin à le regarder d’un air moqueur. C’était pire que de le voir disparaitre pour Eugène et donc préférable pour lui qui avait décidé de lui pourrir la vie.
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# Re: Enfin de RetourDim 3 Juil - 12:07
La première chose que Fanella avait faite ce matin là fut de demander des nouvelles d’Eugène. Elle avait été soulagée de le voir et avait commencé à lui parler de la réduction de la machine tempon qui serait son premier gros projet après leur retour. Elle se demandait simplement si, une fois la machine éteinte, des fantômes étaient présents à écouter cette conversation.

— Ce serait… vraiment fantastique, lui répondit Eugène avec un large sourire.

Elle n’aurait pas pensé que cela le toucherait à ce point, et puis elle essaya comme elle l’avait déjà fait plusieurs fois, de s’imaginer avec ce don. Sans compter les fantômes éventuels. A la réflexion, il y avait là de quoi être vraiment soulagé. Elle espérait réussir à faire cela pour lui mais après tout, ça ne pouvait pas être plus difficile que de ramener quelqu’un à la vie. Elle peinait encore à s’apercevoir que c’était bien ce qu’elle avait fait. Elle avait beau le voir, lui parler, il y avait là quelque chose d’inconcevable. Lorsqu’il prit sa main, elle s’attendait presque à la sensation froide et fantomatique à laquelle elle avait fini par s’habituer un peu. Mais c’était une main humaine, une main d’homme. Elle s’empourpra immédiatement, incapable de dire quoique ce soit, pendant que les calculs s’interrompaient brusquement dans sa tête, remplacés par une émotions chaleureuse qui se passait de mots. Elle lui répondit par un simple sourire.

Ils échangèrent quelques nouvelles depuis la veille. Elle avait parlé des cachets de Carter et de sa nuit de sommeil plutôt moyenne. Dans la soirée, elle devait voir le médecin pour parler avec lui plus sérieusement de ce qu’elle avait vécu. Evoquer ce sujet la renvoyait évidemment aux douloureuses images de leur voyage. Lorsqu’elle sentit la main d’Eugène se retirer, elle se souvint brusquement qu’elle venait de les lui imposer. Il fallait passer à autre chose et vite.

— Je suis vraiment désolé que tu doives subir tout ça… j’espère que tu finiras par aller mieux, commenta l’ancien fantôme.

Elle voulu le rassurer lui dire que cela allait passer, mais à présent elle ne pouvait plus lui mentir. Carter était confiant mais maintenant que ses images étaient gravés dans sa mémoire, elle ne voyait pas comment elle pourrait retrouver le calme. Aussi, elle préféra changer de sujet.

— Il faut aussi que je te parle de la suite. J’ai discuté avec Jonathan et on a pris une décision.


La conversation de la veille repassa dans son esprit. Évidemment Eugène en compris l’essentiel sans qu’elle ait besoin de le formuler ce qui sans mentir, l’arrangeait plutôt. Cela voulait aussi dire qu’il avait vu les images de restaurants et de cinéma dans son esprit. Elle espéra ne pas lui avoir causer une trop grande frustration, étant donné qu’il était encore bloqué dans son lit jusqu’à nouvel ordre.

— Il va s’occuper de moi c’est ça ?  Tant qu’il est au clair avec ça et bienveillant avec moi… ça me va. Mais je le saurais bien vite.

Fanella voulu se montrer rassurante.

— Oui c’est ça. Tu as vécu… enfin vécu… tu es resté plusieurs semaines chez moi. Nous sommes en quelques sortes devenus amis. Jonathan pense que ça pourrait nuire à mon objectivité scientifique et de mon côté… je n’ai pas envie de faire des expériences sur toi. Évidemment Jonathan respectera toute la déontologie, ça implique ton consentement et que tu puisses le retirer à tout moment… ce sur quoi on s’était mis d’accord le jour où tu es apparu dans le générateur. Je reste son supérieur hiérarchique alors tu pourras venir me voir au moindre problème.


Elle marqua une pause avant d’ajouter, pour se rendre plus convaincante.

— Mais je lui fais entièrement confiance. Je sais qu’il ne fera rien qui pourrait te nuire.

Le sourire d’Eugène lui montra qu’il était convaincu. C’était plus facile que ce qu’elle pensait. L’absence de la machine devait aider. Il connaissait ses intentions. Il connaîtrait celles de Jonathan. Tout irait bien. Du moins c’est ce qu’elle se disait pour chasser le début d’angoisse qu’elle ressentait toujours en pensant à l’avenir.

— J’ai vraiment hâte de pouvoir sortir avec toi, lâcha soudain Eugène enthousiaste.

Immédiatement, les joues de Fanella s’empourprèrent. Tout à coup, l’idée d’aller au restaurant ou au cinéma avec Eugène prenait une autre connotation. Sans qu’elle puisse le contrôler son esprit les imagina dans toutes sortes de situations romantiques, au bord du lac, en voyage. Elle le regarda et elle réalisa soudain qu’il lui paraissait séduisant. Elle se demanda s’il serait grand, une fois debout.

— Euh… sortir dans le sens… sortir du laboratoire, aller marcher un peu, enfin, tu vois,
ajouta-t-il un peu hésitant. Peut-être avec un fauteuil roulant, tu crois que j’aurais le droit ?

Cette seconde phrase fit l’effet d’une douche froide à la jeune chercheuse. Évidement, elle avait compris ce qu’il voulait dire, elle savait qu’il ne venait pas de lui faire une déclaration, comme ça, au milieu de cette discussion. Plutôt cette correction montrait clairement à Fanella qu’Eugène n’avait pas perdu une miette de son ridicule et puérile cheminement de pensée. Elle baissa les yeux sans pouvoir l’éviter.

— Euh... je pense que oui... Je

Elle ne comprit pas pourquoi son visage se ferma soudain. Cela la terrifia. Sans qu’elle sut pourquoi, l’idée la traversa qu’après tout Eugène avait déjà été marié. Elle avait détourné le regard, à cause de la gêne aussi lorsqu’il prit la parole, sur un ton glacial qu’elle ne lui connaissait pas, elle sursauta légèrement.

— Tu ferais mieux de te taire, une remarque comme ça je m'en serais bien passé… sinon je rallume la machine.


Il fallut encore une seconde à Fanella pour comprendre que ce n’était pas à elle qu’il s’était adressé. Alors elle se souvint, les fantômes autour de lui. Quelqu’un était là, avec eux, depuis le début. Elle pria pour qu’Eugène oublie à tout jamais ce qu’elle avait pensé, et commença à regarder vainement autour d’elle.

— Il y a quelqu’un avec nous ?


Une question idiote. Elle savait qu’Eugène ne parlait pas tout seul. De qui qu’il s’agisse, cette personne avait l’air en plus d’être relativement hostile. Elle n’aimait pas cette idée et regretta de ne pas avoir installé des appareils de mesures dans l’infirmerie. En même temps qu’aurait-elle pu faire ?
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# Re: Enfin de RetourVen 8 Juil - 16:38
Fanella venait d’expliquer à Eugène pourquoi, à partir de maintenant, ce serait Jonathan qui prendrait en charge l’aspect scientifique de son retour à la vie et de ses capacités. De son côté, elle comptait travailler sur une nouvelle machine tampon et continuer d’appeler des fantômes par le biais du générateur. La jeune femme avait justifié cette décision par le fait qu’ils étaient trop proches et que cela risquait de brouiller son esprit objectif, ce qu’il comprenait tout à fait. Faire des expériences sur quelqu’un qu’on voulait voir comme un ami n’était pas chose aisée et en un sens, le médium lui-même était rassuré que ce soit le second du laboratoire qui s’en occupe. De cette manière, il pouvait lui aussi conserver cette relation qu’il appréciait tant avec la jeune femme, sans qu’elle ne soit entachée d’expériences peut être intrusives ou déplaisantes.

Eugène ne savait pas trop à quoi s’attendre, notamment concernant l’attitude de Jonathan ou ce que le travail allait être avec lui, ce qu’il allait bien pouvoir lui demander. Tout ce qu’il espérait, c’était de pouvoir laisser son passé derrière lui et parvenir à le considérer comme un collègue et pas comme un tortionnaire. Heureusement, Fanella lui avait rappelé qu’il avait un consentement à donner et le choix de continuer ou non. Cela le rassura, même s’il était aussi impatient de pouvoir en discuter à tête reposée avec Jonathan. En attendant, son esprit un peu plus serein préféra se perdre dans les images de l’esprit de Fanella, les promenades, les restaurants. Sa langue avait un peu fourché lorsqu’il avait avoué attendre avec impatience de pouvoir sortir avec elle.

La réaction de Volgin qui ne manquait pas une miette de la conversation ne se fit pas attendre, tout comme celle de son amie et ce fut une des pires déconvenues de son existence, que ce soit celle d’avant ou la nouvelle. Et l’esprit de Fanella s’emballa, faisant flasher dans le sien bon nombre d’images inventées de scènes romantiques. Une drôle d’émotion passa entre eux, douce et agréable mais immédiatement couverte par une honte crue et dure de la part du médium. Lorsqu’il tenta de se rattraper et de préciser le fond de sa pensée, l’entendre répondre que oui, éventuellement, sortir en fauteuil roulant était une possibilité, ne le transporta pas de joie. Volgin avait trahi le fond de sa pensée ; et Joy dans toute cette histoire ? Était-il vraiment prêt à faire une croix dessus ? N’avait-il donc rien n’appris de son destin tragique ? Il mettait en danger chaque personne avec qui il tentait de se lier. Fanella ne méritait pas le même sort que sa femme.

Avec ses angoisses qui revenaient au galop, son visage se ferma et il adressa une froide remarque à Volgin pour le faire taire, qui se renfrogna et se mit à trembler de colère. Seule la menace de la machine tampon semblait l’aider à se contenir suffisamment. En aucun cas la seule présence d’Eugène ne réussirait à le faire obéir. Bien évidemment, Fanella n’en manqua pas une miette puisqu’il avait parlé à voix haute.

— Il y a quelqu’un avec nous ?

Eugène ne voulait pas faire fuir Fanella mais il n’était pas question de lui mentir. Elle-même se doutait déjà qu’il n’allait pas parler tout seul sans aucune raison. Ce qui, déjà, était une réflexion peu amenée dans sa vie d’avant ; on avait toujours préféré le considérer comme fou. C’était plus rassurant que de se dire que les fantômes existaient bel et bien. Même pour Volgin qui semblait mécontent de se rendre compte qu’il avait été dans le faux toutes ces années. La scientifique, heureusement pour lui, en avait fait son sujet d’études et était plus ouverte à ce genre de choses.

— Oui… un ancien supérieur à moi pas sympathique du tout, soupira-t-il avant de tenter un vague trait d’humour. D’ailleurs, il agit un peu comme une machine tampon, cette nuit il y avait une quinzaine d’autres fantômes, mais il fait tellement peur et il est tellement insupportable qu’il les a tous fait fuir, il ne reste plus que lui…

— Tu pourrais me remercier alors, rétorqua Volgin avec un sourire à la fois narquois et malsain.

Agacé et fatigué de lui répondre, Eugène préféra une nouvelle fois se tourner vers son amie et ignorer le fantôme russe au fond de la pièce. La seule chose qu’il fallait retenir, c’est qu’il ne pouvait faire de mal à personne ici. Eugène se faisait mal tout seul avec ses souvenirs, qu’il aurait préféré oublier. Mais d’un autre côté, malgré sa maladresse et ce qui en avait découlé, il était toujours soulagé de pouvoir lire dans son amie une nouvelle fois.

