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But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?


 
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But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ? :: 

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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Mar 5 Avr - 14:35
Eugène et Jonathan avaient rebroussé chemin jusqu’au camp dans un silence presque religieux. Le chercheur se remettait de ses émotions après avoir manqué de se faire dévorer par un ours et s’être envolé dans les airs et le fantôme respectait cette absence de mots. Aucune inspiration ne lui venait pour faire repartir la conversation de toute façon et celle concernant Fanella ou leur dispute semblait laissée derrière eux. Y revenir ne faisait plus aucuns sens, tout avait été dit. Il espérait simplement avoir pu calmer certaines de ses peurs, notamment sur le tabou qu’était son retour à la vie, probablement imminent. Une partie de lui avait soudain envie que tout le monde s’endorme, dans l’espoir que la journée de demain arrive plus vite. Les membres de l’expédition étaient tous plus ou moins fatigués de l’ascension, ce qui pesait sur son esprit qui avait du lui aussi puiser dans ses réserves pour repousser l’ours. Même si son énergie ne revenait pas de la même manière, il reposerait un peu sa tête, plongé dans les rêves des gens environnants.

Il suivit Jonathan jusqu’à la tente de Fanella, mais compris bien avant qu’il n’ouvre que la pauvre dormait à poing fermés après sa longue randonnée. Il voulait à tout prix voir les résultats de sa petite expérience avec la machine qu’il lui avait laissé. Un instant, Eugène aurait voulu que les machines aient aussi un esprit pour là aussi pouvoir connaître la réponse avant qu’elle ne lui soit lancée en plein visage. Avant que le fantôme ne puisse lui proposer de récupérer son boitier par la lévitation, Jonathan était entré dans la tente pour le chercher. Heureusement, la scientifique ne fit que se tourner dans son lourd sommeil sans se réveiller. Dans sa main, elle tenait fermement la boite d’Eugène et la voir ainsi gardée si précieusement auprès d’elle lui fit quelque chose qu’il ne sut pas vraiment expliquer, incapable d’y apposer des mots. Une fois le butin récupéré, les deux compères la laissèrent à ses rêves.

— Il faut que je le branche pour voir les chiffres de quand nous étions partis.

Eugène hocha la tête en silence, flottant toujours derrière lui tandis que les rares personnes encore levées hormis l’équipe de sécurité leur adressaient quelques regards. Le fantôme resta un peu éloigné des appareils électriques de la grande tente du service technique de peur de détraquer quelque chose. Il n’avait pas oublié les ordinateurs qu’il avait cassés lors de la première réunion où il était apparu à tout le monde. Il comprit les résultats avant même que Jonathan n’annonce la nouvelle à voix haute.

— Ce n’est pas bon. Ce n’est pas bon du tout et il n’y a rien qu’on puisse faire.

Que pouvait-il arriver de pire ? Que Fanella se retrouve à nouveau plongée dans ses souvenirs ? Elle en avait déjà fait l’expérience mais il ignorait si cela pouvait aller plus loin. Si elle pouvait se retrouver à sa place perdue dans ses anciens démons. La culpabilité et la honte l’ensevelirent à nouveau. Pourquoi n’avait-il pas pensé à ce fichu voyage en avion ? Il aurait mieux fait de disparaitre et de les retrouver ici. Et si elle devait rester à l’arrière pour limiter les risques ? Sans elle à ses côtés, Eugène n'était pas certain d’y arriver, il n’y avait que quand elle était là qu’il pouvait tout affronter.

— Je suis vraiment désolé, s’excusa-t-il comme à son habitude. Je ne voulais pas lui causer du tort, je pensais que ça se passerait bien…

Il ne sut pas vraiment quoi dire d’autre. Le reste de l’argumentation se ferait sûrement entre Fanella et Jonathan le lendemain matin lorsqu’ils seraient reposés. Eugène aurait voulu dire au jeune homme que tout allait bien se passer, qu’il pouvait lui faire confiance mais l’esprit ne se faisait pas confiance lui-même. Pas après qu’on lui ait répété qu’il pouvait en partie perdre les pédales. Et Jonathan avait l’air bien parti pour continuer ses calculs toute la nuit. Le fantôme savait qu’il avait peur, qu’ils avaient peur tous les deux, il fallait temporiser un peu tout cela, du moins pour l’instant.

