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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Départ vers le KazakhstanMar 8 Mar - 11:49
Seule une petite partie de l’expédition était déjà arrivée au camp. De ce qu’il entendait dans les esprits de l’équipe de sécurité, les moins habitués s’étaient laissés distancer dans l’effroyable ascension des sentiers escarpés de la montagne. Dont Fanella. Il s’en voulait de lui infliger pareille souffrance. Chez lui non plus, le sport n’avait jamais été son fort. Encore moins avec vingt kilos d’équipement sur le dos et en piétinant les cadavres jonchant le sol d’un champ de bataille. Il ne sentait que la présence de Carter, ce qui indiquait que Jonathan était resté à l’arrière avec la chercheuse. Pour continuer de lui remplir la tête de bêtises ? Et si elle décidait qu’elle ne voulait plus le voir, qu’il était un danger et qu’il fallait arrêter cette mission ? L’esprit poussa un soupir et passa sa main dans ses cheveux pour chasser cette pensée sinistre de son esprit. Il ne voulait pas se laisser influencer par la colère.

Et finalement, son regard croisa celui de Carter qui finissait de ranger ses affaires. Une certaine amertume s’installa dans ses pensées, uniquement contrebalancée par les pensées du médecin qui semblait avoir mieux pris la nouvelle que quiconque. Même Fanella avait davantage paniqué. Cela calma un peu la méfiance que son visage cessa de trahir lorsque l’homme de science eut le courage de venir à sa rencontre. Il le salua d’un signe de tête, flottant en tailleur au-dessus du rocher plus ou moins paisiblement.

— Bon tu sais que je sais et je sais que tu sais que je sais… alors autant crever l’abcès non ? J’aurais voulu apprendre tout ça autrement… Dans tous les cas, c’est assez passionnant pour moi. Mais le plus important maintenant c’est sans doute… comment tu te sens ? Que t’es-t-il arrivé pendant que tu étais parti ? Tu as envie de m’en parler ?

Eugène aurait voulu lui dire que tout allait très bien pour laisser la discussion tourner court, mais sa voix froide l’aurait trahi. Nul besoin de lire les pensées pour savoir que tout n’allait pas vraiment bien. En même temps, il ne voulait pas se plaindre et passer pour le pleurnichard de la bande, comme d’habitude. Son regard se perdit l’espace d’une seconde entre les arbres, le temps de trouver les bons mots à poser sur son ressenti et de pouvoir les exprimer en restant calme.

— Je suis incroyablement déçu que cette annonce qui aurait du être donnée avec mes mots, mon expérience, mon ressenti, m’ait été volée. Surtout par quelqu’un comme Jonathan qui n’a eu que de brèves explications et semble déjà se croire un expert sur le sujet. « Le pire c’est qu’il les lit en permanence »… il ne sait même pas que le pire ce n’est pas ça. Il vous a parlé des fantômes ? Bien sûr que non il ne vous a pas parlé des fantômes. Ou des puces ? Il ne sait rien de moi.

L’esprit serra les poings pour ne pas s’emballer. Subir même les moments les plus intimes des autres tout au long de son existence était un calvaire. Ressentir chaque douleur, chaque émotion parfois sans exactement savoir d’où elle provenait, sans savoir si c’était vraiment celle d’un autre ou la sienne… tout cela rajoutait une note d’insupportable à son existence, fantomatique ou vivante. C’était quand même plus facile à gérer quand il était en vie. Il baissa les yeux et regarda sa boite, bien visible sous ses pieds transparents.

— Je suis parti parce que j’avais besoin d’être seul, vraiment seul. Je craignais de céder et de le suspendre en haut d’un sapin et de le laisser là, ou pire encore. Mais je sais que c’est aussi un peu de ma faute. Partagez un secret à quelqu’un et vous n’avez plus aucun contrôle dessus, c’est ainsi. J’aurais peut-être mieux fait de ne jamais aller lui parler avant l’expédition, ça n’a de toute façon fait qu’empirer les choses je crois.

Il ne voulait pas vraiment s’étendre sur les souvenirs qui étaient remontés ou sur les heures passées à pleurer dans une chambre délabrée. D’ores et déjà, les souvenirs de laboratoire ou de personnes abusant de sa confiance par des moyens détournés lui revenaient en mémoire après cette expérience déplaisante. Déjà le souvenir de la douleur continue et des opérations lui revenaient en mémoire depuis qu’il avait évoqué les puces. Ils risquaient d’être plus difficiles à essuyer que d’autres.
Eugène (The Sorrow)
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Fanella Ozark
# Re: Départ vers le KazakhstanVen 11 Mar - 15:56
Carter avait décidé d’engager la discussion avec Eugène. Il fallait sans doute mieux qu’il se laisse une chance d’apaiser les choses avant l’arriver de Jonathan et Fanella. Il comprenait très bien pourquoi le fantôme avait souhaité prendre un temps à part pour être seul. Jonathan ne pensait probablement pas à mal, il voulait surtout protéger l’expédition en prévenant les effets secondaires potentiel du processus pour l’équipe. Mais du peu qu’il savait d’Eugène Carter anticipait qu’il allait faire une toute autre interprétation de ce qui s’était produit. Dans tous les cas, lui donner l’occasion de s’exprimer ne pouvait pas faire de mal.

— Je suis incroyablement déçu que cette annonce qui aurait du être donnée avec mes mots, mon expérience, mon ressenti, m’ait été volée. Surtout par quelqu’un comme Jonathan qui n’a eu que de brèves explications et semble déjà se croire un expert sur le sujet. « Le pire c’est qu’il les lit en permanence »… il ne sait même pas que le pire ce n’est pas ça. Il vous a parlé des fantômes ? Bien sûr que non il ne vous a pas parlé des fantômes. Ou des puces ? Il ne sait rien de moi.

Carter était content. Une long discours même un peu emballé c’était bien mieux que rien. Il exprimait ce qu'il ressentait de manière adaptée. Lui aussi aurait été fou de rage à sa place. Quelqu’en soit les raisons, Jonathan avait trahi sa confiance.

— Quand il disait « le pire » je pensais qu’il parlait du pire pour lui pas pour toi. Certaines personnes ne sont pas sereines avec toutes leurs pensées, la plupart même… commença Carter. Et non, je ne sais rien des fantômes, et rien des puces non plus. Au plus j’en saurais sur toi et mieux je te prendrais en charge.

Mais le fantôme, celui qu’il avait devant lui du moins. ( S’il y en avait d’autres, cela risquait en effet d’être compliqué) n’avait pas terminé de lui répondre. Cette discussion prendrait peut-être du temps.

— Je suis parti parce que j’avais besoin d’être seul, vraiment seul. Je craignais de céder et de le suspendre en haut d’un sapin et de le laisser là, ou pire encore. Mais je sais que c’est aussi un peu de ma faute. Partagez un secret à quelqu’un et vous n’avez plus aucun contrôle dessus, c’est ainsi. J’aurais peut-être mieux fait de ne jamais aller lui parler avant l’expédition, ça n’a de toute façon fait qu’empirer les choses je crois.

Carter avait bien compris qu’il avait besoin d’être seul. L’idée le traversa soudain que d’avoir ce pouvoir, cela devait impliquer un certain contrôle de soi. Si le médecin avait voulu suspendre Jonathan en haut d’un sapin, il aurait fallu dépenser du temps, de l’énergie. Pour Eugène, c’était peut-être aussi facile que se mettre à crier. Il se félicita d’avoir recommandé à l’équipe de laisser le fantôme tranquille un moment.

— En même temps, faire confiance, c’est le choix naturel pour tous les êtres humains en général. Jonathan t’as trahi, c’est normal que tu sois en colère. Tu n’es pas obligé de lui pardonner, d’ailleurs, même si je pense que quand lui et Fanella seront là, il viendra s’expliquer.

Carter aurait peut-être du s’arrêter là, mais il avait trop de questions qui se bousculaient dans sa tête. Ses patients lui reprochaient souvent que son esprit allait trop vite.

— Est-ce que tu veux parler des fantômes ? Des puces ? Est-ce que tu as eu des altérations de la conscience pendant que tu étais parti ?

Cette histoire de puces surtout ne lui disait rien qui vaille. Son esprit imagina de petits objets fichés dans son cerveau. Forcément, toutes sortes de gens avaient du vouloir expérimenter directement sur la matière. Il aurait été curieux, lui aussi s’il n’avait pas eu une conscience. (Une pensée avec laquelle d’ailleurs, il n’était pas très tranquille). Il pourrait sans doute opérer, mais cela ne serait pas sans risques, pour l’opération en elle-même déjà, et aussi parce qu’il faudrait emmener Eugène dans un hôpital avec un équipement de pointe, en étant sûr qu’on leur fiche la paix. Carter commençait à réaliser que ramener Eugène à la vie ne serait que le début de son travail. Il lui faudrait ensuite probablement tout un arsenal d’intervention, pour lui rendre sa vie, sa dignité, le contrôle de son corps.

***

Pendant ce temps, Fanella continuait de progresser à une vitesse de fourmi dans les cailloux. Elle entendit à peine le talkie walkie grésiller. Son corps puant se couvrait de sueur et son esprit n’était plus que souffle, muscles, gestes.

— Il est là, déclara une voix.

— Reçu, déclara Spencer non sans un certain soulagement.

— Il va falloir que je m’excuse maintenant,
reprit Jonathan qui lui aussi commençait à avoir le souffle coupé.

Fanella ne répondit rien, elle n’avait ni la force, ni l’énergie. Mais son coeur se gonfla d’espoir à nouveau. Eugène était revenu. Le soulagement qu’elle ressentit apaisa un peu sa douleur et elle redoubla d’effort. Elle voulait le voir, s’assurer qu’il allait bien. Pour la milième fois, son esprit embrouillé dessina une image claire de lui qui la serrait contre lui. Presque, presque se disait-elle. Demain sûrement.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Départ vers le KazakhstanVen 11 Mar - 18:27
Cette discussion avec Carter lui en rappelait peu à peu une autre, qu’il avait tenue bien des jours plus tôt avec Fanella. Elle lui disait qu’avec tout ce qu’il avait vécu, il aurait peut-être besoin d’un thérapeute. Si cela l’avait d’abord surpris il s’était tout de même laissé le temps de la réflexion. Aujourd’hui il commençait tout juste à en effleurer l’importance alors qu’il dévoilait un peu de son ressenti pour alléger son cœur et ses pensées. Son amie semblait avoir posé un bon médecin sur les rails en face de lui. Consciencieux au moins. L’esprit n’aurait jamais cru pouvoir s’exprimer avec quelqu’un de cette profession et réussir à être plus mal à l’aise par le sujet abordé que par sa présence ou ses pensées. Il était allé chercher un peu plus loin dans sa tête que d’habitude par prudence et n’y avait décelé que de la bienveillance.

— Quand il disait « le pire » je pensais qu’il parlait du pire pour lui pas pour toi. Certaines personnes ne sont pas sereines avec toutes leurs pensées, la plupart même… Et non, je ne sais rien des fantômes, et rien des puces non plus. Au plus j’en saurais sur toi et mieux je te prendrais en charge.

Eugène lui rendit un sourire triste ; bien sûr que personne n’était à l’aise avec ses propres pensées, même lui ne le serait pas si elles devaient être dévoilées à n’importe qui. Cela il pouvait tout à fait le comprendre. Mais il n’y était pour rien et il aurait tout donné pour être quelqu’un de normal. Au moins cela ne rebutait pas trop Carter qui semblait toujours enclin à s’occuper de lui et à le traiter comme un être humain depuis qu’il avait appris la nouvelle.

—  Ce n’est pas de ma faute si je lis les pensées des autres et je me déteste de l’imposer à mon entourage. Au moins j’ai la décence de garder leurs secrets pour moi au lieu d’aller les révéler au premier venu. Je suppose que ce que j’essaye de dire, c’est que j’aurais aimé être mêlé à cette conversation et me défendre, puisque vous parliez de moi.

Carter s’imagina un instant essayer de suspendre Jonathan à un sapin et l’entreprise que cela serait. Effectivement, Eugène prendrait beaucoup moins de temps pour atteindre ce résultat mais cela lui demanderait un cout considérable en énergie. Qu’il ne pouvait se permettre s’il voulait que ce voyage qu’il faisait jusqu’à son corps, jusqu’à la vie, réussisse. C’était plus ou moins aussi facile que de crier, puisqu’il en faisait la comparaison dans son esprit, mais beaucoup plus épuisant. Et terrifiant pour tous ceux qui auraient regardé. Jonathan ne méritait pas un accès de colère incontrôlé. Le fantôme laissa cependant les pensées du médecin revenir vers leur discussion plutôt que d’apporter des précisions sur ses capacités. Là n’était pas vraiment le sujet, pas encore du moins.

— En même temps, faire confiance, c’est le choix naturel pour tous les êtres humains en général. Jonathan t’as trahi, c’est normal que tu sois en colère. Tu n’es pas obligé de lui pardonner, d’ailleurs, même si je pense que quand lui et Fanella seront là, il viendra s’expliquer.

— J’ai du mal à être rancunier puisque je sais ce qui motive les gens. Je lui pardonnerai sans doute, même si je n’ai pour l’instant pas très envie qu’il vienne me parler. C’est juste que… on m’a trahi toute ma vie et j’en ai assez. Et le problème c’est qu’il n’a évoqué qu’une partie de la conversation que nous avons eue, celle qui l’arrangeait et qui, certes, avait du sens pour cette mission. Mais maintenant Fanella va venir me poser des questions et je refuse de lui donner certaines réponses avant d’être revenu. Je ne veux pas me disputer avec elle à cause de lui.