— Il ne te fera rien je vais y veiller. Je n’ai presque pas perdu l’habitude de les supporter, même si ça ne m’avait pas manqué. Si on fait une sortie j’espère que je pourrais être un peu tranquille. Et... que ça va bien se passer. Tu crois que ça ira ? Que je vais y arriver ?

Il ne se voyait pas sortir avec la machine tampon allumée, au milieu d’une foule d’inconnus et totalement fermé à leurs pensées. L’idée même était bien trop angoissante. Si quelqu’un le reconnaissait, il ne s’en rendrait même pas compte, bien que ce soit hautement improbable. Au final, les murs du laboratoire semblaient devenir ironiquement rassurants par rapport à l’extérieur. Eugène se sentait déchiré entre son envie de vivre et celle de rester caché, pour qu’il ne lui arrive plus rien s’approchant du cauchemar duquel il venait de sortir.
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Fanella Ozark
# Re: Enfin de RetourVen 8 Juil - 18:50
Fanella venait de vivre un moment gênant. La phrase maladroite d’Eugène avait soulevé toutes sortes de pensées en elle. Elle avait prié pour qu’il ne relève pas. Heureusement, il se tenait à ce sur quoi ils s’étaient mis d’accord  : se contenter de ce qu’elle disait à haute voix, plutôt que de reprendre chacune de ses pensées. Puis l’ancien fantôme avait parlé d’une voix froide qu’elle ne lui connaissait pas et alors, elle avait compris. Quelqu’un se trouvait avec eux. Quelqu’un qu’elle ne pouvait pas voir malgré qu’elle observe chaque recoin de la pièce. Elle avait beau avoir étudié le phénomène en long en large et en travers, cela lui faisait malgré tout froid dans le dos. La plupart des fantômes étaient incohérents en train de répéter en boucle les restes de leur volonté qui n’avait pas pu trouvé sa vie. Ils rejouaient souvent en pantomime, les mêmes questions, les mêmes évènements. Mais Eugène agissait probablement comme un espèce de petit générateur ce qui rendait celui-ci capable de s’exprimer, d’interagir.

— Oui… un ancien supérieur à moi pas sympathique du tout,
soupira-t-il. D’ailleurs, il agit un peu comme une machine tampon, cette nuit il y avait une quinzaine d’autres fantômes, mais il fait tellement peur et il est tellement insupportable qu’il les a tous fait fuir, il ne reste plus que lui…

Fanella n’était pas vraiment rassurée à l’idée d’avoir affaire à quelqu’un qui avait persécuté Eugène par le passé. La pensée qu’il avait près de lui un de ses tortionnaires ne l’aidait pas à rester calme. Mais surtout elle aurait voulu que tout cela reste à sa place  : dans le passé. Malheureusement le temps ne semblait pas vouloir s’écouler dans l’entre deux. L’idée la traversa que le pire dans tout ça était sans que la volonté d’Eugène n’était pas étrangère à ce phénomène. Quelques calculs filèrent dans son esprit mais elle ne connaissait pas le poids en antimatière de ce fantôme ni la longueur de son front inversé. Quelque chose lui disait qu’il était plus lourd que la moyenne. Puis l’idée la traversa que la volonté du fantôme en question devait aussi entrer en ligne de compte. Pour qu’il ait traversé l’océan avec eux, il n’y avait pas d’autre explication. Soudain l’intrus ne lui sembla plus si menaçant.

— Dites-moi ? demanda-t-elle au vide, pourquoi avez-vous jugé utile de traverser un océan juste pour venir nous persécuter ? Pourquoi n’avez-vous pas franchi l’entre-deux pour mourir ? Si votre seule motivation c’est de faire des remarques, alors c’est assez pathétique. Alors on va faire comme si vous n’étiez pas là, jusqu’à ce que vous vous décidiez à gagner en maturité et à partir.

Juste après elle réalisa que si « en théorie » il ne pouvait rien lui arriver. Eugène était le seul à avoir l’habitude de la présence de fantômes conscient d’eux-même. Elle attendait anxieusement et rien ne se passa.

— Il ne te fera rien je vais y veiller, reprit le fantôme. Je n’ai presque pas perdu l’habitude de les supporter, même si ça ne m’avait pas manqué. Si on fait une sortie j’espère que je pourrais être un peu tranquille. Et... que ça va bien se passer. Tu crois que ça ira ? Que je vais y arriver ?

Eugène avait finalement répondu à sa question silencieuse alors elle se rassura. Après tout, elle avait peut-être pris un risque inconsidéré. Elle décida de mettre en pratique ce qu’elle venait de décider et répondit à Eugène en essayant d’ignorer le sentiment de présence qui rampait sous sa peau.

— Je verrais peut-être pour quelqu’un de la sécurité nous surveille de loin, mais je pense que ça devrait aller. C’était un autre époque. Plus personne ne te connaît et j’ai menti aux agents de la CIA pendant que tu étais parti…

Elle eut un sourire parce que le simple fait qu’elle mente était en soi improbable.

— Ils pensent que je ne sais pas ce qui a refermé le trou noir.


Puis elle réalisa que la fin de sa question laissait penser que sa crainte était peut-être ailleurs. Alors elle prit sa main doucement et le regarda droit dans les yeux.

— Je sais que tu n’as pas l’habitude de la vie « normale ». Peut-être qu’au début ça va te faire peur, alors ça prendra le temps que ça prendra, à mesure que ton corps ira mieux aussi… mais je suis sûre que tu peux le faire. Tu as fait la guerre après tout alors…

Après tout ce qu’Eugène avait traversé, elle ne doutait pas une seconde qu’il soit capable, tôt ou tard, d’affronter cette nouvelle épreuve.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Enfin de RetourSam 9 Juil - 11:07
Tout comme Fanella, Eugène aurait préféré que Volgin reste dans le passé. Qu’il ne réapparaisse plus jamais ou meure tranquillement. Mais cela semblait ne pas avoir été le cas et les dernières sensations de la vie s’éteignant en lui brulaient encore, marquées au fer rouge dans son esprit, à défaut d’avoir encore de la chair et des nerfs pour transmettre la douleur. Après cela, le mystère était complet. Cela faisait 60 ans… capacités électriques ou pas, il aurait du s’éteindre, disparaitre, terminer son voyage depuis bien longtemps. Eugène avait peur des conclusions qui commençaient à se former mais seul le russe dans la pièce avec eux serait en capacité de se reconnecter à lui-même pour trouver la réponse.

Comme la jeune femme n’était pas vraiment rassurée de savoir qu’ils n’étaient pas seuls, il avait tenté un trait d’humour maladroit en disant que son ancien commandant agissait un peu comme une machine tampon à lui tout seul mais il y avait là quelque chose de profondément triste également. Même dans la mort il repoussait tout le monde par la peur et la violence. Il n’aurait donc jamais connu autre chose que cela. Et pour tout le mauvais qu’il y avait en Volgin, pour tout ce qu’il avait fait, Eugène était le seul à voir encore la possibilité du bon à exister en lui. Mais maintenant qu’il était dans l’entre deux c’était un peu tard. Une pensée de Fanella le fit néanmoins cogiter ; elle parlait de sa volonté. Cela impliquait-t-il que Volgin soit là parce qu’il le voulait ? Comme une manière de se punir ou de se raccrocher encore à son passé ? Eugène s’enfonça dans ses coussins, terrifié à cette idée et il ne vit pas les mots se dessiner sur les lèvres de son amie avant qu’ils ne s’échappent, faute de quoi il l’en aurait très certainement empêchée.

— Dites-moi ? Pourquoi avez-vous jugé utile de traverser un océan juste pour venir nous persécuter ? Pourquoi n’avez-vous pas franchi l’entre-deux pour mourir ? Si votre seule motivation c’est de faire des remarques, alors c’est assez pathétique. Alors on va faire comme si vous n’étiez pas là, jusqu’à ce que vous vous décidiez à gagner en maturité et à partir.

Il la regarda avec des yeux emplis de terreur, tétanisé, comme si elle venait d’acter devant lui le début d’une nouvelle guerre. Volgin s’était redressé aussi furieusement qu’il n’était abasourdi. Jamais une femme n’avait osé lui dire plus que deux ou trois mots. Alors phrases complètes argumentées saupoudrées d’un zeste de jugement irrespectueux, c’était une grande première. Il serrait et desserrait les poings en une vaine tentative pour se calmer. Il se savait déjà perdant, la machine tampon était toujours à côté d’Eugène. Ce dernier essaya de se reprendre et d’une voix distincte, la rassura sur le fait qu’il ne laisserait rien lui arriver, à bon entendeur. Il doutait que cette mise en garde calme le monstre qui était présent avec eux. Mais plutôt que de nourrir encore son ressentiment avec une remarque, il préféra rester lui aussi tourné vers Fanella qui appliquait ses paroles ; elle l’ignorait superbement pour continuer leur discussion.

— Je verrais peut-être pour quelqu’un de la sécurité nous surveille de loin, mais je pense que ça devrait aller. C’était un autre époque. Plus personne ne te connaît et j’ai menti aux agents de la CIA pendant que tu étais parti… Ils pensent que je ne sais pas ce qui a refermé le trou noir.

Eugène aurait aimé pouvoir se concentrer sur ses paroles mais c’était comme si un barrage était prêt à céder dans un coin de la pièce, il pouvait en sentir toutes les secousses et les tressautements. Il voulait penser à l’extérieur, aux sorties et savoir qu’on les surveillerait de loin le rassurait autant que l’embêtait de ne pas avoir un réel moment seul avec elle. Il avait vu la discussion avec les agents de la CIA dans son esprit, il s’en rappelait. Mais rien ne garantissait qu’ils n’avaient pas continué à les surveiller au cas où. Fanella reprit sa main et ses pensées étaient déjà bien plus apaisantes que les souvenirs que le médium avait implantés dans son esprit.

— Je sais que tu n’as pas l’habitude de la vie « normale ». Peut-être qu’au début ça va te faire peur, alors ça prendra le temps que ça prendra, à mesure que ton corps ira mieux aussi… mais je suis sûre que tu peux le faire. Tu as fait la guerre après tout alors…

— C'est vrai... ça devrait bien se passer alors.

La colère se délita au fur et à mesure que les pensées de la jeune femme devenaient siennes au travers de leurs mains serrées l’une contre l’autre. Il lui sourit franchement. Elle avait raison, il était passé par tant de choses… sortir et profite de la vie ne devait pas être si pire que de sauter en parachute. Et surtout, Fanella était à ses côtés. Dépasser ses limites et faire preuve de courage semblait moins impossible dès lors qu’elle était présente. Il aurait voulu placer tous ces mots dans une phrase pour lui faire comprendre sans pour autant amener à un autre moment gênant à quel point elle l’aidait à aller de l’avant mais Volgin ne sembla pas accepter plus longtemps qu’on l’ignore ou de rester dans le silence, ordonné par une femme qui plus est.

— N’importe quoi, rageait-il entre ses dents serrées, c’est vraiment n’importe quoi… elle se prend pour qui… D’où elle sort cette putain de scientifique qui croit qu’elle a des remarques à me faire ?

Par réflexe et par peur, parce qu’il fallait se préparer à toute éventualité, Eugène lâcha la main de Fanella à nouveau et ses sourcils se froncèrent en une expression déplaisante et inquiète, son attention à nouveau braquée sur le fond de la pièce.

