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Départ vers le Kazakhstan


 
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Départ vers le Kazakhstan :: 

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Fanella Ozark
# Départ vers le KazakhstanMar 28 Déc - 23:12
Cette discussion, avait tourné mieux que Jonathan l’avait espéré. Malgré tout il lui faudrait surement plusieurs jours pour faire le tour de ce qu’il venait d’apprendre. Les conséquences sur le plan scientifique mais surtout sur le plan humain étaient vertigineuse au point qu’il en avait le tournis.

Jonathan avait énoncé l’idée qu’il préférait que cela reste entre eux. Si l’équipe n’avait pas pu gérer l’apparition d’un fantôme, que ferait-elle de ce savoir là ? Il espérait que personne de mal intentionné n’avait écouté à sa porte. Après tout, Eugène pourrait le savoir si c’était le cas. Au moins le fantôme semblait un peu plus léger à présent.

- Je ne comptais pas vraiment informer qui que ce soit d’autre reprit Eugène, mais j’ai jugé important que ce soit votre cas… même si c’est dur à avaler et que je suis le premier à le concevoir. Si cela peut vous rassurer, je ne vous en veux absolument pas d’avoir laissé vos pensées partir un peu dans tous les sens ou de m’avoir traité d’enfoiré.

Un enclume tomba dans l’estomac de Jonathan. Comprendre l’idée était une chose, l’expérimenter une autre. Oui, vraiment, tout ce qu’il avait pensé, il l’avait entendu, entendu, comme il entendait en ce moment le tic tac de l’horloge. Doux Jésus, cela allait devenir trop compliqué.

- Si vous pouviez ne pas faire ça ? Reprendre les choses que je pense à haute voix ? J’aimerais rester dans une forme de déni un peu si possible…  ?

Jonathan avait toujours été un scientifique dont les raisonnements était fondés sur les faits. Cette fois il laissait les émotions gagner. Pour autant il fut possible de sortir de cette conversation sans autre accros. Il était rare qu’il souhaite oublier quelque chose qu’il venait d’apprendre, cependant le fantôme le remercia de garder son secret et se montra conscient de sa tendance à culpabiliser.   Jonathan désapprouvait, il n’avait rien à se reprocher. Grâce à lui, Fanella sortait de sa coquille, la science faisait des progrès et l’humanité avait été sauvée d’un trou noir. Il n’y avait pas là de quoi rougir.

***


Le temps que les préparatifs se terminent Fanella avait en quelques sorte hébergé Eugène. En quelques sortes parce qu’il n’avait pas vraiment besoin d’avoir un toit sur la tête. Depuis l’incident avec Tanner elle n’aimait pas le savoir sans surveillance au laboratoire. Parfois elle trouvait sa présence épuisante et quelques fois, elle avait du sortir faire un tour pour éviter un phénomène de larsen émotionnel. La plupart du temps pourtant elle appréciait la présence d’un autre être chez elle beaucoup plus qu’elle ne l’aurait cru. Depuis qu’ils avaient partagé des souvenirs, elle se sentait encore plus proche de lui. Ce sentiment avec quelque chose de rassurant comme une bonne grosse paire de pantoufle ou un pyjama lapin.

Le voyage en revanche ouvrait sur elle un gouffre d’angoisse terrifiant. Elle peinait à chasser des tas de pensées parasites qui l’empêchaient de se concentrer sur ce qui était vraiment important. Et si elle tombait malade et si elle n’arrivait pas à dormir ? Et s’il faisait trop froid et si elle se faisait attaquer par une bête sauvage ? Et si toute l’équipe se mettait à la détester ? Et si elle se disputait avec Jonathan ? Et si elle avait oublié quelque chose de si important qu’il fallait faire demi tour après plusieurs jours de marche ?

Ce matin là, elle eut le sentiment d’avoir laissé son estomac dans son lit. Elle ne mangea rien comme souvent et elle chassait avec peine les monceaux de fatigue sur ses épaules. Elle n’avait pas pu dormir le moins du monde et la journée lui semblait une montagne infranchissable. Elle était habituée à ne faire que travailler sur de longues périodes. Mais mobiliser son corps, se déplacer, et pire renoncer à une partie du confort moderne c’était autre chose. Fanella n’était vraiment pas une femme de terrain.

Plus tard, une fois dans le moment, elle retrouverait la joie de ce qu’elle essayait de faire, l’enthousiasme de la recherche mais pour le moment, tout cela était enseveli sous la peur.

Celle-ci monta d’un cran jusqu’à presque l’étrangler, sur le tarmac de l’aéroport. L’avion privé affrété par le laboratoire était presque chargé avec tout le matériel, l’équipe médicale s’affairait sous le regard inquisiteur de la sécurité.

Il y avait quelque chose qu’elle avait oublié, quelque chose d’important. Un avion, ça volait vite, très vite. Et un Eugène, elle n’avait aucune idée de la vitesse à laquelle cela volait. Elle lui avait parlé, elle avait vécu avec lui ces derniers jours. Elle avait oublié qu’il ne pouvait pas être transporté comme un corps matériel.

Elle le chercha des yeux.

— Eugène,
demanda-t-elle en essayant son front déjà couvert de sueur, a quelle vitesse peux-tu te déplacer ? On risque de te laisser derrière nous au décollage non ?

C’était une question de pure forme parce qu’il ne fallait pas plus de quelques secondes à son esprit pour rassembler les quelques chiffres nécessaires. Oui, ils allaient le laisser derrière au décollage. Quelle idiote elle faisait, quelle idiote. Ne pas avoir pensé à quelque chose d’aussi simple mais quelle erreur  !
Fanella Ozark
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Départ vers le KazakhstanMer 29 Déc - 14:27
Après avoir arrangé la situation avec Jonathan, Eugène avait continué de côtoyer Fanella comme il le faisait d’habitude, sans rien laisser paraître. Le chercheur lui avait demandé de faire comme s’il ne lisait pas dans les pensées en sa présence, ce que l’esprit faisait déjà par habitude avec la quasi-totalité des personnes qu’il rencontrait, donc la demande ne lui semblait pas irréalisable. Surtout si cela pouvait l’aider à mieux digérer la chose. Les jours qui avaient suivi, il était resté avec Fanella, observant peu à peu une certaine appréhension monter en elle au fur et à mesure des préparatifs du voyage. Il aurait aimé l’aider mais toutes ses questions étaient d’ores et déjà tournées vers un futur qui semblait se rapprocher ; s’il revenait à la vie, comment allait-il faire sans papiers et sans argent pour se débrouiller ? Sans diplôme pour travailler ? Il ne parvenait pas à discerner ce qui pouvait être nécessaire à l’instant présent et laissait ce travail à son amie. La possibilité de sa résurrection pesait de plus en plus sur son esprit et les questions laissées en suspens, remis à l’après de cet instant fatidique, l’angoissaient terriblement, surtout au milieu de la nuit, seul dans l’appartement de la scientifique qui l’hébergeait.

Si les choses se passaient généralement bien, la cohabitation avait entraîné quelques débuts de larsens, surtout lorsqu’Eugène était pris dans leurs deux angoisses. Plusieurs fois, elle était sortie prendre l’air et il s’en était attristé, ayant l’impression de la chasser de sa propre demeure, jusqu’au moment où il était parvenu à se dire que respirer un peu d’air frais ferait plus de bien à un être vivant capable d’en profiter qu’à un fantôme sans sensations. Là encore, sa situation lui apparaissait parfois intolérable. Le resterait-elle, s’il ne retrouvait pas son corps après l’avoir tant désiré ? De toute façon, il aurait été bien incapable d’y être indifférent.

L’effervescence le jour du départ était à son comble, encore plus à l’aéroport. La terreur de Fanella qu’il ressentait comme si elle était cramponnée à son esprit s’était vite perdue entre l’impatience des gens qui attendaient, la peur de ceux qui avaient raté leur avion ou perdu leurs bagages. Leur avion privé sur le tarmac était presque aussi grand que les énormes avions de ligne. Eugène n’avait jamais rien vu d’aussi gigantesque et il observait les turbines rugir au loin, préparant le décollage de ces monstres de métal, abasourdi de ce que l’humanité avait été capable de créer en 60 ans. Les seuls avions qu’il avait connus n’avaient que des hélices…

— Eugène, à quelle vitesse peux-tu te déplacer ? On risque de te laisser derrière nous au décollage non ?

La voix de Fanella parvint jusqu’à lui au travers des pensées agitées de l’équipe logistique qui chargeait la soute. Elle semblait sur le point de faire un malaise et il se tourna vers elle. Son sourire hébété se fana tandis que son esprit réfléchissait à la question qu'on venait de lui poser. Il tourna successivement la tête vers l'avion et vers Fanella. Elle n'avait pas pensé à ce détail et lui non plus, il fallait bien l'admettre.

— Pas aussi vite qu'un avion effectivement... Surtout qu'ils ont l'air de voler plus vite qu'à l'époque, constata-t-il.

Oh non c’était terrible. Plus que Fanella, toute l’équipe allait le détester lui et elle par sa faute. Parce qu’il n’avait pas réfléchi. Il aurait dû s’en inquiéter plus tôt. Ils ne pouvaient plus retarder l’opération, il fallait trouver une solution et il se mit à réfléchir à toute vitesse. La première qui lui vint était la plus raisonnable mais ne lui plaisait guère.

— Je pourrais me tenir à quelqu'un en vol mais il suffirait d'une seconde d'inattention pour que je lâche et me retrouve dehors et... ça vole haut ? Je veux dire... aussi haut qu’un missile balistique par exemple ? A l'époque seuls les avions d'espionnage volaient haut mais pas aussi haut que les missiles. Bon, si je me retrouve éjecté je ne vais pas mourir ni retomber mais j'aurais un peu peur quand même et... oh la la pardon je digresse.

Un instant il s’était vu flottant au milieu des nuages voire au bord de l’espace, regardant l’avion s’éloigner et la tête de Fanella décontenancée qui le regardait par le hublot. Un fantôme pouvait-il survivre dans l’espace ? En voila une autre question qu’il ne s’était pas posée. Et le moment était mal choisi pour se la poser car ce n’était pas ce qu’on lui demandait.

— Je ne voudrais pas m'imposer à qui que ce soit surtout pour un voyage de 10 heures... que ce soit en tenant la main de quelqu'un ou en allant jusqu'à le posséder. C'est autre chose que d'avoir l'impression que sa main est plongée dans un bac a glaçons et je ne l’ai jamais fait.

Ce dont il était certain, c’était que s’il possédait Fanella, son corps allait réagir à cette intrusion. Elle n’aurait pas nécessairement aussi froid qu’en le touchant car son corps risquait de compenser en lui causant de la fièvre. Elle était déjà fatiguée et risquait de l’être encore davantage. Ce qu’il ignorait, c’était si cette relation symbiotique temporaire allait permettre à la jeune femme d’entendre les pensées de tout le monde dans l’avion ou de fouiller les siennes. Et si elle tombait sur la discussion qu’il avait eue avec Jonathan dans son esprit ? Peut-être que c’était un risque à courir.

— Mais j'ai bien peur que disparaitre et vous retrouver tous au Kazakhstan ne soit une entreprise tout aussi compliquée... Alors… je ne sais pas vraiment quoi faire pour bien faire.

Il ne se permettrait de toute façon pas d’entrer dans le corps de quelqu’un sans sa permission. Peut être qu’il pouvait tenir la main de Fanella pendant un moment puis celle de quelqu’un d’autre qui serait d’accord, en faisant très attention à ne pas la lâcher ? Il ne se voyait pas demander à la jeune femme de fabriquer un dispositif capable de le faire rester parmi eux. Il y avait de fortes chances pour que cela prenne du temps et perturbe le vol.
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Fanella Ozark
# Re: Départ vers le KazakhstanDim 16 Jan - 12:19
Un problème de taille se posait à eux. Un problème de vitesse plutôt. Elle avait posé la question à Eugène de savoir à quelle vitesse il pouvait se déplacer, mais son esprit avait déjà fait un rapide calcul. Ce n’était tout simplement pas possible. Eugène n’était pas exactement un bagage qu’on pouvait transporter, comment n’avait-elle pas pensé à cela plus tôt ?

— Pas aussi vite qu'un avion effectivement... Surtout qu'ils ont l'air de voler plus vite qu'à l'époque, constata-t-il.

Réalisant cela, il sembla tout aussi paniqué qu’elle. Il fallait prendre une grande inspiration et se calmer. Eugène n’avait peut-être jamais vu un appareil capable d’aller si vite. Elle hésitait sur la marche à suivre mais heureusement il était plus habile qu’elle pour trouver des solutions rapides en situation de crise.

— Je pourrais me tenir à quelqu'un en vol mais il suffirait d'une seconde d'inattention pour que je lâche et me retrouve dehors et... ça vole haut ? Je veux dire... aussi haut qu’un missile balistique par exemple ? A l'époque seuls les avions d'espionnage volaient haut mais pas aussi haut que les missiles. Bon, si je me retrouve éjecté je ne vais pas mourir ni retomber mais j'aurais un peu peur quand même et... oh la la pardon je digresse.


Il digressait peut-être mais Fanella l’imagina une seconde perdu et seul dans le ciel. Elle repoussa cette première solution immédiatement. Courir un tel risque était impensable. Et s’ils étaient suivis et que quelqu’un en profitait pour le récupérer avec un énorme aspirateur, à la ghost busters ? Elle digérerait à son tour, mais le laisser seul, atterrir on ne savait où sans soutient était beaucoup trop risqué. L’équipe de sécurité serait incapable de faire son travail.

— Hors de question de prendre le risque de te laisser dériver dans le ciel, conclut-elle, c’est beaucoup trop dangereux.

Heureusement, Eugène avait une deuxième solution à proposer.

— Je ne voudrais pas m'imposer à qui que ce soit surtout pour un voyage de 10 heures... que ce soit en tenant la main de quelqu'un ou en allant jusqu'à le posséder. C'est autre chose que d'avoir l'impression que sa main est plongée dans un bac a glaçons et je ne l’ai jamais fait.

Fanella n’aimait pas vraiment cette idée. Déjà, Eugène ne l’avait fait et personne ne pouvait prédire comment son corps réagirait. Cependant, elle savait en raison de ses recherches qu’il y avait eu des précédents et que d’une façon générale, les personnes concernées survivaient.  Elle aimait cette idée d’autan moins qu’elle ne voyait pas qui d’autre qu’elle pourrait assumer cette tâche. Est-ce que cela signifiait que leurs esprits allaient être confondus ? Si oui, la personne en question risquait de découvrir par accident toute l’ampleur des capacités d’Eugène.

— Mais j'ai bien peur que disparaitre et vous retrouver tous au Kazakhstan ne soit une entreprise tout aussi compliquée... Alors… je ne sais pas vraiment quoi faire pour bien faire,
reprit Eugène.

Fanella s’était décidée. De toute façon, il n’y avait pas vraiment d’autres options. Le voyage s’annonçait plus difficile que prévu, mais d’une certaine façon l’idée qu’elle aurait une bonne excuse pour être épuisée la rassurait en partie.

— Non, répondit-elle, Je ne te laisserais pas voyager seul, ce n’est pas pour rien que nous avons toute une équipe de sécurité. Viens, je vais expliquer la situation à l’équipe médicale, ils surveilleront mes constantes pendant le vol, je ne vois pas d’autre option.

Fanella entraîna Eugène sur le tarmac. Les deux infirmières chargeaient le matériel dans la soute à l’aide d’un imposant monte charge et en bas, le Dr Carter donnait ses instructions l’air visiblement heureux d’être là.

Dès qu’il les vit, il se tourna vers Eugène.

— Eugène  ! Je suis le Dr Carter, je suis ravi de faire votre connaissance.

Sous ses cheveux blonds, le jeune médecin lui offrit un large sourire et la lueur rieuse de ses yeux bleus. Il tendit sa main, puis mal à l’aise se ravisa. Quel idiot, pensa-t-il on ne tend pas la main à quelqu’un qui n’en a pas.

— Fanella, un problème ? reprit-il pour se donner contenance.

— En quelques sortes, oui, répondit-elle. Il va falloir surveiller mes constantes.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Départ vers le KazakhstanDim 16 Jan - 18:04
Fanella aussi s’imagina Eugène laissé derrière par l’avion, à plusieurs kilomètres d’altitude. Elle semblait même penser qu’on pourrait les suivre là-haut et le capturer avec un énorme aspirateur, référence à un film qu’il n’avait absolument pas vu. A dire vrai, à part sa petite soirée Netflix le jour de son retour sur Terre, il n’avait guère eu le temps de regarder la télévision de son vivant. Il y avait bien eu quelques soirées films quand il travaillait en Russie, mais il n’avait alors guère le cœur à se mélanger avec ses confrères qui de toute façon le craignaient ou le haïssaient. L’esprit se demanda tout de même si ce qu’elle imaginait n’était pas possible. Si Tanner ou la CIA n’allait justement pas tenter d’intervenir et il chassa ses idées de sa tête en même temps que son amie. La priorité était déjà de le faire voler, cet avion. Avec lui à l’intérieur, de préférence. L’esprit avait donc formulé la seule solution plausible, mais qui ne lui plaisait guère. Celle de posséder quelqu’un jusqu’à la fin du voyage. L’idée le répugnait, pas tant pour l’idée de plonger son esprit dans le corps de quelqu’un d’autre, mais surtout de forcer cet autre à le subir. Et il savait d’avance que Fanella allait se proposer, avant même que l’idée ne germe.

— Non, je ne te laisserais pas voyager seul, ce n’est pas pour rien que nous avons toute une équipe de sécurité. Viens, je vais expliquer la situation à l’équipe médicale, ils surveilleront mes constantes pendant le vol, je ne vois pas d’autre option.

Mieux valait sans doute embarrasser une personne que tous les membres de l’équipe mais ce n’était pas n’importe qui non plus. Surtout pour lui et c’est le cœur gros qu’il la suivit en flottant vers le reste de l’équipe qui chargeait l’avion. Le médecin était là à donner des instructions et il se tourna vers eux avec un grand sourire. Les infirmières devaient sans doute charger tout ce matériel juste pour lui, dans le cas où il parvenait effectivement à ressusciter. Il préférait ne pas s’imaginer attaché à des machines et à des perfusions car cela lui donnait de mauvais souvenirs. Le docteur Carter ne semblait pas être un méchant médecin cependant et cela rassura quelque peu le fantôme déjà bien assez troublé par tout le reste de ses problèmes.

— Eugène ! Je suis le Dr Carter, je suis ravi de faire votre connaissance. Fanella, un problème ?