Jonathan n’avait pas eu le courage de tout lui dire. Et lui n’avait rien dit parce qu’il voulait attendre le bon moment, qui n’était peut-être pas le même pour Fanella que pour lui mais cette histoire le concernait aussi et pas qu’un peu. Si le ton devait monter entre la jeune femme et lui à cause de cela, pardonner serait peut-être un peu plus compliqué. Il craignait sa réaction lorsqu’elle allait arriver au camp et l’angoisse recommençait à monter, d’autant que la curiosité de Carter l’emmenait en terrain miné.

— Est-ce que tu veux parler des fantômes ? Des puces ? Est-ce que tu as eu des altérations de la conscience pendant que tu étais parti ?

La première réaction d’Eugène fut d’hausser les épaules comme si le sujet était trivial et sans grande importance. Comme pour tout le reste, il aurait préféré ne pas en parler mais il avait promis de ne pas se renfermer. Les souvenirs des fantômes et surtout des puces qui planaient déjà dans son esprit pouvaient peut-être bien altérer sa conscience après tout. Chercher ses mots commençait déjà à être source de détresse mais il fallait en parler. Et s’il y avait un problème lorsqu’il revenait ? Au moins, le médecin aurait quelques détails en plus.

— Depuis que je suis mort, ils ne viennent plus, les fantômes, admit-t-il avec un certain soulagement. Je ne leur suis plus d'une grande utilité. Vivant ils me collaient comme le métal a un aimant. Leurs pensées se superposaient à celles des autres et ils ne me laissaient jamais en paix, même pas la nuit, même pas avec mes amis. Je n’étais jamais tranquille, jamais seul.

Il savait que tout cela allait recommencer une fois son corps récupéré. Ce serait peut-être même pire. Et si les fantômes étaient en colère parce qu’il avait pu revenir contrairement à eux et décidaient de le lui faire payer ? Ce risque là, il était prêt à le prendre, à vivre avec à nouveau comme il l’avait toujours fait. Son regard se perdit sur sa boite et il se rappela que Fear lui avait offert un joli cristal de sel, censé éloigner les fantômes. Cela n’avait jamais vraiment fonctionné mais il l’avait gardé comme porte bonheur depuis. Le soir de sa mort, Eugène l’avait rangé dans ce petit coffret caché car il savait qu’il ne reviendrait pas. Qu’il n’en aurait plus besoin là où il finirait par aller. Avec un soupir, l’esprit releva la tête vers Carter qui l’écoutait en serrant ses mains pour les empêcher de trembler. Il savait ce qui arrivait ensuite. Il le voyait déjà approcher.

— Les puces c'est... autre chose, commença-t-il d’une voix blanche. J'ai subi plusieurs opérations d'implantations, certaines devaient permettre à mes... supérieurs de limiter mes pouvoirs par la douleur ou les augmenter au besoin. Dans l’idéal je suppose qu'ils auraient voulu avoir le contrôle total sur mes capacités. Tout ce qu'ils ont réussi à faire cependant c'est me coller de violentes migraines et des hydrocéphalies si j'utilise trop mes pouvoirs. J'aimerai... les retirer. Je le ferais de mes propres mains si c'était possible mais Fanella semblait dire que je n’aurais pas le temps pour ça.

Il y avait songé, à plonger ses mains fantomatiques dans sa propre tête pour toutes les retirer avant de regagner son corps. Vu ce que la scientifique lui avait dit, ça ne marcherait sans doute pas comme ça. Carter aurait pu consulter son dossier, il l'aurait laissé faire, mais il devait être bien au chaud sous clé à la CIA. Mal à l’aise et malgré l’angoisse qui déferlait, il lui indiqua vaguement l’arrière de son crâne et sa tempe droite.

— Ils ont aussi posé une puce de localisation et une autre qui…

Carter semblait déjà réfléchir à comment faire pour les enlever. Une opération chirurgicale s’imposait bien sûr. Encore une. Et comme les images de l’hôpital se formaient dans l’esprit du médecin, se superposant aux pensées horribles qui tourbillonnaient dans l’esprit d’Eugène, il se fit happer par un souvenir. Il se retrouva soudain cloué à une table de métal froid par des sangles si serrées qu’elles lui en ouvraient la peau. Dans la réalité, son corps translucide s’était figé, ses yeux perdus dans le vide et son corps avait soudain pris une apparence plus jeune et maigre, celle de celui qu’il était en quittant la guerre, sans cheveux, vêtu d’une blouse rapiécée, s’accordant avec son esprit qui venait de partir bien trop loin. La voix d’un des médecins russes penché sur son crâne ouvert résonna dans sa tête, répondant sans doute à la question d’un confrère.

— On l’a testée sur des singes et elle a parfaitement fonctionné, je ne vois pas pourquoi cela poserait problème.

C’était sa dernière opération, la seule qu’il avait eu après la deuxième guerre mondiale, lorsqu’il était retourné en labo. Celle où l’on avait jugé bon de lui coller une bombe à retardement dans la tête. Une puce capable de lui griller le cerveau à distance s’il perdait le contrôle de ses pouvoirs, ou si son corps tombait aux mains de l’ennemi, pour que ses restes soient inutilisables. La peur d’un dysfonctionnement l’avait suivi toute sa vie par la suite, jusqu’à ce qu’il sorte et soit fait prisonnier dans ces bureaux qui surplombaient aujourd’hui le camp et les tentes. Jusqu’à ce qu’Alexeï arrive à la brouiller après des mois à tenter de créer un dispositif et une nuit d’angoisse à prier pour ne pas le tuer. Mais Eugène n’était pas dans ce souvenir beaucoup plus positif. Il était dans le cauchemar où, bien conscient, il sentait qu’on le privait de tout ce qu’il lui restait.

—  S’il vous plait ne me mettez pas ça dans la tête, je ne ferais rien de mal, j’ai promis d’obéir…

De l’extérieur, Carter ne pouvait voir que ce qu’il subissait tandis que son corps tremblait, entendre ses suppliques. Ce n’était pas comme Fanella avec qui il avait partagé ses souvenirs. Il n’aurait pas partagé celui-là en détail. Il se mit à sangloter tandis que son esprit revivait l'opération jusqu'à ce qu'elle se termine. Le lent retour à la réalité ne l'apaisa pas plus.[/color]
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Fanella Ozark
# Re: Départ vers le KazakhstanLun 14 Mar - 20:45
Comment souvent, Carter était content. Cette conversation avec Eugène tournait mieux que ce qu’il avait espéré. Le fantôme avait besoin de préciser que ça n’était pas de sa faute s’il lisait les pensées. Etant donné les circonstances,  le médecin s’en doutait bien. De toute évidence il avait prit personnellement l’intervention de Jonathan comme une attaque à son endroit. Donc, il parlait de se défendre comme si le second de laboratoire avait tenu un discours à charge contre lui. En réalité c’était plus après Fanella et sa politique de gestion que Jonathan semblait en avoir et il semblait qu’Eugène ait plus pris l’équivalent d’une balle perdue dans ce conflit dont Carter comprenait mal les tenants et les aboutissants. Cependant, il n’était sans doute pas utile d’essayer de faire entendre ça à Eugène. A sa place aussi, il aurait pris les choses personnellement et probablement aurait-il éprouvé le besoin de « se défendre » alors qu’on ne l’accusait en somme de rien du tout. Ses capacités, c’était une partie de lui, et forcément il y était attaché qu’il le veuille ou non sur le plan identitaire.

Carter avait plutôt pointé le fait que sa colère était après tout légitime et que Jonathan viendrait probablement s’excuser une fois l’ascension terminée.

— J’ai du mal à être rancunier puisque je sais ce qui motive les gens. Je lui pardonnerai sans doute, même si je n’ai pour l’instant pas très envie qu’il vienne me parler. C’est juste que… on m’a trahi toute ma vie et j’en ai assez. Et le problème c’est qu’il n’a évoqué qu’une partie de la conversation que nous avons eue, celle qui l’arrangeait et qui, certes, avait du sens pour cette mission. Mais maintenant Fanella va venir me poser des questions et je refuse de lui donner certaines réponses avant d’être revenu. Je ne veux pas me disputer avec elle à cause de lui,
poursuivit Eugène.

Carter pouvait comprendre en effet qu’il en ait assez d’être trahi. Cela dit, il imaginait très bien Fanella venir poser des questions oui, mais plus difficilement s’en prendre à lui pour cette raison. Carter aurait d’ailleurs pu demander à Eugène pourquoi il avait confié son secret à Jonathan puis avait décidé de ne rien en dire à Fanella. Il ne fallait pas beaucoup d’efforts pour comprendre qu’Eugène protégeait un secret de Jonathan même après ce qui venait de se produire. Il fallait pour ça faire preuve d’une grande maturité. Leur supérieur comprendrait surement si Eugène réussissait à lui expliquer les choses comme ça.

Aussi le médecin décida de changer de sujet. Il y avait plus curieux que la vie du second de laboratoire. Il questionna donc Eugène sur ce qu’il venait de dire à propos des fantômes et des puces. Ce deuxième éléments laissant présager le pire. Eugène haussa les épaules comme si ça n’était rien, mais Carter n’était pas dupe le moins du monde. Il sentait monter dans son corps cette nervosité caractéristique qui vient en général avant après ou pendant le récit d’évènements traumatisants.

— Depuis que je suis mort, ils ne viennent plus, les fantômes, admit-t-il avec un certain soulagement. Je ne leur suis plus d'une grande utilité. Vivant ils me collaient comme le métal a un aimant. Leurs pensées se superposaient à celles des autres et ils ne me laissaient jamais en paix, même pas la nuit, même pas avec mes amis. Je n’étais jamais tranquille, jamais seul.

Carter considéra la chose et il imagina tout un tas de forme sombres graviter autour d’Eugène. Une partie de lui espérait que cela ne serait pas visible pour toute l’équipe, sans quoi de toute façon, il faudrait tout expliquer à tout le monde.

— Je suis sûr que Fanella pourrait concevoir une machine qui pourrait empêcher ça…
souffla-t-il comme pour se rassurer.

Une partie de lui avait le sentiment de s’enfoncer dans un puit et de regarder le ciel depuis le fond d’un tour. Une sensation familière de ses consultations également, à laquelle il était habitué. Malgré tout, il y avait en effet là de quoi faire une sévère dépression. Cela dit, Fanella avait dit que tout ça, ça n’était que de la volonté matérialisée. Cela en disait long sur les tendances de son patient. Carter vit Eugène serrer ses mains l’une dans l’autre et lui même ouvrit et ferma le poing sans y prêter attention. Le pire restait à venir. Une partie de lui voulait interrompre Eugène dans son discours, mais il n’osa pas.

— Les puces c'est... autre chose, reprit le fantôme d’une voix blanche et instinctivement Carter baissa les yeux.

—  J'ai subi plusieurs opérations d'implantations, certaines devaient permettre à mes... supérieurs de limiter mes pouvoirs par la douleur ou les augmenter au besoin. Dans l’idéal je suppose qu'ils auraient voulu avoir le contrôle total sur mes capacités. Tout ce qu'ils ont réussi à faire cependant c'est me coller de violentes migraines et des hydrocéphalies si j'utilise trop mes pouvoirs. J'aimerai... les retirer. Je le ferais de mes propres mains si c'était possible mais Fanella semblait dire que je n’aurais pas le temps pour ça.


On était pas juste avec une forme de séquestration et de contrainte. Le terme qui lui venait c’était torture. Carter n’avait jamais accompagné de victimes d’actes de tortures. Bien sûr il pensait qu’il pourrait orienter ce patient vers un expert lorsque l’expédition prendrait fin, bien sûr l’espace d’une seconde il se sentit minuscule devant l’ampleur de la tâche. Il vit très exactement à quel moment Eugène sortit de sa fenêtre de tolérance. Carter sentit son coeur exploser soudain dans sa poitrine, une sensation familière encore, particulièrement vive cette fois. Il força dans sa poitrine une respiration ventrale. Réagir, réagir, interrompre.

— Eugène…

C’était trop tard, le fantôme ne l’écoutait plus.

— Ils ont aussi posé une puce de localisation et une autre qui…


Après cela, à priori les évènements se passaient de mots, puisque de son point de vue, ils se produisaient à nouveau, comme s’ils avaient lieu ici et maintenant. Carter ne sut pas exactement de quoi il s’agissait, mais il vit les larmes se mettre à ruisseler sur ses joues, avant même qu’il ne sanglote, sans même que ses épaules ne se secouent. En temps normal, Carter aurait mit la main sur l’épaule de son patient, pour essayer de la ramener ici et maintenant. Mais dans ce cas précis, son patient n’avait pas d’épaule.

— Eugène… tout va bien… appela-t-il encore, mais de toute évidence, il n’y avait pas mis suffisamment de conviction.

Le visage du fantôme s’était détourné de lui, il regardait autre chose qui provenait d’une autre époque.

—  S’il vous plait ne me mettez pas ça dans la tête, je ne ferais rien de mal, j’ai promis d’obéir…
balbutia-t-il soudain.

Si besoin était, cela confirma à Carter qu’il n’entendait rien de ce qu’il pourrait dire. Malgré tout il persévéra.