— D’accord Volgin, Fanella à peut être un peu manqué de tact, admit-il même si en réalité, il donnait totalement raison à la jeune femme. Mais elle a raison, nous ne sommes pas là pour subir tes remarques donc si ses paroles te déplaisent, tu peux sortir et revenir quand tu es calmé. Aucun de nous deux n’a envie de rallumer cette machine.

Il avait beau lire ses pensées, le médium ne savait vraiment pas par quel bout prendre toute cette tempête. En même temps, la foudre ne se prenait pas en main. Elle filait entre les doigts, s’affaiblissant au passage mais laissant de douloureuses blessures. Sa colère semblait vouée à éclater. Sortir serait admettre l’ascendant de la jeune femme sur lui, ou tout simplement une défaite et c’était inenvisageable. Il était prêt à se jeter sur elle et Eugène sentit son esprit dériver en plein orage, d’horribles images de corps mutilés flashant devant ses yeux. Il se voyait déjà lui arracher tout ce qu’il pouvait atteindre et cela devint vite insupportable.

— Espèce de sale chienne, hurla-t-il comme si Fanella pouvait l’entendre. Si Eugène est pas capable de te dresser je vais m’en charger ! Personne n’a le droit de me parler comme ça !

— Ne t’approche pas d’elle où je m’énerve ! s’écria Eugène en se redressant comme il pouvait dans son lit, lui aussi emporté par l’élan de colère qui tempêtait dans leurs esprits conjoints.

C’était peine perdue et Volgin ne l’entendait plus à nouveau. Alors que son poing se fermait déjà à quelques centimètres d’une scientifique qui ne voyait rien venir, Eugène tendit le bras pour repousser son fantôme qui partit à travers le mur comme si une bourrasque l’avait brusquement soufflé hors de la réalité. L’instant d’après, Eugène crut revoir avec panique, tandis que leurs esprits étaient encore connectés, l’entre deux dans lequel il venait de renvoyer Volgin défiler devant ses yeux, comme un plongeon vertigineux, comme si le sol avait disparu sous ses pieds. Il lui sembla l’espace d’une seconde se retrouver avec lui dans un corps, ou peut être ce qu’il en restait, une ébauche difforme, brûlée et couverte de câbles mais la souffrance fut si intolérable qu’elle ne dura qu’une fraction de seconde. L’instant d’après, le médium était de retour dans son lit, la tête entre ses mains tremblantes et l’esprit du colonel russe avait disparu, chassé dans un endroit dont lui-même venait d’échapper.

— Oh zut… gémit-il doucement. Là je sais pas dans quel état il va revenir…

Une douleur lancinante se mit à battre au fond de sa tête, qu’il connaissait bien mais qu’il aurait voulu ne jamais revivre. Une goutte de sang tâcha ses draps et il savait qu’il saignait du nez mais là encore, cela ne le surprit pas trop. Il n’avait quasiment jamais renvoyé un fantôme à l’entre deux de cette manière. Seuls les plus horribles et envahissants avaient eu droit à ce traitement mais ces images et sensations… Eugène craignait que l’esprit de Volgin n’ait un instant fait la même chose que le sien à l’aube de sa renaissance ; qu’il n’ait rejoint son corps l’espace d’un instant. C’était peut-être encore pire, de se dire qu’il était prisonnier parce que d’autres tentaient de conserver ce qui restait de lui artificiellement. Eugène avait été prisonnier de lui-même en quelque sorte, Volgin était prisonnier des autres. Mais il ne pourrait en avoir le cœur net que s’il revenait. Et il ne pouvait en être certain.
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# Re: Enfin de RetourDim 10 Juil - 16:31
Fanella et Eugène s’étaient finalement mis d’accord pour ignorer le fantôme près d’eux malgré l’aura menaçante que la jeune femme sentait. Ils avaient reprit leur discussion alors que le revenant se demandait s’il pourrait sortir bientôt. Elle essaya de le rassurer. La sécurité requise serait en place et après toute les épreuves qu’il avait affrontées, celle-là devait forcément être à sa portée. Elle avait prit sa main pour l’aider à la croire.

— C'est vrai... ça devrait bien se passer alors conclut Eugène.

Ils partagèrent encore un peu cette fragile complicité et Fanella se sentit un peu mieux, contente d’avoir pu l’aider à rester optimiste alors qu’il était toujours cloué au lit. Mais peu après, Eugène retira sa main de la sienne, son regard levé un peu plus haut que son épaule, fixait le mur derrière elle. Ses traits s’agitaient d’une angoisse de plus en plus important. Elle se retourna elle aussi mais évidemment elle ne voyait rien. L’angoisse monta en elle à nouveau.

— D’accord Volgin, Fanella à peut être un peu manqué de tact, répondit Eugène au fantôme qu’elle n’entendait pas. Mais elle a raison, nous ne sommes pas là pour subir tes remarques donc si ses paroles te déplaisent, tu peux sortir et revenir quand tu es calmé. Aucun de nous deux n’a envie de rallumer cette machine.

Elle avait espéré que ces paroles suffiraient à calmer le spectre, mais visiblement elle ne savait pas à qui elle avait à faire. Le visage d’Eugène ne fit que se déformer encore un peu plus. Inquiète elle se leva de la chaise où elle était installée, sans savoir quoi faire ou quoi dire pour intervenir dans cette discussion dont elle n’entendait que la moitié.

— Ne t’approche pas d’elle où je m’énerve ! reprit Eugène qui se redressait maladroitement sur ses oreillers.

Paniqué, Fanella fit le tour du lit manqua de trébucher et plaça sa main juste au dessus de la machine tampon. Pour autant elle ne pouvait se résoudre à la rallumer. Elle cru que tout serait terminé lorsque le bras d’Eugène battit dans l’air comme s’il cherchait à chasser quelque chose. Cependant une expression de pure douleur décorait à présent son visage. Elle n’osa rien dire et rien faire. Et si éteindre la machine empirait les choses. Et s’il restait coincé dans cet état ? Elle ne pouvait rien faire à part attendre. Heureusement, il ne se passa pas plus de quelques secondes avant qu’Eugène ne semble revenir à lui.

— Oh zut… articula-t-il avec peine. Là je sais pas dans quel état il va revenir…

Fanella fut d’abord soulagée.

— Il est parti  ?
demanda-t-elle encore pour se rassurer.

Ne pas voir ce qui la menaçait avait vraiment quelque chose de terrible. Elle se jura d’installer des appareils ici, mais après tout, il lui faudrait l’accord d’Eugène pour ça. Le soulagement commençait à la gagner lorsqu’elle s’aperçu qu’il saignait du nez.

— Eugène ça va ? Tu saignes… Je vais appeler les infirmières.

Elle doutait cependant qu’elles puissent beaucoup aider.
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# Re: Enfin de RetourVen 15 Juil - 14:07
A l’avertissement d’Eugène envers Volgin, Fanella elle-même s’était tenue prête à réagir, allant jusqu’à contourner le lit pour atteindre la machine tampon. Le médium ignorait si le fantôme pouvait effectivement lui faire du mal ou non mais il ne voulait pas prendre ce risque. Sans la machine, il n’aurait jamais pu tenir tête à l’un de ces anciens tortionnaires mais à présent, il voulait se débrouiller sans. Se priver de ses pouvoirs, se couper de son amie pour avoir la paix semblait un prix encore un peu lourd à payer. Volgin avait préféré céder à ses pulsions qu’entendre la menace mais lorsqu’Eugène avait voulu le renvoyer dans l’entre deux, tout ne s’était pas déroulé exactement comme prévu et l’espace d’un instant, il avait cru être parti avec lui en enfer.

— Il est parti ? demanda Fanella dont la voix lui rappela la réalité.

Eugène hocha la tête douloureusement, ce qu’il regretta immédiatement puisque son mal de tête ne fit qu’empirer, battant à ses oreilles et derrière ses yeux. Il prit une grande inspiration pour se calmer et balaya les images et les sensations de ce corps qui n’était pas le sien et dans lequel il s’était retrouvé pendant une seconde. C’était comme s’il était dans l’entre deux aussi, mort mais maintenu vivant par des machines.

— Désolé... il n'a jamais été facile à vivre. Tu dois être la première femme à lui avoir tenu tête c'était impressionnant. Il est parti oui, j’ai voulu le renvoyer dans l’entre deux mais.. au lieu de ça, avant de l’atteindre, il lui est arrivé la même chose qu’à moi je crois. Il a transité par son corps, même si ça n’a duré qu’un instant. Je ne sais pas trop ce que ça aura comme conséquences sur lui et comment il prendra le fait que je vais avoir bien du mal à l'aider.

Fanella et Jonathan avaient parlé d’ubiquité. Encore une fois, Eugène n’était pas sûre d’avoir tout compris à leur chariabia scientifique de l’époque, juste qu’il s’agissait de se retrouver à deux endroits en même temps, plus ou moins. Il n’en aurait le cœur net que lorsque Volgin reviendrait. Il était presque sûr qu’il reviendrait. Encore plus si son corps était toujours là, sans parler de la volonté de cet homme qui était colossale. S’il ignorait précédemment ce qui lui était arrivé ou s’il l’avait occulté, la petite manœuvre d’Eugène avait peut-être changé la donne. Restait un problème de taille ; malgré ses pouvoirs il ne pourrait très certainement rien faire pour l’aider. Et cela risquait d’être très dur à accepter. Eugène ne savait pas où se trouvait son corps mais se mouiller vu sa situation n'était pas une option. Il ne voulait pas gâcher sa seconde chance.

— Eugène ça va ? Tu saignes… Je vais appeler les infirmières.

L’intéressé essuya son nez du dos de sa main et retrouva effectivement du sang dessus mais cela ne l’effraya pas le moins du monde. Il avait de la chance qu’il ne coule pas de ses oreilles ou de ses yeux, comme à chaque fois qu’il abusait de ses pouvoirs. Et ce n’était même pas du fait des puces, juste un avertissement de son cerveau qui lui disait de ne pas pousser trop loin, surtout s’il n’avait plus l’habitude.

— C’est normal, essaya-t-il de lui dire pour la rassurer. Mais je veux bien qu’elles me donnent quelque chose pour le mal de tête celui là est… un peu plus violent.

Il se rappela de Carter qui voulait lui faire subir une opération pour enlever les puces. La douleur par contre ne pouvait venir que d’elles. Malgré la peur, il se demanda quand elle pourrait bien avoir lieu.
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Fanella Ozark
# Re: Enfin de RetourDim 17 Juil - 16:58
La menace semblait écartée, mais Fanella avait besoin de s’en assurer. Elle avait vu Eugène chasser le spectre mais il semblait soudain souffrir. Anxieusement, elle lui avait demandé s’il était bien parti.

— Désolé... il n'a jamais été facile à vivre. Tu dois être la première femme à lui avoir tenu tête c'était impressionnant.

Fanella risqua un sourire malgré le caractère inquiétant de toute cette situation. La place des femmes avait bien changé depuis l’époque d’Eugène et de son tortionnaire.

— Il va falloir qu’il s’y fasse… nous sommes sensés être l’égal des hommes maintenant.

Du chemin restait à faire dans cette direction encore évidemment. Elle eut sans savoir pourquoi une pensée pour Joy, une femme dans l’armée à cette époque là. Quel cauchemar cela devait être.

— Il est parti oui, reprit Eugène, j’ai voulu le renvoyer dans l’entre deux mais.. au lieu de ça, avant de l’atteindre, il lui est arrivé la même chose qu’à moi je crois. Il a transité par son corps, même si ça n’a duré qu’un instant. Je ne sais pas trop ce que ça aura comme conséquences sur lui et comment il prendra le fait que je vais avoir bien du mal à l'aider.