L’homme tendit la main comme s’il allait pouvoir la lui serrer en retour et cette étourderie innocente acheva de convaincre Eugène de sa bienveillance. Seul quelqu’un qui le voyait comme une personne, un être vivant malgré son état, pouvait vouloir lui serrer la main sans se rendre compte que c’était en partie impossible.

—  Bonjour docteur, je suis ravi de vous rencontrer aussi, lui dit-il en retour avec un léger sourire. J’aurais aimé pouvoir vous serrer la main… peut-être d’ici quelques jours, si tout se passe comme prévu.

Or tout ne se passait déjà pas comme prévu. Comment avait-il pu oublier un tel détail. Peut être qu'avec l'appréhension du voyage, il avait tenté d'éviter d'y penser. Un peu gêné, le docteur Carter se tourna vers Fanella qui, tout comme Eugène, cachait mal ses tracas. S’en était un gros après tout.

— En quelques sortes, oui, répondit Fanella au médecin. Il va falloir surveiller mes constantes.

Eugène reprit un air contrit, effaçant toute trace de son sourire. Il s’en voulait tant de forcer Fanella à faire ce choix. Il voyait bien que la jeune femme se faisait déjà une idée de ce à quoi pouvait ressembler une possession. Ses pensées étaient tournées vers des résultats d’études qui montraient que les patients avaient bel et bien survécu. Ce n’était pas si dangereux, juste perturbant, intrusif et intime. Il se permit donc de clarifier la situation auprès de ses deux interlocuteurs, retenant tant bien que mal une grimace montrant qu’il n’approuvait guère.

—  Je ne peux pas voyager comme vous et je vais malheureusement devoir posséder Fanella. Pour avoir déjà été possédé de mon vivant je peux vous dire que ce n'est pas dangereux pour la santé mais selon la sensibilité du corps il y a plusieurs effets qui peuvent être ressentis : palpitations, fièvre, fatigue, tremblements... ce genre de choses. Du moins quand les fantômes font ça pour survivre ou pour attaquer. Je tacherai de me faire le plus petit et discret possible donc j'espère ne pas causer trop de symptômes.

Il passait sous silence les marques étranges qui apparaissaient sur son corps de son vivant. Il n'était pas rare de voir sa peau rougir, laissant apparaître des marques de mains, de griffes ou de dents lorsque parfois plusieurs esprits s'en prenaient à lui. Sur les champs de bataille ils avaient été des milliers à se servir de son corps comme d'un réceptacle à leur rancœur.

—  Je ne sais pas trop ce que je vais ressentir de mon côté par contre, c’est la grande inconnue mais… on va gérer, s’encouragea-t-il en regardant son amie. Je ferais ça quand tu seras assise par contre. Juste au cas où.

Eugène ne pouvait en effet pas prédire ce qui allait arriver si c'était lui qui prenait possession de quelqu'un. Est-ce que son esprit si particulier allait leur jouer des tours ? Ejecter celui de Fanella pour prendre le contrôle ou au contraire, sous le coup de l'émotion leur faire perdre le contrôle a tous les deux. Quoi qu'il arrive, quoi qu'il ressente, il allait faire de son mieux pour gérer cette situation. Le plus perturbant serait certainement l’impression d’avoir un cœur qui bat et des poumons qui respirent. Il pouvait tenter de s’y soustraire et créer une barrière entre leurs deux esprits comme il l’avait plus ou moins fait lorsqu’il avait partagé ses souvenirs. Les dix heures de vol risquaient par contre de devenir particulièrement longues.
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Fanella Ozark
# Re: Départ vers le KazakhstanMar 18 Jan - 11:43
Eugène avait fait la connaissance de Carter sans incident notable, et Fanella lui avait expliqué qu’il allait devoir surveiller ses constantes. Aussitôt un air surpris s’afficha sur le visage du médecin. Heureusement, le fantôme se mit en devoir d’expliquer la situation. Elle le remercia silencieusement pour cela.

—  Je ne peux pas voyager comme vous et je vais malheureusement devoir posséder Fanella. Pour avoir déjà été possédé de mon vivant je peux vous dire que ce n'est pas dangereux pour la santé mais selon la sensibilité du corps il y a plusieurs effets qui peuvent être ressentis : palpitations, fièvre, fatigue, tremblements... ce genre de choses. Du moins quand les fantômes font ça pour survivre ou pour attaquer. Je tacherai de me faire le plus petit et discret possible donc j'espère ne pas causer trop de symptômes.

Le docteur fronça quelque peu les sourcils, suite à cette déclaration. Pendant ce temps Fanella se préparait psychologiquement. Douleur, fièvre, fatigue, tremblements. Une bonne grippe en somme, elle avait déjà connu cela, et elle essayait de se convaincre que ça allait aller. Restait la question de l’esprit d’Eugène mais cela, elle ne pouvait pas vraiment s’ouvrir au docteur Carter qui ne savait rien des capacités particulières d’Eugène.

— Attendez tous les deux, je ne suis pas sûr de bien comprendre. Si jamais vous aviez prévu ça..; vous m’en auriez parlé non, Fanella ?

La chercheuse hocha la tête, mal à l’aise. Oui, elle avait fait une erreur, ça n’était pas la peine de remuer le couteau dans la plaie. Heureusement, il se contenta d’un petit sourire.

— Je crois que je suis rassuré, vous êtes officiellement humaine, conclut-il. Pas de problème, j’ai prévu un peu de rab au niveau du matériel, donc ça va aller. Reste que pour vous Eugène, quel genre de conséquence cela peut-il avoir ?

Le fantôme semblait au moins aussi désolé qu’elle, mais en esprit Fanella insistait, c’était de sa faute, c’était à elle de penser aux détails de cette expédition.

—  Je ne sais pas trop ce que je vais ressentir de mon côté par contre,  répondit Eugène. C’est la grande inconnue mais… on va gérer. Je ferais ça quand tu seras assise par contre. Juste au cas où.

— Il y a des précédents dans mes recherches, je ne crois pas que ça soit douloureux pour les fantômes.


Carter haussa un sourcil.

— Bon… voilà qui est rassurant. Ce qu’on va faire, c’est qu’on va embarquer déjà tout notre fatras et puis on va vous installer sur un siège avec tout ce qu’il faut pour vous surveiller de près pendant le vol. On est jamais trop prudents, vous avez bien fait de venir me trouver.


Sur ce, Carter retourna à ses occupations et bien trop tôt à son goût Fanella se retrouva dans l’avion, immobilisée dans un des grands sièges confortables. Ils avaient convenus de voyager confortablement au moins au début, il serait plus facile d’affronter la randonnée que les attendait après dix heures de vol à peu près confortables.

Bientôt le visage du médecin apparut à nouveau au dessus de sa tête.

— Bon, ce qu’on va faire, c’est qu’on va d’abord prendre vos constantes et l’état, ça nous permettra de mieux percevoir les changements. J’imagine que vous voudrez garder les données qu’on aura récupérés ?

— Oui, répondit Fanella.

Elle venait juste de parvenir à retrouver son calme, quand de grands pas précipités remontèrent l’allée centrale. Jonathan.

— Fanella, tout va bien ? Qu’est-ce qui t’arrive ?

Encore une chose à laquelle elle n’avait pas pensé. Evidemment Jonathan risquait de ne pas l’entendre de cette oreille. Peut-être allait-il proposer de prendre sa place. Elle ne voulait pas le laisser faire.
Fanella Ozark
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Départ vers le KazakhstanMar 18 Jan - 16:45
Carter semblait être le seul ici présent à trouver du positif dans l’erreur monumentale causée par Eugène et Fanella. La jeune femme pouvait d’ailleurs bien penser ce qu’elle voulait, l’esprit considérait qu’il était tout aussi responsable qu’elle de cet oubli. Inquiet pour ce qui risquait de lui arriver, il s’était trop reposé sur elle alors qu’il aurait du prendre part aux préparatifs avec plus d’assiduité. Ils allaient à présent en payer le prix et se retrouver tous deux dans une position gênante pour lui et surtout très peu agréable pour elle, pendant de nombreuses heures. Et même s’il n’était pas d’accord, les pensées de la scientifique laissaient présager qu’elle ne souffrirait d’aucune autre proposition. Ils avaient discuté un instant tous les trois sur les tenants et les aboutissants d’une telle expérience et Carter s’étai demandé si cela risquait d’être dangereux pour Eugène. De ce qu’il en savait, cela allait surtout lui être bénéfique dans le sens où il ne souffrirait d’aucune perte d’énergie. Pour le reste… c’était une autre histoire, qu’il avait tenté d’expliquer avec l’aide de Fanella.

L’anxiété monta encore d’un cran lorsque le médecin aida son amie à s’installer dans l’avion et l’accrocha à tout un tas de machines dont il n’osait même pas approcher sous sa forme actuelle de peur de les détraquer. Il ne s’autorisa pas à penser au pire, à s’imaginer pouvoir la tuer parce que cela faisait trop longtemps qu’il était dans cet état, ou chasser son âme pour s’emparer de son corps par un horrible réflexe, préférant se remémorer ses expériences passées où c’était lui qu’on possédait. Bien sûr, que ce soit en laboratoire ou parmi les services secrets, il était déjà entré de force dans l’esprit de quelqu’un. Il ne savait pas exactement si cela comptait comme une possession où non, il n’était jamais resté bien longtemps. Perdu dans ses pensées, il flottait près des spots lumineux au plafond tandis que Carter finissait son installation.

Dans d’autres circonstances, il aurait été ahuri de pouvoir observer l’intérieur de l’appareil plus en détail mais il y avait plus urgent pour le moment. Il avait tellement l’habitude d’être possédé par des fantômes de son vivant qu’il n’avait jamais trop prêté attention à ce que cela lui faisait ou à comment le gérer. Il se doutait que le plus difficile à vivre serait la partie vivante du corps qui allait l’abriter, sa chaleur, son cœur qui battait, ses poumons qui respiraient. Il tenta d’y voir là un vague entraînement pour son futur retour parmi les vivants. Il allait essuyer ces sensations comme bon nombre d’autres, il était plus solide que ça et il était déjà en train de s’y préparer. Pour ce qui était du reste, il se rappelait vaguement cette impression de deux entités dans un même corps. Comme de l’huile dans de l’eau, dans le même récipient. Deux liquides plus ou moins similaires mais qui ne se mélangeaient pas ; il allait rester dans son coin et déranger Fanella le moins possible. Il n’y avait pas de raisons que leurs deux âmes s’amalgament, ce n’était jamais arrivé.

— Bon, ce qu’on va faire, c’est qu’on va d’abord prendre vos constantes et l’état, ça nous permettra de mieux percevoir les changements. J’imagine que vous voudrez garder les données qu’on aura récupérés ?

— Oui.

Eugène se dit qu’au moins, cette expérience là aussi aurait une portée scientifique utile pour les recherches de Fanella. Si cela devait être désagréable, autant que ce soit utile par la même occasion. Tandis que Carter prenait les premières mesures, il ne put s’empêcher de la regarder, dépité à l’idée de ce qui les attendait. Ce n’était pas pareil que de partager ses souvenirs. Ne pouvait-on pas le laisser à quai ? avait-on vraiment besoin de lui pour cette expédition ? La réponse était bien évidement oui. Il aurait préféré que ce soit un non pour pouvoir disparaitre. Il entendit Jonathan arriver avant même de le voir, repoussant l’échéance fatidique. Eugène ne savait pas s’il devait être soulagé et le remercier ou au contraire, encore davantage attristé de faire durer cet horrible moment qui les laissait dans l’expectative.

— Fanella, tout va bien ? Qu’est-ce qui t’arrive ?

— Tout va bien pour l’instant, tenta-t-il de le rassurer avec un soupir. Mais on a plus ou moins oublié que je n’étais pas aussi facilement transportable qu’une valise alors je vais devoir la posséder le temps du trajet… j’ai peur de rester à quai à agiter un mouchoir en vous regardant décoller sinon.

Jonathan n’allait pas aimer cette proposition, c’était clair comme du cristal. Surtout au vu de la discussion qu’ils avaient eu quelques jours plus tôt et qui revint à la charge de ses pensées alors qu’il avait tout fait pour l’oublier depuis quelques minutes. S’il possédait Fanella et qu’elle tombait là-dessus, s’en était fini de lui. En tout cas Eugène ne pouvait donner tort au chercheur, il n’appréciait pas non plus cette situation. Il songea tristement qu’il aurait peut-être mieux valu se retrouver dans le corps d’un homme, ou d’un animal plutôt que dans celui de Fanella mais avaient-ils vraiment besoin d’une dispute argumentée juste avant de partir ? La jeune femme elle-même semblait penser qu’il risquait de se proposer et ne voulait pas le laisser faire. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi mais garda ce genre de questions pour lui.

— C’est une décision qui ne plait à personne, Fanella et moi les premiers mais nous n’avons pas vraiment le choix… et pas beaucoup plus de temps à perdre.

S’ils se permettaient de retarder le départ, son amie risquait de se sentir encore davantage coupable de cet oubli qui lui était tout autant imputable. Il risquait déjà plus ou moins de s’attirer les foudres de tout l’équipage en plus de Jonathan, alors perdre quelques heures lui semblait impensable. Au moins Carter semblait de son côté.
Eugène (The Sorrow)
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Fanella Ozark
# Re: Départ vers le KazakhstanDim 30 Jan - 12:16
Fanella pensait s’en être tirée à bon compte jusqu’à ce que Jonathan arrive et la découvre aux mains de l’équipe médicale qui prenait ses constantes. Elle pressentait qu’il allait s’opposer à ce qu’Eugène la possède durant le temps du trajet. Probablement proposerait-il de prendre sa place. Si Jonathan le faisait, alors il y avait de fortes de chances qu’il découvre les autres capacités d’Eugène, celles qui constituaient leur secret. Il était de son devoir qu’Eugène puisse garder ce secret s’il le souhaitait.

Pendant qu’elle réfléchissait aux meilleurs arguments, Eugène commençait d’expliquer la situation, non sans un certain malaise.

— Tout va bien pour l’instant, commença-t-il. Mais on a plus ou moins oublié que je n’étais pas aussi facilement transportable qu’une valise alors je vais devoir la posséder le temps du trajet… j’ai peur de rester à quai à agiter un mouchoir en vous regardant décoller sinon. C’est une décision qui ne plait à personne, Fanella et moi les premiers mais nous n’avons pas vraiment le choix… et pas beaucoup plus de temps à perdre.

Le visage de Jonathan se fermait à mesure que Eugène parlait. Évidement, Carter dans son grand courage feignait d’être particulièrement absorbé par sa tâche.

— Je suis plus robuste que toi, Fanella, commença le second du laboratoire, je pourrais le faire.

Ce fut au tour de Fanella de se fermer. Pourquoi semblait-il toujours la considérer comme une petite chose fragile ? Elle était une adulte responsable, capable d’assumer les conséquences de ses choix et de ses erreurs.

— Je ne pense pas que ça soit une bonne idée, Jonathan, essaya-t-elle jouant encore la diplomatie.

Cela sembla offusquer le chercheur encore davantage.

— Pourquoi ? Tu n’as pas à t’imposer ça. Je peux le faire.

Carter s’interrompit dans sa tâche sans faire de commentaire, attendant sans doute que les deux chercheurs se soient mis d’accord. Fanella se leva pour se placer face à Jonathan. De toute façon, elle n’avait pas le choix. Les secrets d’Eugène devaient être protégés.

— J’ai déjà pris ma décision. J’ai fait une erreur, c’est à moi d’en assumer les conséquences. S’il y a un risque à prendre, je ne peux pas demander à un de mes employés de le courir à ma place. Je suis ta supérieur hiérarchique. En plus, Eugène dit que c’est à priori sans risques, Carter va me surveiller, il n’y a pas de quoi en faire toute une histoire.

Décidément, elle en avait marre que tout le monde la considère comme un enfant. Elle voyait Jonathan mais elle entendait sa mère. Cela l’insupportait.

— Mais, Fanella… pourquoi tu… Je veux juste t'aider tu sais je...

— Jonathan, ta supérieure te dit que c’est comme ça que ça va se passer. Tu n’as pas le choix. Va t’asseoir. Ça va aller.

Jonathan hésita, ouvrit la bouche à nouveau pour parler puis se ravisa. Il alla s’assoir un peu plus loin, les bras croisés sur la poitrine. Au fond, pensa-t-il, tout cela était un peu de sa faute. Fanella pensait toujours devoir protéger les secrets d’Eugène ce qui expliquait sans doute en partie sa décision. Lui ne pouvait se résoudre à lui dire qu’il savait, parce qu’il redoutait qu’elle découvre dans quel contexte cette discussion avait eu lieu. Il ne lui restait qu’à prier pour que le fantôme se débrouille pour ne pas trahir sa confiance.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Départ vers le KazakhstanLun 31 Jan - 22:34
L’arrivée de Jonathan et ses propos n’avaient fait qu’empirer la situation, même s’ils partaient d’une bonne intention. Fanella, déjà tendue et angoissée par le voyage et l’idée de se faire posséder, réagit au quart de tour lorsque le chercheur affirma être plus solide qu’elle pour supporter la présence du fantôme. Eugène aurait bien aimé rétorquer que la force physique et mentale de chaque individu ne faisait pas forcément de grande différence mais il préféra se taire, à peu près convaincu qu’aucun des deux ne l’écouterait. Il les voyait se fermer l’un à l’autre sans rien pouvoir faire. C’était pire sachant ce que Jonathan cachait et ravalait au fond de lui. Il détestait ce genre de situations. Au moins Carter avait l’excuse de travailler sur ses appareils de mesure pour se donner une contenance et ne pas participer.

— J’ai déjà pris ma décision. J’ai fait une erreur, c’est à moi d’en assumer les conséquences. S’il y a un risque à prendre, je ne peux pas demander à un de mes employés de le courir à ma place. Je suis ta supérieure hiérarchique. En plus, Eugène dit que c’est à priori sans risques, Carter va me surveiller, il n’y a pas de quoi en faire toute une histoire.

— Mais, Fanella… pourquoi tu… Je veux juste t'aider tu sais je...

— Jonathan, ta supérieure te dit que c’est comme ça que ça va se passer. Tu n’as pas le choix. Va t’asseoir. Ça va aller.

Fanella ignorait qu’il avait eu une discussion avec Jonathan et que ce dernier était au courant pour ses pouvoirs. Elle pensait devoir le protéger lui et ses secrets et c’était en partie de sa faute. Il ne s’était pas défendu contre Tanner et il ne lui avait pas dit que Jonathan était dans la combine. Le moment semblait mal choisi pour le faire, même à demi-mots et surtout en présence du médecin qui lui ne savait pas. De toute façon, la chercheuse avait pris sa décision, qu’elle sache que Jonathan partageait leur secret ne changerait plus rien. Elle trouverait une autre excuse. Il lui semblait juste dommage que personne ne lui demande son avis ; s’il avait du choisir, il aurait sans doute préféré posséder Jonathan, voire même personne. Peut-être qu'à tenter l'expérience avec son amie, il avait peur d’être mis en face de ce que lui avait dit le jeune homme, de lui donner raison.