— Quoiqu’il soit en train de se passer pour toi Eugène, c’est déjà fini, c’est du passé, c’est déjà fini…

Malgré tout, Eugène resta encore dans cet état second un moment alors le médecin attendit, non sans impatience que cela se termine. Il était toujours étonné de comment le temps pouvait s’étirer au plus fort de l’affect.

C’est à ce moment que Fanella finit par arriver, rouge, couverte de sueur, visiblement au bord des larmes.

— Qu’est ce qui se passe ? demanda-t-elle anxieusement.

— Il est dissocié, répondit Carter, c’est ma faute, j’ai posé une question de trop.

Fanella jeta un coup d’oeil nerveux à sa montre.

— 5,5. Tu crois que ça a commencé ?

— Je n’en sais rien, en ce qui me concerne ça pourrait être un symptôme classique de post-trauma…

— Qu’est ce qu’on peut faire ? demanda encore la jeune chercheuse en posant son sac, paniquée.

— Rien, on attends.

Alors ils attendirent jusqu’à ce que Eugène refasse surface. Jonathan de son côté avait décidé de laisser un peu de temps passer avant de s’expliquer avec le fantôme. Il était allé monter la tente de Fanella qui serait de toute façon trop épuisée pour le faire. Cette fois, elle avait accepté son aide.

— Eugène,
demanda-t-elle quand il revint à lui et que son regard se tourna vers eux à nouveau, ça va ?

Une question fort stupide qu’elle regretta aussitôt. Evidemment, ça n’allait pas.
Fanella Ozark
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Départ vers le KazakhstanMar 15 Mar - 8:35
Eugène avait été incapable de lutter face au souvenir qui venait de déferler en lui. Il s'était retrouvé plongé plusieurs dizaines d'années en arrière, lors de cette fameuse opération où on lui avait implanté l'équivalent d'une bombe à retardement dans le cerveau. Il avait subi toute la conversation, attaché à la table en métal froid, forcé d'être conscient alors qu'on lui ouvrait littéralement le crâne. Il entendit plusieurs fois une voix lui répéter que c'était déjà fini mais il crut que cela provenait d'un des chirurgiens, pour signifier que l'opération s'était déroulée sans accroc et qu'ils pouvaient le refermer. Il ne se rendit pas compte qu’il s’agissait en fait de Carter qui tentait de le ramener au présent. Tout ce qu’il ressentait, c’était à quel point on l’avait dépossédé de tout, son corps, son identité, son libre arbitre.

La suite de ses souvenirs lui rappela qu'il avait tenté d'arracher les bandages et les sutures de ses propres mains avant de finir ligoté pour plusieurs jours le temps que la cicatrisation se fasse. Puis il revint peu à peu à la réalité, haletant comme au sortir d'une crise d'angoisse, son corps reprenant peu à peu son apparence habituelle. Il lui fallut quelques secondes pour reconnaître le feu de camp, la forêt et les esprits des gens qui l'entouraient et le fantôme poussa un soupir de soulagement. Personne ici n'était là pour lui faire du mal, il avait juste divagué. Malgré tout, il continuait d'être saisi d'une profonde mélancolie qui semblait coller à son essence et le terrifiait. Et s'il n'était pas capable de s'en défaire ? Et si cela l’empêchait de revenir ? Non, Fanella avait dit qu’il devait passer par là, même si le souvenir duquel il sortait ne s’était pas exactement produit ici. Est-ce que ça comptait du coup ? Il n’en savait trop rien. Au mieux, cela lui aura servi d’exercice, pensa-t-il. Instinctivement, pour se rassurer, il chercha des yeux les visages qui lui étaient familiers et il tomba rapidement sur celui de la chercheuse qui était arrivée au camp.

— Eugène, ça va ?

Il lui sourit un peu avant de se rendre compte que le corps de la jeune femme était fourbu de douleurs et qu’elle était épuisée. Cette marche ne lui avait vraiment pas fait du bien et il n’avait pas été là pour la soutenir. Au contraire, sa disparition avait dû faire peser un autre poids sur ses épaules. Il regretta une nouvelle fois de n’avoir pas pu affronter cette situation de front et le soulagement se transforma quelque peu en peine. Elle pensait qu’il n’allait pas bien du tout et il était vrai que son moral n’était pas vraiment au beau fixe mais ce n’était pas catastrophique non plus. Surtout maintenant qu’elle était là. Il se voyait mal se plaindre sur son propre état de fatigue alors qu’elle venait de gravir une montagne.

— Oui c’était juste un horrible souvenir, se justifia-t-il d’un air désolé. Mais tu m’as dit que ça risquait d’arriver alors je fais face. Je ne sais pas si… celui là faisait partie du processus ou si c’est juste moi, ça ne m'était jamais vraiment arrivé de cette manière.

D’autres cauchemars peut-être pires encore devaient l’attendre, tapis dans les profondeurs de la nuit, prêts à frapper lorsque tout le monde dormirait et qu’Eugène serait seul à épier leurs rêves. Il croisa le regard de Carter et baissa un peu les yeux, bien embêté de l’avoir inquiété. Il se rappelait qu’il avait parlé de torture. Ce mot résonnait toujours cruellement en lui et il n’était pourtant pas le premier à lui dire. Malgré les années, il ne semblait toujours pas être tout à fait rentré. Eugène n’arrivait pas à faire face à la réalité de son vécu, à y placer ce mot très exact et il le savait. Fanella avait raison, s’il voulait vraiment passer à autre chose, il allait avoir besoin d’aide. Mais comme pour beaucoup de choses, il ne parvenait pas vraiment à se concentrer dessus pour l’instant.

— Et toi tu vas bien ? Je suis désolé d’être parti de façon aussi abrupte et de t’infliger toute cette escalade… Je ne sais pas ce que je ferais sans toi et j'ai l'impression de ne pouvoir rien faire pour t'aider.

La pauvre allait finir par avoir tellement de courbatures qu’elle risquait d’être clouée au lit lorsque toute cette histoire serait terminée. Il y avait tellement de choses qu’il aurait aimé lui dire ou lui expliquer mais l’esprit se doutait que les questions fuseraient bien assez tôt.
Eugène (The Sorrow)
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Fanella Ozark
# Re: Départ vers le KazakhstanVen 18 Mar - 12:27
Fanella venait de gravir la montagne. A plusieurs moments, elle avait cru qu’elle n’en serait pas capable. Elle avait trouvé Eugène et Carter un peu à l’écart du camp et la joie avait explosé dans son coeur. Elle avait vide déchanté en voyant la tête qu’il faisait. Carter lui avait expliqué qu’il n’y avait à priori rien à faire à part attendre que le fantôme revienne à lui. Le temps avait semblé long, dans le silence et les sanglots. Elle se demandait si elle avait connaissance de ces souvenirs là en particulier mais elle en doutait. Tous deux furent soulagés lorsqu’enfin le fantôme tourna à nouveau leur regard vers eux. Alors elle posa évidemment une question stupide.

— Oui c’était juste un horrible souvenir, répondit Eugène visiblement mal à l’aise. Mais tu m’as dit que ça risquait d’arriver alors je fais face. Je ne sais pas si… celui là faisait partie du processus ou si c’est juste moi, ça ne m'était jamais vraiment arrivé de cette manière.

La jeune chercheuse ne savait pas vraiment quoi penser. Carter lui-même n’en savait rien. Il n’y avait plus qu’à espérer que ce type d’évènements ne se produiraient pas quand le processus de retour à la vie serait terminé.

— Tout dépend, répondit Carter en haussant les épaules. Si tu es capable de parler de ces souvenirs en temps normal, ça veut dire que c’est déjà le début du processus. Sinon, alors tu as un syndrome de stress post traumatique ce qui ne serait pas vraiment étonnant. En tout cas, peut-être que je vais attendre qu’on soit rentrés pour essayer d’en savoir plus long… a ton rythme hein ? Tu n’es pas obligé de me répondre si tu n’as pas envie.

En effet, même lorsqu’il serait de retour, Eugène serait malade. Il fallait que Fanella se fasse à cette idée. Ce n’était pas un miracle qu’ils allaient accomplir, ils ne faisaient que suivre la voie que la science avait montré.

— J’espère que tu iras vite mieux,
conclut-elle un peu hésitante.

Elle n’avait pas forcé Eugène à prendre part à cette expédition, malgré tout, elle se sentait un peu coupable sans pouvoir se l’expliquer.

— Et toi tu vas bien ?
reprit le fantôme Je suis désolé d’être parti de façon aussi abrupte et de t’infliger toute cette escalade… Je ne sais pas ce que je ferais sans toi et j'ai l'impression de ne pouvoir rien faire pour t'aider.

Suite à cette déclaration elle se sentit un peu honteuse. Elle avait oublié que Eugène pouvait savoir que tout son corps criait grâce à cet instant précis.

— Tu n’as pas t’excuser, répondit-elle.. je suis juste très fatiguée. Encore un problème tout simple que je n’avais pas anticipé… Jonathan a dit… que demain ça serait moins pire puisqu’on est plus ou moins sur le plateau.

Carter la gratifia d’une claque sur l’épaule un brin douloureuse.

— Tu as été courageuse en tout cas  ! Je vais voir les infirmières pour te préparer un petit cocktail sinon demain tu pourras pas bouger une oreille.

Sur ce, le médecin s’éloigna. Fanella leva un regard vers Eugène, un peu timidement.

— Tu sais j’ai réfléchis pendant que je montais… J’ai compris que Jonathan t’avais confié un secret au moment où tu lui as expliqué le reste de tes capacités. J’imagine que tu ne m’as rien dit pour protéger ce secret. Cela dit, j’aurais aimé savoir qu’il était au courant. Pour le reste, c’est entre vous. De toute façon, tu vas être amené à rencontrer des gens, à nouer des relations. Tu as le droit de ne pas tout me dire. Mais le fait que Jonathan connaisse tes capacités, ça, d’une certaine façon, ça me concernait. J’aurais pu demander son aide pour les calculs, il aurait pu m’aider à anticiper les choses. C’est tout.

S’il lisait son esprit, Eugène pouvait comprendre que Fanella n’était pas vraiment en colère contre lui. Elle avait juste besoin qu’il comprenne les choses de son point vue, c’était tout. De toute façon s’ils voulaient réussir c’était le moment de se serrer les coudes et pas de se déchirer.

— Si tu veux me parler de ce qui vient de t’arriver, n’hésite pas… si tu ne veux pas, c’est toi qui décides… sur ce je vais aller m’allonger un peu parce que sinon je vais m’écrouler.

Elle lui fit un dernier sourire avant de s’éloigner en titubant presque, jusqu’à sa tente.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Départ vers le KazakhstanSam 19 Mar - 20:29
Carter venait de parler de stress post traumatique et cela semblait évident à présent qu'Eugène le vivait de plein fouet. Il venait d’évoquer des souvenirs dont il ne parlait jamais parce qu’ils lui apportaient beaucoup de détresse. Jamais comme jusqu’à aujourd’hui mais le fait qu’il était à présent un fantôme n’y était sans doute pas étranger. Il savait bien que les souvenirs comme les fantômes continueraient d'hanter les pas de sa nouvelle vie. Il se demanda avec tristesse s'il allait pouvoir vivre ou ne serait-ce qu'essayer d'approcher une vie normale, sans ressasser continuellement le passé. Vu ce que les esprits du médecin et de Fanella laissaient échapper, guérir semblait difficile, pas impossible mais certainement laborieux. Il ne se voyait pas trouver la force d'y faire face pour l'instant, même s’il sentait parfois le besoin de faire sortir tout ce poison. Tout de même, s'il lui était possible de revenir, il allait saisir cette chance quoi qu'il en soit et faire autant d’efforts que possible.

— Tu n’as pas t’excuser, je suis juste très fatiguée. Encore un problème tout simple que je n’avais pas anticipé… Jonathan a dit… que demain ça serait moins pire puisqu’on est plus ou moins sur le plateau.

— Tu as été courageuse en tout cas ! Je vais voir les infirmières pour te préparer un petit cocktail sinon demain tu pourras pas bouger une oreille.

En effet, l’expédition avait fait le plus dur et le plus long du chemin. Ne restait plus que le complexe où l’attendaient les ombres de son passé, puis le pont. Il frissonna lorsque l’image de cette passerelle branlante faite de planches de bois et de cordes s’imposa à son esprit. Était-il seulement debout encore ? Il n’avait pas osé vérifier ou s’en approcher de peur de faire le pas de trop, ou le dernier. Carter s’éloigna d’eux pour vaquer à ses occupations et Eugène comprit à cet instant quelle direction prenait leur discussion. Il s’y était plus ou moins préparé.

— Tu sais j’ai réfléchis pendant que je montais… J’ai compris que Jonathan t’avais confié un secret au moment où tu lui as expliqué le reste de tes capacités. J’imagine que tu ne m’as rien dit pour protéger ce secret. Cela dit, j’aurais aimé savoir qu’il était au courant. Pour le reste, c’est entre vous. De toute façon, tu vas être amené à rencontrer des gens, à nouer des relations. Tu as le droit de ne pas tout me dire. Mais le fait que Jonathan connaisse tes capacités, ça, d’une certaine façon, ça me concernait. J’aurais pu demander son aide pour les calculs, il aurait pu m’aider à anticiper les choses. C’est tout. Si tu veux me parler de ce qui vient de t’arriver, n’hésite pas… si tu ne veux pas, c’est toi qui décides… sur ce je vais aller m’allonger un peu parce que sinon je vais m’écrouler.