Une fois certaine que le danger était écarté, l’esprit de Fanella se remit en route. Pourquoi aurai-il transité par son corps ? Ce n’était pas quelque chose qui arrivait fréquemment aux fantômes à moins que….

— Son corps est maintenu en vie, déduisit-elle, sinon il ne peut pas y transiter depuis une si grande distance. S’il ubiquite… ça veut dire que s’il en a la volonté il peut réintégrer son corps.

Alors que l’angoisse la gagnait à nouveau elle continua.

— Pourquoi est-ce que… cela veut dire que… les gens qui font ça… ils savent… ils savent qu’il est possible de… ça serait complètement fou  !

Certains avaient l’espoir de ramener ce fantôme à la vie comme ils l’avaient fait pour Eugène. Mais tenir un corps de la sorte indiquait qu’ils n’avaient pas de bonnes intentions. D’autres déductions suivirent les premières, pire encore.

— Tu ne dois plus jamais le toucher comme ça, Eugène. Si tu sais ce qui s’est passé, alors ça veut dire que pendant une fraction de seconde, ton esprit était là bas aussi à des milliers de kilomètres de là.


Et si cela avait duré plus d’une fraction de seconde qui savait ce qui aurait pu se produire. La prochaine fois à la moindre menace, elle rallumerait la machine plutôt que de courir le risque de le savoir. Pour ne rien arranger Eugène saignait maintenant du nez. Son visage exprimait une douleur importante. Elle n’aimait pas ça. Dans son esprit le coup de feu retentit encore et elle fit de son mieux pour en chasser le son et l’odeur.

— C’est normal, lui répondit Eugène lorsqu’elle lui fit remarquer. ]b]Mais je veux bien qu’elles me donnent quelque chose pour le mal de tête celui là est… un peu plus violent.[/b]

Sans plus attendre la jeune femme pressa le bouton. L’infirmière ne se fit pas attendre. Elle passa son visage souriant par la porte. Son sourire tomba rapidement lorsqu’elle vit Eugène, le sang qui maculait son visage et son expression.

— Oh…que se passe-t-il ici ? Sur une échelle de 1 à 10 comment est la douleur ?

Finalement, toute cette situation nécessita l’intervention de Carter. D’une part l’infirmière voulait s’assurer que la pression intracrânienne n’était pas trop élevée. Ensuite, elle ne pouvait pas prendre seule la décision d’administrer de puissants anti-douleur. Le médecin arriva sur les lieux seulement une dizaine de minute plus tard. Avec le consentement d’Eugène il lui donna de quoi calmer sa tête.

— Tu vas être sonné Eugène mais ça va aller, d’accord ?

Les heures suivantes ne furent qu’un brouillard pour Eugène, mais au moins elles se déroulèrent sans qu’il ne souffre. Il fut difficile pour lui de savoir à quel moment exactement Fanella l’avait laissé pour aller travailler. Les infirmières allèrent et vinrent pour vérifier qu’il n’avait besoin de rien. Lorsqu’il émergea à nouveau quelque peu, il était seul à nouveau. Quelques dizaines de minutes plus tard, Carter passa la tête par la porte de la chambre.

— Alors, comment vas tu ? Tu as émergé un peu ? J’aurais besoin de te parler…

Comme toujours, Carter affichait un large sourire mais cette fois, quelque chose semblait le mettre de particulièrement bonne humeur.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Enfin de RetourDim 17 Juil - 22:22
Eugène avait tenté d'expliquer à Fanella ce qui venait de lui arriver. L'esprit de Volgin avait ubiquité dans son corps et il l'avait accompagné un instant. Cela aurait pu être très dangereux. Mais pire encore cela voulait dire qu'une organisation conservait le corps du militaire quelque part et faisait on ne savait pas bien quoi avec. Eugène avait peur des conséquences qui découleraient de la simple connaissance de cette information. La scientifique en tira elle aussi des conclusions catastrophiques.

— Son corps est maintenu en vie, sinon il ne peut pas y transiter depuis une si grande distance. S’il ubiquite… ça veut dire que s’il en a la volonté il peut réintégrer son corps. Pourquoi est-ce que… cela veut dire que… les gens qui font ça… ils savent… ils savent qu’il est possible de… ça serait complètement fou  !

Eugène avait du mal à croire que d'autres gens aient pu arriver au même niveau que Fanella sur ce terrain d'études. S'ils étaient au courant pour Volgin, ils devaient être au courant pour lui aussi et auraient déjà tenté de récupérer son corps également. Il songea que Fanella n'était pas au courant d'a quel point son ancien collègue était exceptionnel aussi.

— Non je ne pense pas qu'ils soient au courant. Volgin était spécial, comme moi, expliqua-t-il. Mais son truc à lui c'était l'électricité. La foudre l'a frappé lorsqu'il avait 8 ans et son père a fait des expériences sur lui par la suite. Il pouvait dès lors utiliser l'électricité que son corps produisait comme bon lui semblait.

Eugène se rappelait encore de la douleur perpétuelle de ce corps continuellement en proie a des décharges. Même s'il avait été doté de bonté, Volgin n'aurait pas eu le choix que de libérer toute cette énergie qui hurlait continuellement en lui pour sortir.

— Si on a conservé son corps quelque part c'est sans doute pour étudier cette particularité. C'est ce qui serait arrivé à mes anciens camarades si on avait pu mettre la main sur leurs corps, voire à moi aussi.

Et surtout Volgin était mort brûlé vif. Ironie du sort, il avait été foudroyé une nouvelle fois tandis qu'il pilotait un tank nucléaire déjà bien saboté. Ses poings serrés autour des câbles dénudés qui formaient l'électronique dirigeant le moteur, il avait fini par prendre feu. Même Eugène l'avait cru mort, ou sur le point de mourir. Il s'avérait que ce n'était qu'a moitié arrivé. Même s'il le voulait cependant, il ne voyait pas comment Volgin pourrait réintégrer ce corps en morceaux.

— Tu ne dois plus jamais le toucher comme ça, Eugène. Si tu sais ce qui s’est passé, alors ça veut dire que pendant une fraction de seconde, ton esprit était là bas aussi à des milliers de kilomètres de là.

— Oui je ne ferais plus ça ne t'en fais pas... je rallumerai la machine c'est plus sûr.

Il n'avait aucune envie de revivre ce passage encore une fois. D'ailleurs, si Volgin revenait, il risquait de ne pas en avoir envie non plus. Peut-être que cela serait un moyen de pression suffisant pour qu'il se tienne à carreaux. Lorsque Fanella remarqua qu'il saignait du nez, elle appela l'infirmière qui ne tarda pas à venir l'ausculter. Cela ne semblait pas si grave au medium mais après tout on ne savait jamais et il n'était pas encore en état de se servir de son corps en entier. Ses impressions étaient peut être biaisées.

— Oh…que se passe-t-il ici ? Sur une échelle de 1 à 10 comment est la douleur ?[/b]

Eugène réfléchit un instant sur sa douleur et à combien il pouvait bien la quantifier. Assurément il avait connu pire, il avait même déjà passé des heures à ignorer de telles douleurs sur le champ de bataille. Mais ici, la guerre n'avait pas lieu et il avait l'option de faire passer cet inconvénient qui lui pourrissait la vie.

— Je ne sais pas trop... je dirais 6, finit-il par dire en espérant que le chiffre ne soit pas trop inquiétant.

Finalement Carter vint les rejoindre et on lui donna quelque chose de bien plus fort qu'un simple paracétamol. Eugène ne questionna pas la substance puisque de toute façon, il lisait dans l'esprit de tout le monde que c'était pour son bien. Et peut être que si cela l'assommait un peu, il pourrait se reposer après sa nuit mouvementée. Au bout d'environ un quart d'heure, la douleur se dissipa en même temps qu'arrivait un étrange brouillard, de ceux qu'il avait rarement expérimentés même dans sa vie d'avant. Il crut s'être endormi et avoir rêvé du moment ou Fanella prenait congé pour retourner travailler, la réalité prenant une autre dimension cotonneuse, agréable parce que dénuée de douleurs et d'angoisses.

Eugène devait avoir dormi quelques heures puisque lorsqu'il ouvrit les yeux, la lumière des néons de la pièce l'éblouirent quelque peu et sa bouche était pâteuse. Il était seul à nouveau mais percevait quelques pensées éparses tout autour de lui, faibles échos dont il n'avait pas la force d'analyser le contenu. Cette petite sieste impromptue lui avait fait du bien, même si sa tête tournait encore, sans doute les derniers effets du traitement qui disparaissaient. Il n'avait plus mal et ne voyait toujours aucune trace de Volgin autour de lui.Ce n'était pas plus mal. Finalement, tandis qu'il terminait d'émerger et tentait du mieux qu'il pouvait de porter son verre d'eau à ses lèvres, Carter revint le voir.

— Alors, comment vas tu ? Tu as émergé un peu ? J’aurais besoin de te parler…

Eugène lui sourit un peu tandis qu'il s'installait à ses côtés, contaminé par la bonne humeur du médecin. Une nouvelle fois il était content de percevoir ses émotions, sans quoi il aurait pu penser qu'il allait falloir évoquer quelque chose de grave ou de mauvaises nouvelles. Celles que Carter voulait lui apporter semblaient de bonne augure.

— Je crois que je suis encore un peu défoncé comme on dit, mais ça va mieux, affirma-t-il. Tu m'apportes des bonnes nouvelles on dirait.

C'était à la fois un état bien agréable et perturbant. Au moins il savait que c'était temporaire et qu'il pouvait en redemander si son état le nécessitait tout en restant dans un environnement sécurisé. Pourquoi tout ne s'était pas passé de cette manière autrefois ? Les souvenirs s'accompagnaient maintenant de tristesse et de colère lorsqu'il voyait le chemin que les scientifiques avaient sciemment rejeté, préférant en choisir un autre qui lui pourrirait la vie jusqu'à la fin. Du moins peut être pas jusqu'à la fin puisque Carter semblait avoir la solution en main.
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Fanella Ozark
# Re: Enfin de RetourSam 23 Juil - 22:58
Fanella avait laissé Eugène encore inquiète. Mais il allait vraisemblablement planer pour quelques heures et il devenait urgent de fabriquer cette machine tampon à taille réduite. Lorsqu’elle briefa l’équipe de production, les mots de l’ancien fantôme tournaient encore dans son esprit. Volgin et l’électricité. Elle était partagée entre la peur que lui inspirait cet homme et un peu de d’empathie pour lui. Et s’il pouvait exercer sa capacité au delà de la mort ? Après tout, il était logique de le penser, en temps que fantôme, Eugène lisait dans les pensées et manipulait les objets. En même temps son don à lui avait à voir avec la mort en quelques sortes… Quelle que soit sa dangerosité, rien ne justifiait en revanche de conduire des expériences sur le corps d’une personne décédée sans son consentement préalable. Sans parler d’expérimenter sur son propre fils. Etait-elle la seule scientifique à suivre encore un semblant de code de déontologie ? Mieux valait laisser l’ancien supérieur d’Eugène où il se trouvait maintenant et lui donner les moyens de se défendre lorsqu’il reviendrait. Cela arriverait nécessairement et qui pouvait prédire les conséquences si l’esprit d’Eugène se mettait à ubiquiter trop souvent ? Elle ferait sûrement quelques calculs dans la nuit, mais pour le moment, elle ne voulait pas y penser.