L’espace d’un instant il se sentit énervé lui aussi, contaminé par les deux jeunes gens. L’envie de leur dire à tout les deux que s’ils continuaient de se disputer ainsi, il allait de son propre chef prendre une décision radicale, celle de les retrouver au Kazakhstan par ses propres moyens, traversa son esprit mais il la retint de toutes ses forces. Cela ne ferait qu’ajouter de l’huile sur le feu et serait un trop gros risque pris pour une simple dispute. Il se contenta donc d’un air désolé, bien incapable de soutenir ou de défendre qui que ce soit dans ce débat puisque la possession ne l’enchantait pas non plus.

Finalement, Jonathan partit s’asseoir avec plus ou moins les mêmes pensées que le fantôme ; Fanella n’était pas au courant de la discussion qu’ils avaient eu et lui aussi avait peur de ce qui risquait d’échapper au fantôme, de ce qu’elle risquait de finir par apprendre. Eugène espérait ne pas le trahir mais il ne voulait pas s’avancer à être certain de la maîtrise de son esprit, surtout pour une première possession. Séparer leurs pensées ne serait pas compliqué, du moins lorsqu’il se serait acclimaté à vivre dans un corps et il ne savait pas combien de temps cela prendrait.

— Il voulait vraiment aider tu sais, il s’inquiète pour toi même si c’est maladroit, tenta-t-il d’expliquer pendant que Fanella se réinstallait. Enfin… finissons-en. Plus vite on s’y met, plus vite je sortirais et nous pourrons laisser cette mésaventure derrière nous.

S’ils étaient tous deux tendus avant l’arrivée de Jonathan, c’était pire à présent. Comment lui en vouloir ? Dans un autre contexte, Eugène aurait pu avoir la même réaction. Mais il était évident qu’à moins d’avoir eu de bons arguments, Fanella n’aurait jamais changé d’avis. Il attendit, dépité que le médecin termine de la brancher et enregistre les premières données et constantes, pour mieux se retrouver ensuite face à elle et face à ce qu’il devait faire. Il l’observa une seconde pour lui laisser une dernière fois l’option de se raviser si elle le souhaitait mais la jeune femme n’allait certainement pas faire machine arrière après pareille altercation.

— Je suis désolé pour tout ça, s’excusa-t-il une dernière fois avant de se concentrer et de rassembler ses pensées. Respire profondément et essaye de te détendre, je vais tâcher de gérer le reste.

Il allait en tout cas faire en sorte que ce soit rapide, malgré toute la violence qu’impliquait sa nouvelle condition. Eugène n’allait pas faire durer cette intolérable situation bien longtemps et lorsqu’elle fut plus ou moins prête, il plongea en elle tout entier. La fois où il lui avait partagé ses souvenirs, il n’avait ouvert qu’une fenêtre, du bout des doigts. Aujourd’hui il faisait éclater les murs pour les reconstruire par-dessus, à son image. Comme il l’avait prédit, il fut un instant maître de ce nouveau corps, vivant et chaud et les premiers battements du cœur de Fanella, qu’il perçut comme les siens, le clouèrent au fond du fauteuil, cramponné aux accoudoirs, incapable de respirer tant tout lui sembla intense. La jeune femme, engloutie par son esprit eut le temps de percevoir l’espace d’une seconde l’esprit de tous les gens présents dans l’avion et ceux qui étaient encore dehors non loin. S’en était sans doute trop pour qu’elle ait la capacité de fouiller au plus profond, voire même au plus proche de ses souvenirs et en même temps, pris de fragilité dans ce nouvel état, tout et n’importe quoi pouvait lui échapper.

Les sensations de ce corps bien vivant en étaient trop aussi pour Eugène qui capitula très vite et en rendit le contrôle à son amie. Ç’avait été sa plus grande peur, de ne pas réussir à lâcher prise assez vite mais finalement, il était presque soulagé de le faire. Le fantôme se retrouvait donc là, comme un reflet altéré derrière un miroir. Fanella se trouvait du bon côté, il était de l’autre. Elle pouvait sentir sa présence sous sa peau, derrière ses yeux, imprégnée de chaque mouvement, ses émotions qui se calquaient sur les siennes mais la fine glace les séparait malgré tout. Ténue, elle était suffisante pour qu’il ne perçoive pas trop les sensations de son corps et qu’elle n’ait pas accès à ses pensées, même si rien ne pouvait vraiment empêcher la jeune femme de toucher la barrière, voire de la briser avec suffisamment de volonté. Eugène l’avait dressée dans l’unique but de se faire discret mais le corps de la jeune femme devait déjà se douter qu’un intrus partageait les lieux. Ça, il ne pouvait malheureusement rien y faire.
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# Re: Départ vers le KazakhstanDim 6 Fév - 12:02
Fanella avait obtenu ce qu’elle voulait Jonathan était retourné s’asseoir, malgré tout, elle avait du mal à décolérer. Après deux master, et un poste à la tête d’un gros laboratoire, il serait temps qu’on la considère comme une adulte. Sa petite taille, le fait qu’elle était une femme, son jeune âge n’aidait en rien. Elle adorait Jonathan mais détestait lorsqu’il se comportait soudain en chevalier servant. Elle n’avait pas besoin qu’on l’aide, elle pouvait assumer ses erreurs toute seule. Le fait que son second de laboratoire puisse penser le contraire la couvrait juste de honte. Carter ne levait pas vraiment les yeux de son côté, encore affairé à brancher le matériel. Evidemment, Eugène ne ratait rien de son état d’esprit et du court de ses pensées.

— Il voulait vraiment aider tu sais, il s’inquiète pour toi même si c’est maladroit, essaya-t-il pour l’apaiser. Enfin… finissons-en. Plus vite on s’y met, plus vite je sortirais et nous pourrons laisser cette mésaventure derrière nous.

Fanella soupira, se souvenant que le fantôme subissait ses pensées alors qu’il n’y était pour rien. Elle essaya de lui sourire. Après tout, il n’y avait là rien de grave.

— Je sais bien, Eugène, j’aimerais juste qu’il s’abstienne parfois.


Elle allait se lancer dans une grande tirade sur le fait qu’elle était une adulte responsable mais c’était inutile. Il avait déjà tout entendu dans sa tête. Elle s’apprêtait à vivre quelque chose de déstabilisant, il fallait se calmer.

— Bon, tout est prêt, déclara soudain Carter, je vais assister à une possession en direct. Quand vous m’avez recruté Fanella vous m’aviez dit que ce poste m’amènerait à vivre des choses hors du commun mais je ne m’attendais pas à ça.

Le médecin était visiblement joyeux et les infirmières échangèrent un regard amusé, habitués qu’elles étaient à travailler avec ce personnage haut en couleur. Leur enthousiasme acheva de contaminer Fanella, et sa curiosité scientifique domina un instant l’anxiété du voyage et le reste de colère qu’elle ressentait vis à vis de Jonathan.

— Je suis désolé pour tout ça, conclut Eugène. Respire profondément et essaye de te détendre, je vais tâcher de gérer le reste.

— D’accord, souffla-t-elle.

Elle ferma les yeux, avec l’idée que cela rendrait l’expérience moins pénible. L’espace d’une seconde elle eut le sentiment de faire une chute libre et d’être plongée dans l’eau glacée. Ses paupières se rouvrirent et elle inspira maladroitement alors qu’instinctivement ses bras se soulevaient pour affronter un ennemi invisible.

— Rythme cardiaque en hausse, température en chute mais rien d’alarmant, récita le médecin.

Juste après, Fanella eut l’impression que des centaines de personnes se mettaient à lui parler très fort en même temps. C’était comme se trouver au milieu d’un champ de radios toute allumés sur une station différente. Elle se boucha les oreilles mais les sons provenaient de sa propre tête. Son corps s’agita sans qu’elle y puisse rien pour essayer d’échapper à cet intenable brouhaha. Heureusement cela ne dura que quelques secondes. Le vacarmes s’éteignit comme il était venu, jusqu’à devenir un chuchotis puis disparaître entièrement.

— Tout va bien ? lui demanda le médecin.

— Euh… hésita Fanella.

Elle avait reprit conscience mais elle sentait comme un intrus à l’arrière de sa tête, comme si Eugène flottait en elle dans une bulle de savon. Elle se força à rester calme et sans trop savoir comment, de ne pas faire éclater le petit espace où Eugène s’était logé. Son corps fut parcouru d’un long et douloureux frisson.

— Température en hausse, déclara le médecin, on dirait que comme prévu vous allez nous faire une petite fièvre. Votre rythme cardiaque semble se stabiliser.

Fanella réalisa qu’elle ne s’était pas vraiment exprimée à ce sujet.

— Tout va bien, j’ai juste froid, je me sens patraque.

Finalement, elle se sentait soulagée. C’était moins pire que ce qu’elle avait anticipé, du moment en tout cas qu’on ne lui demandait pas de courir un marathon. Elle repensa à tous les témoignages de personnes possédés qu’elle avait lus et se demanda comment il était possible de laisser un fantôme entrer sans s’en apercevoir. Juste après, elle se rappela qu’Eugène n’était pas un fantôme comme les autres.

— Et toi ? Ça va ?
demanda-t-elle au vide.

Pour autant, elle pouvait sentir qu’il était là, tout près, si près que c’en était déstabilisant.
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# Re: Départ vers le KazakhstanLun 7 Fév - 19:44
L’expérience de posséder une autre personne, en particulier le corps d’une amie, avait été des plus désagréables pour Eugène, surtout après soixante ans passés sans la moindre étincelle de vie. Il avait parfois fait sien le corps de ses ennemis lorsqu’il vivait encore, mais ce n’était jamais allé à ce point et il espérait que cette première symbiose serait la dernière. Il ne pouvait apprécier de puiser dans les forces de Fanella qui était déjà accablée par la fatigue et le voyage avant même que l’avion n’ait réellement décollé. Se retrouver prisonnier du corps d’une femme amenait d’ailleurs son lot de sensations étranges qui le mettaient très mal à l’aise. Tout lui disait qu’il n’avait pas le droit d’être ici, que c’était mal, même si elle y avait consenti. C’était en partie pour s’éloigner de toutes ces sensations presque insoutenables qu’il lui avait très vite rendu le contrôle, sacrifiant l’émotion impressionnante de retrouver la vie, en quelque sorte, au profit de leur sérénité à tous les deux. Déjà qu’aucun des deux n’allait pas oublier ce moment de sitôt…

Il entendit Carter demander à la jeune femme comment elle se sentait, mais les pensées des autres personnes présentes dans l’avion étaient d’une certaine manière plus ténues. Comme si cette barrière de chair dans laquelle il se terrait atténuait les sons. Il y trouva un répit plus que bienvenu, c’était au moins son lot de consolation. Il percevait l’esprit de Fanella comme à son habitude, bien qu’il lui faille se concentrer à tout instant pour qu’il ne se mélange pas au sien. S’il avait été un fantôme normal, cela aurait été plus facile et plus discret mais comme Fanella le pensait si bien, il était loin d’être normal. Heureusement, il lui suffisait à peu de choses près de reproduire l’expérience de partage de souvenirs qu’ils avaient réalisé quelques jours plus tôt pour qu’ils restent plus ou moins dissociés.

— Et toi ? Ça va ? demanda-t-elle à voix haute à son encontre après avoir rassuré Carter

Eugène tenta un petit sourire rassurant, qu’elle dut sans doute ressentir mais pas voir. Maintenant qu’il était dans son corps, il ne pouvait plus s’exprimer à voix haute pour tout le monde, juste dans sa tête. Parler dans celles des autres aurait signifié révéler son secret, ce qui n’était pas possible. Sauf pour Jonathan mais mieux valait ne pas aller l’importuner.

— Un peu secoué et déboussolé mais je vais bien, lui répondit-il doucement, comme une pensée s’immisçant dans la tête de la jeune femme.

Elle se posait des questions, il voyait bien dans son esprit des phrases de comptes rendus et d’expériences. Il s’employa donc à éclaircir ce qu’il venait de se passer, au cas où l’équipe médicale se pose également des questions, auquel cas il serait plus facile pour Fanella de répondre.

— Désolé, c’était plus violent que la normale, un simple fantôme n’a pas assez d’énergie pour littéralement prendre possession d’un corps… il est juste caché là à puiser dans les ressources, on le sent à peine, ou bien au bout de plusieurs jours. Tout est toujours plus intense avec moi.

Il aurait aimé cacher le fond de reproche qu’il s’adressait à lui-même dans cette dernière phrase mais au-delà de ce qu’il venait de lui faire subir, il se rappelait les nombreux débuts de larsens dont ils avaient été victimes tous les deux depuis quelques jours. C’était peut-être parfois plus dur pour son entourage que pour lui, toute cette intensité.

— Le positif, c’est que j’ai certainement suffisamment d’énergie pour ne pas trop te fatiguer, j’espère que tu continueras de bien me digérer comme tu le fais jusqu’à présent.

Il eut un rire un peu nerveux face à cette mauvaise métaphore, mais il n’avait rien trouvé de mieux pour essayer de détendre l’atmosphère. Allez, il n’allait lui rester sur l’estomac ou sur la conscience qu’une dizaine d’heures puis ce mauvais moment serait derrière eux.
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# Re: Départ vers le KazakhstanSam 12 Fév - 11:42
Après avoir répondu que tout allait bien au médecin qui la regardait en souriant, Fanella s’était inquiété d’Eugène qu’elle sentait comme dans une petite bulle à l’intérieur d’elle. C’était comme se trouver avec plusieurs personnes dans un tout petit ascenseur, et que chacun cherche à ne pas gêner l’autre malgré l’espace réduit pour se mouvoir.

Elle sursauta quand sa voix raisonna dans sa tête.

— Un peu secoué et déboussolé mais je vais bien.

Cette déclaration soulagea Fanella. Elle venait de vivre une expérience déstabilisante mais pour lui, cela devait être bien pire. Avait-il sentit son corps comme le sien l’espace d’une seconde ? Se retrouver dans un corps qui n’était pas le sien, elle espérait ne jamais avoir à vivre cela. Il était déjà assez difficile d’en apprivoiser un. Elle espérait que toute cette expédition permettrait effectivement à Eugène de réintégrer son enveloppe charnelle d’origine.

— Désolé, c’était plus violent que la normale, reprit-il un simple fantôme n’a pas assez d’énergie pour littéralement prendre possession d’un corps… il est juste caché là à puiser dans les ressources, on le sent à peine, ou bien au bout de plusieurs jours. Tout est toujours plus intense avec moi.

Comme toujours, il répondait à ses questions mentales, mais à présent elle en avait pris l’habitude. Elle entendit cette pointe de regret sur la fin de sa phrase. Elle, de son côté, appréciait parfois cette intensité. Sans elle, il aurait été comme les autres fantômes, pas une vraie personne, juste un esprit agité dans une direction, par une douleur, un chagrin. Fanella repensa à ce qu’elle venait de vivre, ce sentiment d’entendre un brouhaha désordonné si fort qu’elle ne s’entendait plus elle-même au milieu de toutes ces voix sans queue ni tête. Elle espérait que l’expérience n’était pas si intense quotidien pour elle. Il y avait des moments dans sa vie où elle avait souhaité lire les pensées, pour simplifier les rapports humains. Elle retirait cela aujourd’hui.

— Le positif, c’est que j’ai certainement suffisamment d’énergie pour ne pas trop te fatiguer, conclut-il j’espère que tu continueras de bien me digérer comme tu le fais jusqu’à présent.

Elle eut un petit rire et songea qu’elle espérait ne pas le digérer totalement non plus.

— Bon, elle rigole toute seule, j’imagine que c’est bon signe, déclara Carter au dessus de sa tête.

Elle avait presque oublié que tous guettaient ses réactions à présent et elle se sentait un peu ridicule.

— Il parle dans ma tête expliqua-t-elle, mais il n’y a que moi qui peut l’entendre.

— Heureusement, enchérit Carter toujours aussi amusé, cette déclaration arrive dans un contexte bien précis.

Les infirmières échangèrent un sourire et cela acheva de la détendre. L’avion décolla presque sans qu’elle s’en aperçoive. Au départ du trajet elle essaya de se concentrer sur de l’analyse de données qui lui restait à faire mais assez rapidement la fatigue et la sensation de fièvre pris le dessus. Elle réclama une deuxième couverture et passa une bonne partie du trajet à somnoler, seulement interrompue par l’arrivée des repas. D’ordinaire, elle avait du mal à rester sans rien faire ou a se détendre mais la présence d’Eugène à l’arrière de sa tête la rassurait plutôt. Deux ou trois fois, Jonathan, visiblement toujours en colère vint s’enquérir de son état. Elle le rassura d’un sourire. Elle était fatiguée mais c’était bien moins pire que sa dernière grippe. Il n’y avait pas là de quoi s’alarmer.  De toute façon lorsque la nuit tomba, l’avion fut plongé dans le noir, pour permettre à chacun de dormir.

Cependant, plus l’atterrissage approchait, et plus Fanella s’inquiétait. Bientôt il faudrait quitter la chaleur de l’avion pour une grande randonnée. Et la marche à pied n’était pas son fort. Elle espérait récupérer toute son énergie lorsqu’Eugène quitterait son corps.
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# Re: Départ vers le KazakhstanDim 13 Fév - 20:00
Eugène sentit à peine le décollage de l’avion. De manière générale, tout était plus étouffé maintenant qu’un corps entier le séparait du monde extérieur. Les pensées de l’équipe installée dans l’avion lui parvenaient moins bien, comme des lumières fades occultées par celle bien plus brillante de Fanella. Il lui fallait juste un brin de concentration pour éviter d’être englouti par elle. C’était plus facile lorsque moins de voix criaient dans sa tête et que la seule vraiment présente était chaleureuse et bienveillante. Il avait finalement commencé à s’y sentir bien tant qu’il ne se concentrait que sur son esprit et sur ce moment de répit qu’elle lui offrait. Après soixante ans d’errance et de nuits sans repos, elle l’emporta même dans le sommeil, où leurs deux inconscients partagèrent d’étranges rêves plus ou moins confus, mélange de souvenirs, d’attentes et d’émotions mais des rêves tout de même et cela lui fit du bien de revivre cette expérience perdue depuis si longtemps.