Fanella ne semblait pas en colère mais l'esprit baissa quand même les yeux honteusement. Bien sûr qu'il aurait dû lui dire. Malgré tout et c'était normal, elle pensait que le secret de Jonathan n'était qu'entre eux, alors que tout cela la concernait elle, principalement. Elle était au centre de tout et là état tout le dramatique de la situation. L’esprit assumait sa part de l'erreur, mais il n'était pas le seul à en avoir fait une. Le moment qu'il redoutait presque douloureusement semblait arrivé. Avec un soupir, il la suivit vers sa tente pour qu'elle puisse se reposer pendant qu'ils continuaient leur discussion. Mieux valait qu'elle soit assise voire couchée avant qu'il l'assomme avec ses frustrantes moitiés d'explications.

— Je suis allé parler à Jonathan car j'ai senti que quelque chose n'allait pas et que j'en étais la principale cause mais que cela te concernait aussi. Après ce qui est arrivé avec Tanner je ne voulais prendre aucun risque. Il m'a effectivement révélé des choses personnelles qui m'ont mis dans une position compliquée par rapport à vous deux et poussé à être honnête avec lui pour qu'il comprenne mieux la situation. C’est là que je lui ai parlé de mes pouvoirs.

Ce qu'il affirmait là ne faisait pas vraiment partie du secret. Une personne dotée de suffisamment de discernement et de maîtrise des rapports humains aurait tout de suite compris que quelque chose clochait rien qu'aux regards lancés par le scientifique. Il n'en voulait pas à Fanella de s’être focalisée sur autre chose, cela faisait partie d'elle. Mais elle méritait de comprendre. Comme il l'avait dit à Jonathan, se retrouver au milieu d'une histoire sentimentale et tout balayer par accident n'était vraiment pas quelque chose d'agréable. Il n'avait pas vraiment eu le choix et avait préféré se renfermer pour traiter les problèmes plus urgents en premier. Peut-être aurait-il dû aller courir dans les jupons de Fanella pour tout lui raconter mais encore une fois, il avait trop l'habitude de garder les secrets sans jamais les ressortir. Sale manie d'espion sans doute.

— J'aurais du t'en parler mais je craignais de devoir ouvertement te dire que j'allais te cacher des choses. Je sais que tu n'aimes pas ça. Tu étais concentrée sur l'expédition et je ne voulais pas te rajouter une réflexion supplémentaire et inutile, je préférais gérer un problème à la fois. Je veux tout te dire, j'en ai désespérément envie mais si le moment est mal choisi, ça peut faire plus de mal que de bien.

En y repensant, une partie de lui se sentait soulagée que Jonathan n'ait pas participé aux calculs. Aurait-il été totalement objectif et impartial dans cette histoire ? Il ne voulait pas courir le risque et lui refaire confiance une deuxième fois pour l'instant.

— Je n'ai rien dit dans l'avion non plus parce que même un simple "il est au courant" aurait soulevé les questions des autres et mentir reste malgré tout quelque chose de compliqué. Et dans ta tête non plus car comme l'a si bien fait remarquer Jonathan l'horrible et dangereux esprit que je suis ne voulais rien laisser en toi ni que tu découvres par inadvertance tout le reste de la conversation. C'est pour ça que je me suis isolé tout de suite.

Même s'il n'avait jamais possédé personne, Eugène savait ce qu'il faisait. Bien sûr qu'un tel acte pouvait laisser des traces, mais Jonathan ne savait pas tout. Et surtout pas qu'ils avaient partagé des souvenirs ensemble. Maintenant elle allait se poser des questions jusqu'à ce qu'ils puissent enfin se parler. Si Jonathan avait eu une once de courage, il serait allé tout avouer à Fanella au lieu de lui léguer ce fardeau mais cela ne l'étonnait plus. Il aurait d’ailleurs aussi pu aller la voir pour lui dire qu’il était au courant. Mais il était trop tard à présent.

— Et pour ce qu’il vient de se passer, je parlais à Carter des puces qu’on m’a fourré dans le cerveau. Ce n’est pas un souvenir sur lequel je me suis attardé, c’est vrai, admit-t-il avec un brin de gêne. Il n’y a… pas grand-chose à dire de plus.

Il ne voulait vraiment pas se lancer dans une deuxième explication pour ce soir. En réalité, il ne voulait pas s’en rappeler tout court ou projeter de nouvelles choses pour le futur, comme une opération où il serait obligé d’être conscient. Tout cela serait bien assez insupportable le moment venu.
Eugène (The Sorrow)
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Fanella Ozark
# Re: Départ vers le KazakhstanLun 21 Mar - 12:01
La jeune chercheuse ne sentait plus ses jambes, alors elle s’était expliquée auprès d’Eugène, en lui expliquant qu’elle n’était pas en colère, mais que tout ce qui pouvait servir l’intérêt de leur expédition et de la recherche en général, elle aimait mieux le savoir. Puis, elle avait expliqué qu’elle avait besoin de se reposer. Quelque soit le cocktail que Carter lui réservait, elle espérait qu’il serait efficace. Ce soir, il allait falloir trouver la force de manger. Cela lui semblait relativement insurmontable à ce stade.

Eugène aussi avait besoin de lui parler, alors il la suivit comme elle se traîna maladroitement vers sa tente en essayant d’éviter les cailloux qui auraient pu causer une chute dont elle ne se serait peut-être pas relevée.

— Je suis allé parler à Jonathan car j'ai senti que quelque chose n'allait pas et que j'en étais la principale cause mais que cela te concernait aussi. Après ce qui est arrivé avec Tanner je ne voulais prendre aucun risque. Il m'a effectivement révélé des choses personnelles qui m'ont mis dans une position compliquée par rapport à vous deux et poussé à être honnête avec lui pour qu'il comprenne mieux la situation. C’est là que je lui ai parlé de mes pouvoirs.

Fanella comprenait qu’il ait voulu tirer les choses au clair suite à l’intervention de Tanner. La simple mention de son nom suffisait pour la mettre en colère, mais Eugène lui avait eu peur. Il devait s’assurer que tout le monde était dans son camp. Elle pouvait le comprendre. En revanche les choses devenaient confuses ensuite. De quel genre de « choses personnelles » Eugène pouvait)il bien parler. En réalité, il n’y avait rien de personnel entre elle et Jonathan. Les personnes avec qui elles partageaient des choses personnelles étaient au nombre de deux. Sa mère et à présent, Eugène. Elle repensa au coup de fil qu’elle avait passé à son second de laboratoire pour dire qu’il rentrait chez elle, après l’attaque de Tanner justement. Avec le recul, elle pouvait dire que Jonathan était son ami malgré tout. Ils avaient passé beaucoup de temps et connu beaucoup d’épreuves ensembles. Quoiqu’il en soit, elle n’avait aucune idée de ce dont Eugène pouvait bien parler, et c’était sans doute mieux comme ça. À priori Jonathan souhaitait garder ça pour lui.

— J'aurais du t'en parler mais je craignais de devoir ouvertement te dire que j'allais te cacher des choses. Je sais que tu n'aimes pas ça. Tu étais concentrée sur l'expédition et je ne voulais pas te rajouter une réflexion supplémentaire et inutile, je préférais gérer un problème à la fois. Je veux tout te dire, j'en ai désespérément envie mais si le moment est mal choisi, ça peut faire plus de mal que de bien.

Fanella soupira, réalisant qu’elle avait sans doute crée son propre malheur. Elle leva le nez, et constata avec désespoir que sa tente était encore relativement loin. Un dernier effort, elle pouvait le faire.

— Justement, c’est ça que je voulais dire,
répondit-elle. J’ai eu tord d’exiger que tu me dises tout. Après tout, tu vas partager des choses avec d’autres personnes que moi, des choses personnelles. La prochaine fois, si… je crois que tu peux me dire ouvertement que tu me caches quelque chose qui ne me concerne pas.

Eugène poursuivit sur sa lancée. Elle appréciait malgré tout à quel point il avait à coeur qu’elle comprenne ses intentions.

— Je n'ai rien dit dans l'avion non plus parce que même un simple "il est au courant" aurait soulevé les questions des autres et mentir reste malgré tout quelque chose de compliqué. Et dans ta tête non plus car comme l'a si bien fait remarquer Jonathan l'horrible et dangereux esprit que je suis ne voulais rien laisser en toi ni que tu découvres par inadvertance tout le reste de la conversation. C'est pour ça que je me suis isolé tout de suite.

Cela faisait du sens en effet. Juste après s’être écroulée sur son matelas, Fanella se redressa. Elle avait complètement oublié que Jonathan voulait faire des tests par rapport à ça justement ce soir. Mais l’idée de mettre un pied devant l’autre pour s’éloigner du camp lui tirait presque des larmes. Tant pis… ils verraient bien ce qu’il en serait demain. Au moins, elle avait une vague idée de ce qui pouvait l’attendre.

— Personne ne pense que tu es horrible et dangereux, Eugène,
reprit-elle en étendant ses bras derrière sa tête. C’est après moi et mes décisions que Jonathan en avait.

Une fois allongée, alors qu’elle sentait tout son corps vibrer de fatigue, elle était contente de ne pas être seule malgré tout.

— Et pour ce qu’il vient de se passer, je parlais à Carter des puces qu’on m’a fourré dans le cerveau. Ce n’est pas un souvenir sur lequel je me suis attardé, c’est vrai,
concéda-t-il. Il n’y a… pas grand-chose à dire de plus.

À nouveau Fanella se redressa sur son lit et son corps perclus de douleur accusa le choc comme il pu.

— Attends quoi ?

Son esprit trouva elle ne sut où la force de se mettre en route. Des hypothèses sur la temporalité et la régénération défilèrent dans sa tête accompagnées de données chiffrés. Mais elle eut beau retourner le problème dans tous les sens, il n’y avait pas de solution. Le corps d’Eugène n’avait aucune raison de remonter le temps avant son décès. Le processus irait trop vite et Eugène serait très probablement dans un état de conscience modifié à ce moment-là. Il fallait donc se faire à l’idée que les puces seraient toujours là quand il reviendrait à la vie. Pur sûr, Carter allait s’arracher les cheveux. Dès que son intellect renonça, la tristesse la gagna.

— Je pensais que je savais à peu près tout ce qu’il y a à savoir de triste sur toi, souffla-t-elle. Je comprends que tu ne m’as pas tout dit…. ou plutôt tout montré. Ce que je ne comprends toujours pas et que je ne comprendrais jamais, c’est comment des êtres humains peuvent faire subir ce genre de choses à d’autres… ça c’est une équation que je ne peux pas résoudre.

Ne pas désespérer ne pas désespérer. Ça n’était rien que les moyens modernes de la médecine ne pouvaient résoudre. Juste une épreuve en plus. Encore une.

La voix de Jonathan lui parvint à travers la toile de tente.

— Eugène ? On peut parler ?
Fanella Ozark
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Départ vers le KazakhstanLun 21 Mar - 17:44
Plus Eugène avançait dans ses maladroites explications et plus il voyait se dessiner dans l’esprit de Fanella que Jonathan n’était qu’un ami pour elle et encore. Les seules personnes dont elle se sentait réellement proche étaient sa mère et lui. Le sentiment était réciproque et il se sentait véritablement flatté mais ces pensées révélaient qu’elle ne voyait ni le haut de l’iceberg ni sa partie cachée qui venait lentement à sa rencontre. Lorsque le moment viendrait, il faudrait certainement aborder la situation avec douceur et l’esprit était déjà nerveux, rien qu’à l’idée de ce qu’il pourrait dire ou faire. Il avait pris des cours de déminage à l’époque et cela lui semblait presque plus aisé. Au final, son choix de ne pas lui rajouter un fardeau supplémentaire sur les épaules avec une réflexion déplacée n’était peut-être pas une erreur, même s’il fallait nuancer.

— Justement, c’est ça que je voulais dire. J’ai eu tort d’exiger que tu me dises tout. Après tout, tu vas partager des choses avec d’autres personnes que moi, des choses personnelles. La prochaine fois, si… je crois que tu peux me dire ouvertement que tu me caches quelque chose qui ne me concerne pas.

Oui il risquait de partager des choses avec de nouvelles personnes mais est-ce que cela serait aussi facile et trépidant qu’avec Fanella ? Eugène ne pouvait en être certain. Que cela concerne la jeune femme ou pas, il savait qu’il aurait toujours envie de partager des choses avec elle. Il voulait être totalement honnête à chaque fois que cela était possible, que ce soit pour ou contre ses exigences. Transparent dans ses intentions et ses pensées et pas uniquement sous forme de fantôme dans lequel on pouvait voir au travers. Il avait juste très mal calculé son coup cette fois ci et s’était laissé absorber par la situation et les enjeux, ce qu’il continuait de tenter de justifier.

Fanella finit par arriver à sa tente et s’écroula sur le matelas. Il l’observa avec un air désolé, à la fois peiné de la voir s’infliger tant de souffrances et content qu’elle soit à ses côtés et fasse tant d’efforts juste pour lui. Bon pour la science un peu aussi. L’histoire des calculs et des tests de leur discussion au pied de la montagne lui revint en mémoire mais maintenant qu’elle était allongée, elle ne semblait pas encline à remettre le nez dehors et il pouvait la comprendre. Peut-être que Jonathan aurait la force et la foi de plancher dessus de son côté. Eugène lui n’avait pu s’empêcher de lancer une petite pique à son endroit au fil de ses explications, à laquelle la jeune femme n’oublia pas de répondre.