Heureusement le travail de la journée absorba son esprit. Malgré les recommandations de Jonathan, elle n’irait pas rallumer le générateur tant que le problème de la machine tampon ne serait pas réglé. Elle n’était pas sûre de connaître tous leurs prénoms, et la moitié n’avait aucune idée de ce à quoi servirait finalement ce projet sur lequel ils travaillaient tous d’arrache pied. Cependant, ils furent tous adorables avec elle, presque ravis qu’elle soit là, parce que c’était le signe que leur mission était importante. Elle ignora évidemment les quelques uns qui lui conseillèrent de manger quelque chose à midi, ou de se reposer un peu. L’angoisse ne la quittait malgré le traitement de Carter. Elle n’avait pas hâte d’être le soir et de reparler de tout cela. Elle faisait ce qu’elle faisait toujours  : fuir, remplir sa tête de calculs. Le soir venu, ils avaient bien avancé. Heureusement, Carter était venu la trouver plus tôt que prévu avec une bonne nouvelle qu’il devait aller annoncer à Eugène juste après. Elle espérait qu’il n’ait pas trop peur et accepte sa proposition. Les puces dans son cerveau faisaient à Fanella l’effet d’une bombe à retardement.

Carter voulait profiter de cette occasion. Il était assez rare que les choses tournent mieux que prévu. Aussi, il était allé trouvé Eugène un peu tôt peut-être. Alors lui avait demandé comment il se sentait si l’effet des antidouleurs n’obscurcissaient pas trop son esprit. Il n’était pas question de voler son consentement. De toute façon, il pourrait comme toujours se rétracter quand il le souhaiterait.

— Je crois que je suis encore un peu défoncé comme on dit, mais ça va mieux. Tu m'apportes des bonnes nouvelles on dirait.

Le médecin serait toujours déstabilisé par le fait qu’Eugène pouvait lire en lui, mais après tout, il n’avait rien à cacher. Il y avait là de quoi aller jusqu’au bout de l’approche Rogerienne sur la congruence mais ce n’était pas le sujet. Il fit un effort pour ne pas laisser son esprit partir en voyage.

— Oui tout à fait. J’ai un ami qui travailler pour médecin sans frontières. Il est neurochirurgien. L’association lui a fourni tout le matériel nécessaire pour opérer le cerveau, mais en version portative. C’est une vraie révolution… enfin… tu sais où je veux en venir non ?

Son esprit produisit malgré lui des images de l’opération en cours, Eugène scalp ouvert, son collègue avec des outils de précisions derrière lui et lui-même en face en train de lui montrer des images, pour vérifier à chaque instant l’état de ses fonctions, quelques infirmières en tenu de bloc tout autour d’eux. Il espéra que son patient ne se laisserait pas impressionner.

— Il faut être deux pour faire cette opération dans de bonnes conditions, comme tu viens de le voir, ajouta-t-il, considérant que des explications complémentaires étaient devenues inutiles. Avec son matériel, on pourrait faire ça ici, pas besoin d’aller à l’hôpital où on ne maîtriserait pas les allers et venues et où tu serais au milieu d’autres patients qui souffrent.

Son esprit produisit d’autres images d’Eugène avec un très gros bandages sur la tête en train de faire travailler ses jambes sur une grosse machine.

— Je pense qu’on a intérêt à t’opérer rapidement, reprit le médecin, à cause des puces, on peut faire un scanner mais pas d’IRM donc on risque de ne pas avoir des images très précises. Je ne vais pas te mentir, il se peut qu’on touche un peu à tes fonctions cérébrales, mais normalement, rien qu’on ne pourra pas rééduquer. Comme tu dois déjà réapprendre un certain nombre de choses je me dis que ça t’éviterait un sentiment de progresser, puis régresser…

Carter se représenta Eugène debout, avec un canne un sourire sur le visage, à côté de Fanella. Pour sûr, il la dépasserait de deux bonnes têtes. La jeune chercheuse était si petite après tout. Il se dit que finalement ses pensées étaient peut-être plus éloquentes que lui, tant qu’il ne les laissait pas trop divaguer.

— Je pense qu’il y a de très fortes chances que tu t’en sortes sans trop de dommages. Mais comme pour tout ici, on ne bougera pas une oreille sans ton consentement.

Tranquillement, Carter attendit de savoir ce qu’il en pensait. S’il était d’accord, Carter pouvait recontacter le docteur Mandalini dès ce soir. Il se frottait les mains par avance, son collègue risquait fort de se passionner autant que lui pour toute cette situation. Enfin… pour peu qu’il y croit.
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# Re: Enfin de RetourDim 24 Juil - 10:30
Carter était venu retrouver Eugène avec une bonne nouvelle à lui annoncer en tête. Ce dernier, qui se remettait doucement de son mal de tête et des médicaments administrés, ne savait même pas vraiment quelle heure de la journée il était, ni combien de temps il avait dormi, happé par le brouillard. Cloué au lit au fin fond de l’installation scientifique, la nuit aurait pu être bien avancée qu’il n’aurait rien remarqué. Ce n’était peut-être pas plus mal, s’il avait eu une fenêtre, il aurait passé son temps à observer l’extérieur, rêvant de l’arpenter. Et d’autres auraient pu le voir aussi, ce qui pour l’instant semblait provoquer une espèce d’angoisse chez lui et ravivait l’idée d’être reconnu ou découvert et qu’on précipite sa nouvelle vie dans l’enfer. Cette chambre lui convenait donc pour l’instant très bien et il demanda au médecin qui l’approchait de préciser la bonne nouvelle qui se dessinait dans son esprit.

— Oui tout à fait. J’ai un ami qui travaille pour médecin sans frontières. Il est neurochirurgien. L’association lui a fourni tout le matériel nécessaire pour opérer le cerveau, mais en version portative. C’est une vraie révolution… enfin… tu sais où je veux en venir non ?

Eugène hocha la tête, délaissant son sourire pour un air grave et un peu inquiet, palissant à vue d’œil. Les images horribles qui apparurent dans sa tête le forcèrent à fermer les yeux. Impossible de savoir si elles venaient de lui ou de Carter car il aurait très bien pu les imaginer. Il avait suivi la pose des puces dans l’esprit mauvais des chirurgiens. Cela aurait très bien pu être une image de son passé qui ressurgissait et dont il se serait passé. Mais ensuite elles changeaient, ce qui le poussa à croire que c’était bien l’imagination du médecin qui lui transmettait le déroulé de l’opération et sa propre expérience qui se superposait au-dessus. Le bruit des scies, les vibrations étrangement indolores après l’anesthésie locale, les voix, les pinces… La nausée monta jusqu’à sa gorge mais il s’efforça de la bloquer et d’écouter les explications qu’on lui donnait pour ne pas se perdre dans le passé.

— Il faut être deux pour faire cette opération dans de bonnes conditions, comme tu viens de le voir, Avec son matériel, on pourrait faire ça ici, pas besoin d’aller à l’hôpital où on ne maîtriserait pas les allers et venues et où tu serais au milieu d’autres patients qui souffrent.

Il n’aurait pas voulu sortir pour aller à l’hôpital sans machine tampon. Comme il le disait si bien, les gens souffraient et les gens mourraient aussi là-bas. S’il devait subir une opération, mieux valait qu’il reste concentré. Rien ne garantissait qu’il puisse rester immobile s’il était pris dans le calvaire de nouveaux fantômes. Malgré tout, il n’arrivait pas à chasser les premières images monstrueuses de son cerveau à l’air libre et ce, même si Carter semblait passer à des choses plus réjouissantes. Une partie de lui voulait refuser, laisser les choses en l’état. Il ne voulait plus qu’on l’ouvre, ou qu’on rasse tout ses cheveux même s’ils repoussaient. Il voulait s’arracher au passé pas le revivre. Et en même temps, Carter semblait faire son maximum pour qu’il se sente en sécurité, pour faire venir l’opération à lui, il avait fait jouer ses relations.

— C’est mieux si je ne vais pas à l’hôpital, peina-t-il à articuler.

Ses deux mains s’étaient serrées, agrippées à la couverture sur ses genoux. Les médicaments ne faisaient clairement plus effet puisque la brume avait disparu et qu’il sentait son corps tendu à l’extrême, bien loin de la détente des heures précédentes. Peut-être qu’il pourrait allumer la machine tampon pour ne pas voir le chirurgien s’occuper de son cerveau ? Et en même temps, l’idée le paniquait de se couper aux pensées de quelqu’un qui tenait sa vie et son avenir au bout de ses doigts. Des larmes de détresse et d’indécision perlèrent au coin de ses yeux mais il continua d’écouter ce que le médecin avait à lui dire.

— Je pense qu’on a intérêt à t’opérer rapidement, à cause des puces, on peut faire un scanner mais pas d’IRM donc on risque de ne pas avoir des images très précises. Je ne vais pas te mentir, il se peut qu’on touche un peu à tes fonctions cérébrales, mais normalement, rien qu’on ne pourra pas rééduquer. Comme tu dois déjà réapprendre un certain nombre de choses je me dis que ça t’éviterait un sentiment de progresser, puis régresser… Je pense qu’il y a de très fortes chances que tu t’en sortes sans trop de dommages. Mais comme pour tout ici, on ne bougera pas une oreille sans ton consentement.

Ils s’imaginèrent ensemble Eugène en train de marcher, canne à la main. Il serait plus grand que Fanella, c’était sûr mais cette finalité semblait si loin. Il était clair que le médium préférerait tout réapprendre en même temps plutôt que de repartir encore une fois en arrière. Encore une fois, Carter avait pensé à lui dans cette réflexion, ce qui le changeait agréablement. Restait l’histoire des séquelles, qu’il aurait préféré totalement éviter. Et en même temps c’était logique ; les chercheurs qui lui avaient posé les puces avaient dû faire ça de telle façon qu’on ne puisse pas les retirer sans dommages. Comme une autre forme de punition, ou une sécurité supplémentaire au cas où il se rebelle et décide de les faire retirer.

— Sans trop de dommages, ça veut dire qu’il y en aura forcément, pointa-t-il avec une profonde tristesse. Je ne veux pas… perdre l’usage de la parole ou la vue, ne plus réussir à manger et qu’on me mette une sonde, ou je ne sais pas trop quoi. Ils ont dû rendre ça impossible à enlever sans m’arracher la moitié de la tête, c’est logique. Non, non, non… ça marchera pas. Je peux pas subir ça à nouveau, j'y arriverai pas et ça va mal finir.

Il voyait bien que l’opération pouvait se faire dès le lendemain, qu’un coup de fil suffirait. Mais cela revenait à expliquer qui il était à un nouveau médecin qu’il ne connaissait pas. Qui considérerait peut-être son cerveau comme un autre bout de viande, ou quelque chose de fascinant alors que ce n’était en réalité qu’une monstruosité. La douleur de refuser semblait écraser son cœur. Il savait que l’état dans lequel il était maintenant allait s’améliorer mais n’avait aucune garantie que ce soit toujours possible après l’opération malgré ce que Carter tentait de lui expliquer.

— Je suis conscient de ce que tu essayes de faire pour moi mais... On ferait peut-être mieux... de laisser les choses telles qu’elles sont. Je peux vivre avec, je l’ai fait pendant de longues années. C’est pas bien grave.