— On va en discuter d’accord ? On verra bien ce que Fanella en pense demain matin, même Carter s’il le faut… pour l’instant si on ne peut rien faire je te suggère de faire comme tout le monde et essayer de te reposer, proposa-t-il.

Eugène avait davantage besoin d’être seul pour digérer la nouvelle et se reposer lui aussi que pour réfléchir à ce qu’il risquait de se passer. Son esprit angoissé avait déjà dressé en quelques secondes une bonne dizaine de scénarios catastrophes, il était doué pour ça. Il attendit que Jonathan regagne sa propre tente pour retourner se poser au-dessus du rocher près du feu qui avait été son petit coin tranquille lorsqu’il était arrivé un peu plus tôt, scrutant les méandres de la forêt. Aucun ours n’osa approcher du camp cette nuit là et il eut le loisir de revoir danser des ombres familières entre les arbres, fruit de son imagination et de ses souvenirs, comme de vieux cauchemars éveillés décousus qui ne faisaient que peu de sens. Il s’y perdit suffisamment pour croire au plus sombre de la nuit que des soldats allaient venir le chercher et le punir de s’être enfui mais les esprits endormis de l’expédition le ramenaient toujours à un semblant de réalité, à l’instant présent et au fait qu’il n’y avait plus personne ici depuis bien longtemps. A moins que ?

Le visage d’un homme qui l’avait terrifié de son vivant s’imposa à son esprit et il retint un cri pour ne réveiller personne. Il émanait de lui une telle haine et une telle souffrance qu’Eugène suffoquait à chaque fois qu’il avait la malchance de le croiser au détour d’un couloir. Il était mort ici, sur la piste de lancement et peut-être même qu’Eugène y avait en partie été pour quelque chose. Les vestiges de l’arme créée ici pour renverser le cours de la Guerre Froide, son corps… y étaient-ils toujours où avaient-ils été emportés par les soviétiques ? Un doute glacé s’empara de lui. Son esprit n’était jamais venu se venger, n’avait jamais traversé la plage. Se pouvait-il qu’il soit toujours là ? A errer sur la piste et dans les couloirs de la base à chercher sa prochaine victime ? Eugène ne voulait pas le savoir ni s’en approcher. Ce n’était pas nécessaire, ils n’étaient pas là pour ça après tout.

Ce ne fut qu’aux premiers rayons du soleil du matin perçant à travers les arbres qu’il parvint à se sortir ces horribles souvenir de la tête, tandis que le camp se réveillait. Ses nuits étaient souvent difficiles mais celle-ci particulièrement et cela devait se remarquer sur son visage inquiet même s’il saluait avec un sourire tout ceux qui sortaient prendre l’air. Il se rapprocha un peu de la tente de Fanella et attendit patiemment qu’elle émerge à son tour. Lorsqu’elle sortit de la tente, il attendit qu’elle le remarque pour lui faire un petit signe de la main et s’approcher.

— Bonjour Fanella… comment tu te sens ? Tu as pu te reposer ?

La pauvre devait avoir mal partout, ce n’était pas une nuit de sommeil qui ferait oublier pareille marche. Elle s’en souviendrait probablement toute sa vie. La suite aujourd’hui promettait d’être plus plate, sauf pour la partie où il faudrait traverser ses souvenirs, puis le pont puis… son corps.
Eugène (The Sorrow)
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Fanella Ozark
# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Mar 12 Avr - 13:15
Fanella avait dormi fiévreusement, elle avait rêvé de la douleur dans ses membres pour que son corps puisse se reposer. Emerger avait été difficile, elle avait hésité longtemps avant de quitter la chaleur de son duvet, mais autour, le camp s’agitait déjà. Elle détestait passer pour quelqu’un de faible. C’était à elle de diriger cette opération alors il fallait prendre son courage à deux mains. Et puis, la nervosité l’empêcherait de toute façon bientôt de rester en place. Son esprit imagina encore une fois ses bras autour d’Eugène, son corps, sa personne. Avec surprise elle s’aperçu qu’elle tenait la petite boite qu’il lui avait amenée hier dans sa main. Mal à l’aise, elle la glissa dans sa poche, une fois debout. Alors que son esprit se mettait à vibrer d’angoisse elle essaya de se dire qu’il fallait prendre une chose à la fois. Manger un bon petit déjeuner pour tenir le choc, vérifier les chiffres avec Jonathan, demander à Eugène d’ouvrir avec elle la boite. Après se mettre en route. Elle ne s’attendait pas à ce que le fantôme soit tout près de sa tente lorsqu’elle en sortit.