— Personne ne pense que tu es horrible et dangereux. C’est après moi et mes décisions que Jonathan en avait.

Eugène savait de quoi il était capable. Horrible peut-être pas mais dangereux, il pouvait l’être. Après tout, c’était une partie de tout ce qui l’inquiétait dans cette expédition, même si Fanella avait créé une machine pour pallier à ce problème.

— Si je ne l’étais pas au moins un peu, il n’aurait pas remis en cause tes décisions justement, soupira-t-il. Mais ce n’est pas grave, oublions ça.

Il ne voulait pas s’attarder éternellement sur ses états d’âmes, ni sur ses souvenirs d’ailleurs. C’est pour cela que comme avec Carter plus tôt, il avait balayé son vécu d’un geste de la main, gratifiant Fanella d’un résumé bref et rapide. Il savait que son amie allait réagir mais tant qu’il n’avait pas à rentrer dans les détails, tout se passerait bien. L’envie lui était passée quelques minutes plutôt quand son esprit lui avait joué le tour de l’envoyer revivre ces atrocités.

— Attends quoi ? Je pensais que je savais à peu près tout ce qu’il y a à savoir de triste sur toi. Je comprends que tu ne m’as pas tout dit…. ou plutôt tout montré. Ce que je ne comprends toujours pas et que je ne comprendrais jamais, c’est comment des êtres humains peuvent faire subir ce genre de choses à d’autres… ça c’est une équation que je ne peux pas résoudre.

Eugène baissa les yeux, triste et honteux, flottant en tailleur à l’intérieur de la tente, serrant ses mains comme à son habitude. Lui, il comprenait. Il avait été dans la tête de ses tortionnaires tout du long, durant des années. Il avait même fini par calquer ses pensées sur les leurs et tout d’un coup, tout était normal et justifié. Il manqua de basculer à nouveau mais heureusement, l’esprit de Fanella lui permit de se raccrocher à la réalité. Il ne voulait pas questionner la normalité de ce qu’il lui était arrivé maintenant. Ce n’était pas le moment. De nouvelles larmes avaient commencé à couler sur ses joues et il décréta que cela suffisait, alors il les ravala rageusement. Comme Carter, elle réfléchissait sur une possible opération à venir. Finalement, face à tout ce qu’il cachait de sale au fond de sa conscience et qu’il faudrait un jour déballer, il n’avait plus si peur de se faire ouvrir le crâne une nouvelle fois.

— Je voulais garder le contrôle sur les souvenirs que je t’ai montré et il y en avait déjà un gros morceau à faire passer et à digérer, pour toi comme pour moi. Ce qui est arrivé dans les laboratoires… c’est vrai que j’ai tendance à l’occulter. Je sais que ce n’est pas bien du tout et que je devrais y faire face mais… je m’effondrerai je crois... au mieux.

Peut-être valait-il mieux qu’il s’effondre lorsqu’il aurait retrouvé son corps que sous sa forme de fantôme. Pour lui comme pour les autres. Il aurait pu continuer le débat en expliquant que la peur et l’envie de pouvoir des gens pouvaient les pousser à tous les vices mais il ne voulait vraiment pas continuer cette conversation. Et l’esprit de Jonathan qui approchait avec l’envie de lui parler le soulageait de cette angoisse mais semblait avoir aussi l’air d’une cerise sur un beau gâteau. Si Fanella était éprouvée physiquement, lui l’était mentalement.

— Eugène ? On peut parler ?

Il allait bien falloir. Même s’il n’en avait pas très envie, le fantôme ne voulait pas laisser la situation stagner ou s’envenimer. L’ambiance risquait vite de devenir délétère alors que ce n’était pas nécessaire. Avant de sortir de la tente, Eugène fit léviter sa petite boite en métal jusqu’au lit de Fanella qui tomba mollement à ses pieds. Il lui fit un vrai sourire cette fois, plus rassurant que les précédents.

— Je peux te la confier ? Il y a quelques affaires à moi dedans que je suis allé récupérer, je ne suis pas parti pour rien. On pourra l’ouvrir ensemble tout à l’heure si tu veux, ou demain si tu t’endors avant que je revienne. Repose-toi un peu en tout cas.

L’esprit fit mine de prendre une inspiration censée lui donner force et courage, même si cela n’agita pas vraiment les particules qui le composaient comme un vrai corps l’aurait fait. Il était néanmoins un peu plus calme et il s’éclipsa en traversant le tissu de la tente pour se retrouver face à Jonathan. L’animosité semblait avoir disparue pour l’instant, noyée sous bien d’autres émotions qui venaient de flotter dans son esprit au cours de ce début de soirée.

— Oui on peut parler, lui dit-il simplement, prêt à le suivre.
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Fanella Ozark
# Re: Départ vers le KazakhstanLun 28 Mar - 17:49
Fanella était épuisée, mais cette dernière nouvelle venait littéralement de lui ôter le peu de forces qui lui restaient que ça soit sur le plan physique ou psychologique. On avait mis des puces dans la tête d’Eugène. Quelle idée folle, elle ne parvenait pas à en faire le tour avec son petit cerveau fatigué. Elle résolu de remettre ça à plus tard. Elle savait dans tous les cas que même si leur entreprise réussissait, il resterait des épreuves à affronter pour le fantôme.

— Je voulais garder le contrôle sur les souvenirs que je t’ai montré,
expliqua-t-il comme pour se justifier et il y en avait déjà un gros morceau à faire passer et à digérer, pour toi comme pour moi. Ce qui est arrivé dans les laboratoires… c’est vrai que j’ai tendance à l’occulter. Je sais que ce n’est pas bien du tout et que je devrais y faire face mais… je m’effondrerai je crois... au mieux.

Fanella comprenait. En effet, ce jour-là elle ne savait pas bien si elle aurait supporté ces images là, en plus du reste.Elle pouvait comprendre mieux que personne le fait qu’on ne choisi pas d’ignorer un traumatisme mais que celui-ci en quelques sortes disparaît du champ de la conscience. Une fois devant, on a tendance à vouloir faire demi-tour. Elle-même n’était pas sûre d’avoir fini de faire demi-tour devant sa propre histoire. Jonathan interrompit ici le court de ses pensées.

— Eugène ? On peut parler ?

Visiblement le fantôme était peu enthousiaste à cette idée, mais comme c’était un gentil dans l’âme, il allait accepter de mettre les choses au clair. Cette idée la réconforta quelque peu. Fanella s’étonna soudain de voir une petite boite léviter dans sa direction. Elle avait tendance à oublier de temps à autre que Eugène pouvait faire cela en effet.

— Je peux te la confier ? Il y a quelques affaires à moi dedans que je suis allé récupérer, je ne suis pas parti pour rien. On pourra l’ouvrir ensemble tout à l’heure si tu veux, ou demain si tu t’endors avant que je revienne. Repose-toi un peu en tout cas.


Fanella comprit que la consigne implicite était de ne pas l’ouvrir dans sa présence. Elle était curieuse mais elle se promit de respecter ce choix. Elle se redressa douloureusement pour rattraper la petite boite et la rangea près d’elle dans la poche de la tente près de son lit. L’idée qu’Eugène lui confie quelque chose de précieux de la sorte lui fit chaud au coeur.

— Oui on peut parler,
répondit Eugène à Jonathan.

— C’est bien, répondit le second de laboratoire. Moi aussi j’ai quelque chose à te confier Fanella.

Il lui tendit un petit boîtier sur lequel les chiffres s’agitaient. 5.7 5.8 5.6, les mêmes que sur la montre que la chercheuse n’avait pas pris le temps de retirer.

— Je laisse ça avec toi et Eugène et moi, on va aller faire un tour… j’étudierais les relevés… ça nous permettra de savoir si oui ou non Eugène a laissé… quelque chose en toi… pendant le vol…

Jonathan était visiblement mal à l’aise avec cette idée. Fanella sentit son esprit se remplir de gratitude parce qu’elle aurait finalement la réponse à cette question tout en s’épargnant encore une heure de marche. Elle rangea l’appareil à côté de la petite boite.

— Merci Jonathan.

— Allez reposes-toi.

Le second de laboratoire fit signe au fantôme de le suivre. Dès qu’ils se furent éloignés quelque peu, il commença.

— J’ai un peu réfléchi Eugène et je suis désolé. Je n’aurais pas dû confier ton secret à Carter comme ça, sans t’en parler avant. Je suis juste parti du principe qu’il serait bienveillant avec toi et j’aurais dû savoir que pour toi, ce n’est pas si simple de faire confiance à quelqu’un. Toute cette expédition mets mes nerfs à rude épreuve. Je sais que tu ne nous veut pas de mal, mais nous allons en quelques sortes transgresser un tabou… je ne sais pas… j’ai peur que ça tourne mal. C’est important pour moi que tu comprennes. Je ne pense pas que tu sois une personne dangereuse en soi. Je crois par contre que ce que nous essayons de faire l’est et que Fanella est trop attachée à toi et à l’idée de te voir revenir parmi nous pour de bon pour s’en rendre compte. A un moment donné, tu risques de ne plus rien maîtriser et c’est ça qui m’inquiète mais quoi qu’il arrive, je te ne le reprocherais pas. Si les choses virent au vinaigre, ça sera parce qu’on a joué aux apprentis sorciers, c’est tout.

Le chercheur espérait qu’Eugène comprendrait. Il n’était pas possible de mener à bien la journée de demain si l’animosité persistait entre eux. Jonathan devait bien admettre que s’il reprochait à Fanella d’être aveuglée par ses sentiments, lui était peut-être dirigé par la peur qui montait en lui à mesure que le temps passait. Les chiffres avaient beau être rassurants, une partie irrationnelle de lui s’imaginait qu’ils allaient devoir payer une sorte de prix pour la vie d’Eugène, comme dans les récits mythiques. Et puis il devait bien admettre que parfois, il peinait à faire confiance à cette jeune chef de labo de 25 ans pour ne prendre que des décisions raisonnées.

Autour d’eux la nuit tombait doucement et il alluma sa frontale. De toute façon ils étaient en pleine nature au milieu de nulle part. Autour d’eux les arbres chantaient sous l’effet du vent et la vie sauvage bruissait. Il était trop tard pour reculer.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Départ vers le KazakhstanLun 28 Mar - 22:52
Visiblement, tout comme Eugène, Jonathan avait quelque chose à confier à Fanella. Comme il l'avait supposé et pour le plus grand bonheur de la jeune femme, le scientifique avait fait quelques calculs dans son coin pour s'assurer que le fantôme n'avait rien laissé à l'intérieur de son amie lorsqu'il l'avait possédé. Un instant, il sentit une espèce de honte mêlée d'angoisse et le malaise de Jonathan à l'idée du résultat que cette expérience donnerait. Que se passerait-il si, effectivement, il avait laissé une part de lui en Fanella ? Allait-on le lui reprocher ? Le traiter de monstre, encore ? Fanella allait-elle se mettre en colère ou s'inquiéter ? Il regrettait tant d'avoir accepté cette idée de possession. Il préféra cependant ne rien dire et s'abattit dans un lourd silence jusqu'à ce que lui et Jonathan se soient un peu éloignés du camp. Il était trop épuisé pour accepter de se laisser entraîner dans ses émotions.

— J’ai un peu réfléchi Eugène et je suis désolé. Je n’aurais pas dû confier ton secret à Carter comme ça, sans t’en parler avant. Je suis juste parti du principe qu’il serait bienveillant avec toi et j’aurais dû savoir que pour toi, ce n’est pas si simple de faire confiance à quelqu’un. Toute cette expédition met mes nerfs à rude épreuve. Je sais que tu ne nous veux pas de mal, mais nous allons en quelques sortes transgresser un tabou… je ne sais pas… j’ai peur que ça tourne mal. C’est important pour moi que tu comprennes. Je ne pense pas que tu sois une personne dangereuse en soi. Je crois par contre que ce que nous essayons de faire l’est et que Fanella est trop attachée à toi et à l’idée de te voir revenir parmi nous pour de bon pour s’en rendre compte. A un moment donné, tu risques de ne plus rien maîtriser et c’est ça qui m’inquiète mais quoi qu’il arrive, je te ne le reprocherais pas. Si les choses virent au vinaigre, ça sera parce qu’on a joué aux apprentis sorciers, c’est tout.

Eugène avait écouté sans mot dire, scrutant les pensées du jeune homme pour que sa sincérité appuie ses paroles. Il comprenait un peu mieux les angoisses profondes qui habitaient le pauvre homme et qui l'avaient poussé à tout déballer. Au fond, dès le début il avait plus ou moins compris ; lui aussi avait trouvé que garder le secret était risqué, surtout vu le nombre de personnes qui prenaient part à l'expédition. S'il avait foi en Fanella, Jonathan et Carter, il ne pouvait malgré tout pas en dire autant du reste de l'équipe et une gaffe était vite arrivée. Bien évidemment, le fantôme allait lui pardonner mais il se devait tout de même d'être honnête avec lui.