Le seul problème était la puce de localisation. Si elle fonctionnait toujours et si la CIA décidait de fouiller, il finirait par être découvert. Eugène était déçu de sa propre décision et les larmes coulèrent sur ses joues mais il était trop terrifié de ce qui pouvait arriver, de ce qu’il allait devoir subir à nouveau ou voir dans l’esprit des gens présents dans la salle d’opération. Son entourage avait beau lui dire le contraire, il n’était pas fort. Un lâche complètement paniqué ça oui, mais il ne voulait pas tout risquer alors qu’il venait à peine de revenir. Ce serait gâcher tout ce que Fanella avait fait pour lui.
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Fanella Ozark
# Re: Enfin de RetourDim 24 Juil - 14:46
Carter avait vu la détresse d’Eugène grandir sur son visage à mesure qu’il lui expliquait comment l’opération pourrait se dérouler. Lui qui pensait arriver avec de bonnes nouvelles, il avait le sentiment que son patient ne l’entendait pas de cette oreille du tout. Malgré tout, il ne s’interrompit pas lorsqu’il vit les larmes perler au coin de ses yeux. Il avait trop tendance à sous estimer la difficulté pour lui d’affronter tout cela. Au moins, il reconnaissait qu’il serait plus favorable de ne pas faire cette opération à l’hôpital.

— Sans trop de dommages, ça veut dire qu’il y en aura forcément, releva-t-il tristement. Je ne veux pas… perdre l’usage de la parole ou la vue, ne plus réussir à manger et qu’on me mette une sonde, ou je ne sais pas trop quoi. Ils ont dû rendre ça impossible à enlever sans m’arracher la moitié de la tête, c’est logique. Non, non, non… ça marchera pas. Je peux pas subir ça à nouveau, j'y arriverai pas et ça va mal finir.

Le médecin comprit qu’il s’était sans doute laisser emporté par trop d’enthousiasme. Néanmoins, il n’avait pas encore dit son dernier mot. Il entendait bien qu’Eugène était pris dans une pensée fataliste, ce qui en soit n’avait rien de surprenant. Alors il le laissa terminer tranquillement.

— Je suis conscient de ce que tu essayes de faire pour moi mais... On ferait peut-être mieux... de laisser les choses telles qu’elles sont. Je peux vivre avec, je l’ai fait pendant de longues années. C’est pas bien grave.


Carter n’était pas d’accord alors il décida de commencer par là.

— Je ne suis pas d’accord, je trouve au contraire que c’est assez grave. Ça te place dans une situation de douleur chronique et ça, ça impact très négativement la qualité de vie de n’importe qui. Après je suis d’accord que se retrouver privé de la parole ou de la vue, ce n’est pas forcément mieux. Si je te propose ça, c’est parce que je pense sincèrement que ça a de fortes chances d’améliorer les choses et pas de les empirer. C’est justement pour préserver la parole, le langage, les cinq sens qu’on fait ces opérations sous anesthésie locale. Comme ça on surveille en temps réel l’évolution pour éviter tout problème. Après, évidemment il y a toujours un risque à prendre et je m’attends à des séquelles dans l’après coup, mais comme je te disais, probablement rien qu’on ne pourra pas rééduquer sur le plus long terme…

Carter lâcha un soupire et se reprit, de toute façon il serait difficile de convaincre Eugène sur des arguments rationnels pour le moment, d’autant plus que son esprit produisait à nouveau des images du déroulement de l’opération sans qu’il puisse l’empêcher. Forcément celle qu’il avait connue avait du se produire dans d’autres conditions.

— Je comprends que ça soit très difficile pour toi d’envisager ça. Ce que je te propose dans un premier temps, c’est de m’accorder au moins la possibilité d’en parler à mon collègue et de faire un scanner ce qui est sans risques et pas du tout douloureux. Quand on aura une idée de où se trouvent les puces, on saura beaucoup mieux dire quels sont les risques exactement. Peut-être que tu pourras te prononcer après ça ? Qu’en penses-tu ?

Le médecin força dans ses pensées des images du scanner, l’injection à faire avant, le passage dans la machine, pour confirmer à Eugène qu’il ne risquait rien.  C’était un examen de routine qu’il avait fait des centaines de fois.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Enfin de RetourDim 24 Juil - 15:24
Eugène s’attendait à une bonne nouvelle de la part de Carter et cette dernière était en réalité très bonne, merveilleuse même. Il avait la possibilité de se faire opérer pour retirer les puces dans son cerveau. Mais les images qui flashaient dans son esprit des opérations précédentes et du déroulé de celle-ci transformaient son esprit en un oiseau fou piégé dans un piège à glu dont il était impossible de se dépêtrer. Le médecin avait aussi parlé des possibles séquelles qu’une telle opération engendrerait. Le médium n’avait pas pensé au fait que ses anciens tortionnaires s’étaient peut-être arrangés pour que les puces soient impossibles à enlever. Ce qui devait lui apporter de l’espoir se transformait peu à peu en calvaire et face au mur qui approchait, infranchissable, il avait préféré renoncer. Mais il voyait bien que l’homme en face de lui ne l’entendait pas de cette oreille. Et c’était normal. Ses arguments étaient très bons mais face à l’anxiété dévorante, ils ne pouvaient avoir raison.

— Je ne suis pas d’accord, je trouve au contraire que c’est assez grave. Ça te place dans une situation de douleur chronique et ça, ça impact très négativement la qualité de vie de n’importe qui. Après je suis d’accord que se retrouver privé de la parole ou de la vue, ce n’est pas forcément mieux. Si je te propose ça, c’est parce que je pense sincèrement que ça a de fortes chances d’améliorer les choses et pas de les empirer. C’est justement pour préserver la parole, le langage, les cinq sens qu’on fait ces opérations sous anesthésie locale. Comme ça on surveille en temps réel l’évolution pour éviter tout problème. Après, évidemment il y a toujours un risque à prendre et je m’attends à des séquelles dans l’après coup, mais comme je te disais, probablement rien qu’on ne pourra pas rééduquer sur le plus long terme…

La douleur, il s’en serait passé c’était vrai. Mais comme il l’avait énoncé, il avait toujours vécu avec plus ou moins. Rien ne garantissait qu’il perde un de ses sens, il s’agirait peut-être juste d’un membre un peu engourdi. Il n’arrivait pas encore à se servir de ses jambes donc il voyait très bien où Carter voulait en venir quand il parlait de tout rééduquer en même temps. Même si cela était rassurant, les images de l’opération ne l’aidaient pas à prendre une décision raisonnée.

— Je comprends que ça soit très difficile pour toi d’envisager ça. Ce que je te propose dans un premier temps, c’est de m’accorder au moins la possibilité d’en parler à mon collègue et de faire un scanner ce qui est sans risques et pas du tout douloureux. Quand on aura une idée de où se trouvent les puces, on saura beaucoup mieux dire quels sont les risques exactement. Peut-être que tu pourras te prononcer après ça ? Qu’en penses-tu ?

Eugène redressa un peu la tête et se rasséréna face à cette proposition qui lui semblait plus raisonnable. Il n’avait pas à décider de ce que serait le futur de sa vie dans l’instant. En cela, c’était un soulagement. Il avait besoin de plus de temps, de réfléchir à tête reposée. De savoir ce qu’en pensait Fanella. D’imaginer ce qu’en auraient pensé ses amis. Un examen ne le dérangeait pas, pareil pour un coup de fil entre collègues. Cela ne devait pas avoir de lourdes conséquences.

— Je préfère cette idée là… avoua-t-il avec une pointe de soulagement. Je n’arriverai pas à prendre une vraie décision aussi vite et je n’ai pas envie de tout gâcher par peur, c’est compliqué. Avec des examens, si ce n’est pas faisable, on le saura tout de suite. Je veux bien faire un scanner.

Même cela, il ne savait pas trop à quoi ça ressemblait. A l’époque, il avait fait quelques radios mais c’était plus facile d’ouvrir directement un crâne que de regarder ce qu’il y avait dedans via des machines. Celle qui se dessinait dans l’esprit de Carter était impressionnante mais toujours moins que l’opération. Il se calma un peu et ses mains se détendirent, laissant la pauvre couverture tranquille. Il allait lui falloir du temps pour faire siens les arguments de Carter mais il le lui laissait, ainsi que le choix. Et cela faisait déjà toute la différence.
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# Re: Enfin de RetourDim 31 Juil - 17:48
Carter avait été si content de retrouver son collègue. Le docteur Mandalini était très brun, la peau mat, assez petit, un regard noir et rieur. Physiquement tout le distinguait de Carter, sa grande taille et ses cheveux blonds. Ils partageaient la même lueur curieuse dans le regard. Le médecin d’Eugène ne s’était pas trompé lorsqu’il avait anticipé que son collègue aurait du mal à le croire. Seulement après lui avoir fourni quelques preuves tangibles, il avait déclaré. «  Décidément Carter, tu as le don te mettre dans toutes sortes de situations ». Il était bien obligé d’admettre que son ami avait raison. Passé l’incrédulité le docteur Mandalini s’était penché sur le cas d’Eugène tout en s’appuyant sur les premières données de Fanella avec toute la passion qui le caractérisait. Il avait conclut comme Carter que le plus simple serait de faire un scanner afin d’en savoir plus long sur la localisation des puces. Mandalini avait quelque peu temporisé l’enthousiasme de son collègue en évoquant la fragilité de l’air de Broca et d’autres zones dans lesquelles il était difficile d’opérer.  

Dès son arrivée, Mandalini avait remplit l’infirmerie de toutes sortes de machines étranges et pliantes d’où sortaient n’innombrables câbles. Il avait également amené pas moins de trois ordinateurs sur des tables à roulettes qui semblaient avoir vécu une guerre. Le scanner était arrivé en dernier, sur ses roues grinçantes.

Lorsque le docteur de médecin sans frontière fit connaissance avec Eugène, celui-ci put lire  en lui seulement des pensées curieuses et intéressés mais aussi bienveillantes et respectueuses. Mandalini n’avait jamais rencontré personne qui était revenu d’entre les morts et pour lui, cela forçait surtout le respect. Quelqu’un venu d’une autre époque et qui avait touché du doigt tant d’esprits, tant de pensées ne pouvait qu’être sage à ses yeux.

Carter l’avait mis en garde de ne pas surestimer Eugène et avait insisté auprès de son collègue sur les traumatismes qui émaillaient son histoire, en bon psychiatre qu’il était. Tous les deux prirent donc milles précautions pour qu’Eugène se sente à l’aise au moment de l’examen, ils prirent leur temps pour tout, afin qu’à aucun moment, il ne se sente coincé.
Lorsque vint le moment des résultats ils attendirent qu’Eugène soit confortablement installé dans son lit à nouveau, avant de se placer de part et d’autre de son lit. Tous deux arboraient un large sourire.

— Nous avons des bonnes nouvelles, commença Mandalini avec son fort accent indien, les puces sont bien moins profondément implantées qu’on pensait.

Il sortit de sa pochette une image en noir et blanc sur laquelle Eugène pouvait voir les longues tentacules de métal s’étendre à la surface.

— Elles sont juste ici, reprit le docteur, juste sous la pie mère au niveau des méninges… il n’y a presque pas de contact avec la matière grise mis à part ici, ici et là.

Les puces semblaient former comme une couche supplémentaire entre la pire mère et les méninges.

— Leur rôle en fait, poursuivit Carter, n’est pas de stimuler certaines zones comme on le pensait, mais juste de « serrer » en quelques sortes, pour augmenter la pression, d’où la douleur.  

— En conclusion,
reprit Mandalini, je dirais que les retirer est quasiment sans risques à ce jour. Le plus dangereux à ce stade ça va être l’anesthésie, les risques d’infections pour n’importe quelle opération.

— Mais évidemment, le choix reste le tien, conclut Carter avec un sourire encore un peu plus grand, si c’était seulement possible.