— Bonjour Fanella… comment tu te sens ? Tu as pu te reposer ?


Son corps douloureux détenait la réponse à cette question, mais elle était un peu moins mal que la veille malgré tout. Elle préféra ne pas penser aux kilomètres qui restaient à parcourir.

— Oui.. j’ai bien dormi. J’ai un peu mal partout mais les médicaments de Carter ont aidé je pense. Et toi ? Comment vas-tu ? Pas trop nerveux ?

Le médecin était venu la réveiller avec des choses à boire et a avaler mais elle avait été si épuisée qu’elle ne s’en souvenait pas bien. Décidant de faire les choses dans le désordre finalement, elle sortit la petite boite de sa poche. Peut-être que cela changerait un peu l’idée d’Eugène qui devaient être encore plus encombrés que les siennes. Après tout, c’était lui qui serait le mis à l’épreuve aujourd’hui.

—  Hier soir tu me disais que tu voulais qu’on l’ouvre ensemble. On pourrait le faire maintenant ? Après… j’ai peur qu’on soit… pris par autre chose.

Et puis, Fanella devait bien s’avouer qu’elle avait hâte de savoir ce que contenait ce petit objet tout rouillé qui semblait avoir traversé le temps. C’était une trace de Eugène lorsqu’il était encore vivant alors à ses yeux ça n’était pas rien.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Mar 12 Avr - 14:49
Eugène attendait patiemment à l’extérieur de la tente de Fanella qu’elle se réveille de son lourd sommeil. L’agitation du camp l’occupait suffisamment pour qu’il ne voie pas le temps passer. Il la sentit émerger douloureusement soudain mais là encore, il attendit. Rien ne pressait de toute façon. Et lorsqu’elle se mit à penser à lui, il se demanda si tout compte fait il n’aurait pas mieux valu qu’il reste sur son rocher pour l’attendre. Pourquoi l’idée de l’enlacer devait-elle faire partie de ses premières pensées du matin ? Le fantôme s’en retrouva profondément gêné et honteux que ces images lui aient été dévoilées malgré lui. Heureusement, le temps que Fanella sorte de la tente, il avait pu se redonner une contenance, trouver des excuses suffisamment satisfaisantes pour son angoisse et l’accueillit chaleureusement.

— Oui.. j’ai bien dormi. J’ai un peu mal partout mais les médicaments de Carter ont aidé je pense. Et toi ? Comment vas-tu ? Pas trop nerveux ?

Heureusement que Carter avait été là pour aider. Hier, la jeune femme n’aurait pas semblé être capable de faire un pas de plus. Il espérait qu’une fois tout le monde remis en route, elle arriverait à garder le rythme. Quoi qu’il arrive, il resterai à ses côtés. Heureux d’avoir enfin un peu le temps de lui parler depuis hier, il lui adressa un large sourire mais qui cachait mal le trouble de son esprit. Il n'oubliait pas les résultats de Jonathan, dont elle n'était pas encore au courant.

— Pour ne rien te cacher si, je suis assez nerveux et je sais que ça risque d’empirer, avoua-t-il.

Son regard se posa sur sa boite que Fanella avait gardé précieusement dans sa poche. Et toute la nuit dans ses bras, il ne l’avait pas oublié. Ni qu’il lui avait proposé de l’ouvrir la veille. Lui aussi était pressé de redécouvrir ces petites choses du passé conservées à l’intérieur.

—  Hier soir tu me disais que tu voulais qu’on l’ouvre ensemble. On pourrait le faire maintenant ? Après… j’ai peur qu’on soit… pris par autre chose.

—  Oui ça me ferait très plaisir… On peut s’installer à une table et l’ouvrir pendant que tu manges un petit quelque chose ?

Il lui avait proposé le compromis du petit déjeuner car, comme elle le disait, ils risquaient d’être pris ensuite. Elle avait déjà réfléchi à l’ordre d’organisation de sa matinée et Eugène l’avait quelque peu chamboulé en arrivant devant la tente. Au moins ils pourraient faire d’une pierre deux coups. Qu'allait-elle penser de ses vieux papiers d'identité ? Des quelques photos qui le dépeignaient bien plus jeune, lorsqu'il avait encore son âge ? Des petits grigris qu'il avait gardés pour se rassurer ? Il était impatient de partager tout cela avec elle.
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Fanella Ozark
# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Ven 15 Avr - 17:44
Fanella venait de se lever douloureusement. Elle ne s’attendait pas à ce que Eugène l’attende tout près de sa tente. Elle se forçait à envisager les étapes de la journée une à une, pour éviter d’avoir trop peur. Malgré tout, elle avait eu la présence de demander au fantôme quel était son état d’esprit.