— Disons que j'aurais aimé lui expliquer moi même plutôt que d'entendre de loin une discussion qui me concernait. C'est ce genre de manigances dans mon dos qui m'ont mené à la mort... et pire encore. Enfin… Désolé de te le dire mais tu as assez mal vendu l'affaire, heureusement que Carter est compréhensif, plaisanta-t-il, faible tentative d'alléger l'atmosphère, avant de se reprendre, d’une voix plus triste. Entendre que je pouvais être un danger pour tout le monde m'a énervé mais... c'est la vérité. Quand je suis parti j'ai eu l'idée de finir l'expédition tout seul pour ne justement faire courir aucun risque à qui que ce soit, d’aller retrouver mon corps et tant pis si ça passe ou si ça casse… Mais je ne voulais pas vous décevoir en échouant, ou vous priver de résultats pour vos recherches et j’ai eu peur aussi, alors je suis revenu. Mais j'accepte tes excuses et je laisse ça derrière nous… je ne voudrais pas qu’on soit fâchés.


Le risque que Jonathan aille révéler son secret à d’autres personnes, bien plus mal intentionnées, semblait minime maintenant. Au fond, tout ce que déplorait Eugène, c’était le manque de communication directe entre les gens. Tout ce qu’il percevait et que tout le monde taisait alors que le monde tournerait bien mieux avec plus d’honnêteté. Pourvu que l’interlocuteur en face sache l’accepter aussi, ce qui n’était pas une mince affaire. Il n’aimait pas les intrigues, à force de s’y retrouver plongé, elles avaient détruit quelque chose en lui. Mais puisque cela semblait derrière eux, Eugène songea à ce qu’avait dit le chercheur ensuite.

— C'est moi qui reviens a la vie Jonathan, le tabou c'est moi qui vais le briser et donc en subir les conséquences, même si vous allez m’y aider. Après tout, si j'ai bien compris, cette entreprise à les moyens de réussir justement parce que je suis moi. Un fantôme et un humain un peu spécial. Et j'ai un pied dans la mort depuis ma naissance. Alors oui ça risque d'attirer l'attention d’une certaine agence de renseignements qui doit se souvenir de moi, mais je serais prêt et je n'ai pas peur.

Au fond, ramener à la vie une centaine de soldats morts sur la plage du débarquement n’était-elle pas un tabou brisé ? Même si, techniquement, ils n’étaient restés en vie et habités sous son contrôle qu’un court laps de temps. Et même s’il revenait et que cela finissait par s’ébruiter, la CIA n’avait plus aucune prise sur lui, plus aucun moyen de chantage. Pas même Fanella, ses avancées technologiques étaient bien trop importantes pour qu’ils prennent le risque d’en faire une otage et de devoir mettre des menaces à exécution. Il ne laisserait de toute façon pas un tel scénario arriver.

— J'espère juste que tu es conscient qu’il faudrait parler à Fanella de son implication émotionnelle justement. Et de la tienne peut-être. J’étais d’avis de le faire lorsque tout ceci sera terminé et à la condition que je revienne mais je dois bien admettre que tu marques un point et qu’elle est forcément moins objective si ses émotions entrent en jeu mais je ne vois pas à quoi cela peut aboutir de grave.

Au fond, ce que Jonathan reprochait à Fanella, à lui-même, voire à la situation toute entière, c'était qu'ils étaient tous un peu trop proches pour penser objectivement. Au fond, cela le touchait énormément même si bien sûr, cela rendait les choses dangereuses. Il espérait tout de même avoir le luxe d’attendre encore un peu. Il regarda amusé Jonathan allumer sa lumière. Lui bien sûr, passait à travers les arbres mais il valait mieux éviter au chercheur un malencontreux accident. S'ils se perdaient, Eugène pourrait aisément le guider donc il ne s'inquiétait pas trop de savoir où ils allaient.
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# Re: Départ vers le KazakhstanVen 1 Avr - 11:51
Jonathan avait décidé de prendre les choses en main. Fanella était trop fatiguée pour le faire mais il fallait vérifier que Eugène n’avait pas créé une forme de connexion entre eux qui risquait de mettre la chercheuse en danger demain, lorsque le processus commencerait. Il avait entraîné Eugène un peu plus loin du camp. D’une part il avait besoin qu’il s’éloigne du reste des appareils et de Fanella pour obtenir des données significatives. D’autre part, ils avaient une discussion à mener à son terme. Le chercheur avait commencé par s’excuser d’avoir relevé le secret que le fantôme lui avait confié.

— Disons que j'aurais aimé lui expliquer moi même plutôt que d'entendre de loin une discussion qui me concernait, lui répondit le fantôme.  C'est ce genre de manigances dans mon dos qui m'ont mené à la mort... et pire encore. Enfin… Désolé de te le dire mais tu as assez mal vendu l'affaire, heureusement que Carter est compréhensif.

Jonathan résolu d’écouter ce qu’Eugène avait à dire. S’ils voulaient se réconcilier dans de bonnes conditions il fallait entendre comment il avait vécu les choses.

— Je savais qu’il le serait. Carter nous connaît depuis longtemps on a l’habitude de travailler avec lui, se défendit-il malgré tout.

Le chercheur manqua d’ajouter qu’il n’y avait pas de manière de bien vendre les choses. Déjà une telle réalité était déstabilisante en soi, même pour Eugène lui-même ça n’était visiblement pas une bénédiction. De toute façon, Eugène avait accès à ses pensées. Il faudrait faire avec.

— Entendre que je pouvais être un danger pour tout le monde m'a énervé mais... c'est la vérité. Quand je suis parti j'ai eu l'idée de finir l'expédition tout seul pour ne justement faire courir aucun risque à qui que ce soit, d’aller retrouver mon corps et tant pis si ça passe ou si ça casse… Mais je ne voulais pas vous décevoir en échouant, ou vous priver de résultats pour vos recherches et j’ai eu peur aussi, alors je suis revenu. Mais j'accepte tes excuses et je laisse ça derrière nous… je ne voudrais pas qu’on soit fâchés.

Jonathan songea que cela aurait été le pire le scénario possible. Heureusement Eugène n’avait pas pris ce chemin. Après tout, s’il était capable de fermer un trou noir, qui pourrait prédire la portée kilométrique d’un phénomène intense dont il perdrait la maîtrise ? Quoiqu’il arrive mieux valait que toute l’équipe soit présente. Pas sûr qu’elle aurait été plus en sécurité si Eugène serait allée au front tout seul. Sans compte que s’il lui été arrivé quoique ce soit, Fanella le lui aurait probablement reproché, à juste titre.

— C'est moi qui reviens a la vie Jonathan, poursuivit le fantôme, répondant à la suite de son argumentaire. Le tabou c'est moi qui vais le briser et donc en subir les conséquences, même si vous allez m’y aider. Après tout, si j'ai bien compris, cette entreprise à les moyens de réussir justement parce que je suis moi. Un fantôme et un humain un peu spécial. Et j'ai un pied dans la mort depuis ma naissance. Alors oui ça risque d'attirer l'attention d’une certaine agence de renseignements qui doit se souvenir de moi, mais je serais prêt et je n'ai pas peur.

Ce fait là, Jonathan avait tendance à l’oublier. Oui ils étaient l’équipe de chercheurs qui avait découvert cette possibilité. Mais à terme c’était à Eugène que revenait la tâche de faire le voyage et à personne d’autre. L’espace d’un instant, Jonathan se demanda quelle décision il aurait prise à sa place et ce qui pouvait le pousser à affronter une chose pareil. Lui-même aurait sûrement eu peur, il aurait fait demi tour et serait rester à l’état de spectre. Quand bien-même le voyage réussissait, rester à affronter la vie et ses dangers ensuite, comme il venait justement de le souligner. L’espace d’un instant le chercheur se demanda si d’aventure le fantôme partageait l’affection que Fanella lui portait. L’instant d’après, il regretta cette pensée mais il était trop tard.

— J’ai eu du mal à y croire au début. Je ne sais pas pourquoi, l’idée que la CIA puisse être mêlée à tout ça m’a semblé surréaliste de prime abord. Mais comme je te le disais j’ai eu le temps d’y penser durant la montée. Pendant un moment, j’ai eu du mal à comprendre pourquoi Fanella voulait monter une si grosse équipe de sécurité. Et puis je me suis souvenu comment tu es mort et que tu es mort dans une tenue militaire… Et puis j’ai repensé à Tanner… Et en fait c’est logique. Je crois juste que je n’avais pas envie de me faire à cette idée.


Jonathan haussa les épaules et soupira.

— Ça aussi ça me fait assez peur, mais là encore, c’est toi qui est concerné en premier. Une fois rentrés, il va falloir qu’on fasse une grosse réunion sur ce sujet-là.


Cela allait être un sacré problème. Fanella s’était arrangée pour que personne ne sache ce qu’ils étaient en train d’entreprendre, mais ça n’était probablement qu’une question de temps avant que les agents Jesse et Cassidy ne viennent frapper à leur porte à nouveau. Jonathan ne voulait pas accabler le fantôme avec cela dans l’immédiat et… trop tard encore une fois.

— J'espère juste que tu es conscient qu’il faudrait parler à Fanella de son implication émotionnelle justement, reprit-il. Et de la tienne peut-être. J’étais d’avis de le faire lorsque tout ceci sera terminé et à la condition que je revienne mais je dois bien admettre que tu marques un point et qu’elle est forcément moins objective si ses émotions entrent en jeu mais je ne vois pas à quoi cela peut aboutir de grave.

Jonathan soupira encore une fois. La proposition d’Eugène l’avait piqué. Il n’avait aucune intention de dire quoique ce soit à Fanella sur son implication émotionnelle à lui, dans tout ça. IL aurait juste voulu pouvoir enterrer les émotions au fond de lui jusqu’à ce qu’elles meurent. C’était son droit.

— Eugène, s’il te plaît ne lui dit rien. De toute façon, je ne pense pas qu’elle m’écouterait. Si tout cela réussi alors, nous nous seront inquiétés pour rien.  Ce qui est entre vous… je crois que ça doit rester entre vous. J’ai paniqué mais au fond… Je crois que pour pousser les recherches aussi loin sur un sujet… c’est qu’il y a toujours des émotions en jeu non ?

Est-ce que Jonathan faisait preuve d’un peu de mauvaise foi ? Oui sûrement. Il restait à espérer que les résultats de son petit test seraient négatifs. Sinon comment ses émotions à lui allaient prendre la chose ? Il ne savait dire. Lui, Fanella, et la plupart des chercheurs en général, ils n’étaient qu’une bande de geeks immatures.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Départ vers le KazakhstanVen 1 Avr - 16:59
Finalement, Eugène avait sans doute bien fait de ne pas suivre ses émotions impulsives et achever la mission seul. Jonathan avait raison, il aurait pu causer on ne savait quelle catastrophe tout aussi terrible que celle du trou noir. Les machines de Fanella étaient là pour maintenir la situation sous contrôle après tout. Il ne devrait pas faire courir de grand danger à qui que ce soit, sauf peut-être elle, si effectivement il avait laissé un lien avec lui en la possédant. D’un autre côté, s’il s’agissait de souvenirs à traverser, ils l’avaient déjà fait ensemble mais l’esprit n’était pas certain que cela se passe exactement de la même manière. Sa petite escapade nocturne en forêt le lui dirait bien assez tôt. Alors, en attendant et pour se réconcilier avec le chercheur à ses côtés, le fantôme s’était permis de lui révéler qu’effectivement, la CIA risquait de s’intéresser à lui si elle venait à apprendre son retour.

Tout cela avait soulevé des questions que le jeune homme n’avait pas osé énoncer à voix haute. Tout en sachant qu’Eugène les entendait quand même. Il fut touché de le voir tenter de compatir même s’il connaissait peu son histoire ou les choix qui le poussaient à revenir. Sa première vie n’avait été qu’un enfer, il espérait que cette seconde chance se passerait mieux. Et Fanella faisait bel et bien partie de ces choix, il l’admettait même s’il ne s’autorisait pas à y réfléchir avant d’être revenu. C’était bien cela qui le mettait dans une position compliquée vis-à-vis de Jonathan. Qui les mettait tous les trois dans une situation compliquée où ils ne pouvaient encore rien se dire. L’expectative devenait d’ailleurs de plus en plus insoutenable.

— J’ai eu du mal à y croire au début. Je ne sais pas pourquoi, l’idée que la CIA puisse être mêlée à tout ça m’a semblé surréaliste de prime abord. Mais comme je te le disais j’ai eu le temps d’y penser durant la montée. Pendant un moment, j’ai eu du mal à comprendre pourquoi Fanella voulait monter une si grosse équipe de sécurité. Et puis je me suis souvenu comment tu es mort et que tu es mort dans une tenue militaire… Et puis j’ai repensé à Tanner… Et en fait c’est logique. Je crois juste que je n’avais pas envie de me faire à cette idée. Ça aussi ça me fait assez peur, mais là encore, c’est toi qui est concerné en premier. Une fois rentrés, il va falloir qu’on fasse une grosse réunion sur ce sujet-là.

Jonathan n’était sans doute pas le seul de l’équipe à se poser la question mais un des rares à avoir compris de quoi il en retournait, même s’il ne voulait pas y penser et faire l’autruche. Et dire qu’il ignorait même le quart de la vérité. Pour l’instant, même si cette possibilité restait dans un coin de sa tête, il n’était pas encore alerté par l’éventualité d’une enquête de la CIA. Une fois revenu, la méfiance ou la paranoïa prendrait peut-être le dessus sur son expérience, rien ne pourrait le prédire. Le fantôme s’employa donc à le rassurer encore une fois.