Carter espérait grandement qu’Eugène accepte malgré tout. Il serait beaucoup plus difficile de soigner les séquelles des traumas, et même de le rééduquer correctement s’il restait dans cette situation de douleur chronique. Aussi l’idée de pratiquer cette opération avec ce matériel de pointe et son collègue de toujours lui plaisait.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Enfin de RetourLun 1 Aoû - 12:20
Il n’avait pas fallu plus d’une journée à Carter pour mettre la situation en branle, comme un train qu’on démarrait une fois bien posé sur les rails. Journée durant laquelle Eugène avait eu du mal à rester tranquille, plongé dans une angoisse plus ou moins fiévreuse, alimentée par les images de l’opération à venir qui tournaient encore dans sa tête. Certains fantômes étaient revenus en l’absence de Volgin, tournant au-dessus de sa tête comme un nuage de lamentations. Il avait essayé de se demander ce qu’auraient bien pu en penser ses défunts amis. Son imagination triste et mélancolique leur avait redonné forme et parole et ils semblaient tous d’accord pour dire que c’était un risque à prendre et une opération à tenter. Fear avait même plaisanté en disant que c’était toujours mieux qu’un tournevis et une perceuse, une expérience qu’il avait tenté à l’époque avant que Joy ne l’empêche de réellement lui percer le crâne. Et Fury avait bel et bien réussi à griller la puce censée griller son cerveau, à l’époque. Il ne devait pas risquer grand-chose. L’instant d’après, il balayait ses fantômes inventés, honteux de son désespoir ridicule qui l’empêchait de prendre une décision.

Et puis il avait fini par rencontrer ce fameux Mandalini, venu avec tout son matériel pour lui faire passer le fameux scanner qui appuierait ou non le fameux choix déterminant auquel il était confronté. Eugène avait appréhendé ce premier contact, bien plus que sa rencontre avec Carter. En même temps, Carter n’était pas désigné pour lui ouvrir le cerveau, plutôt pour laisser Eugène se l’ouvrir tout seul devant lui, avec des mots. C’était toujours moins incisif qu’un scalpel et une scie à os, que d’être immobilisé par des sangles sur une table froide, complètement nu, sa vie à la merci de quelqu’un, totalement dépossédé de tout. Mais Mandalini ne semblait pas être un bon ami du psychiatre pour rien et Eugène put très vite se détendre dès les premières minutes. Il n’avait pas encore suffisamment l’habitude des médecins qui faisaient le bien autour d’eux. Les souvenirs de toutes ses opérations qui s’étaient bien passées, même dans des pays défavorisés ou le matériel manquait rendit le médium réciproquement respectueux. Bien évidemment, le chirurgien était au courant qu’il était revenu d’entre les morts, cela faisait ça de moins à expliquer.

Le scanner était là, prêt à être démarré, il l’attendait. Eugène n’en avait pas peur, il savait que l’examen n’était ni invasif ni douloureux. Allongé, il avait laissé la machine faire son travail, les yeux fermés, machine tampon allumée pour que les fantômes ne perturbent pas les résultats. Il avait essayé de se concentrer sur Fanella, sur une future sortie avec elle en ville pour oublier les petits bruits. C’était surtout cela, qu’il appréhendait ; les images qui allaient sortir de ce qui se trouvait à l’intérieur de sa tête et les conclusions que les deux médecins en tireraient. Il lui fallut bien évidemment attendre encore un peu d’être réinstallé dans son lit et que les résultats soient interprétés pour qu’ils reviennent le voir. Ils semblaient contents, ce qui le rassura un peu.

— Nous avons des bonnes nouvelles, les puces sont bien moins profondément implantées qu’on pensait. Elles sont juste ici, juste sous la pie mère au niveau des méninges… il n’y a presque pas de contact avec la matière grise mis à part ici, ici et là.

Mandalini lui montra l’image, qu’il n’osa pas prendre en main ni trop scruter dans les détails. Les branches métalliques dans sa tête sautaient aux yeux sans qu’il ait besoin de s’en approcher. Elles s’étendaient comme une pieuvre, jonchées de différents carrés qui ne pouvaient être que les puces. Il se détendit imperceptiblement à l’idée qu’elles n’étaient pas totalement collées à son cerveau, comme il le craignait.

— Leur rôle en fait n’est pas de stimuler certaines zones comme on le pensait, mais juste de « serrer » en quelques sortes, pour augmenter la pression, d’où la douleur.

— C’est logique oui, souffla Eugène. Il fallait une manière de me contrôler, de savoir où j’étais. Je pensais juste qu’ils auraient rendu cela plus difficile à extraire mais la technologie était bien loin d’être aussi pointue. C’était déjà un exploit en soi.

Le médium baissa un peu les yeux. Il avait honte d’avoir été utilisé comme une bête dans un laboratoire. Enlever les puces ne lui ferait pas oublier cette période horrible de sa vie mais cela lui permettrait au moins de passer à autre chose, de ne plus avoir mal. L’opération semblait en tout cas moins dangereuse que ce que Carter avait soupçonné et Mandalini le lui confirma.

— En conclusion je dirais que les retirer est quasiment sans risques à ce jour. Le plus dangereux à ce stade ça va être l’anesthésie, les risques d’infections pour n’importe quelle opération.

— Mais évidemment, le choix reste le tient.

Eugène jeta un dernier coup d’œil à cette chose ignoble posée sous son crâne que le chirurgien tenait dans ses mains. Il voulait désespérément la voir disparaitre. Si les seuls risques étaient une infection ou l’anesthésie, cela lui semblait acceptable. Il voyait mal comment tomber malade dans un milieu aussi aseptisé mais nul doute que Carter saurait quoi faire si cela arrivait.

— D’accord, céda-t-il avec l’impression de se préparer pour un saut à l’élastique. C’est d’accord... Mais comment ça va se passer ? Il va falloir raser tout mes cheveux n'est ce pas ?

La scie serait-elle vraiment d'actualité ? Est ce qu'il suffisait de tirer dessus pour tout enlever ? Est-ce qu'il serait complètement attaché à nouveau ? Eugène se connaissait trop bien et il était convaincu que son passé ne se laisserait pas faire. Tout comme il l’avait emporté dans ses souvenirs lorsqu’il avait discuté des puces une première fois avec Carter, sur le plateau forestier au Kazakhstan. Il eut du mal à ne pas pleurer en imaginant ses cheveux tondus et le temps que cela prendrait pour qu’ils repoussent. Il ne pourrait certainement pas sortir tout de suite après et resterait là encore quelques mois le temps que tout cicatrise come il faut. Et l’image de la table froide et des sangles ne cessait de flasher dans son esprit.

— Vraiment… je ne veux pas voir ma tête complètement ouverte dans vos esprits. Il ne faut pas que je voie ça, il faudra la machine tampon. Et même allumée, j’ai peur de m’emporter et de faire des bêtises. Je sais qu’à cause de ce qui m’est arrivé je risque de paniquer et de perdre pied avec la réalité.

Dans les deux cas, il allait être complètement paniqué et il le savait. S’il voyait Mandalini scier les os, son cerveau ensanglanté en dessous, il allait vouloir se défendre de toutes ses forces. Se perdre dans le passé et peut être même tenter de s’échapper. Sans parler des fantômes qui risquaient de le distraire. Il ne voulait pas voir Volgin revenir à ce moment précis. Et si au contraire, Eugène n’avait accès à aucunes de leurs pensées lors d’une opération aussi sensible, il risquait de virer paranoïaque et de penser qu’ils allaient lui faire du mal. Il serait néanmoins plus facile de contrôler ses pensées s’il ne voyait pas l’opération qui se déroulait et s’il ne sentait rien à cause de l’anesthésie. Il aurait préféré être endormi entièrement mais ce n’était pas une option acceptable.
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Fanella Ozark
# Re: Enfin de RetourMer 3 Aoû - 12:02
Carter était toujours content d’annoncer de bonnes nouvelles à ses patients, mais cette fois c’était particulièrement vrai. Déjà, débarrasser Eugène de ses puces constituait en soi une bonne action et c’était pour cela qu’il avait choisi cette profession. Ensuite, c’était une opération inédite, qu’il pourrait faire avec son collègue. Il croisait les doigts pour que son patient accepte. Malgré tout, ce qui lui semblait facile et intéressant en tant que médecin restait difficile psychologiquement pour Eugène. Les deux médecins avaient donc commencer à exposer à Eugène les premiers résultats du scanner. Les puces étaient en surface, et pas en profondeur comme ils l’avaient redouté. Ils avaient oublié que tout cela avait été installé il y avait plusieurs dizaines d’années en arrière.

— C’est logique oui, souffla Eugène. Il fallait une manière de me contrôler, de savoir où j’étais. Je pensais juste qu’ils auraient rendu cela plus difficile à extraire mais la technologie était bien loin d’être aussi pointue. C’était déjà un exploit en soi.

Mandalini commenta avec un sourire

— Oui, c’était la pointe de la technologie de l’époque ah ah…

Puis il reprit plus sérieusement.

— Dommage que ça ait servi de si mauvaises fins.

Ensuite Carter laissa son collègue annoncer la vraie bonne nouvelle  : l’opération était sans risques ou presque, une procédure simple  : ouvrir, retirer, refermer. Pour Eugène en revanche, c’était un sacré évènement. Le médecin essaya sans y parvenir d’interpréter les émotions tristes de son patient, les regards qu’il jetait aux images du scanner sans trop s’y attarder. Il essaya d’imaginer ce que ça pouvait faire de se dire que tout cela se trouvait à l’intérieur de sa tête sans vraiment y arriver.

— D’accord, finit-il par lâcher. C’est d’accord... Mais comment ça va se passer ? Il va falloir raser tout mes cheveux n'est ce pas ?

Carter essaya de contenir le sourire qu’il sentait grandir sur son visage. Mandalini près de lui ne fit aucun effort.

— Magnifique ! répondit-il avec son fort accent.

Le plus difficile restait à faire  : le rassurer. Compte tenu des circonstances des opérations qu’il avait subies, ce n’était pas une mince affaire.

— Oui, confirma Carter, pour éviter les risques d’infection dont on parlait tout à l’heure, c’est plus prudent. Je comprends que ça soit difficile pour toi, mais on a pas le choix.  Tu pourras le faire toi-même si tu y arrives et que ça facilite les choses pour toi.

Cela devrait probablement être leur préoccupation constante  : comment faciliter les choses pour lui, faire que tout cela lui semble le moins contraignant possible. Après tout, il s’agissait d’ouvrir le crâne et comme les opérations du coeur cela n’était en général pas anodin symboliquement parlant pour les patients. Dans leurs esprits, le cerveau c’était le siège de la personne. Mais visiblement la préoccupation d’Eugène était ailleurs.

— Vraiment… je ne veux pas voir ma tête complètement ouverte dans vos esprits. Il ne faut pas que je voie ça, il faudra la machine tampon. Et même allumée, j’ai peur de m’emporter et de faire des bêtises. Je sais qu’à cause de ce qui m’est arrivé je risque de paniquer et de perdre pied avec la réalité.

Mandalini se tourna vers Carter, se demandant visiblement ce que Eugène voulait dire par là. Il connaissait les dons d’Eugène et l’existence de la machine tampon, en revanche il ne comprenait pas grand chose aux expériences dissociatives liées au traumatismes.

— Dans tous les cas, on aura besoin que la machine soit allumée oui, poursuivit Carter. De notre côté on aura des appareils qui mesureront des constantes et j’aimerais mieux qu’ils ne se mettent pas à planter.

Il pesa ses mots avant de continuer.