Le fantôme ne vit donc pas vraiment le temps passer, ni les paysages défiler, l’océan laisser place à un autre continent. Il comprit que l’atterrissage était imminent lorsque Fanella commença à s’inquiéter de la suite des opérations puis qu’il perçut du mouvement autour d’elle. Il attendit néanmoins son feu vert pour quitter le corps de son hôte, en une opération bien plus douce et agréable que d’y entrer. Un peu comme lorsqu’on nageait dans une piscine à l’eau bien fraîche, y entrer était douloureux mais une fois habitué tout se passait bien. C’était pour Eugène comme quitter un lit bien chaud mais pour Fanella, si un corps pouvait parler, il aurait très certainement soupiré de soulagement. Le corps évanescent du fantôme réapparut flottant au-dessus de son amie, l’air inquiet de savoir si elle allait vite récupérer de leur mésaventure.

— Tout va bien ? on est arrivés alors ? Encore désolé pour cette mésaventure... j'espère que l'on aura pas à remettre ça au retour.

Il espérait vraiment, du plus fort possible, que leur retour se passe différemment mais il était bien incapable de savoir dans quel état il allait finir. Curieux, il regarda par le hublot pour y découvrir un aéroport au bâtiment bien différent de celui de Salt Lake City. Il ne faisait aucun doute qu’ils avaient atterri dans les pays de l’est de l’Europe et l’austérité, la grisaille du ciel et les montagnes qui projetaient sur eux leur présence inquiétante lui rappelèrent avec familiarité la Russie qu’il avait tant détesté. Son regard se perdit un instant dans les sommets nappés d’une fine brume qui surplombaient la ville et l’aéroport. Bien malgré lui, il semblait fixer quelque chose au-delà de la distance, de la nature, de l’eau des cascades et de la roche. Au-delà des ruines soviétiques et des bases militaires perdues dans un vaste parc naturel. Quelque chose qui l’appelait, l’attirait et le laissait avec une sensation d’angoisse pesante. Il s’en détourna en tressaillant pour revenir à la réalité ; Fanella était à ses côtés et l’équipe technique déchargeait le matériel tandis que le personnel de la douane s’approchait pour les vérifications. Ils ne semblaient pas enchantés d’avoir des ‘’chercheurs américains’’ sur leur sol, ce qui souleva une autre vague d’inquiétude chez le fantôme qui attendit d’être plus ou moins seul avec sa camarade pour lui parler à voix basse.

— Fanella… commença Eugène qui tentait de reprendre le fil de ses pensées et semblait un peu déboussolé dans la confusion de l’atterrissage. Si jamais il devait y avoir… disons… un souci avec des militaires ou je ne sais pas trop qui… sache que pour notre sécurité à tous, je n’hésiterai pas à agir si c’est nécessaire.

Il sous entendait très clairement qu'il pouvait bien envoyer les douaniers faire de la cueillette de fleurs s'il le désirait. Et pas sûr qu'il y en ait qui poussent à l'intérieur de la ville. Il voulait que cette mission puisse se mener à bien et ignorait tout des conditions géopolitiques du Kazakhstan, que ce soit avec la Russie ou avec les Etats-Unis. Tout ce qu’il sentait, c’était des militaires suspicieux et leurs chiens qui risquaient d’aboyer s’ils reniflaient quelque chose d’étrange. Un fantôme pouvait tout à fait être suspect et il préférait épargner à tout le monde du retard. Il allait donc pour l’instant rester sagement dans l’avion jusqu’à ce que tout soit déchargé et contrôlé.
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Fanella Ozark
# Re: Départ vers le KazakhstanJeu 17 Fév - 22:06
Fanella avait passé la fin du trajet dans une sorte de brume d’anxiété et de fatigue. Peu à peu, chacun comme elle se préparait à l’atterrissage et ce qui allait suivre. Elle remarqua qu’elle n’était pas la seule à se sentir anxieuse. Seul Carter gardait intacte son humeur joviale. Heureusement la jeune chercheuse n’avait pas peur de l’avion par dessus le reste. L’atterrissage se passa d’ailleurs sans une secousse. Elle aurait voulu rester là, au chaud, sous sa couverture encore quelques heures avant d’affronter la suite du voyage mais il était temps. Une fois l’appareil immobilisé elle fit comprendre à Eugène par la pensée, qu’à présent il n’y avait plus de risque qu’il soit laissé derrière. A partir de là, ils allaient se déplacer en véhicule puis à pied.

La jeune femme avait redouté que la sensation de fatigue et les courbatures persistent mais dès qu’Eugène s’en alla de son corps, ce fut comme si elle s’allégeait brusquement. Cette fièvre qui l’avait accompagnée durant les dernières heures s’en alla comme elle était venue ce qui arracha une expression fleurie à Carter. A demi rassurée, elle força un sourire.

— Tout va bien ? On est arrivés alors ? Encore désolé pour cette mésaventure... j'espère que l'on aura pas à remettre ça au retour.


Dans l’esprit de Fanella apparut un image très nette de Eugène, dans un corps qui ressemblait à la forme évanescente à laquelle elle était habituée. Cela lui laissa une impression étrange.

— Oui, j’espère aussi,
répondit-elle.

— Moi aussi, enchérit Carter, je veux être le premier médecin à ramener quelqu’un à la vie depuis Jésus Christ.

Fanella songea que c’était beaucoup de pression à faire peser sur les épaules de ce pauvre Eugène qui semblait déjà bien assez anxieux.

Jonathan apparut derrière elle sans qu’elle puisse l’anticiper alors qu’elle attrapait ses affaires au dessus de son siège.

— Alors ? Tu vas bien ? Demanda-t-il le visage fermé.

— Oui, c’est comme je te disais, une petite grippe, mais tout va bien rassure-toi.

— Je confirme, sourit Carter, elle est comme neuve c’est promis.

Heureusement Jonathan ne poussa pas le vice jusqu’à vérifier les relevés ce qui aurait eu le don de raviver sa colère à peine éteinte. L’heure n’était pas à la division. Dehors sur le tarmac, un petit comité d’accueil les attendait.

— Fanella… commença Eugène un peu nerveusement. Si jamais il devait y avoir… disons… un souci avec des militaires ou je ne sais pas trop qui… sache que pour notre sécurité à tous, je n’hésiterai pas à agir si c’est nécessaire.

Personne ne sembla avoir entendu cette remarque, ce qui soulagea la jeune femme. Il faudrait qu’Eugène soit plus discret, durant le voyage, ils allaient tous partager une forme de promiscuité qui se prêtait mal aux secrets.

— Ne t’inquiètes pas. Officiellement nous sommes là pour tester une théorie sur les fronts d’ondes et les champs magnétiques générés par les pierres dans le cadre de la recherche contre le cancer. Ils m’ont un peu rit au nez, mais je me suis fondée sur une théorie qui est à l’étude actuellement et la géologie particulière de la région. Tu as juste à te faire discret comme tu sais le faire. Pour le reste, c’est la sécurité qui s’en chargera. La CIA ne sait normalement pas que nous sommes là. Enfin… si jamais ils ont gobé mon mensonge au sujet du trou noir.

La jeune femme espéra l’avoir rassuré. Même lorsqu’il disparut de son champ de vision, elle continua de sentir sa présence. Elle alluma un gros appareil qui émis une série de bips rassurants. Elle le chargea sur son épaule. Une minute plus tard, un nouveau signal retentit, comme un pouls qui serait très très lent. Une valeur s’afficha sur la montre qu’elle attacha à son poignet.

— Ah… on a passé la valeur critique… L’échange de fronts et d’inversions entre toi et ton corps à commencé on dirait… Comment tu te sens ?


— Fanella, tu ressembles à la Tour Eiffel comme ça. Préviens-moi quand on passe les 34% de réversion ondulante.

En effet, l’appareil culminait à presque un mètre au dessus de sa tête. Une fois qu’elle fut dehors, l’engin suscita la curiosité des douaniers autant que leurs moqueries. Fanella était satisfaite de la manœuvre. Le moins ils étaient pris au sérieux, le plus ils seraient laissés à leurs occupations.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Départ vers le KazakhstanVen 18 Fév - 15:21
Eugène s’était inquiété du comité d’accueil qui les attendait à l’extérieur de l’avion. Et si les militaires les trouvaient trop suspects et les clouaient sur le tarmac ? Et si les chiens se mettaient à lui aboyer dessus même si personne ne pouvait le voir et qu’ils décidaient d’arrêter et de fouiller tout le monde à cause de lui ? Carter qui avait comparé sa possible renaissance à celle de Jésus ne lui avait arraché qu’un rire nerveux qui ne l’avait que peu détourné de ses inquiétudes. Il ne voulait surtout pas être considéré comme un nouveau messie… et encore moins les décevoir ? Pourquoi tous ces gens plaçaient en lui une si haute estime, un si h aut espoir de réussite alors que lui-même n’osait pas trop y croire ? Et si retrouvait son corps signifiait en réalité mourir pour de bon ? Il ignorait à quoi s’attendre, alors en désespoir de cause, il essayait de se raccrocher à ces gens qui croyaient dur comme fer que cette entreprise pouvait aboutir. Eugène, lui, n’arrivait pas à se projeter plus loin que ce moment fatidique qu’il sentait déjà approcher et l’angoisse sournoise rampait à l’arrière de chacune de ses pensées.

Jonathan était venu s’enquérir de l’état de santé de Fanella dès qu’il fut sorti de son corps. Le fantôme n’osa pas lui adresser la parole car il semblait déjà suffisamment renfermé après leur dispute du départ. Il avait ainsi attendu que la grande majorité des équipes médicales, logistiques et de sécurité soient sorties et s’occupent des douaniers et des militaires pour lui indiquer, à voix basse, que si cela s’avérait nécessaire, il utiliserait ses pouvoirs contre quiconque les retarderait, sans trop de remords. Après tout il ne s’agissait de rien de vraiment douloureux, juste de leur faire oublier leur but initial ou de leur donner une idée fixe qui les distrairait ailleurs.

— Ne t’inquiètes pas. Officiellement nous sommes là pour tester une théorie sur les fronts d’ondes et les champs magnétiques générés par les pierres dans le cadre de la recherche contre le cancer. Ils m’ont un peu rit au nez, mais je me suis fondée sur une théorie qui est à l’étude actuellement et la géologie particulière de la région. Tu as juste à te faire discret comme tu sais le faire. Pour le reste, c’est la sécurité qui s’en chargera. La CIA ne sait normalement pas que nous sommes là. Enfin… si jamais ils ont gobé mon mensonge au sujet du trou noir.

S’il avait pu respirer, Eugène aurait sans doute pris de grandes et profondes inspirations pour se calmer. Sous cette forme éthérée, c’était beaucoup plus difficile de se focaliser sur quoi que ce soit de physique pour s’apaiser. Il n’avait pas vraiment peur de la CIA, ou des militaires… juste qu’ils fourrent leur nez dans leurs affaires et découvrent que quelque chose cloche. Fanella avait visiblement tout préparé en amont et semblait persuadée qu’il n’y aurait aucun problème avec les autorités. Il tenta de s’en persuader lui aussi. Pour être plus discret, comme ils allaient sortir pour se diriger vers les voitures, il disparut, au moins aux yeux des militaires et douaniers, tandis que la jeune chercheuse s’équipait d’une énième machine dont il ne comprenait guère le fonctionnement.

— Ah… on a passé la valeur critique… L’échange de fronts et d’inversions entre toi et ton corps à commencé on dirait… Comment tu te sens ?

— Fanella, tu ressembles à la Tour Eiffel comme ça. Préviens-moi quand on passe les 34% de réversion ondulante.

Eugène ne put s’empêcher de paraître un brin affolé face à cette conclusion. Comment ça, ça avait déjà commencé ? Mais ils n’étaient même pas proches de son corps… Qu’est ce que cela voulait dire, ou impliquait ? Il n’arrivait pas à se le représenter. Et que se passerait-il après 34 % ? Tant de questions qui se bousculaient et qu’il n’osait même pas formuler de peur que la réponse ne le mette dans un état encore pire. Il fallait bien l’admettre, depuis qu’ils avaient atterri, l’esprit était un peu sur les nerfs. Physiquement il ne sentait pas de différences mais mentalement, la réalité de ce qui allait se passer lui revenait en pleine face. Carter avait beau plaisanter pour alléger l’atmosphère, il se sentait plus alourdi que jamais.

— Je ne sais pas… admit-il d’une voix penaude en serrant ses mains nerveusement. Pour être tout à fait honnête avec toi, pour l’instant je gère mon angoisse du mieux que je peux mais j’ai la tenace impression que quelque chose ne va pas et que ça va ne faire qu’empirer plus on va se rapprocher…

Eugène savait très bien qu'une partie de lui ne voulait pas voir son corps. Ne voulait pas se retrouver en face de ce qu'il était devenu ou que les autres le voient dans un état misérable, sans doute mangé par l'eau, la boue, les poissons et les vers. Une partie de lui voulait qu'on le laisse tranquille, que personne ne touche à sa dépouille. Il eut soudain l'air terrifié par ce que sa propre imagination lui faisait voir.

— Je vais juste... ne pas trop penser a des choses horribles et me focaliser sur la route pour vous aider à vous repérer au besoin... si ça n'a pas trop changé depuis soixante ans.

Même se replonger dans ses souvenirs, dans l'état d'esprit désastreux de son passé, semblait moins horrible que de penser à son propre corps. Une fois à l’extérieur, il se concentra surtout pour que personne ne le voie. Les chiens des militaires eurent l’air de le fixer mais ils n’étaient visiblement pas dressés à aboyer sur les fantômes et Fanella et son dispositif attiraient clairement une attention plus moqueuse. Il ne reconnaissait rien autour de lui, après tout, il avait surtout vécu dans le complexe plus haut dans la montagne, très certainement en ruine maintenant. Les routes devaient être restées plus ou moins les mêmes. Il fallait juste espérer ne pas croiser de gros ours sur le chemin. Le soulagement qu’il ressentit une fois que tout le monde fut installé dans les voitures était dérisoire mais bon à prendre tout de même.[/b]
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Fanella Ozark
# Re: Départ vers le KazakhstanDim 20 Fév - 17:48
Si Carter était d’une humeur plus que joyeuse comme l’indiquaient ses nombreuses blagues d’un goût assez douteux, Eugène en revanche semblait particulièrement anxieux. Le fait qu’elle lui demande comment il se sentait semblait l’avoir pris de court.

— Je ne sais pas… répondit-il visiblement mal à l'aise. Pour être tout à fait honnête avec toi, pour l’instant je gère mon angoisse du mieux que je peux mais j’ai la tenace impression que quelque chose ne va pas et que ça va ne faire qu’empirer plus on va se rapprocher…

« L’impression que quelque chose ne va pas ». Fanella se mit à réfléchir très vite à cette proposition. A quel genre de problème cela pouvait renvoyer ? A présent pour elle ce que ressentait Eugène devenait une donnée scientifique à prendre en compte dans le processus en cours. Elle vérifia les chiffres sur sa montre. Ils oscillaient tranquillement entre 1.3 et 1.7. Pas de retour significatif. Statistiquement tout allait bien mais il faudrait vérifier d’autres données en fois en voiture. Eugène était surement juste angoissé, la volonté se manifestait parfois de manière contradictoire mais 1.7 à cette distance, c’était un excellent chiffre.

— Essaye de ne pas trop t’inquiéter d’accord, le rassura-t-elle à voix basse, après avoir pris garde à ce que personne ne l’entende.

Juste après elle songea que c’était un conseil assez idiot, si l’anxiété pouvait se contrôler, elle le saurait. Peut-être faudrait-il simplement prendre le temps de lui expliquer les choses. Comprendre, analyser, cela fonctionnait pour elle.

— Je vais juste... ne pas trop penser a des choses horribles et me focaliser sur la route pour vous aider à vous repérer au besoin... si ça n'a pas trop changé depuis soixante ans, reprit Eugène.


Une fois à la voiture, Fanella se défit de son engin pour le placer délicatement dans le coffre. Un trou avait été percé dans la carlingue pour que l’antenne puisse rester verticale. Elle plaça juste à côté ses affaires et pris place à l’arrière. Elle invita Eugène à la suivre d’un signe de tête. Elle avait besoin de l’avoir près de lui, pour surveiller son état. Carter se tenait sur le siège avant, Jonathan était au volant et ne disait rien. Cependant la concentration semblait avoir pris le pas sur la dispute d’avant le décollage pour lui. Dès qu’elle fut installée, elle attrapa sa tablette qui afficha toute sorte de donnée complexe.

— C’est bon, tout le monde à tout ce qu’il faut ? demanda Jonathan, dès que les portières se furent fermés.

Derrière eux, un convoi d’une dizaine de voiture s’était formé, composé de gros 4x4 à la peinture camouflage.

— Oui, répondit Fanella, mais n’oublie pas, la sécurité prend la tête.

Lorsque sur le tarmac toutes les portières se furent fermés, l’expédition se mit en route à allure modérée.

— Comme on a un peu de temps, je vais essayer d’expliquer quelque petites choses qui pourraient t’aider, d’accord ? commença la jeune chercheuse.

Elle lui montra un premier graphique en trois dimensions sur sa tablette.

— Ça c’est mes prévisions en fonction de la distance et de ta volonté d’accord ? En gros si l’appareil à commencé à biper, c’est que tu es déjà « connecté » à ton corps par des fronts d’ondes. Ces flux négatifs et inversés commencent à ralentir le temps pour ton corps. C’est une équation à trois inconnues, c’est simple. On est à environ 150 km de ton corps, si on a déjà un taux de réversion ondulaire jusqu’à 1,7 ça veut dire que ta volonté est à 87%. A priori tout va bien. Je ne pensais même pas qu’on capterait le signal à peine descendus de l’avion.

Carter tourna vers Fanella un regard amusé.

— Dis-moi, ça t’embêterait d’être un brin plus concrète ? On rassure pas un patient on lui parlant chiffres mais en lui expliquant les choses de son point de vue subjectif. Et moi aussi j'ai besoin de savoir plus précisément ce qui va se passer.


Fanella se félicita d’avoir engagé Carter pour cette expédition. C’était un bon médecin qui avait l’habitude de prendre en compte tous les aspects du problème.

— Concrètement donc, reprit Fanella, ton corps est déjà en train pendant qu’on parle de ralentir sa décomposition. Tu imagines peut-être qu’il sera tout abîmé, décomposé, mais ça ne sera pas du tout le cas. D’ici qu’on arrive, le temps aura commencé à remonter aux alentours de 20%. En fait, dans le pire des cas il sera comme si tu étais mort il y a quelques jours, puis il te donnera l’impression de se régénérer. Il se peut que quand nous arrivions il soit de nouveau intact. Nous avons pris des treuils et tout l’équipement pour le sortir de l’eau mais selon certains calculs, mais il est même possible que la réversion nodulaire soit assez forte pour le sortir de l’eau malgré la gravité et le faire remonter jusqu’à toi.