— Ce n’est pas grave tu sais, que tu ais du mal à te faire à cette idée. Tu peux prendre ton temps, voire tu n’y es même pas obligé. Mais cette réalité est malheureusement la mienne. Sache juste que j’y ai bien réfléchi et si autrefois ils avaient les moyens de pression pour me faire obéir et me contrôler, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Si mon existence vient à être découverte, je ne compte d’ailleurs pas me laisser faire. Ils savent que je peux être dangereux, que j’ai des raisons d’être en colère voire même de vouloir me venger et que je connais déjà bon nombre de leurs secrets les plus sales. Ils ne s’approcheront pas de moi sans avoir soit une bonne raison, soit murement réfléchi sur les risques.

Il y avait déjà pensé ; marcher sur le siège de la CIA une fois vivant, leur faire payer, les voir ramper. Mais les agents qu’il avait connus étaient morts et enterrés depuis bien longtemps. Il avait eu le temps de les pourchasser dans la mort et de leur faire regretter chaque décision. Aujourd’hui, il savait que s’il voulait passer à autre chose, vivre enfin, il ne pouvait se le permettre. La haine appelait la haine et c’était pareil pour la peur. S’il était menaçant, tout serait mis en œuvre pour le faire disparaitre à nouveau quitte à justement sacrifier Fanella. Alors que s’il se montrait sage et ouvert à la discussion, il y avait peut-être des chances pour que cela se passe mieux. Tant qu’il s’agissait d’une discussion en face à face. Il n’accepterait plus aucun appel téléphonique, plus aucune manigance. Après tout, il avait eu des nuits entières pour y réfléchir en long en large et en travers. Le fantôme avait embrayé ensuite sur l’implication émotionnelle de Fanella, qui était, qu’elle le sache ou non, intimement liée à la sienne et à celle de Jonathan. Au vu des émotions de ce dernier, le sujet ne serait donc pas abordé lors de l’expédition comme il l’avait proposé mais bien après. Voire pas du tout, si on suivait son fil de pensées.

— Eugène, s’il te plaît ne lui dit rien. De toute façon, je ne pense pas qu’elle m’écouterait. Si tout cela réussi alors, nous nous seront inquiétés pour rien. Ce qui est entre vous… je crois que ça doit rester entre vous. J’ai paniqué mais au fond… Je crois que pour pousser les recherches aussi loin sur un sujet… c’est qu’il y a toujours des émotions en jeu non ?

Eugène soupira face au discours et à ce que traduisaient les émotions du jeune homme. Lui voulait que Fanella ait pleinement conscience de la situation alors que Jonathan préférait planquer ses émotions sous un tapis comme une vieille motte de poussière qu’on ne sait pas trop où jeter d’autre. Cela l’attristait personnellement mais il pouvait comprendre pourquoi il étouffait ses sentiments. Pour Eugène, il était clair que cette histoire étaient entre eux trois et pas seulement entre lui et Fanella. Sachant son besoin d’honnêteté, il se voyait mal écarter Jonathan de l’équation comme si ses sentiments n’avaient jamais existé. Ce n’était donc pas le bon moment. Il verrait comment aborder le sujet une fois qu’ils seraient tous rentrés, il pouvait respecter au moins cela.

— Je suppose qu’il y a toujours des émotions en jeu oui, qu’elles soient amicales ou… plus que ça, admit-t-il mais on sentait au fond de sa voix qu’il aurait voulu encore pu argumenter. On verra comment la situation évolue lorsque nous serons rentrés j’imagine mais Jonathan… aucun d’entre nous ne pourra faire semblant que ces émotions n’ont jamais existé. Les tiennes, les miennes ou celles de Fanella. C'est tout...

Il ne le lui disait pas sur le ton du reproche, c’était un simple constat. Peut-être qu’il allait y réfléchir ou peut-être pas. La décision lui appartenait, tout comme celle de se faire à l’idée que la CIA avait pu commettre des atrocités et soit prête à recommencer dans le pire des cas. Toutes ces découvertes, ces avancées scientifiques puis cette expédition allaient bien vite pour pleinement saisir tout le complexe de la situation.
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Fanella Ozark
# Re: Départ vers le KazakhstanSam 2 Avr - 11:26
Alors qu’ils s’enfonçaient un peu plus dans la forêt, la nuit tombait. Jonathan alluma sa lampe frontale afin de ne pas se tordre une cheville dans la rocaille. Plus le temps passait et plus il réalisait que ça n’était pas juste une recherche qu’ils étaient en train de faire. Ils étaient tous mêlés à des enjeux de vie et de mort, mais aussi des enjeux de sécurité nationale. Jonathan avait eu du mal à se faire à l’idée que la CIA pourrait être impliquée et aussi à contempler quel genre de passé Eugène avait pu avoir. Mais il était là devant lui, à lui expliquer tout cela.

— Ce n’est pas grave tu sais, que tu ais du mal à te faire à cette idée. Tu peux prendre ton temps, voire tu n’y es même pas obligé. Mais cette réalité est malheureusement la mienne. Sache juste que j’y ai bien réfléchi et si autrefois ils avaient les moyens de pression pour me faire obéir et me contrôler, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Si mon existence vient à être découverte, je ne compte d’ailleurs pas me laisser faire. Ils savent que je peux être dangereux, que j’ai des raisons d’être en colère voire même de vouloir me venger et que je connais déjà bon nombre de leurs secrets les plus sales. Ils ne s’approcheront pas de moi sans avoir soit une bonne raison, soit murement réfléchi sur les risques.

Cette déclaration ne fit qu’accentuer l’anxiété de Jonathan. Son esprit dessina des scènes de batailles où Eugène faisait s’envoler des agents de police et exploser les vitres des immeubles autour de lui. Il chassa cette pensée du mieux qu’il put, pour se concentrer sur les bruits de la forêt autour d’eux.

Le chercheur se racla la gorge.

— Espérons que s’ils décident de s’en mêler, on trouvera une issue pacifique. C’est pour ça que je pense qu’il faudra qu’on en parle. Mais une chose à la fois hein…

La suite de la discussion tourna autour des émotions diverses et variées impliqués dans le fait de faire revenir quelqu’un à la vie. Les sentiments de Fanella pour Eugène, les siens pour elle, sa peur de transgresser un tabou. Eugène avait l’air déterminé à ce que Jonathan parle de tout ça avec la jeune chercheuse mais lui n’en avait aucune envie. Depuis l’arrivée d’Eugène il avait bien compris que sa quête romantique ne mènerait à rien. Il jugeait inutile d’ajouter une forme d’humiliation à ce mélange déjà passablement douloureux.

Mais le fantôme n’était pas de cet avis.

— Je suppose qu’il y a toujours des émotions en jeu oui, qu’elles soient amicales ou… plus que ça,
admit-t-il et Jonathan perçu la une forme de sous entendu qu’il ne comprit pas. On verra comment la situation évolue lorsque nous serons rentrés j’imagine mais Jonathan… aucun d’entre nous ne pourra faire semblant que ces émotions n’ont jamais existé. Les tiennes, les miennes ou celles de Fanella. C'est tout...

Malgré lui, Jonathan sentit la moutarde lui monter au nez. Ne pouvait-on pas simplement se mettre d’accord pour garder les secrets des uns et des autres. Oui, il avait fait une erreur en trahissant celui d’Eugène mais ça n’était pas une raison pour poursuivre le grand déballage.

— Je ne comprends pas pourquoi tu tiens tellement à ce que j’explique les choses à Fanella. Je crois que ça ne ferait que nous mettre mal à l’aise tous les deux et puis…

Jonathan s’interrompit, car un craquement menaçant retentit sur sa gauche. Nerveusement il tourna sa frontale dans cette direction. Il avait oublié qu’ils étaient en pleine nature, au milieu de nulle part et une terreur animale s’empara de lui. Comme ça n’était probablement rien, il se sentit un peu honteux tout de suite après.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Départ vers le KazakhstanSam 2 Avr - 14:05
Eugène avait tenté de rassurer Jonathan en lui expliquant qu’il avait bien réfléchi au comportement de la CIA s’il venait à être découvert mais cela semblait avoir eu l’effet inverse. Il esquissa un sourire teinté à la fois d’amusent et de tristesse lorsqu’il vit le scientifique s’imaginer l’esprit en méchant de film, faisant s’envoler des gens et détruisant des bâtiments. Il avait fait bien pire sans être jamais allé jusque-là. Envoyer un tank dans un hélicoptère et les faire retomber sur des barricades à Stalingrad, là avait été son plus incroyable exploit. Du moins, avant de refermer un trou noir encore infiniment petit.

— Espérons que s’ils décident de s’en mêler, on trouvera une issue pacifique. C’est pour ça que je pense qu’il faudra qu’on en parle. Mais une chose à la fois hein…

Eugène savait qu’à son retour, tout le monde dont lui aurait beaucoup de travail. Carter allait sûrement le garder sous surveillance et ils allaient beaucoup discuter, Fanella aurait besoin de nouveaux relevés et l’esprit n’oubliait pas ce que le médecin lui avait dit ; peut-être, grâce à son esprit si brillant, elle pourrait l’aider avec les fantômes qui allaient indéniablement le poursuivre. Pour cette fois, l’idée de rester bien au chaud à l’intérieur d’un laboratoire ne lui semblait pas si horrible ni une punition. Il participerait à tout de bon cœur pourvu qu’il ait une chance de revenir.

— J’ai assez participé à la guerre pour préférer le pacifisme. Et je ne doute pas que nous aurons beaucoup de choses à discuter en effet.

Plus il en discutait avec Jonathan et plus Eugène remarquait qu’il parlait comme s’il allait vraiment revenir. Il aimait cet état d’esprit, cette détermination à avancer sur ce fil tendu entre deux falaises, même si l’arrivée semblait invisible, nappée de brouillard. Mais puisqu’il était tendu, ce fil tenait bien quelque part à l’autre bout. Tout ce qu’il avait à faire, c’était mettre un pas devant l’autre sans regarder en bas ni se retourner. Fanella l’attendait même peut-être de l’autre côté. Certainement puisque Jonathan lui avait en quelque sorte ouvert les yeux et que son implication émotionnelle se rendait visible de jour en jour. Il ne comprenait pas vraiment puisque, de son point de vue, Jonathan était plus jeune que lui, n’avait pas des capacités handicapantes, un passé horrible. Sur le papier il avait toutes ses chances et pourtant, elle ne le voyait que comme un ami.

— Je ne comprends pas pourquoi tu tiens tellement à ce que j’explique les choses à Fanella. Je crois que ça ne ferait que nous mettre mal à l’aise tous les deux et puis…

Il voulait désespérément la mettre au courant qu’elle semblait avoir mis les pieds, bien malgré elle, dans ce qui ressemblait à un triangle amoureux. Mais peut-être que ce n’était pas une bonne idée. Ils avaient tous les trois des difficultés, plus ou moins prononcées, avec leurs émotions mais pour elle, c’était sans doute encore plus compliqué. Ce qu’Eugène regrettait surtout, c’était que si les choses devaient aller plus loin entre elle et lui, il serait toujours amené à côtoyer Jonathan dans il ne savait trop quelles conditions. Peut-être qu’il était égoïste de vouloir la mettre au courant ? Peut-être que c’était simplement pour moins culpabiliser ? Parce que oui, s'il devait passer devant le chercheur de manière pernicieuse, en faisant comme s'il était le seul à potentiellement ressentir quelque chose, il allait culpabiliser. Mais après tout, Jonathan avait raison ; s'il préférait reculer face à la situation, peu importe pour quelles raisons, c'était sa décision. S’il voulait passer à autre chose, il se devait de lui laisser ce temps.

Il aurait voulu lui dire d’oublier tout ça, s’excuser d’avoir insisté et lui assurer qu’il ne dirait rien. Lui expliquer que la situation était compliquée, que le souvenir de sa femme et de son fils était encore bien présent dans son esprit. Que dans tous les cas, avant d’en avoir fait son deuil, il serait bien trop tôt pour décider quoi que ce soit mais un craquement se fit entendre au fond de la forêt à leur gauche, celui-là même qui avait interrompu Jonathan en plein milieu de sa tirade courroucée. Eugène étouffa un cri paniqué, tourné vers la source du bruit, face à ce danger qui arrivait. Il percevait l’esprit des animaux comme celui des humains ; même s’ils ne pensaient pas en mots, ils ressentaient, poussés par l’instinct. Ici celui d’un prédateur désireux de chasser encore un peu avant son hibernation. Le pauvre jeune homme qui l’accompagnait semblait suffisamment en chair pour satisfaire ce besoin et ils devaient effectivement se trouver sur son territoire. Et sa lampe frontale qui s'agitait sonnait comme une invitation soudain.

— Jonathan… je sais que ça va être très difficile, voire impossible, mais je vais te demander de tenter de ne pas paniquer, je gère la situation.

Eugène avait vaguement appris à se défendre contre les ours de son vivant. Son premier réflexe aurait été de sortir son arme et de tenter un coup de semonce mais il était mort. En temps normal, tourner le dos et courir était aussi une mauvaise idée, tout comme celle de grimper aux arbres si l’on était seul. Mais dans cette situation bien particulière, puisqu’ils étaient deux et que seul Jonathan était en danger, le souhait que le fantôme avait eu quelques heures plus tôt semblait se réaliser, dans des circonstances bien différentes. Alors qu’un immense grizzly affamé sortait des fourrés en grognant, prêt à le charger, Jonathan s’envola soudain jusqu’à la branche épaisse d’un chêne, bien en hauteur.