— Pour ne rien te cacher si, je suis assez nerveux et je sais que ça risque d’empirer,
répondit-il.

Fanella partageait trait pour trait cet état d’esprit. Mais évidemment cela devait être bien pire pour lui. Ce n’était pas elle qui allait franchir la limite entre la vie et la mort. Elle ne voulait pas savoir ce que cela devait faire, dans un sens comme dans l’autre.

— C’est normal, souffla-t-elle, mais on ne peut plus reculer maintenant hein ?

Elle essaya de lui sourire mais ne rencontra pas un franc succès. Son corps restait douloureux malgré les efforts de Carter.

Puis elle avait reparlé à Eugène de la petite boite qu’il lui avait donné la veille. Elle avait hâte de savoir ce qu’elle contenait. Après tout, cela constituait une trace de la vie d’Eugène et du fait qu’il n’avait pas toujours été translucide et intouchable comme il l’était aujourd’hui. Elle pensait que l’ouvrit allait lui donner un peu de courage pour affronter la journée qui viendrait.

—  Oui ça me ferait très plaisir… On peut s’installer à une table et l’ouvrir pendant que tu manges un petit quelque chose ?


Fanella trouva cette proposition raisonnable. Faire quelques pas dans le camps détendit un peu ses muscles engourdis par l’immobilité de la nuit. Le temps qu’elle arrive jusqu’à l’endroit ou quelques tables avaient été installés, elle fut interpellé trois fois par divers interlocuteur qui lui demandèrent quelques précisions sur des détails techniques. Elle effectua quelques calculs de tête pour répondre. Spencer se montra aussi, pour lui demander si elle allait bien et lui dire que rien de suspect ne s’était produit pendant la nuit. Jonathan en revanche ne vint pas à sa rencontre, elle songea qu’il devait être dans la tente technique à refaire quelques calculs sur la machine tempon.  Elle attrapa dans un des sacs des brioches et une bouteille de jus de fruit. D’ordinaire Fanella ne mangeait pas grand chose mais elle était affamée. Elle aurait besoin de forces elle le sentait, même si le plus gros de la montée était heureusement derrière elle. Avant de prendre sa première bouchée cela dit, elle posa l’objet près d’elle sur le plastique de la table.

— On dirait qu’elle est très vieille.

Elle attendit qu’il donne son assentiment avec au moins un signe de tête pour l’ouvrir. Elle la tourna plusieurs fois entre ses mains pour trouver l’ouverture. Le petit objet grinça un peu sinistrement lorsqu’elle l’ouvrit.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Ven 15 Avr - 19:37
Eugène laissa à Fanella le temps de discuter avec les membres de son équipe puis de s’installer à table avec un petit déjeuner. Jonathan n’était visible nulle part et Eugène espérait qu’il leur laisserait un petit moment de répit avant de venir annoncer les bonnes nouvelles. Le fantôme fit mine de s’asseoir en face d’elle, même s’il traversait en partie le banc de camping dressé la veille. Pouvoir discuter autour de sa boite à souvenirs lui permettait au moins de ne pas penser à la suite de la mission qui, comme elle l’avait si bien dit, était trop avancée pour qu’ils reculent à présent. Eugène le sentait quelque part au fond de lui ; c’était pour aujourd’hui. Il se demanda si l’univers était au courant aussi.

— On dirait qu’elle est très vieille.

— Oui plutôt, je l’avais cachée dans le trou du mur derrière mon armoire… Mais toujours moins que ce qu’il y a à l’intérieur.

Il lui fit un léger signe de tête lui indiquant qu’elle pouvait l’ouvrir si elle le souhaitait. La rouille semblait avoir presque soudé les bords ensemble et, à l’instar d’un casse-tête, la chercheuse dut le tourner plusieurs fois pour en trouver l’ouverture. L’esprit ne put s’empêcher de se pencher par-dessus la table, l’air inquiet tout à coup de savoir si le temps s’était frayé un chemin à l’intérieur mais la boite, bien scellée, semblait avoir fait son travail correctement. En premier, se trouvait une vieille cassette audio de You Are My Sunshine, la première musique qu’il ait jamais écoutée et un sachet contenant un énorme cristal de sel.