Elle pointa un pic en bout de graphique.

— Là regarde, il y a même 13% de chances que ça arrive, fonction de ta volonté.

— Nous n’avons pas besoin de votre aide pour nous repérer, on est en 2022 nous avons des GPS très performants, nous avons surtout besoin que vous preniez soin de vous, pendant tout le voyage, compléta Carter.


Fanella songea qu’en effet à présent Eugène était la pièce centrale du voyage. Lui qui détestait être le centre de l’attention, c’était loupé.

— Carter à raison, reprit-elle, je vais recueillir des tas de données chiffrés avec des tas d’appareils mais j’ai aussi besoin de données subjectives. Carter et moi avons besoin de savoir comment tu te sens, pour prévenir tout problème, mais aussi pour la science en général.

Elle lui tendit un petit appareil avec deux boutons.

— Idéalement, tous les soirs, j’aimerais que tu t’enregistres en racontant ton état d’esprit de la journée. Ça sera peut-être plus facile qu’en t’adressant à nous.


Elle retint un soupire, la partie la plus compliquée de l’explication restait à venir.

— Evidemment, j’ai fait quelques prévisions, sur ce que ça va te faire, subjectivement. Au départ, tu vas te sentir tiré, dans la direction de ton corps, comme attiré par un aimant. Puis cette sensation va devenir de plus en plus forte, mais normalement tu devrais pouvoir y résister pour nous laisser le temps d’arriver jusqu’à 40%. Au delà de cette valeur, tu vas commencer à expérimenter des oscillations de consciences en lien avec tes axes de volonté fondamentale.


Carter étouffa un rire.

— Fanella, soit plus concrète.

La jeune chercheuse déglutit.

— A partir de 40%, la réversion ondulaire va se mettre à perturber ton champ de conscience et ta volonté. Il est fort probable que tu connaisses des états de conscience altérés et que tu sois confronté à des moments difficiles de ton histoire, ceux qui pourraient éventuellement s’opposer à ta volonté de revenir. Il est possible aussi que ton esprit ubiquite entre ton corps et ta position actuelle, que tu sois aux deux endroits à la fois, on aimerait limiter ce phénomène. A 34% si les choses vont trop vite, le labo a conçu des appareils pour te « retenir » avec nous un peu, pour éviter que tu flottes devant et que tu reviennes à la vie tout seul, et aussi pour qu’on puisse être sûrs que tu traverse cette phase de manière sécurisée, avec l’équipe médicale avec toi et en étant à un seul endroit à la fois.


Evidemment, ces prévisions n’avaient rien de rassurant, mais Carter avait insisté sur le fait qu’il était important d’expliciter les choses au maximum. De toute façon, ça n’était pas comme si elle pouvait cacher quoique ce soit à Eugène. Là s’arrêtaient ses connaissances sur la situation. Elle espérait que leur bloqueur ondulaire fonctionnerait. Si la pression était trop forte, il était possible que ça ne soit pas le cas. Mais plus forte était la pression, meilleures étaient les chances que le processus aboutisse.

— Il se peut que d’ici là se manifestent d’autres effets sur ta conscience qu’on aura pas anticipés, donc c’est important que vous hésitez pas à venir voir Fanella ou moi, à nous parler de manière ouverte de ce qui se passe pour vous, d’accord ?
compléta Carter.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Départ vers le KazakhstanMar 22 Fév - 9:15
Le convoi se préparait lentement à partir mais l’agitation organisée ne perturbait pas trop Eugène qui avait d’autres états d’âmes plus urgents à calmer. Fanella essayait maladroitement de l’aider en lui suggérant de ne pas trop s’inquiéter. Si c’était facile à dire, il savait que cette remarque venait d’un fond plus que bienveillant et sa figure pétrie d’inquiétude s’éclaira d’un sourire reconnaissant. Ce ne serait pas aussi facile de chasser les images de son corps, où l’idée que tout n’allait pas tourner comme prévu mais il allait essayer, se focaliser sur le positif. Pendant que la chercheuse rangeait son dispositif dans le coffre, il regarda un peu autour de lui pour se rappeler pourquoi il voulait revenir. Derrière le tarmac les maisons et la ville s’étendaient. Il y avait des restaurants, des cinémas, des rues à parcourir, tout ce qui lui avait été refusé de son vivant. Et les mots de son amie lui revinrent en mémoire : ‘’je veux que tu puisses avoir une vie. Une vie que tu choisiras. Une vraie vie libre, comme la mienne. Le passé à fait ressortir le pire, mais si tu vis de nouveau, je veux le meilleur pour toi.’’ De toute façon, s’il mourait finalement pour de bon, il ne serait pas déçu bien longtemps. Pourquoi ne pas commencer à réellement espérer pouvoir vivre cette vie, au moins un petit peu ? A faire confiance à son travail et ses calculs auxquels il ne comprenait rien ?

Il se sentit donc un peu plus léger lorsque Fanella l’invita à prendre place à côté de lui dans la voiture. Il devrait se tenir à elle un peu pour ne pas être laissé derrière, comme avec l’avion, mais cela restait moins un problème quand on ne volait pas à plusieurs kilomètres du sol. La progression en forêt risquait même d’être suffisamment lente pour qu’ils puissent les suivre. Très vite, le convoi se mit en marche et l’aéroport ainsi que sa sécurité disparurent de ses pensées. Il se concentra sur son amie qui avait sorti une tablette et semblait avoir de nombreuses choses à lui expliquer. Le fantôme ne demandait qu’à y voir plus clair, aussi se pencha-t-il vers elle pour observer son écran.

— Comme on a un peu de temps, je vais essayer d’expliquer quelques petites choses qui pourraient t’aider, d’accord ?

— Peut-être que ça me rassurera un peu de comprendre certaines choses, accepta-t-il avec un sourire.

Elle lui montra un graphique qui n’avait pour lui ni queue ni tête mais il tâcha de se concentrer. Pour Fanella, ça ne semblait pas compliqué du tout. Il fallait juste faire un minimum d’efforts pour entendre ce qu’elle avait à lui dire et que cela fasse du sens dans sa tête qui n’avait pas été formatée par l’école. Les calculs et les problèmes simples, ils pouvaient les résoudre mais les statistiques c’était un peu plus compliqué.

— Ça c’est mes prévisions en fonction de la distance et de ta volonté d’accord ? En gros si l’appareil a commencé à biper, c’est que tu es déjà « connecté » à ton corps par des fronts d’ondes. Ces flux négatifs et inversés commencent à ralentir le temps pour ton corps. C’est une équation à trois inconnues, c’est simple. On est à environ 150 km de ton corps, si on a déjà un taux de réversion ondulaire jusqu’à 1,7 ça veut dire que ta volonté est à 87%. A priori tout va bien. Je ne pensais même pas qu’on capterait le signal à peine descendus de l’avion.

— C’est pour ça que j’ai déjà l’impression de savoir exactement où il est, avoua-t-il non sans une petite inquiétude dans la voix.

Il ne s’y attendait clairement pas non plus, à se retrouver relié à son corps à peine arrivés. Mais comme il l’avait dit, tout était plus intense avec lui. Allait-il tellement inverser le temps que son corps allait venir tout seul à sa rencontre en marchant ? Eugène laissa échapper un petit rire nerveux en tout cas ; son équation à trois inconnues n’avait rien de simple. Elle oubliait qu’avec tout ses diplômes, il n’en avait aucun. Oh bien sûr, s’il revenait à la vie il s’en sortirait avec brio pour aller acheter sa baguette pour le petit déjeuner mais ce ne serait pas lui qui résoudrait l’énigme des trou noirs ou à qui on enverrait une mission pour aller sur la Lune. Carter l’avait bien remarqué lui aussi.

— Dis-moi, ça t’embêterait d’être un brin plus concrète ? On rassure pas un patient on lui parlant chiffres mais en lui expliquant les choses de son point de vue subjectif. Et moi aussi j'ai besoin de savoir plus précisément ce qui va se passer.

Concrètement donc, ton corps est déjà en train pendant qu’on parle de ralentir sa décomposition. Tu imagines peut-être qu’il sera tout abîmé, décomposé, mais ça ne sera pas du tout le cas. D’ici qu’on arrive, le temps aura commencé à remonter aux alentours de 20%. En fait, dans le pire des cas il sera comme si tu étais mort il y a quelques jours, puis il te donnera l’impression de se régénérer. Il se peut que quand nous arrivions il soit de nouveau intact. Nous avons pris des treuils et tout l’équipement pour le sortir de l’eau mais selon certains calculs, mais il est même possible que la réversion nodulaire soit assez forte pour le sortir de l’eau malgré la gravité et le faire remonter jusqu’à toi. Là regarde, il y a même 13% de chances que ça arrive, fonction de ta volonté.

— C’est plutôt rassurant, je suppose. Je le voyais déjà marcher vers nous comme un zombie. Et je crois que... je n'aurais pas supporté de me voir dans un sale état.

Cela calmait au moins les idées invasives de son imagination débordante. C’était tout de même assez spectaculaire que ce phénomène puisse se produire et il avait toujours du mal à y croire. Malgré tout, une partie de lui continuait de penser qu’on ferait mieux de le laisser tranquille mais ça, il ne pouvait pas le dire alors que l’expédition était déjà si proche du but. 150 kilomètres n’étaient vraiment plus grand-chose comparé à la traversée de l’atlantique en avion.

— Nous n’avons pas besoin de votre aide pour nous repérer, on est en 2022 nous avons des GPS très performants, nous avons surtout besoin que vous preniez soin de vous, pendant tout le voyage, compléta Carter.

— Carter à raison, reprit-elle, je vais recueillir des tas de données chiffrés avec des tas d’appareils mais j’ai aussi besoin de données subjectives. Carter et moi avons besoin de savoir comment tu te sens, pour prévenir tout problème, mais aussi pour la science en général. Idéalement, tous les soirs, j’aimerais que tu t’enregistres en racontant ton état d’esprit de la journée. Ça sera peut-être plus facile qu’en t’adressant à nous.

Eugène eut encore une fois un petit sourire à son encontre. Elle le voyait déjà comme s’il avait récupéré son corps. Comme un être vivant. Ce n’était pas la première fois mais cela le touchait énormément à chaque fois. Il ne demandait qu’à prendre le petit objet mais sous sa forme de fantôme… il avait bien plus de chances de le perdre.

— C’est comme un journal de bord c’est ça ? Je connais le fonctionnement. Par contre ça risque d’être difficile pour moi de le mettre dans une poche, il vaudrait peut-être mieux que tu le gardes et que tu me le prêtes le moment venu, proposa-t-il gentiment.

Il essaya de ne pas trop s’assombrir en pensant à ce qu’il ressentait. Un mélange de souvenirs et d’émotions, à la fois positives et négatives se battaient en duel. Et prendre soin de lui… il n’avait jamais vraiment réussi. Même si son corps revenait à l’état qu’il avait avant sa mort, il ne serait pas vraiment en forme après des années de sombre dépression. Il tâcha de ne pas y penser.

— Pour l’instant, une partie de moi à envie de laisser mon corps tranquillement là où il est et de ne pas aller le déranger. J’ai surtout très peur… Peur que tout s’inverse et qu’un déclic se fasse, que je meure finalement. Ou d’avoir mal, de me retrouver dans l’état d’esprit insupportable que j’avais avant. Mais ça c’est la partie impossible à prédire, je le sais bien. Et vivant ou mort, je ne sais pas prendre soin de moi, c’est bien connu.

C’était plus facile de prendre soin des autres mais il savait pertinemment que ça ne voulait pas dire qu’il prenait soin de lui. Il préférait quand la jeune femme lui disait maladroitement de ne pas trop s’inquiéter. Mais prendre soin de lui dans une telle situation alors que son corps gisait au fond d’une rivière... ce n’était ni possible ni thérapeutique, que le temps l’en fasse sortir ou non. En tout cas, Fanella semblait encore pouvoir lui apporter quelques précisions, dans des explications qui apparaissaient encore plus compliquées dans son esprit que les précédentes.

— Evidemment, j’ai fait quelques prévisions, sur ce que ça va te faire, subjectivement. Au départ, tu vas te sentir tiré, dans la direction de ton corps, comme attiré par un aimant. Puis cette sensation va devenir de plus en plus forte, mais normalement tu devrais pouvoir y résister pour nous laisser le temps d’arriver jusqu’à 40%. Au delà de cette valeur, tu vas commencer à expérimenter des oscillations de consciences en lien avec tes axes de volonté fondamentale.

— Fanella, soit plus concrète.

— A partir de 40%, la réversion ondulaire va se mettre à perturber ton champ de conscience et ta volonté. Il est fort probable que tu connaisses des états de conscience altérés et que tu sois confronté à des moments difficiles de ton histoire, ceux qui pourraient éventuellement s’opposer à ta volonté de revenir. Il est possible aussi que ton esprit ubiquite entre ton corps et ta position actuelle, que tu sois aux deux endroits à la fois, on aimerait limiter ce phénomène. A 34% si les choses vont trop vite, le labo a conçu des appareils pour te « retenir » avec nous un peu, pour éviter que tu flottes devant et que tu reviennes à la vie tout seul, et aussi pour qu’on puisse être sûrs que tu traverses cette phase de manière sécurisée, avec l’équipe médicale avec toi et en étant à un seul endroit à la fois.

Il se rappela la sensation d’être tiré comme avec le trou noir. Voilà qui était bien angoissant et qui ne le rassurait plus du tout. Et s’il se perdait dans un souvenir et leur faisait du mal sans s’en rendre compte ? S’il leur révélait toute l’étendue de ses pouvoirs ? Et si pour il ne savait quelle raison, il poussait tout le monde à s’entretuer ? Soudain, il avait presque envie d’abandonner le convoi pour disparaître et ne jamais s’approcher de cette rivière maudite. Fanella avait des machines pour limiter les conséquences de cette expérience qu’il trouvait de plus en plus folle mais allaient-elles marcher ? Ou lui faire mal comme le générateur ?

— Ça me rassure plus du tout ça, Fanella… même moi je ne sais pas exactement de quoi je suis capable, j'ai refermé un trou noir.

Plus que ses souvenirs, c’était maintenant l’idée qu’il puisse s’y perdre ou en faire subir les conséquences à tout le monde qui freinait son envie de progression. Et il ne pouvait même pas en parler sans que tout le monde autour de lui ne se mette subitement à lui demander des explications. Il avait refermé un trou noir avec ses pouvoirs alors il espérait que les machines de la jeune femme étaient parées à lui résister s’il se perdait dans un souvenir horrible.

— Il se peut que d’ici là se manifestent d’autres effets sur ta conscience qu’on aura pas anticipés, donc c’est important que vous hésitez pas à venir voir Fanella ou moi, à nous parler de manière ouverte de ce qui se passe pour vous, d’accord ?

A Fanella il pouvait parler de manière ouverte, à Carter un peu moins, pas sans l’avoir mis dans la confidence. Il poussa un soupir, sachant pertinemment qu’il était en train de se renfermer, mais il comprenait l’importance de la situation et de ce qu'on lui demandait.

— J’ai tellement peur maintenant que vous serez au courant très vite du moindre changement, ne vous en faites pas pour ça.

Du moins s’il avait suffisamment de temps pour s’en rendre compte avant que le passé ne prenne le pas sur le présent. Il fallait qu’il se concentre et soit attentif au moindre de ses pressentiments. Lui qui voulait étouffer dans l’œuf ses inquiétudes, il allait finalement devoir les essuyer comme la tempête pour s’assurer que rien ne se cachait derrière.
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Fanella Ozark
# Re: Départ vers le KazakhstanJeu 24 Fév - 22:40
Une fois dans la voiture, Fanella avait résolu d’expliquer quelque peu à Eugène ce qui l’attendait. Depuis qu’ils avaient quitté l’avion, son anxiété semblait augmenter peu à peu. Elle voulait le rassurer et en même temps elle se devait d’être honnête vis à vis de ce qui attendait Eugène.

Elle avait commencé par lui expliquer que son corps ne serait pas décomposé comme il devait surement le redouter car le temps avait déjà commencé à ralentir au fond de la rivière. Bientôt, il s’inverserait et alors le processus de régénération débuterait. D’ici qu’ils parviennent sur les lieux, le corps aurait peut-être même quitté les flots de la rivière. Eugène lui confirma qu’il sentait déjà une forme de lien se rétablir avec son corps et qu’en effet, il se l’était imaginé dans un sale état. Fanella comprenait qu’il n’avait pas envie de se retrouver face à cette image « zombies » de lui-même. Son estime de soi était déjà suffisamment entamée comme cela.

Avec l’aide de Carter, elle expliqua à Eugène qu’à présent il fallait qu’il puisse prendre soin de lui et être attentif à ce qu’il ressentait, à la fois pour le bien de la science et celui de la réussite de leur projet.  Pour faciliter les choses, et qu’il puisse s’exprimer sereinement elle avait pensé à prendre une petit dictaphone qu’elle lui tendit. Le plus étrange fut qu’elle ne réalisa son erreur que lorsqu’il parla pour lui répondre avec un petit sourire.

— C’est comme un journal de bord c’est ça ? Je connais le fonctionnement. Par contre ça risque d’être difficile pour moi de le mettre dans une poche, il vaudrait peut-être mieux que tu le gardes et que tu me le prêtes le moment venu,
proposa-t-il pour ne pas la froisser.

Fanella eut un rire nerveux parfaitement ridicule. Elle se sentait comme quelqu’un qui venait de proposer de se lever à quelqu’un en fauteuil roulant. Toute de suite après elle n’aima pas cette image et encore moins l’idée qu’il l’avait probablement perçue.

— Deux erreurs en moins de 24 h Fanella, s’amusa Carter, ou demain il va neiger, ou tu prends cette expérience un tout petit trop à coeur.