— Ne t’en fais pas tu ne risques rien là-haut ! Je ne le laisserai pas monter jusque-là et je ne te laisserai pas tomber non plus, promit-t-il en espérant que son ami ne rameute pas toute l’équipe de sécurité. Il ne peut pas me faire de mal, il va bien finir par partir...

Même l’animal sembla ébahi du phénomène et se dressa sur ses pattes arrière, agitant une patte avant griffue et dépitée en direction du scientifique, pourtant hors d’atteinte. Finalement, il retomba lourdement et renifla en direction d’Eugène, s’ébrouant et éternuant avec force comme si la présence du fantôme lui déplaisait fortement, bien qu’il ne puisse pas le voir. Le fantôme espérait que l’idée de grimper à l’arbre soit trop fatigante pour ce gros ours et qu’il reparte bredouille. Dans le cas contraire ou dans l’idée où il irait voir du côté du campement eh bien, l’idée de lui faire mal le répugnait mais il risquait de devoir le pousser ou le blesser suffisamment pour que la peur le fasse faire demi-tour.
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Fanella Ozark
# Re: Départ vers le KazakhstanLun 4 Avr - 17:55
Jonathan avait entendu comme un bruit, mais un peu après il s’était détendu. Il fallait dire qu’il était bien plus habitué à la tranquillité maîtrisée du laboratoire qu’à la forêt et la nature sauvage. Il était stupide d’avoir peur ça n’était sûrement rien, la plupart des animaux évitaient de toute façon les humains autant que possible à moins d’avoir une bonne raison de s’en prendre à eux. Au moins, le fantôme semblait avoir laissé tomber l’idée de tirer les choses au clair entre lui et Fanella. Il ne restait plus qu’à rentrer tranquillement en espérant qu’ils s’étaient assez éloignés pour que les chiffres soient significatifs de quelque chose.

Le chercheur achevait de se détendre un peu, estimant que le gros des difficultés de la journée étaient derrière lui, lorsque soudain Eugène déclara  :

— Jonathan… je sais que ça va être très difficile, voire impossible, mais je vais te demander de tenter de ne pas paniquer, je gère la situation.

Évidement, ce conseil eut l’effet inverse de celui escompté puisque le chercheur sentit son coeur s’accélérer dangereusement à nouveau. Il s’agita en tout sens pour essayer de comprendre d’où venait la menace. Un grognement sauvage retentit soudain et avant que Jonathan ne puisse vraiment voir l’animal il fut tirer en arrière par une force prodigieuse. Il se mit à crier lorsque ses pieds décollèrent du sol sans prévenir. Il fut soulevé comme s’il ne pesait rien comme s’il était minuscule. Face à lui, l’énorme bête, la bouche écumante sembla un brin déstabilisée par ce qui venait de se produire.

— Oh mon dieu, oh mon dieu, oh mon dieu  ! articula Jonathan avec peine.

Pitoyablement il se débattait dans les airs avec l’idée d’au moins attraper la branche près de laquelle Eugène l’avait transporté. Son cerveau avait compris que le fantôme venait de le tirer d’une mort certaine, mais son instinct lui criait que rien ne le soutenait et que s’il tombait, à cette hauteur la chute risquait d’être douloureuse. En même temps, cette hauteur lui sembla tout à fait acceptable lorsque l’animal se redressa sur ses pattes arrière, comme un chat jourait avec un petit jouet qui sautille devant ses yeux. Avec soulagement, le chercheur s’agripa à la branche comme un naufragé à un débris de son ancien navire.

— Ne t’en fais pas tu ne risques rien là-haut ! Je ne le laisserai pas monter jusque-là et je ne te laisserai pas tomber non plus, promit-t-il en espérant que son ami ne rameute pas toute l’équipe de sécurité. Il ne peut pas me faire de mal, il va bien finir par partir...

Le chercheur essaya de rassembler son souffle et son esprit.

— Oui c’est vrai… c’est pratique d’être mort juste maintenant… Tu crois qu’il va rester là… encore longtemps ?


Le fantôme avait beau se montrer rassurant, l’animal n’avait pas franchement l’air de se lasser de lui. Il restait là à tourner en rond à l’observer. L’ours attendait qu’il lui tombe tout droit dans la gueule.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Départ vers le KazakhstanLun 4 Avr - 18:26
Eugène n’avait jamais eu à affronter un ours de son vivant. Il savait qu’ils peuplaient la région mais, à l’époque, ils n’osaient pas s’approcher du complexe bien trop fréquenté et bruyant. Des soldats en patrouille disaient en avoir aperçu sur la route lorsqu’ils rentraient et le fantôme avait eu l’ordre de tirer à vue si nécessaire pour se défendre, ainsi que quelques autres conseils de survie. Aujourd’hui il se retrouvait face à un vrai grizzly des montagnes et, même s’il était mort, l’inquiétude et la peur s’emparèrent de lui, vieux réflexe jamais vraiment disparu. Et Jonathan, le pauvre scientifique de la ville, venait de manquer de se faire croquer après sa longue randonnée. Eugène savait bien que lui demander de ne pas paniquer ne ferait qu’accentuer le problème, mais il ne se voyait pas le prendre par surprise sans rien lui dire. Du moins, encore plus par surprise qu’il ne l’avait été en s’envolant vers la cime d’un arbre. Fermement accroché à une branche, la distance entre lui et la bête sembla l’aider quelque peu à reprendre ses esprits.

— Oui c’est vrai… c’est pratique d’être mort juste maintenant… Tu crois qu’il va rester là… encore longtemps ?

Eugène étouffa un rire nerveux. Oui, il était à peu près sûr que l’animal n’allait pas l’enfermer dans un générateur et l’utiliser contre lui pour lui faire du mal. Tout au mieux, il allait le traverser. Sa présence semblait déjà le perturber. Il tournait autour du tronc, très insatisfait de voir sa proie envolée mais il jetait régulièrement des coups d’œil en direction d’Eugène, comme s’il sentait sa présence et que cela l’incommodait fortement. L’ancien espion aurait pu réciter tout un laïus sur le fait que l’ours pouvait attendre des heures que Jonathan s’épuise en haut de son arbre mais l’approche n’allait certainement pas le rassurer.

— S’il ne s’en prend pas à toi il risque d’aller voir au campement, l’odeur de la nourriture à du l’attirer. Dans tous les cas, je crois que je vais devoir le faire partir.

L’ours sembla comprendre que le temps lui était compté puisqu’il appuya sur le tronc avec ses deux pattes avant dans l’espoir de faire tomber le scientifique en secouant assez fort. Malheureusement pour lui, l’arbre était épais alors il entreprit de grimper ce qui, si Jonathan avait été seul, l’aurait condamné. Eugène n’attendit pas plus, même si au fond son souhait s’était exaucé ; il avait pu accrocher le jeune homme à un arbre. L’ambiance n’était clairement pas à la taquinerie, ou à la vengeance, après tout les choses venaient d’être mises au clair. Sans comprendre, la pauvre créature fut arrachée du tronc et propulsée quelques mètres plus loin dans le fracas des branches mortes et de la boue au sol, les quatre fers en l’air. Paniqué comme l’avait été Jonathan, l’ours se redressa avec agilité malgré sa masse évidente, hurlant d’un air autant apeuré que prêt à se défendre mais le danger semblait pour lui venir de nulle part et de partout à la fois. Il tourna plusieurs fois sur lui-même, sa gueule béante grondant dans toutes les directions avant d’abandonner, prenant la fuite à toute vitesse dans les fourrés. Mais rien ne garantissait qu’il n’aille pas faire un tour près des tentes. Eugène n’aurait pas à s’inquiéter de passer la nuit seule avec ses pensées, il aurait au moins l’utilité de surveiller le campement.

— C’est bon ! soupira-t-il avec soulagement. Je vais te faire descendre maintenant d’accord ?

L’esprit attendit que Jonathan se remette de ses émotions et accepte de lâcher la branche pour une nouvelle fois le soulever. Il s’autorisa à être plus délicat puisqu’il n’y avait plus de raison d’agir dans la précipitation. La sensation était à la fois terrifiante et rassurante, le jeune homme était doucement serré par une force invisible mais sans être pourtant accroché à quoi que ce soit. Eugène le posa au sol au plus vite, sachant bien que l’expérience était perturbante et que lui-même devait dépenser son énergie avec parcimonie avant de commencer à en manquer.

— Désolé, c’était un peu brusque, tu vas bien ? C'était un sacré morceau... Je crois qu’on ferait mieux de rentrer... proposa-t-il gentiment.

Il n'y avait de toute façon pas grand chose à poursuivre de leur conversation. Et s'il s'avérait qu'ils n'étaient pas allés assez loin pour que la machine offre des résultats satisfaisants, Eugène pouvait toujours aller rapidement faire un tour et revenir. Il essaya d'ailleurs de ne pas recommencer à s'inquiéter des résultats.
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Fanella Ozark
# Re: Départ vers le KazakhstanMar 5 Avr - 11:03
Comme Eugène pouvait rire dans cette situation ? La réponse était simple. Ça n’était pas lui qui était en mauvaise posture et Jonathan devait bien l’admettre, ainsi suspendu à sa branche, il avait probablement l’air plutôt ridicule. Lui-même avait trop peur pour rire ceci dit.

— S’il ne s’en prend pas à toi il risque d’aller voir au campement, l’odeur de la nourriture à du l’attirer. Dans tous les cas, je crois que je vais devoir le faire partir, déclara Eugène.

L’ours sembla prendre très personnellement cette déclaration. Nerveusement il s’approcha de l’arbre et posa ses deux énormes pattes avant sur le tronc.

— Oh non, oh non

La seconde d’après, Jonathan était secoué dans tous les sens. L’animal avait décrété qu’il n’était rien d’autre qu’un fruit trop mûr qu’on pouvait faire tomber de l’arbre moyennant quelques secousses. Les feuilles s’agitèrent et un vol d’oiseau décolla un peu plus loin.  Jonathan s’accrocha du mieux qu’il put mais force était de constater que sans l’étrange pression qu’Eugène exerçait toujours sur son corps, il se serait écrasé au sol, pour servir de repas à la créature. À un moment, le fantôme décida que ce petit manège avait assez duré. La créature fut soudain propulsée au loin et s’écrasa dans un grand fracas de branchage. Jonathan espéra qu’il était sonné mais il se redressa à une allure surprenante pour un animal aussi gros. Il grogna, secoua son nez énorme dans l’air à la recherche de ce qui avait causé ce petit cataclysme. Jonathan attendit, le coeur battant. Mais finalement la créature renonça pour aller s’enfoncer dans l’obscurité.

— C’est bon ! se réjouit Eugène. Je vais te faire descendre maintenant d’accord ?

Jonathan réalisa à ce moment qu’il n’était pas au bout de ses peines. Il du s’y reprendre à plusieurs fois avant de réussir à lâcher la branche pour s’abandonner au vide sous ses pieds.

— Allez, tu peux le faire, s’encouragea-t-il

Lorsqu’il pu desserrer son étreinte, il connu une seconde de terreur totale avant de se rendre compte qu’il ne chutait pas. La descente eut beau être plus douce que la montée, son estomac sembla se trouver quelque part sous son crâne lorsque ses pieds touchèrent le sol. Il tomba à genoux dans la mousse, pour essayer de reprendre ses esprits.

— Désolé, c’était un peu brusque, tu vas bien ? C'était un sacré morceau... Je crois qu’on ferait mieux de rentrer...

L’idée que l’animal pouvait très bien revenir et qu’alors il serait reparti pour un tour de manège aiguillonna Jonathan suffisamment pour qu’il se relève. Il retrouva non sans plaisir une certaine stabilité.

— Tu as raison ne traînons pas.

Jonathan se mit en route à grands pas oubliant toute la fatigue de la journée et porté par les restes d’adrénalines. De temps à autre il jetait des regards derrière lui,  mais aucun bruit suspect ne retient son attention. Ils marchèrent ainsi dans un silence relatifs jusqu’à que les lumières du camps se dessinent. Le soulagement l’envahit et alors il se souvint qu’il était lui aussi assez épuisé. Malgré tout il voulait connaître les résultats du test.  Fanella ne se réveilla même pas lorsqu’il ouvrit la fermeture de la tente. Elle dormait roulée en boule dans son duvet qui semblait trop grand pour elle. Dans sa main fermée juste sous son menton, elle tenait la petite boite qu’Eugène lui avait ramenée. L’émetteur quand à lui était resté dans la poche de le tente. Jonathan se pencha et il fit de son mieux pour ne pas la réveiller. Malgré tout sa main effleura son flanc. Il attendit immobile mais elle se tourna sans pour autant rompre son sommeil. Jonathan attrapa l’appareil et referma la tente.

— Il faut que je le branche pour pour les chiffres de quand nous étions partis.

Avec appréhension, Jonathan se dirigea vers la grande tente ou était stocké tout le matériel technique. Il lui sembla que l’ordinateur mettait un temps infini à s’allumer et encore une éternité pour télécharger les données. Une fois affiché sur l’écran, le verdict était formel. Des échanges d’inversion de font existaient bel et bien entre Fanella et Eugène. Ce qu’il redoutait allait bien se produire. Avec un peu de chance l’équipe serait assez protégée par la machine que la chercheuse avait conçue. Mais il était fort probable qu’elle soit à nu, comme le confirmèrent les quelques rapides calculs qu’il effectua.

— Ce n’est pas bon, expliqua-t-il au fantôme. Ce n’est pas bon du tout et il n’y a rien qu’on puisse faire.
Fanella Ozark
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