— Et tu as raison Eugène, ce qu’on va faire, ça risque de générer des états dissociatifs comme tu as expérimenté quand nous sommes arrivés au camp dans lesquels tu confonds présent et passé. On a la possibilité de t’administrer une grosse anxiolyse pour le temps de l’opération, mais ça risque de perturber tes fonctions et comme je disais, c’est important qu’on puisse vérifier à tout moment que tout va bien. L’autre chose qu’on peut faire, c’est juste essayer de te faire sentir que tu maîtrises la situation, comme on l’a fait jusqu’à maintenant.

Mandalini sembla comprendre la situation.

— Si tu t’agites trop, reprit-il avec son fort accent, je pourrais faire une pause. On fera en sorte de voir large pour l’anesthésie comme ça on sera pas pressés. Par contre, toujours pour éviter les infections, on pourra pas te sortir de la pièce. De toute façon, c’est l’affaire d’une petite demi heure je pense, une fois que tout sera prêt.

Même Carter était surpris de ce qu’annonçait son collègue. Il aurait dit plus.

— Tu seras assis sur une chaise, reprit Mandalini, je serais derrière toi, et Carter devant, il va te poser tout un tas de questions ça devrait te distraire un peu.

Distraire quelqu’un, conclut Carter en pensée, voilà qui était dans ses cordes.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Enfin de RetourMer 3 Aoû - 15:56
Eugène avait finalement accepté l’opération avec l’impression de vaciller au bord d’une falaise. Mandalini était convaincu qu’elle était sans risque majeur pour sa santé au vu du positionnement des puces mais tout de même, c’était de l’ouverture de sa tête dont il était question. Il fallait qu’il reste conscient et qu’on le rase pour mener à bien ce projet. Et il ne se rappelait que trop bien de sa tête visible sur chaque carreau blanc lustré du sol de sa cellule en laboratoire. Des fils, des cicatrices, de son air de cadavre presque fantomatique. Pour quelques mois, il allait devoir redevenir physiquement le monstre de Frankenstein et son esprit perdu entre passé et présent semblait penser que c’était la pire des situations. Carter proposa quelque chose avec bienveillance mais l’idée l’horrifia sur place.

— Oui pour éviter les risques d’infection dont on parlait tout à l’heure, c’est plus prudent. Je comprends que ça soit difficile pour toi, mais on a pas le choix. Tu pourras le faire toi-même si tu y arrives et que ça facilite les choses pour toi.

— Non, répondit-il catégoriquement. Non, non, non, je ne pourrais pas m’infliger ça. C’est mieux que vous vous en occupiez. Je ne veux pas voir ça non plus.

Eugène se connaissait. Laissé avec une tondeuse dans la main et l’ordre de se raser la tête entièrement et il s’ensuivrait des heures à s’infliger une torture mentale sans aucun résultat et l’image qu’il avait de lui, déjà bien pathétique, allait encore en prendre un coup. Il comprenait évidemment la nécessité de le faire mais son angoisse imaginait déjà Fanella en train de l’observer avec dégout, l’éviter à cause de sa tête hideuse. Ou bien il prendrait les devants et s’isolerait. Il savait par avance qu’il serait incapable de se regarder dans une glace ou de sortir tant qu’ils n’auraient pas suffisamment repoussé. Allaient-ils seulement repousser d’ailleurs ? Peut-être qu’à force de tout couper, d’ouvrir son cerveau, ils n’allaient plus revenir. Cela semblait rester un sacrifice nécessaire s’il voulait éviter de souffrir le reste de sa nouvelle vie. Quoi qu’il en soit, le médium ne voulait rien voir de ce qui allait se dérouler, de la première étape jusqu’à la dernière. Il voulait passer les mois suivants à croire qu’il ne s’était rien passé. Alors il avait très clairement fait comprendre à Carter son souhait d’allumer la machine tampon pour l’opération. Ce qui, qu’il l’ait voulu ou non, semblait d’actualité de toute manière.

— Dans tous les cas, on aura besoin que la machine soit allumée oui. De notre côté on aura des appareils qui mesureront des constantes et j’aimerais mieux qu’ils ne se mettent pas à planter. Et tu as raison Eugène, ce qu’on va faire, ça risque de générer des états dissociatifs comme tu as expérimenté quand nous sommes arrivés au camp dans lesquels tu confonds présent et passé. On a la possibilité de t’administrer une grosse anxiolyse pour le temps de l’opération, mais ça risque de perturber tes fonctions et comme je disais, c’est important qu’on puisse vérifier à tout moment que tout va bien. L’autre chose qu’on peut faire, c’est juste essayer de te faire sentir que tu maîtrises la situation, comme on l’a fait jusqu’à maintenant.

Eugène n’était pas certain que les anxiolytiques changent quelque chose. Même si cela faisait des années que son corps n’avait pris aucune de es substances, les énormes doses administrées en laboratoire pour le calmer avaient fini par l’habituer. A dose normale, un anxiolytique le détendait juste suffisamment pour qu’il n’en devienne que plus dangereux. Dans le fond, c’était principalement son angoisse de faire du mal autour de soi qui canalisait ses pouvoirs. Mandalini reprit à la suite de son collègue.

— Si tu t’agites trop je pourrais faire une pause. On fera en sorte de voir large pour l’anesthésie comme ça on sera pas pressés. Par contre, toujours pour éviter les infections, on pourra pas te sortir de la pièce. De toute façon, c’est l’affaire d’une petite demi heure je pense, une fois que tout sera prêt. Tu seras assis sur une chaise, reprit Mandalini, je serais derrière toi, et Carter devant, il va te poser tout un tas de questions ça devrait te distraire un peu.

Grâce aux explications, il visualisait assez bien la chose. Être assis plutôt que couché changeait déjà un peu la donne quant à ses souvenirs. Carter allait donc avoir la lourde tache de le distraire tout en veillant sur ses fonctions vitales. Cela ne lui semblait pas une mince affaire. Malgré tout, ce qui le rassura énormément fut la durée de l’opération. Il redressa un peu la tête pour affronter les deux médecins, puisant loin au fond de lui-même pour trouver ce courage que Joy avait su faire naitre en lui mais qui se faisait encore régulièrement ensevelir.

— Si ce n’est que pour une demi-heure, je tâcherai de me contrôler, je devrais pouvoir y arriver. La pose était bien plus longue, forcément. Je m'attendais à pire, comme toujours.

Cela lui avait semblé durer des heures, à l’époque. Les circonstances n’étaient pas les mêmes. Il y avait bien un des scientifiques qui lui posait froidement des questions assez régulièrement auxquelles il était sommé de répondre mais il savait maintenant que Carter n’était pas de cette trempe. Si l’opération devait durer une simple demi-heure, Eugène ne voulait pas faire de pause, même s’il devait se faire violence. C’était comme arracher un pansement, rapidement pour que la douleur moins longtemps. Plus vite les puces seraient retirées, plus vite il pourrait passer à autre chose. Au final, le plus dur à supporter, à accepter, ce serait encore ses cheveux. Ce qui en devenait presque drôle, lorsqu'il y pensait.
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Fanella Ozark
# Re: Enfin de RetourSam 6 Aoû - 20:27
Les deux médecins n’avaient pas trainé à mettre en place tout ce qui était nécessaire pour l’opération. Dès le lendemain, ils étaient prêts. Carter avait souligné qu’il estimait que moins Eugène aurait le temps de s’angoisser, mieux ça vaudrait. Il s’était donc porté volontaire pour lui raser les cheveux personnellement malgré les propositions des infirmières. Pendant que les mèches sombres tombaient sur le sol il avait essayé d’entourer Eugène de paroles bienveillantes et avait même tenté quelques blagues sur les célébrités actuelles dépourvues de cheveux. Il s’était également engagé à lui prescrire des compléments alimentaires pour la repousse. Un peu après Fanella avait pris le temps de venir serrer fort ses deux mains et lui souhaiter bon courage. Elle l’informa que la machine tampon était presque prête et lui dit qu’elle avait hâte qu’ils aillent se promener en ville ensemble quand tu ça serait derrière lui. Elle avait toute confiance en Carter et si Mandalini lui paraissait la bonne personne pour le faire, alors elle pouvait compter sur lui aussi. Aussi, elle avait adressé à Eugène un dernier sourire qui se voulait rassurant avant qu’il ne parte. Après tout, la machine tampon était déjà en route.

Comme les deux médecins l’avaient expliqué ils assirent Eugène dans une grande chaise. Mandalini s’installa derrière lui avec ses grands gants verts et une des infirmières procéda à l’anesthésie. Ensuite ils attendirent tous dans un calme tranquille, demandant de temps à autre comment Eugène se sentait.
Puis Mandalini lui ouvrit le scalp ce qui n’occasionna aucune douleur.

-  Regarde moi, Eugène tout va bien,lui dit Carter en souriant,tout se passe très bien.

Autour de lui, le médecin blond avait rassemblé toutes sortes d’images et de signes. Mandalini commentait tranquillement son intervention avec des « On va s’approcher des centres du langage » ou des « On est pas loin des aires visuelles » et Carter posa les questions adéquates en montrant des images pour y mettre des noms ou en lui demandant combien de doigt il avait, le tout en se fendant parfois de quelques blagues pas toujours adroites. Une à une, les puces atterrirent dans le petit plat de métal que Mandalini avait disposé là à cet effet.

— Elles sont toujours actives… y’a même une lumière qui clignote.

— Qu’est-ce que tu voudras faire avec Eugène ? Les piétiner ? Les brûler ?

Lorsque la dernière fut dans le plateau une vingtaines de minutes seulement s’étaient écoulées.

— Bon eh bien il ne me reste qu’à recoudre, conclut Mandalini satisfait de lui.

Quelques minutes plus tard Eugène, recousu et bandé fut de retour dans son lit. On lui demanda s’il voulait un calmant pour l’aider à se reposer un peu.

Le soir Fanella revint lui rendre visite, ravie de voir que tout s’était bien passé.

Les jours qui suivirent se ressemblèrent pour Eugène. Le matin les infirmières passaient s’occuper de lui. Ensuite il recevait la visite de Fanella. L’après-midi un kiné intervenait pour l’aider à retrouver ses fonctions. Celui-ci d’ailleurs n’avait pas été mis au courant de toute la situation mais il était visiblement habitué à ne pas poser de questions. Patient, il mobilisait Eugène avec bienveillance. Dans la soirée, Carter venait lui proposer un entretien de thérapie.

Le cadre avait été défini clairement en plus des règles habituelles  : Eugène avait le droit de commenter les pensées de Carter, dès l’instant où il ne s’agissait pas de sa vie personnelle. Eugène décidait s’il voulait allumer la machine tampon pendant la séance comme le reste du temps. Le médecin avait décidé de ne pas entrer d’emblée dans le vif du sujet à moins qu’Eugène l’y invite explicitement. Il l’avait simplement invité à observer les pensées négatives à propos de lui-même qu’il avait pour le moment. Ils en parlaient ensemble. Cependant Eugène devait déjà savoir quelle était la suite du plan  : comprendre comment ces idées avaient émergé ce qui risquait d’être difficile.

Au bout d’une semaine à ce régime, il fut question pour Eugène de sortir du laboratoire, d’abord en fauteuil si besoin. Le matin même, Fanella était venue le trouver en lui montrant une petite montre et un large sourire.

— Regarde, dit-elle avant même de lui dire bonjour, on a réussi.

Le petit objet était esthétique en plus d’être efficace avec son cadre argenté, ses aiguilles qui servaient à la fois à dissimuler la vraie nature de l’objet et à indiquer l’heure, la couleur bleutée de son cadran. Elle espérait qu’en plus de lui être utile, elle plairait à Eugène un peu comme un cadeau qu’elle lui ferait.
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