L’absence de commentaire de Jonathan ne la rassura pas vraiment. Elle commença à prendre la blague de Carter au sérieux tout en serrant le petit objet dans ses mains. Pourquoi cet aspect des choses ne lui avait pas sauté aux yeux d’emblée ? Elle se méfiait toujours de ses émotions lorsqu’elle étudiait les expériences de mort imminentes. Elle était vigilante à ne pas se laisser trop prendre dans les histoires de vie de ceux qui se retrouvaient hantés par leurs proches décédés. Mais dans ce cas précis, il était inutile de nier qu’en effet, de profonds sentiments entraient en ligne de compte. Elle avait partagé avec lui ses pensées les plus intimes, même si ça n’était pas son intention. Elle avait pleuré la mort d’Eugène lorsqu’elle l’avait cru disparu. Il lui avait montré des souvenirs, pour se confier. Il avait vécu chez elle plus longtemps que n’importe quelle autre personne si l’on exceptait sa mère. Elle lui faisait confiance elle le respectait. Elle considérait qu’il était un être humain digne, qu’on avait privé de sa liberté d’une manière inacceptable.
Elle se força à respirer. Encore un pas dans cette direction et ils étaient menacés l’un comme l’autre d’un puissant larsen émotionnel. Eugène de toute façon n’ignorait rien de tout cela. Il n’ignorait pas non plus que de plus en plus souvent, elle l’imaginait avec un corps, un corps physique, du genre qui peut tenir quelque chose dans sa main, du genre que l’on peut toucher. Elle n’osait pas imaginer comment elle se sentirait, comment ils se sentiraient tous les deux, si leur expérience venait à échouer.

La jeune chercheuse toussota.

— Ah oui pardon Eugène, je suis bête. Je te le laisserais allumé quelque part un peu à l’écart, comme ça tu sera tranquille…


Forcément, il n’avait rien raté de son trouble, mais il avait déjà assez à faire avec le sien. Elle essaya du mieux possible de retrouver son sang froid pour se concentrer sur lui à nouveau.

— Pour l’instant, une partie de moi à envie de laisser mon corps tranquillement là où il est et de ne pas aller le déranger. J’ai surtout très peur… Peur que tout s’inverse et qu’un déclic se fasse, que je meure finalement. Ou d’avoir mal, de me retrouver dans l’état d’esprit insupportable que j’avais avant. Mais ça c’est la partie impossible à prédire, je le sais bien. Et vivant ou mort, je ne sais pas prendre soin de moi, c’est bien connu,
reprit-il.

Fanella pouvait comprendre. Franchir la barrière de la mort une fois c’était déjà quelque chose de très traumatisant en soi. Dans ce sens-là, il serait tout simplement le premier à le faire. Cependant, les deux scénarios qu’il avait imaginés étaient hautement improbables. Quand à prendre soin de lui, il fallait commencer un jour.

— La peur c’est bien, commenta Carter qui décidément retrouvait son sang froid plus vite qu’elle, si il y a de la peur, c’est qu'on pense avoir quelque chose à perdre.

Elle de son côté répondit statistique, même si ce ne serait sans doute pas suffisant pour calmer cette angoisse.

— Statistiquement, la probabilité que finalement tu meurs pour de bons et quasi nulle. Et il n’y a que très peu de choses qui ont une probabilité quasi nulle… Et si tu étais dans le même état d’esprit qu’avant, alors ta volonté n’aurait pas la force qu’elle semble avoir aujourd’hui.

En plus de cela, il fallait à présent passer à la partie la plus inquiétante de l’explication, celle sur les effets secondaires. La possibilité que son corps ubiquite et se « téléporte » en quelques sortes entre son corps et le convoi. Elle avait conçu un appareil pour essayer de maîtriser le processus mais rien ne disait qu’il allait tenir le choc. Ce n’était pas comme si elle avait faire des tests en amont qui soient vraiment fiables. Il y avait aussi le problème des altérations de la conscience et des axes de volonté. Eugène allait connaître l’état d’un fantôme « normal » qui erre, en proie à ce qu’il y a de plus traumatisant dans son histoire. C’était cela qui allait mettre sa volonté le plus à l’épreuve. Forcément, Eugène n’aima pas du tout cette idée.

— Ça me rassure plus du tout ça, Fanella… même moi je ne sais pas exactement de quoi je suis capable, j'ai refermé un trou noir.


Fanella se crispa. Elle aurait aimé que Eugène garde cette information pour lui. En effet, il était entouré de gens particulièrement intelligents qui n’allaient pas tarder à faire A+A=B.

— D’ailleurs à l’occasion il faudra que tu me racontes comment tu as sauvé l’humanité, reprit Carter qui était visiblement toujours d’humeur badine.

Jonathan derrière le volant restait toujours aussi froidement silencieux. Fanella espéra qu’il était juste concentré sur la conduite mais elle se doutait que d’autres choses le préoccupaient.

Elle eut une pensée pour signifier à Eugène qu’évidemment, elle avait travaillé seule sur la machinerie et que celle-ci visait également à l’empêcher d’affecter son environnement avec ses autres capacités. L’engin agissait comme une sorte de filtre, comme porter des lunettes. Elle doutait qu’Eugène seul soit assez fort pour briser le verre. En revanche la rencontre entre lui et son corps allait nécessairement dégager des quantités d’énergies en inversions formidables.

Carter conseilla à nouveau à Eugène de se confier, ne se formalisant pas d’avoir de réponse à sa question sur le trou noir. De son côté Jonathan songea que garder ce secret risquait de s’avérer plus difficile que prévu. Il avait beau faire de son mieux, son humeur était toujours sombre. Il sentait que Eugène et Fanella partageait quelque chose. Il voulait croire que c’était juste un effet secondaire des quelques heures qu’il avait passées dans sa tête. Il en doutait.

— J’ai tellement peur maintenant que vous serez au courant très vite du moindre changement, ne vous en faites pas pour ça, conclut Eugène.

Fanella essaya de tourner vers lui un sourire rassurant. Sans qu’elle ne puisse le contrôler, son esprit dessina à nouveau Eugène dans son corps rétabli, en train de la serrer dans ses bras.

— Ne t’en fais pas, tout va bien se passer.

Le fait qu’elle doive détourner les yeux, à cause de la légère gêne que lui inspirait sa dernière pensée, n’aidait pas à la rendre crédible. Elle se prenait pour une froide scientifique, mais c’était sa mère qui avait raison. Elle n’était qu’une petite chose sensible.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Départ vers le KazakhstanVen 25 Fév - 15:15
L'ambiance en voiture devenait rapidement très pesante pour Eugène. Entre la sombre suite de pensées de Jonathan, la bonne humeur attentive et curieuse de Carter et les pensées troublées de Fanella qui tournoyaient à toute vitesse, l'esprit avait du mal à tout saisir et en oubliait même la route qui défilait. Mais il n'en était pas au point de ne plus savoir où donner de la tête, il savait très bien sur qui focaliser son attention. Le médecin et la jeune femme étaient plein de bonne volonté, d’espoir et d’envie de l’aider. Jonathan par contre… le fantôme était assez mal à l’aise de se retrouver dans la même voiture que lui, plus la conversation avançait et plus il s’assombrissait.

Vint le moment où Fanella tendit un dictaphone à Eugène, qui était bien en peine de pouvoir le saisir mais qui prenait plutôt bien cette charmante attention. C’était bien la première à le voir comme un être vivant et l’espoir qui grandissait lui laissaient doucement imaginer qu’il était déjà là, dans un corps physique à ses côtés. Sa remarque la rappela à la dure réalité et effectivement, comme ses pensées le trahissait, il ne voulait pas savoir ce qui arriverait si toute cette entreprise n’était qu’un échec. Il préférait ne pas y penser car il ne voulait pas la décevoir. Peut-être encore davantage que de se décevoir lui-même. Malgré tout, le fantôme paniqua un brin car ce que son amie avait en tête lui semblait affolant soudain, crachant de réalisme. Il y avait de forts sentiments là-dessous, de leur part à tous les deux. Elle-même se rendait compte qu’ils avaient passé beaucoup de temps ensemble, plus qu’avec d’autres, et de l’intensité du deuil après leur séparation. Jonathan avait peut-être raison, finalement. Et Eugène ne pouvait pour l'instant rien faire de cette information, ni en parler, ni même y réfléchir plus avant. Pas sans avoir de conclusion, de point final à cette dernière expérience, celle de revenir à la vie. Il préféra donc se concentrer sur son ressenti, sur l’instant présent, plutôt que de se plonger dans un futur certes doux mais pour l’instant utopique.

— La peur c’est bien, répondit Carter au fait qu’il craigne de mourir, si il y a de la peur, c’est qu'on pense avoir quelque chose à perdre.

Eugène lâcha un petit rire nerveux. Il lui restait encore quelques petites choses à perdre oui ; son identité, ses souvenirs, Fanella justement. Il ne voulait pas s’y résoudre, c’était trop difficile d’y penser. Il fallait tout de même noter que Carter arrivait à transformer même la plus viscérale des angoisses en quelque chose de positif. Cela méritait qu’on s’attarde un instant dessus le temps que la jeune femme à ses côtés retrouve le fil de ses pensées, après ses divagations.

— Je suis touché Carter, vous êtes vraiment le médecin le plus gentil qu’il m’ait été donné de connaître, je tenais à vous le dire…

En temps normal, il se méfiait des médecins, tous sans exception. Il savait pourtant bien qu’on ne devait pas mettre tout le monde dans les mêmes cases mais tous ceux qu’il avait connus s’employaient à rentrer dans une catégorie bien spécifique, celle des tortionnaires avides d’expérimentations et de percées scientifiques. S’il revenait, cela ferait sans doute du bien à Eugène de se faire ausculter par un médecin bienveillant. Fanella reprit la parole ensuite pour tenter elle aussi de le rassurer.

— Statistiquement, la probabilité que finalement tu meurs pour de bons et quasi nulle. Et il n’y a que très peu de choses qui ont une probabilité quasi nulle… Et si tu étais dans le même état d’esprit qu’avant, alors ta volonté n’aurait pas la force qu’elle semble avoir aujourd’hui.

L’esprit poussa un bref soupir de soulagement. Elle connaissait mieux les probabilités que lui alors même si le risque zéro n’existait pas, il lui faisait confiance. Même si ce n’était toujours pas suffisant pour se projeter, car même si la chercheuse trouvait peu probable qu'il disparaisse, Eugène n'arrivait pas a penser plus loin que le fait de retrouver son corps. C'était l'unique condition avant d'être en capacité de prévoir ce que serait le possible reste de sa vie et avec qui il désirait le passer. Avec Fanella ? Peut-être, si tant est que la grande conversation qu’il prévoyait d’avoir avec elle à la fin de cette aventure finisse par avoir bel et bien lieu. Avant qu’il ne continue de rêvasser ou de se poser des questions qui n’auraient pas de réponse immédiate, la scientifique mit également l’esprit en garde sur ce qu’il risquait de lui arriver et l’angoisse qui s’était évaporée revint à la charge. Il ne voulait pas se perdre dans ses souvenirs et potentiellement faire du mal à tout le monde. A demi-mots, il lui avait expliqué sa crainte, mais bien sûr, pas sans une certaine maladresse qu’il tenta de contrôler et de camoufler. Garder le secret de ses pouvoirs devenait un poids lourd à porter, surtout dans la situation actuelle. On lui demandait d’exprimer son ressenti mais il ne pouvait le faire pleinement sans se dévoiler.

— D’ailleurs à l’occasion il faudra que tu me racontes comment tu as sauvé l’humanité, lui dit Carter après qu’il ait parlé du trou noir.

L’homme était curieux et c’était tout à fait normal. Malgré tout, Eugène ne put s’empêcher de grimacer, se rappelant la jalousie de Jonathan qui lui disait qu'elle ne pouvait pas se contenter d'aimer un simple mortel, qu'il lui fallait quelqu'un qui venait d'un autre monde et capable de fermer des trous noirs. Il se sentait un peu comme l'alien immortel de la bande et eut une drôle de sensation. Comme un pincement au coeur, même s'il n'en avait plus. Et le contexte dans lequel tout ceci était arrivé... Ce qui l’avait précédé et ce qui l’avait suivi. Un instant il se mura dans un silence abattu face à tout ce qui pesait sur lui. Puis il se dit que le pauvre Carter méritait tout de même une réponse, en fin de compte.

— Sauver l'humanité c'est un bien grand mot... ce n'était que la conséquence désastreuse d'une séance de torture ratée. Je ne sais pas vraiment comment j'ai fait. Je ne pense pas que… ce soit le bon moment d’en parler.

Et des séances de torture, il y en avait eu d'autres. Où il était tour à tour la victime et le bourreau. Il lui semblait déjà entendre les cris, lointains échos de son passé, qu'il chassa avec véhémence. Dans la tête de Fanella planaient des explications qu'il était le seul a percevoir sur sa nouvelle création. Elle semblait avoir pensé à tout, même sans avoir eu le temps d'en tester la fiabilité.

— Ne t’en fais pas, tout va bien se passer.

Une nouvelle image dans l’esprit de la jeune femme s’imposa à lui. Elle s’imaginait le serrer dans ses bras. Si elle savait comme il en avait envie. Qu’il s’était juré que c’était la première chose qu’il ferait, même. Même si ce n’était pour l’instant que le fruit de leur imagination conjointe, il se détendit et sourit à cette pensée avec un air attendri. Une partie de lui voulait culpabiliser de penser à cela alors que Jonathan était à côté mais il s’autorisa à la chasser pour serrer légèrement la main de Fanella dans la sienne. Il y avait tant de choses qu’il aurait voulu lui dire. Qu’elle était sensible oui, mais clairement pas une petite chose. Elle en oubliait toutes les fois où elle avait dû s’imposer avec force depuis qu’il la connaissait. Que ce n’était pas une faiblesse mais une force inébranlable qui l’avait menée plus loin aujourd’hui que n’importe quelle autre personne. Il ne pouvait pas le dire, mais peut-être qu’elle pouvait le deviner dans ses yeux.

— Je te fais confiance, déclara-t-il simplement avec émotion. On va y arriver.

Ces quelques mots suffirent à le remplir d’un peu de détermination. Il ne pouvait pas se laisser aller à la négativité, pas maintenant alors que plus tard, sa propre conscience tentera de le mettre à l’épreuve. Ils se rapprochaient déjà dangereusement des montagnes et la route longiligne qui sortait de la vie se peupla peu à peu d’arbres sous leurs yeux.
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# Re: Départ vers le KazakhstanMar 1 Mar - 11:22
Carter s’était contenté de sourire suite au compliment que lui faisait Eugène sur sa gentillesse. Fanella, qui avait déjà quelque peu visité les souvenirs d’Eugène savait douloureusement à quel point ce qu’il lui disait était vrai. Elle espérait qu’il aurait l’occasion de découvrir que la plupart des médecins étaient en réalité des créatures relativement bienveillantes. La discussion s’était poursuivie sur les conséquences pour Eugène de ce qu’ils s’apprêtaient à faire. Le fantôme s’inquiétait de ce qu’il serait capable de faire, alors que son état de conscience risquait d’être altéré par les souvenirs. Evidemment, il avait mentionné la fermeture du trou noir, ce qui n’avait pas manqué d’attirer l’attention de Carter. Un homme aussi intelligent que Fanella le redoutait. Entre lui et Jonathan, leur secret risquait de ne pas être en sécurité bien longtemps.

— Sauver l'humanité c'est un bien grand mot... ce n'était que la conséquence désastreuse d'une séance de torture ratée. Je ne sais pas vraiment comment j'ai fait. Je ne pense pas que… ce soit le bon moment d’en parler.

Heureusement, Eugène avait un meilleur sens de la répartie qu’elle. Il était aussi beaucoup plus habile pour mentir sans s’y être préparé. Elle se souvint de sa conversation avec Jesse de la CIA et à quel point cela lui avait semblé difficile.

— Comme tu voudras, répondit Carter, tu auras déjà assez à faire avec les souvenirs douloureux d’avant ton décès pour en plus ajouter ceux-là.

Normalement en effet, les axes de volonté ne concerneraient que sa vie d’avant son décès et pas sa vie de fantôme sur terre qui durait maintenant depuis quelques temps. Mais il s’agissait d’Eugène, qui pouvait prévoir ce qui allait se produire ? Il allait devenir l’espace d’un moment similaire aux autres fantômes, obsédées par des êtres perdus, des traumatismes, des blessures diverses qu’ils cherchent en vain à soigner en hantant les vivants.  Heureusement pour Eugène, ce processus ne durerait normalement pas plus de quelques heures. En temps subjectif, il était difficile de savoir combien cela durerait. Malgré tout, il y avait de très fortes chance que le processus aboutisse. Fanella se le représenta, clairement, nettement. Eugène avec un corps. Trop de sentiments se mêlaient à cette expérience. Elle était en train de perdre toute objectivité. En même temps, ces mêmes sentiments la poussaient à aller jusqu’au bout. Pour le moment tous les voyants étaient au vert. Restait à espérer que sa machine tiendrait et empêcherait Eugène de diffuser ses souvenirs à toute l’équipe et de devoir affronter l’expérience seul, hors de la surveillance médicale offerte par Carter. Alors elle voulu se montrer rassurante, dire qu’un autre avenir, une vie libre était possible pour lui.

— Je te fais confiance, répondit-il, on va y arriver.

Fanella lui répondit avec un sourire un peu plus franc cette fois. Elle avait perçu l’émotion dans sa voie.

— C’est ça qu’on veut entendre  ! ajouta Carter tel un coach sportif en roue libre.

Comme Jonathan restait toujours aussi silencieux, bientôt tout l’équipage tomba dans le silence. Autour, la nature se dressait, de plus en plus menaçante et rapidement toute énergie positive quitta Fanella. Le pire pour elle restait à venir  : la randonnée. Le point où Eugène était décédé était assez reculé pour leur obliger deux jours de marche intenses avec toutes les affaires sur leur dos. Le paysage était magnifique cela dit, lorsque le convoi se gara au bord d’un chemin de terre. Sans mot dire, la jeune chercheuse chargea son appareil sur son dos qui continuait d’émettre de petits bips réguliers.

— Combien ? demanda Carter.

— 4%,
répondit Fanella.

Au moins les chiffres continuaient de progresser de manière encourageante. Ils allaient normalement progresser en courbe exponentielle alors il importait d’être vigilants. 4% ça n’était que le début mais tout ça pouvait se mettre à grimper vitesse grand V. Elle jeta un oeil au chemin, qui grimpait déjà à pic, face à elle et se força à garder la tête froide. Elle pouvait le faire. Eugène aurait à affronter bien pire de son côté. Elle se tourna vers lui.

— Comment tu te sens ? demanda-t-elle.

Avant qu’Eugène puisse répondre, Jonathan déboula derrière elle.

— Je peux te parler ?