— Un cadeau, expliqua-t-il en montrant ce dernier du doigt. Fear disait que le sel éloignait les fantômes, ça n’a jamais vraiment marché mais je l’ai quand même gardé comme porte bonheur juste au cas où.

En dessous se trouvait trois photos en noir et blanc, un portrait où il se tenait seul avec son uniforme de soldat, une baillonnette et un béret, l’air si jeune et mal assuré. L’arrière-plan semblait déformé, comme sur toutes les photos de l’époque dont la pellicule devait être sensible aux esprits qui le persécutaient à longueur de journée. La seconde était une photo de leur groupe, de ses anciens amis installés devant un énorme avion militaire. Il se tenait à coté de Joy, bien plus souriant et en confiance. Enfin, la troisième, était une photo de son mariage. Personne n’avait réussi à convaincre Joy de mettre une robe, pas même lui, mais elle portait une belle chemise blanche et lui-même semblait plutôt fier de son costume et des pétales de fleurs échoués dans ses cheveux. Le souvenir lui arracha quelques larmes mais il continuait de sourire au travers.

— Oh je prends un coup quand je revois ça, j’étais si jeune, plaisanta-t-il. Regarde j’ai encore mon permis en dessous, je sais presque tout conduire… mais mieux vaut éviter.

Effectivement, son passeport et un très vieux permis papier s’était glissé tout au fond, bien plié mais blanchi par le temps. Eugène avait du s’entraîner à savoir piloter bateau, avion et voiture mais au vu de ses capacités et du potentiel de distraction, on lui avait toujours répété qu’il ne devait toucher qu’un volant en dernier recours. La date d’obtention remontait à bien une centaine d’années et il n’était donc plus valable. Mais peut-être que Fanella pourrait tout de même en faire quelque chose ?
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Fanella Ozark
# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Lun 18 Avr - 20:29
Avant que cette dure journée ne commence, Fanella avait résolu de proposer à Eugène d’ouvrir la petite boite qu’il avait retrouvée la veille. Elle était donc attablée, un petit déjeuné devant elle, le petit objet entre les doigts. La boite avait l’air d’avoir déjà vécu 100 ans. Il était réaliste de l’imaginer.

— Oui plutôt, je l’avais cachée dans le trou du mur derrière mon armoire… Mais toujours moins que ce qu’il y a à l’intérieur, commenta le fantôme pendant que la jeune chercheuse cherchait l’ouverture.


Le petit couvercle pivota en grinçant. Rien de réelle valeur ne semblait se trouver dans cette boite. Ou plutôt uniquement des objets qui revêtaient une importance sentimentale. Un cristal de sel dans un sachet en plastique, une cassette, quelques photos. Autant de reliques de l’ancienne vie d’Eugène, ses anciennes relations. L’idée que tout ce qui restait de lui se trouve là, puisqu’il n’avait rien pu construire d’autre l’emplit d’une sorte de tristesse. En même temps, il était heureux qu’il ait pu retrouver cela. Tout ce qui pouvait le raccrocher à la vie valait la peine d’être considéré.
Fenalla sortit la cassette avec précaution en premier.

— You are my sunshine… c’est une vieille chanson. Quand à la cassette, il est difficile aujourd’hui de trouver des appareils capable de la lire.

Elle la posa sur la table, et pris ensuite délicatement le petit cristal.

— Un cadeau, expliqua Eugène. Fear disait que le sel éloignait les fantômes, ça n’a jamais vraiment marché mais je l’ai quand même gardé comme porte bonheur juste au cas où.

Fanella comprit immédiatement que pour lui, c’était l’intention qui avait compté. Cependant, elle répondit en chercheuse.

— En effet, j’avais fait quelques tests au début de mes recherches et il s’avère que ça ne change rien du tout. Mais ces petits objets auxquels on s’attache, ils font toute la différence, surtout quand on traverse des moments difficiles.

Elle s’intéressa ensuite aux photos. La première le montrait en tenue de soldat baillonnette à la main. Son image était différente de celle qu’elle lui connaissait, plus jeune. Après tout, Eugène avait vécu toute une vie avant de mourir. Une jeunesse, une enfance. La seconde image montrait toute l’équipe devant un avion. Elle songea qu’elle aurait voulu voir autre chose que des images d’Eugène partant à la guerre. Cela laissait l’idée qu’il n’y avait rien eu d’autre pour lui. La dernière photo tranchait heureusement avec les deux autres. On y voyait Eugène et Joy le jour de leur mariage. L’idée qu’il ait gardé une trace de cela réconforta un peu Fanella, même si elle connaissait la suite de l’histoire. La jeune chercheuse trouvait que Joy semblait être femme exceptionnelle de ce qu’il avait vu dans les souvenirs du fantôme. La voir à ses côtés provoquait chez elle un pincement au coeur qu’elle s’expliquait mal. Si Eugène revenait, il aurait à affronter le fait qu’elle en revanche ne reviendrait jamais.

— Oh je prends un coup quand je revois ça, j’étais si jeune, plaisanta Eugène.  

— Oui, ça me fait drôle d’imaginer que tu n’as pas toujours été comme tu es maintenant. Mais c’est bien…

Oui, Eugène avait été une personne vivante pas juste un spectre malheureux. C’était tout ce qui comptait.


Regarde j’ai encore mon permis en dessous, je sais presque tout conduire… mais mieux vaut éviter.

En effet, la jeune femme ne l’avait pas vu. Elle l’attrapa délicatement.

— Même les avions ou les hélicoptères ? Dans tous les cas ils ont du beaucoup changé depuis cette époque. Cela dit, ça nous sera peut-être utile quand il faudra qu’on te fasse de vrais papiers d’identité. Je ne sais pas bien comment on va s’y prendre…

Fanella soupira. Tellement d’obstacles se dressaient sur la route encore.

— Enfin un problème à la fois,
conclut-elle pour se donner du courage.

Avec précaution elle rangea chacun des petits objets dans la boite.

— Je peux la garder ? demanda-t-elle. Je te la rendrais quand tu pourras la tenir dans tes mains.

Elle imagina la chose, la main d’Eugène se refermant autour du métal. C’était possible Tous les chiffres le disaient mais alors que le jour se levait à peine cela semblait tellement lointain. Elle se mis en devoir de manger correctement mais rapidement Jonathan les rejoint.

— Fanella, j’ai quelque chose à te dire. C’est à propos du test qu’on a fait hier soir…

Elle n’avait pas besoin qu’il le lui annonce pour savoir que les nouvelles n’étaient pas bonnes du tout. Elle pouvait le lire sur son visage. Un poids tomba sur sa poitrine. Cette erreur qu’elle avait faite avait des conséquences. Il fallait s’y attendre. Elle n’était pas sûre d’être prête, de pouvoir supporter. Mais l’idée la réconforta qu’aux prises moments, elle et Eugène seraient en quelques sortes ensemble.

— La machine tampon ne me protègera pas  ? C’est ça ? A quelle probabilité ?

— 87 pourcent, répondit Jonathan sinistrement.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Mer 20 Avr - 16:39
Eugène flottait plus ou moins au-dessus de la table aux côtés de Fanella pour redécouvrir avec elle ses vieux souvenirs, les seuls objets physiques qu’il possédait encore sur Terre. Il se remerciait de les avoir gardés tout ce temps, même si son état d’esprit de l’époque n’était pas le même. Ils étaient là seule chose à laquelle il pouvait se raccrocher, désespérément. Aujourd’hui c’était tout le contraire, il était empli d’espoir, même si mêlé de doutes. Amusé, il lui avait montré la cassette qui ne devait plus marcher ainsi que le cristal de sel, des petits cadeaux de ses anciens amis.

— En effet, j’avais fait quelques tests au début de mes recherches et il s’avère que ça ne change rien du tout. Mais ces petits objets auxquels on s’attache, ils font toute la différence, surtout quand on traverse des moments difficiles.

— C’est pour ça que je les ais gardés… même si je ne pouvais pas les voir ou leur parler, j’avais toujours une partie d’eux avec moi. Ça m’aidait à me dire que j’avais peut-être eu un peu d’importance dans leurs vies. J'espère maintenant pouvoir me faire de jolis souvenirs avec toi aussi.