Fanella ne savait rien de ce qui allait se dire à ce moment précis. Mais Eugène pouvait savoir que Jonathan avait fait A+B et qu’il avait compris quel était réellement la fonction de la machine tampon. Il avait l’intention de dire à Fanella qu’il savait pour les autres capacités d’Eugène et qu’elle avait été inconsciente de tous les entraîner là dedans sans les informer des risques. Tout le trajet, il avait pesé le pour et le contre. Mais pour éviter d’autres situations désastreuses comme celle de l’avion, il devait mettre son égo de côté et dire qu’il savait tout. L’autre sujet de cette discussion, il l’éviterait du mieux possible.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Départ vers le KazakhstanJeu 3 Mar - 18:47
La forêt venait d’engloutir les véhicules de l’expédition après une bonne partie de route morne et longiligne, sous un ciel grisonnant de nuages. Ils venaient de dépasser un panneau usé par le temps qui indiquait l’entrée du parc naturel et l’ombre du feuillage s’abattit sur eux. Les routes commençaient à grimper en direction de la montagne mais Eugène savait bien qu’elles ne seraient très vite plus praticables. L’endroit avait été désigné tout spécifiquement pour empêcher les intrusions de véhicules. La base et tous ses bâtiments éparpillés plus haut dans la montagne n’étaient accessible que par les airs et, de son vivant, les intrus étaient vite repérés et éliminés. Ces arbres, parfois dressés vers le ciel, parfois tordus, le terrifiaient à nouveau. Une prison, un dédale naturel, sa dernière demeure et voila qu’il rentrait au bercail.

Un court instant des souvenirs lui revinrent en mémoire. Il se tenait assis dans une jeep russe, entourée de soldats qui le regardaient avec haine. Les cahots de la route envoyaient cette poupée de chiffon aux yeux ternes contre la vitre et le métal sans qu’il ne l’en empêche. Eugène savait très bien que sa deuxième sortie de laboratoire n’avait rien à voir avec Joy. Elle n’était pas venue le sauver, on avait décidé de le condamner ici. De l’utiliser jusqu’à l’usure la plus profonde pour le bien d’une nation qui lui donnait envie de vomir tout ce qu’il était. Si ce n’était pas pour elle, ou pour son fils, il aurait déjà attaqué les soldats pour qu’ils aient une raison de l’abattre. Les sensations le prirent à la gorge jusqu’à ce que la voiture conduite par Jonathan s’arrête devant le chemin de terre, le ramenant à la réalité presque avec soulagement. Il s’ébroua un peu et descendit de voiture en même temps que Fanella, essayant de ne pas paraitre trop fermé.

— Combien ? demanda Carter.

— 4%. Comment tu te sens ? l’interrogea Fanella.

Ce seul souvenir, bien que peu intense, avait réussi à mettre Eugène mal à l’aise et il semblait regarder avec inquiétude le ciel, comme si l’on risquait de les attaquer à tout moment, vestiges de ses habitudes passées. Il allait lui répondre que quelques images et sensations refaisaient surface sans que cela ne soit trop alarmant ou déstabilisant pour l’instant mais Jonathan le devança alors qu'il ouvrait la bouche. Il avait visiblement autre chose en tête.

— Je peux te parler ?

Eugène ferma la bouche et prit le temps de réfléchir avant de s’affoler. Le chercheur voulait révéler qu’il était au courant pour ses pouvoirs. Carter, à côté, n’en manquerait pas une miette contrairement aux équipes chargées de décharger. Mais était-ce vraiment le bon moment ? Pour le fantôme qui aurait préféré attendre, non sans doute pas. Mais tout le monde avait ses problèmes et ses priorités. Et si sa première pulsion avait été d’empêcher Jonathan de parler, la réflexion le poussa à choisir de le laisser faire et à se taire. Si c’était important pour le jeune homme de se confier, il ne voulait pas l’en empêcher. Peut-être qu’il avait eu tort pour ça aussi, qu’il aurait du trouver le temps de prévenir Fanella qu’ils avaient eu une discussion. Et si elle se fâchait contre lui ?

Et en même temps, ce qu’il avait l’air de vouloir dire, c’était que Fanella aurait dû les prévenir qu’Eugène pouvait devenir un danger. Et s’il montait toute l’expédition contre lui ? Inquiet, il se tordit les mains en reculant quelque peu, comme s’il cherchait instinctivement à pouvoir fuir si les choses dégénéraient. Tout ce qu’il espérait, c’était que Jonathan emploie les bons mots, que Carter ne devienne pas subitement lui aussi un médecin avide d’expériences et que le reste de l’expédition ne s’emballe pas si une dispute devait éclater. Qu’on ne le traite pas comme un monstre. Comme les anciens soldats chargés de le surveiller qui lui avaient trouvés tout un tas de sobriquets humiliants. Un instant, ses propres pensées lui chuchotèrent de partir seul pour ne mettre en danger personne mais il considéra cela comme une mauvaise idée. Autant attendre de voir comment la situation allait tourner et tenter de jouer les médiateurs.
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Fanella Ozark
# Re: Départ vers le KazakhstanVen 4 Mar - 21:03
Fanella aurait voulu pouvoir s’enquérir de l’état d’Eugène en paix. Elle n’avait pas manqué le regard qu’il portait sur le paysage. Pour elle, ça n’était qu’une nature hostile. Pour lui, c’était les abords d’un lieu où il avait été détenu dans d’horribles conditions. Mais juste après que Carter ait demandé l’évolution des chiffres, Jonathan déboula, visiblement préoccupé. A la tête que faisait Eugène, il n’aimait pas exactement ses intentions. Fanella n’avait ni l’énergie ni le courage de se mettre en colère mais il faudrait peut-être bien alors elle accepta de laisser partir le début du convoi devant. De toute façon, assez vite, ses jambes ne la porteraient plus aussi bien et elle serait dans tous les cas à la traîne.

— Toi aussi Carter, ça te concerne, reprit Jonathan.

Bientôt, sous les bips bips réguliers, ils se trouvèrent tous trois isolés à l’arrière. Elle hésita à ouvrir le dialogue sur un «  tu vas encore me sermonner » agressif, mais préféra laisser Jonathan ouvrir les hostilités.

— Je sais pour Eugène, Fanella. Je sais pour ses autres capacités.

La jeune chercheuse s’attendait à tout sauf à ça. Si c’était bien le cas, pourquoi Eugène n’en avait rien dit ? Pas même dans l’avion alors qu’ils se disputaient. Décidément, elle n’aimait pas lorsqu’il lui cachait des choses de la sorte. Elle qui ne pouvait justement rien lui cacher, cela lui donnait le sentiment d’une forme d’asymétrie.

— Pourquoi tu n’as rien dit ? demanda-t-elle.

— Quelqu’un veut bien éclairer ma lanterne ? intervint Carter que la déclaration de Jonathan n’avait pas déstabilisé. Il n’y avait que très peu de choses en ce bas monde susceptibles de déstabiliser Carter et c’était précisément pour cela qu’elle l’avait choisi.


— Eugène peut lire les pensées, en fait c’est pire que ça, il les lit en permanence.


Fanella guetta la réaction du médecin. Heureusement il ne la déçut pas.

— Alors ça, c’est intéressant, déclara-t-il avec un grand sourire.

La chercheuse vit toutes les questions se bousculer dans son esprit brillant où la curiosité scientifique la plus aiguë sévissait.

— Comment c’est possible ? reprit-il normalement, une telle chose n’est pas possible non ?

Mais Jonathan n’avait pas terminé.

— Ce n’est pas tout, Eugène peut aussi faire léviter n’importe quel objet, juste par la pensée. Il est assez fort pour..

—… Refermer un putain de trou  noir ! Fanella cette expédition devient de plus en plus géniale !

Pendant que Carter était de plus en plus euphorique, Jonathan restait toujours aussi fermé.

— Je veux voir tes calculs sur la machine tampon,
exigea le second de laboratoire.

Le médecin de son côté s’était lancée dans un monologue que rien ne semblait pouvoir arrêter.

— Oui oui oui, calmons-nous en fait c’est logique ça a avoir avec la volonté, forcément… les axes de et puis… oh mais alors ça veut dire que fondamentalement…

— Je sais ce que tu penses, reprit Fanella à l’adresse de Jonathan, tu penses que j’ai pris de trop gros risques en amenant tout le monde ici sans leur dire la vérité. Mais il faut regarder le tableau large Jonathan. Oui, il y a un risque que la machine n’absorbe pas assez la capacité d’Eugène et qu’effectivement, certains d’entre nous s’envolent, ou partagent ses souvenirs, mais dans tous les cas, la machine devrait bloquer plus 90% des effets (sauf occurence d’une probabilité marginale évidement), donc il y a relativement peu de chance que quelqu’un se blesse, ou soit choqué…

— S’il peut savoir tout ce que je pense alors ça veut dire… ça veut dire que je dois dire, tout ce que je penses ? Est-ce que j’ai envie de savoir tout ce que je pense ? Lui ne doit pas avoir envie de savoir tout ce que tout le monde pense, il faudrait que je lui demande comment il n’est pas devenu complètement psychotique, poursuivait Carter en arrière fond, sans que ni l’un ni l’autre n’y prête attention. Fanella n’était pas étonnée que sa fascination se centre d’abord sur la première partie de la déclaration de Jonathan. Carter avait exercé de nombreuses spécialités, mais actuellement, il était psychiatre.

— Et s’il ubiquite ? demanda Jonathan, vu les chiffres, il y a de fortes chances que ça arrive, non ?

— Oui, mais à ce moment là, le phénomène devrait logiquement avoir lieu dans l’espace temps propre de son corps et nous seront toujours dans le rayon d’action de la machine. J’ai installé des générateurs de réversibilité à double sens… Heureusement, la technique n’a pas trop posé de questions.

Les déclarations de Fanella ne rassuraient Jonathan qu’à demi visiblement. Ses sourcils étaient toujours aussi froncés, sa mâchoire toujours aussi serrée, alors elle perdit quelque peu patience, et malgré l’essoufflement qui la gagnait déjà sur le petit chemin qui s’enfonçait dans la forêt, elle se lança dans une longue tirade.

— Écoute Jonathan. Oui il y a un risque que quelqu’un soit blessé ou choqué. Et oui, ça n’était pas vraiment éthique de ma part d’exposer toute une équipe à ce risque sans l’en informer. Mais nous sommes trop nombreux pour faire confiance à tout le monde. Eugène a un passé militaire compliqué. Il a été plus ou moins retenu prisonnier toute sa vie. Il n’est pas impossible que la CIA nous soupçonne de l’avoir ramené à la vie, puisqu’ils savaient pour le trou noir. Plus de gens connaissent son secret et donc sa vraie identité, et plus on a de chance qu’ils nous tombent dessus. Et alors, il va se passer quoi ? Ils vont l’enfermer à nouveau, en faire une arme de guerre et là, combien de vies seront en jeu ? En plus de la sienne évidemment ?

Jonathan croisa les bras, fâché.

— Tu es complètement parano Fanella.

— Oui… poursuivait Carter plus essoufflé par l’enchaînement de ses idées que la montée, ça veut dire que penser et agir c’est la même chose  ! Penser et agir c’est la même chose  ! C’est dingue  ! Pourquoi personne n’y a pensé plus tôt ? Ça explique tellement de choses  !

— Crois-moi Jonathan, Eugène m’a raconté son histoire et je n’ai pas raison de douter de ce qu’il me dit. Je te montrerais les calculs si ça peut te rassurer, mais s’il te plaît, fais-moi confiance. C’est déjà assez compliqué comme ça, j’ai besoin que tu sois derrière moi s’il te plaît.

Ce dernier argument acheva visiblement de convaincre Jonathan.

— Si ça marche, nous allons avoir un sérieux problème sur les bras.

— Un problème à la fois tu veux.

— Le problème immédiat, reprit Carter qui visiblement avait retrouvé ses esprits, c’est que tu as trahi la confiance d’Eugène. Si ce que Fanella dit sur son passé est vrai, ça n’était vraiment, vraiment pas une bonne idée. Maintenant, je suis dans une position délicate. Il faudrait que je lui dise que je sais avant qu’il ne le lise dans ma tête. Sinon je ne peux pas espérer que mon patient me trouve crédible dans ce que je dis. En plus, il a l’air d’avoir un historique avec les médecins…

Jonathan leva les yeux au ciel, exaspéré sans doute par le fait que rien d’autre ne préoccupait Carter à cet instant. Fanella voulu ajouter une remarque sur le fait qu’après tout, le médecin aussi comprenait ses raisons, mais elle se ravisa. Elle crut que cette conversation fort désagréable était terminée, mais il n’en était rien.

— Et si… commença le second dont le visage se fermait à nouveau.

Carter et Fanella se tournèrent vers lui d’un même mouvement.

— Et si Eugène avait laissé quelque chose en toi, pendant qu’il te possédait dans l’avion ?

Elle devait bien admettre que cette idée ne l’avait pas traversée. Un vent de panique souffla sur elle et une goutte de sueur glacée roula dans son dos.

— Tu penses que c’est possible ?


— Nous ne savons pas jusqu’à quel point les frontières entre Eugène et le reste du monde sont stables non ? Alors imagine une seconde, que vos deux esprits ont été en quelques sortes, mélangés. A ce moment là, oui la machine tampon nous protègeras tous. Tous sauf toi Fanella. Ce soir, on s’éloignera du camp et on fera des tests, juste pour vérifier s’il y a des inversions de fronts entre toi et lui.

Pour cette fois, Fanella ne trouva rien à discuter, même si en quelques sortes, il lui semblait que Jonathan était presque content d’avoir démontré que non, elle ne pouvait pas penser à tout toute seule.

— ça doit forcément dépendre de jusqu’à quel point Fanella et Eugène possèdent une volonté commune,
commenta Carter.

La bouche de Jonathan s’ouvrit et se ferma, mais il ne dit rien.

— Oh oh, j’ai touché un point sensible on dirait… conclut le médecin.

Cette dernière remarque tomba dans le silence, seulement rompu par les bruits de la forêt et de leurs pas. Perdue dans ses pensées, Fanella se demanda pourquoi Eugène aurait partagé son secret avec Jonathan, et surtout pourquoi il le lui avait caché. Après tout, c’était son secret, il était libre d’en disposer comme bon lui semblait. S’il savait que Jonathan savait, pourquoi n’avoir fait aucun commentaire dans l’avion ?
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Départ vers le KazakhstanVen 4 Mar - 22:59
Eugène avait très bien compris que Jonathan ne voulait pas l’avoir par-dessus son épaule dans cette conversation, ce qu’il pouvait comprendre. Inquiet, il avait donc emboité le pas au reste du personnel de l’expédition qui entamaient la lente ascension des sentiers de la montagne tandis que les trois compères traînaient volontairement la patte à l’arrière. Malheureusement, l’esprit d’Eugène, telle une antenne radio, portait loin. Et plus il était angoissé par une fréquence et plus il était capable de l’amplifier, même contre sa volonté. Une discussion comme celle qu’il entendait dans sa tête, il s’en serait passé. Tout était ténu, confus, mélangé avec les pensées des scientifiques à ses côtés mais c’était bien la seule chose sur laquelle il était focalisé ; Jonathan qui se permettait de révéler son secret à Carter.

Il aurait préféré être celui qui lui expliquait les choses, puisqu’il s’agissait de SES pouvoirs. Mais évidemment, il était bien placé pour savoir qu’un secret transmis n’en était plus vraiment un et que, dès lors qu’on le plaçait dans d’autres mains, elles étaient elles aussi capables d’en faire tout et n’importe quoi. Il avait couru le risque et voila ce qu’avait décidé d’en faire Jonathan. Fort bien.

Le pire c’était qu’il les lisait en permanence. Voila ce qu’il annonçait à un médecin stupéfait. Son visage se déforma l’espace d’un instant comme s’il avait pris un violent coup de poing quelque part. Qu’est ce qu’il en savait, de ce qu’il vivait et avait vécu de pire dans sa sinistre existence ? Le fait qu’il ne puisse laisser aucune intimité à personne, qu’il ne soit jamais en paix parce que parasité par les autres continuellement ? Ou bien les fantômes hurlants qui hantaient ses pas de son vivant, lui ôtant tout repos, toute chaleur humaine, toute envie de vivre ? Il n’en savait rien. Il ne croyait même pas Fanella lorsqu’elle lui disait qu’il avait été enfermé à cause de ces mêmes pouvoirs, qu’on en avait fait une arme de guerre sans âme. La colère de se sentir trahi et jugé monta tellement qu’il en occulta Carter qui prenait la nouvelle bien mieux que ce qu’il appréhendait.

Le fantôme se prit la tête entre les mains pour calmer l’envie impulsive de se jeter sur le scientifique et d’aller l’accrocher en haut d’une branche d’arbre pour qu’il cesse de jouer au plus malin sur un terrain inconnu. Les membres de l’équipe à côté de lui semblaient essayer de l’appeler mais rendu sourd par la colère, son attention était toute tournée vers le petit groupe derrière. Jonathan, pourquoi était-il là ? Pas pour lui alors pour quoi ? L’avancée de la science ? Pour suivre Fanella comme un caniche, espérant grapiller un peu d’attention ? Qu’elle se mette enfin à le voir et à ressentir les sentiments dont il rêvait ? Il constata d’ailleurs avec ironie que le scientifique n’avait été qu’à moitié honnête, ne révélant que ce qu’il voulait bien divulguer tant que cela faisait passer Eugène pour quelqu’un de dangereux. La discussion ne faisait que de tourner autour de lui et il était là, à peine quelques dizaines de mètres plus loin devant. C’était tout bonnement insupportable de les entendre aller de leurs petits commentaires. Seule Fanella restait rationnelle dans ses explications car elle en savait toujours bien plus que Carter et Jonathan mais tout de même ! Tous les trois parlaient comme s’il n’existait plus, comme s’il n’était maître de rien, ni de son destin ni de ses pouvoirs. Il était pourtant né avec ! Avait appris à les maîtriser dans la souffrance ! Puisqu’il était si dangereux pour le bien être et la sécurité de cette expédition, il ne voyait qu’une solution ; s’occuper seul de ses propres problèmes.

Le ciel gronda soudain au-dessus d’eux, le changement de pression subite menaçant de déverser sur eux des trombes d’eau tandis que l’électricité dans l’air s’accentuait. Eugène s’était arrêté pour se tourner vers Fanella Carter et Jonathan, forçant les membres de l’expédition qui ne comprenaient pas ce qu’il lui arrivait à faire de même. Il fut cependant bien incapable de leur adresser la moindre remarque et pourtant l’envie de dire ce qu’il pensait au plus profond lui brûlait les lèvres, avide de sortir. S’il perdait le contrôle, non seulement il lui donnerait raison, mais cela ne présagerait rien de bon. Que le médecin soit au courant, c’était une chose mais c’était suffisant et cela devait s’arrêter là. Son corps translucide tremblait sous le coup des émotions qui agitaient son esprit, trahies par le regard noir et appuyé qu’il décocha à Jonathan. Il se garda bien de regarder Fanella et Carter, contre qui il n’avait pas de raisons d’être réellement fâché. Il choisit ses prochains mots avec le plus de soin et de cohérence possible. Ils sortirent étouffés, presque comme un murmure désincarné.