Et c’était plutôt important pour quelqu’un qui ne cessait de se répéter que sa vie ne valait rien et que personne ne se rendrait compte de sa mort. A travers l’enfer de sa vie, il avait tout de même croisé des gens, s’était lié à eux comme il était aujourd’hui lié à Fanella. Evidemment, cette dernière s’arrêta sur les trois photos contenues dans la boite. Les revoir lui donna presque l’impression d’être réel à nouveau. A force d’errer sur Terre et dans l’entre deux, il avait parfois fini par se demander s’il avait vraiment existé. Son amie semblait triste du contexte dans lequel ces photos avaient été prises ; la guerre, mais appréciait celle du mariage d’Eugène et Joy. C’était aussi sa préférée. Les pensées de la jeune femme illustraient bien son état d’esprit ; il allait revenir mais pas elle. Cela faisait des années qu’il le savait, s’était fait à cette idée. Depuis que son âme était partie. Revenir maintenant, c’était l’occasion d’un nouveau départ. Loin de la guerre et des manipulations.

— Oui, ça me fait drôle d’imaginer que tu n’as pas toujours été comme tu es maintenant. Mais c’est bien…

Eugène lui sourit gentiment. Elle avait raison ; c’était sa vie d’avant qui le rendait humain, par-delà cette apparence éthérée et translucide. Il était d’ailleurs plus facile pour elle de le voir comme un être vivant que les autres membres de l’expédition qui ne connaissaient pas son histoire. Tout serait plus facile lorsqu’il aurait de nouveau un corps, même s’il avait déjà vécu un peu et que le médium n’en avait pas toujours pris grand soin. Il se promis d’y veiller si cette deuxième chance aboutissait.

— Même les avions ou les hélicoptères ? Dans tous les cas ils ont du beaucoup changé depuis cette époque. Cela dit, ça nous sera peut-être utile quand il faudra qu’on te fasse de vrais papiers d’identité. Je ne sais pas bien comment on va s’y prendre… Enfin un problème à la fois.

Il espérait vraiment que recréer des papiers d’identités soit possible mais la législation derrière ne laissait que peu de place à l’imagination. Il faudrait certainement frauder. Mais sans ça, Eugène ne pouvait pas espérer vivre une vie normale ni trouver un travail même si cette partie l’angoissait déjà un peu.

— Les avions et les hélicoptères aussi oui oui, plaisanta-t-il. Forcément ils ont évolué depuis le temps mais les fonctions de base et les repères restent les mêmes sur les tableaux de bord.  Il y a juste plus de boutons… J’espère que tu arriveras à en faire quelque chose.

— Je peux la garder ? Je te la rendrais quand tu pourras la tenir dans tes mains.

—  Je t’en serais très reconnaissant.

Il préférait la savoir en lieu sûr que dans un vieux sac du campement ou posé il ne savait où. Fanella avait fait preuve de tant de précautions pour révéler les secrets de cette boite avec lui qu’il ne se voyait la confier à personne d’autre. D’autant que ses mots sonnaient comme une promesse et de telles choses ne se brisaient pas. Donc il fallait qu’il revienne. Sur ces entrefaites arriva justement Jonathan. La chercheuse comprit à sa tête que les calculs n’étaient pas bons avant même qu’il ne parle.

— La machine tampon ne me protègera pas ? C’est ça ? A quelle probabilité ?

— 87 pourcents.

L’espoir qui se lisait sur le visage d’Eugène disparut pour laisser place à un élan de tristesse lorsqu’il se tourna une nouvelle fois vers son amie. Et si cela créait une nouvelle dispute ? Et si le reste de l’équipe se rendait compte que quelque chose clochait parce qu’elle n’était justement pas protégée ? Allait-on se retourner contre eux deux ? Il regretta l’absence de la vision de Carter qui semblait toujours capable de positiver dans ce genre de situations.

— C’est beaucoup, commenta-t-il d'une voix blanche même si c’était évident pour tout le monde. Qu’est-ce qu’on fait ?

Fanella ne resterait pas derrière, il n’avait pas besoin de lire ses pensées pour en être convaincu. Et lui, il ne voulait pas lui faire du mal. Il y avait une différence entre partager ses souvenirs de manière volontaire et contrôlée et s’y perdre avec lui.
Eugène (The Sorrow)
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Fanella Ozark
# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Sam 23 Avr - 22:58
Fanella avait vraiment aimé ouvrir cette petite boite qui contenait toutes sortes d’objets hétéroclites. Les photos surtout lui avaient rappelé qu’avant d’être un spectre, Eugène avait été une vraie personne, avec des rêves et des espoirs. Aux commentaires d’Eugène elle avait répondu qu’elle comprenait l’importance accordée à ces petits objets témoins de souvenirs à la valeur sentimentale.