— Je pars devant. Je vous retrouverai au premier campement.

Les trois compères ne l’avaient sans doute même pas entendu, trop proches pour lui mais trop éloignés pour lui parler en face. L’instant d’après, un coup de vent le fit disparaître comme on souffle sur un pissenlit avant de faire un vœu. Tout intelligent et bien-pensant qu’il était, Jonathan ne semblait pas prendre la mesure de l’endroit où il se trouvait ; Eugène connaissait cette forêt et ses infrastructures par cœur et il n’aurait aucun mal à les retrouver, qu’ils soient éloignés de quelques kilomètres ou non. La seule chose dans laquelle il pouvait se perdre, étaient ses souvenirs. Son instinct mena sa conscience bien plus haut dans la montagne, là où il faudrait encore bien une journée de marche pour le rejoindre. Entre quatre murs en réalité. Ceux de son ancienne chambre, seule petite bulle de paix perdue dans un des baraquements à l’est des bâtiments radios qui servaient pour l’espionnage. Il était bien plus près de son corps et il le savait. Il sentait qu’il essayait de l’attirer dans sa direction mais Eugène était bien trop préoccupé pour l’écouter, s’y intéresser ou vouloir s’en approcher pour l’instant.

La mousse et les racines d’un arbre dévoraient les murs, le sommier en métal dépourvu de matelas trainait dans un coin, l’armoire de métal rouillée se raccrochait à il ne savait quoi pour tenir debout. Mais ici, il le trouva ; le silence. Pas de pensées intrusives autres que les siennes. C’était la première fois que tout était silencieux ici, dans cette pièce où il avait si souvent laissé échapper ces sentiments qu’il ne pouvait contrôler, qu’il ne voulait pas garder. Où il oscillait tant entre ce désir insatiable de mourir et cette persévérance pour l’amour qu’il portait à ceux qui lui étaient chers. Instinctivement il flotta au-dessus du lit comme s’il y était allongé et se mit à pleurer. Le présent et le passé se mélangèrent un peu tandis qu’il se rappelait toutes les fois où il avait trempé son oreiller. Mais aussi toutes les fois ou Alexeï avait trompé la vigilance des gardes pour venir le réconforter ou juste l’écouter pleurer, car parfois cela se passait de mots.

— Ne prends pas trop à cœur ce que disent ceux qui te jugent, tovarich… ils ne seront jamais dans tes bottes à savoir ce que tu vis. Toi seul sait ce que tu vaux. Et tes vrais amis, ceux pour qui tu te bats.

L’écho de ses paroles sembla résonner contre les murs. Vestige du passé ou fruit de son imagination, Eugène n’en discernait pas la limite mais son vieil ami habituellement colérique avait raison il fallait juste que la colère passe. Il allait rester ainsi pendant des heures s’il le fallait, jusqu’à ce qu’il se calme et puisse retourner avec une tête plus reposée vers ses compagnons, sans risque de causer un impair ou de dire quelque chose qu’il regretterait plus tard. Pour une fois, l’absence totale de qui que ce soit lui fut profitable et le gratifia d’un moment de paix pour se remettre de cet affreux larsen qui aurait pu avoir des conséquences désastreuses.
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Fanella Ozark
# Re: Départ vers le KazakhstanDim 6 Mar - 11:10
Spencer était relativement content. Tout se déroulait comme prévu et rien ne semblait pour le moment menacer la sécurité du convoi. Il marchait en tête, attentif, son arme à portée de main. Cela dit, le mensonge de Fanella semblait avoir convaincu la douane à leur arrivée. Il y avait peu de chance que qui que ce fut leur tende une embuscade. L’ancien soldat avait du mal à comprendre pourquoi Fanella estimait qu’autant de précautions étaient nécessaires. Certes, le matériel qu’ils emmenaient contenaient une technologie dont l’étude pouvait mener à celle du générateur. Mais l’homme intelligent qu’il était sentait qu’il y avait plus que ça.
Peut-être avait-elle peur de ce qu’on aurait pu faire à un authentique fantôme, après l’incident avec Tanner ? Mais qui pourrait lui faire du mal ici en pleine forêt, parmi les ruines de bâtiments militaires abandonnées. Après tout, il était déjà mort, sans générateur il n’y avait aucun moyen de lui faire du mal, même la machine tampon ne semblait rendre cela possible.
Fanella devait avoir de bonnes raisons de lui cacher certains éléments. Il n’était pas du genre à poser des questions, même s’il devait bien admettre qu’une partie de lui était curieuse. Derrière lui, son équipe cheminé, visiblement stimulée par le grand air. La météo semblait de leur côté, même s’il ferait froid dans la nuit, il n’y avait pas de raison que les plus inexpérimentés en souffrent. Le convoi progressait à une allure raisonnable pour permettre à tous de suivre.

— Georg va voir à l’arrière si tout va bien ? S’ils fatiguent prends Hector et Nelly pour rester à l’arrière.

En se retournant, Spencer avait repéré un petit groupe qui s’éloignait à l’arrière. Fanella peinait peut-être déjà et Carter et Jonathan seraient restés à l’arrière pour l’attendre. Si c’était le cas, mieux valait poster quelques hommes derrière eux. Si la chef du laboratoire estimait qu’il y avait un risque, mieux valait rester en état d’alerte et ne pas relâcher sa vigilence.

Spencer accélérer le pas, lorsqu’il aperçu la silhouette translucide le dépasser. Il avait du mal à réprimer une certaine crainte en le voyant. Son enfance avait été bercée par des histoires d’horreur sur les fantômes. Néanmoins il fallait dépasser cela.

— Bonjour Eugène, commença-t-il, je suis Spencer chef de la sécurité.

Il espérait que cette présentation était assez clair. L’ombre continuait de s’éloigner, il était passé près de lui sans lui répondre.

— Eh ! Restez au centre du convoi s’il vous plaît, c’est plus sûr.

À ce moment, Spencer réalisa que le fantôme ne l’écoutait pas le moins du monde. Il perçut la tension dans ses épaules. D’autres de ses hommes essayèrent de l’interpeller mais rien ne se passa. Il regardait le vide comme prit dans un autre espace temps. Il espéra que l’expérience n’avait pas déjà commencé sans quoi ils allaient tous perdre la maîtrise de la suite des évènements.

Le fantôme cessa brusquement de progresser et bientôt quelques hommes l’entourèrent. Spencer leva la main, et le convoi entier s’immobilisa d’un même mouvement. Il s’avança vers la créature, incertain sur quoi dire ou quoi faire. S’il avait été humain il aurait posé une main sur son épaule, pour attirer son attention, mais là, il se sentait relativement impuissant.

— Je pars devant. Je vous retrouverai au premier campement, déclara le fantôme dans un filet de voix.

— Vous ne pouvez pas…
essaya le responsable de la sécurité.

Mais avant qu’il ne finisse sa phrase, la silhouette s’était évanouie dans l’air comme soufflée par le vent. Ses hommes le regarderent incertains sur la conduite à tenir et il resta là figé, incapable de se remettre à penser. De toute évidence, il pouvait tout à fait décider de prendre la poudre d'escampette.

— Eh Spencer, il se passe quoi devant ? demanda la voix de Georg dans le talkie walkie.

Il ouvrit le canal, encore incrédule.

— Eugène a disparu, déclara-t-il, il vient de se volatiliser, il a dit qu’il nous retrouverait au camp. Passe-moi Fanella.

Dès qu’elle sut de quoi il retournait, elle expliqua la situation d’une voix blanches à Carter et Jonathan qui marchaient toujours à ses côtés.

— Il faut partir à sa recherche  ! déclara immédiatement le second de laboratoire.

— Non, écoutez-moi tous les deux, interrompit Carter. À mon avis, la portée de sa lecture de pensée était plus grande que ce qu’on pensait. On est déjà grillés tous les deux Jonathan. Si ce que tu dis est vrai Fanella, partir à sa recherche ne va faire qu’augmenter son degré d’angoisse. Il a choisi de partir, il a besoin de vérifier qu’il est libre.

Jonathan commença à faire les cents pas. Il se sentait coupable. Il aurait dû être plus prudent et se douter que dans tous les cas on ne pouvait rien cacher à Eugène, même temporairement.

— Et s’il arrive quelque chose ? demanda la jeune chercheuse d’une voix blanche.

— Que veux-tu qu’il lui arrive Fanella, pour l’instant il est déjà mort, essaya d’ironiser Carter.

— Ce n’est pas ça qui me fait peur Carter  ! Et si nous avons été suivi ? Et si d’autres labos ont mis au point une manière de le capturer. Mort ou vivant, ils en verront l’utilité  !


Le médecin posa ses deux mains sur les épaules de Fanella.

— Respire Fanella, tu es complètement irrationnelle là. Eugène pourra sentir tout ennemi arriver. À priori il n’y pas de raison que la CIA soupçonne son retour sur terre, et quand-même bien, ils n’auraient pas assez eu de temps pour mettre au point des moyens techniques suffisants. On va le laisser respirer un peu, c’est sûrement beaucoup de pression tout ça pour lui. Il a dit qu’il nous retrouverait au camp, ça veut dire qu’il est encore lucide. Ce soir, j’irais lui parler, j’essayerais d’apaiser les choses d’accord ?


Fanella hocha la tête, a demi rassurée par ce discours.

— Et vous Jonathan, reprit Carter, vous lui devez des excuses.

Le second de la laboratoire tomba dans le silence. En effet, il n’aurait pas du se laisser emporter par la crainte et révéler son secret.

— Quels sont les ordres,
demanda Georg.

Fanella serra son poing dans sa poche.

— On continue d’avancer, et on retrouve Eugène au camp. De toute façon on ne peut pas le contraindre à quoique ce soit.


Sur le dos de Fanella, les bips régulier continuaient. Il n’était pas assez loin pour être sorti de la portée du capteur. Elle se força à respirer à se remettre à marcher. Tant qu’elle entendait biper, c’était qu’il était tout près, quelque part.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Départ vers le KazakhstanDim 6 Mar - 15:06
Eugène était parti se réfugier à l’intérieur du même complexe qui l’avait abrité de son vivant, s’autorisant un instant de répit dans une bulle à peu près sécurisée, loin de tout souvenir drastiquement mauvais, de toute pensée étrangère, pour se remettre de ses émotions après la violente discussion qu’il avait capturée entre Fanella, Carter et Jonathan. Une certaine rancœur demeurait toujours dans ses pensées vis-à-vis du scientifique et de la plupart des choses qui s’étaient dites mais il n’était pas là pour se préoccuper de ce que pensait un humain qui ne comprenait pas ce qu’il avait pu vivre, ou vivait encore à présent à travers les autres. Il avait partagé à Fanella de nombreux souvenirs qu’il ne voulait donner à personne d’autre. Il savait donc où était les gens de valeur, ceux pour qui il devait revenir, ceux auprès de qui il pouvait continuer de s’investir, surtout émotionnellement. Et en même temps, comme à chaque fois, il arrivait plus ou moins à comprendre le point de vue de Jonathan. Peut-être aurait-t-il du trouver le temps et le courage de prendre les choses en main en amont. Le mal était fait et il faudrait bien qu’il revienne au campement comme il l’avait promis. Avoir envie de régler ses problèmes seuls pour ne pas mettre les autres en danger était une chose, le faire en était une autre. Il ne voulait pas échouer ou commettre d’erreurs et pour cela, nul doute qu’il avait besoin de Fanella à ses côtés.

Le fantôme se redressa au-dessus du sommier métallique qui abritait autrefois son matelas et ses maigres affaires et observa le mur en face de lui. Il s’était longuement perdu dans des souvenirs à la fois tristes, déprimants et plein de réconfort et de soulagement. Par la force de la pensée, il fit tomber le vieux casier rouillé qui, sans plus d’attaches, s’effondra au sol. Derrière, dans le mur, se trouvait un petit trou qu’on semblait avoir creusé. Eugène sourit un peu en voyant qu’une boite de métal dans laquelle il avait gardé quelques objets chers à son cœur se tenait toujours là, intouchée, introuvable. Il avait presque oublié qu’elle se trouvait là jusqu’à ce que son instinct ne le porte dans ces ruines. Comme si une partie de lui y était toujours. Une autre partie demeurait auprès de Fanella, il le savait. L’autre semblait l’appeler, une plainte gémissante, continue, lancinante au fond de l’eau. Le même instinct qui lui murmurait qu’il ferait mieux d’emmener ces souvenirs physiques avec lui, même si cela lui couterait un peu de temps et d’énergie de la faire léviter jusqu’au campement qu’il devait retrouver. Il voulait les confier à Fanella et les récupérer plus tard, si c’était possible.

Alors qu’il allait récupérer la boite, un souvenir claqua dans sa mémoire et il crut entendre un énorme coup de pied dans la porte de sa chambre qui pourtant, à l’heure actuelle, pendait misérablement sur son dernier gond.

— Yevgeny ! Briefing en salle 103 avec le chef Stepanov, dépêche-toi ! lui lança un soldat pas mécontent de lui avoir fait peur.

— Oui je- j’y vais, pardon ! rétorqua un Eugène tétanisé seul parmi les ruines avant de se rendre compte que, dans le présent, il n’y avait personne avec qui parler.

Le fantôme revit dans son esprit le visage du supérieur qui le chargeait de ses missions, mandaté par le gouvernement, bien plus haut. Histoire qu’il ne puisse pas lire dans les pensées de qui que ce soit pour savoir si on lui cachait des choses ou si ce qu’il faisait était réellement du côté du bien ou non. Son dernier briefing. Sa dernière mission, celle qui l’envoyait à la mort. C’était ce soir-là. Terrifié à l’idée que la suite des souvenirs affluent, il se secoua pour se ramener au présent et s’envola à travers la fenêtre brisée suivie de sa capsule temporelle. Une chose était sûre, tout cela lui indiquait qu’il était clairement temps de retrouver ses amis.

Après quelques minutes, les bâtiments ne furent plus que des ombres entre les arbres, tandis qu’il descendait le long du chemin, son corps translucide flottant au-dessus du sol, bien plus rapide que s'il marchait. Seul le cliquetis des objets dans la boite perturbaient le silence. Pour se rassurer et se concentrer, il tenta de se rappeler ce qu’il s’y trouvait ; ses papiers, qu’on avait plusieurs fois menacé de lui prendre pour qu’il ne puisse plus jamais partir, des photos, quelques petites babioles offertes en cadeau. De bons souvenirs en somme et son moral remonta quelque peu. Il savait à peu près où l'équipe allait monter le camp, sur un des plateaux, au sommet des falaises boisées, non loin des premières installations du complexe dont il commençait à s’éloigner. Sur le chemin, alors que le ciel noircissait de plus en plus, il finit par percevoir l'éclat de leurs pensées et il coupa à travers les arbres pour les rejoindre.

Une partie de lui culpabilisait d'être parti et d'avoir inquiété tout le monde mais finalement cela lui avait fait du bien, même s'il se sentait épuisé. Eugène revenait l'esprit toujours un peu fâché mais maître de ses moyens et bien plus posé. Il se savait capable de tenir une discussion sans s'emporter ni se trahir même s'il n'en avait pas très envie et préférait qu'on le laisse tranquille pour ce soir. Il savait pourtant que cela avait très peu de chances d'arriver. Comme il ne voulait effrayer personne avec un retour en fanfare, l’esprit se posa discrètement sur un gros rocher à côté des tentes, flottant au-dessus de sa petite boite pour observer distraitement le feu qui crépitait, comme s’il n’était jamais parti. Il chercha l'esprit de Fanella, Jonathan et Carter pour tenter d'en prendre la température avant d'être repéré et qu'on lui saute dessus pour qu'il réponde de ses actions. Il avait plus ou moins eu le temps de réfléchir à quoi répondre.
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Fanella Ozark
# Re: Départ vers le KazakhstanMar 8 Mar - 11:20
Après moultes débats l’équipe s’était remise en route. En effet Spencer n’était pas ravi à l’idée de laisser Eugène vadrouiller dans la nature. Le chef de la sécurité ignorait en effet la nature exacte de la menace qui pouvait peser sur lui. Jonathan non plus n’aimait pas vraiment cette idée. Mais la décision finale revenait à Fanella, et elle avait décidé d’écouter Carter.

Les heures qui suivirent elle se concentra d’abord sur les bips de l’appareil dans son dos pour se rassurer et les chiffres sur son poignet. De ce côté là les choses auguraient bien. A priori, ils n’auraient pas passé les 10% avant l’arrivée au camp, ce qui leur permettrait de passer la nuit là sans craindre que l’explosion exponentielle ne mette en route le processus. En même temps, les données progressaient normalement ce qui indiquait qu’Eugène se maintenait à dans une relative proximité de leur petit convoi.

Peu à peu la douleur de l’effort nécessaire pour grimper sur la montagne rétrécit son champ de conscience. Peu à peu, tout ne fut plus qu’un fond flou pour le bruit de son souffle et de ses pas dans la pierre du chemin. De toute évidence, elle était la plus en difficultés pour affronter cette épreuve. Il fallait vraiment qu’elle essaye de sortir du labo davantage lorsqu’ils seraient tous de retour.

Jonathan et Spencer étaient restés à l’arrière, l’un pour la soutenir moralement, l’autre pour assurer sa sécurité car peu à peu la tête de peloton s’éloignait. Il s’agissait là encore d’un problème tout simple auquel elle n’avait tout simplement pas penser. Ses petites jambes n’étaient tout simplement pas équipés pour faire 1300 m de dénivelé en une seule journée.

Dans ce contexte, Carter fut le premier à arriver sur les lieux avec une partie de l’équipe de sécurité et de l’équipe médicale. Tout ce petit monde s’affaira à monter le camp. Les tentes étaient prêtes et le feu crépitait mais Fanella n’avait toujours pas terminé sa pénible ascension. Le médecin venait de déplier ses affaires lorsqu’il aperçu Eugène qui flottait au dessus d’un rocher. Il hésita un moment sur la manière de l’aborder et puis il se rappela que ça n’avait pas grande importance puisqu’il savait déjà tout ce qu’il pensait pour peu qu’il se concentrer.

— Bon, commença-t-il, tu sais que je sais et je sais que tu sais que je sais… alors autant crever l’abcès non ? J’aurais voulu apprendre tout ça autrement…

Ça n’était pas un reproche que Carter faisait à Eugène, il voulait dire que l’apprendre de la sorte l’avait mis dans une posture délicate en temps que médecin. Mais tout cela, le fantôme le savait probablement.

— Dans tous les cas, c’est assez passionnant pour moi. Mais le plus important maintenant c’est sans doute… comment tu te sens  ? Que t’es-t-il arrivé pendant que tu étais parti ? Tu as envie de m’en parler ?
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