— C’est pour ça que je les ais gardés… répondit Eugène, même si je ne pouvais pas les voir ou leur parler, j’avais toujours une partie d’eux avec moi. Ça m’aidait à me dire que j’avais peut-être eu un peu d’importance dans leurs vies. J'espère maintenant pouvoir me faire de jolis souvenirs avec toi aussi.

La jeune chercheuse se rappela douloureusement qu’Eugène n’avait pas seulement passé le début de sa vie enfermé, mais aussi toute la fin, loin de sa femme qui souriait sur la photo de mariage et de son fils. Cette petite boite avait dû être une des rares choses à le raccrocher à quelque chose. Après tout, la plage, l’entre deux n’avait été qu’une énième prison pour lui. Pour cette raison en plus de tout le reste, cette dernière phrase prit une résonance particulière pour elle.  Elle-même ne voulait rien d’autre. Elle s’imagina emmener Eugène au restaurant, en ville, en voyage. Son esprit vagabonda et l’espace d’une seconde, elle imagina tenir sa main, et emprunter le pont tout près du laboratoire, celui qui donnait sur le lac. Le rouge lui monta aux joues, parce qu’elle ne comprenait pas pourquoi son cerveau tenait à cette image-là en particulier. Elle se racla la gorge.

Heureusement, ensuite ils parlèrent du permis d’Eugène et de ce qu’il pouvait piloter ou non. A priori il serait possible qu’il sache contrôler un hélicoptère moderne. Une compétence qu’elle espérait ne pas avoir à utiliser. Elle proposa de garder la petite boite dont elle comprenait la valeur sur elle durant cette journée si particulière. Le soir, elle lui remettrait en main propre. Elle forma cette image mentale là pour empêcher d’autres de se former dans son esprit. De toute façon,  Jonathan vint les interrompre pour leur annoncer que la machine tampon ne pourrait rien pour Fanella lorsque le processus commencerait. Eugène s’assombrit immédiatement lorsqu’il apprit que la chose avait 87% de chances de se produire.

— C’est beaucoup. Qu’est-ce qu’on fait ?

La jeune chercheuse songea immédiatement qu’on ne pouvait pas faire grand chose.

— S’il y a des échanges directs de fronts d’onde inversés entre toi et moi, je n’ai aucune idée de comment les interrompre. Cela prendre des mois de recherche et du matériel que nous n’avons pas ici. Le mieux… c’est d’en parler à Carter je pense. Comme ça, il divisera son équipe en deux. J’aurais besoin d’être monitorée moi aussi.

Tous les deux pouvaient voir que Jonathan repoussait difficilement l’envie d’un commentaire comme « Je te l’avais bien dit ».

— Fais ce que tu penses le mieux, Fanella. Mais sache qu’on peut toujours faire demi-tour.


La simple idée fendait littéralement le coeur de la jeune femme.

— On va parler à Carter d’abord.

Elle termina de déjeuner par pure nécessité mais sans aucune envie. Jonathan retourna aider à démonter le camp pendant ce temps là. Elle réfléchissait mais son esprit ne voyait aucune autre issue. Il faudrait en passer par là. Lorsqu’elle fut prête, elle invita Eugène à la suivre auprès du médecin qu’elle trouva non loin de son équipe, en train de plaisanter tout en donnant diverses instructions.

— Carter, commença-t-elle, j’ai une mauvaise nouvelle.

— Oh.. je me disais aussi que tout se passait un peu trop bien jusqu’ici ? répondit-il avec un large sourire.

— Nous avons découvert qu’il existe un échange de front d’onde inversées direct entre Eugène et moi,
expliqua-t-elle, probablement depuis le voyage en avion.

Le médecin se frotta la tête mais même après cela, l’information n’avait pas plus de sens.

— En français ?

— Ce qui va arriver à Eugène, pendant le trajet jusqu’à son corps, ça va m’arriver aussi. Enfin il y a 87% de chances que ça se passe comme ça.

— Oh… souffla Carter.

— J’ai besoin que tu m’aides à évaluer les risques… compléta-t-elle.

Elle attendit, anxieuse, qu’il lui réponde quelque chose. Elle devait bien admettre qu’elle n’était pas objective dans ce cas précis. Une partie d’elle n’était pas prête le moins du monde à renoncer à cette expédition.
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# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Mer 27 Avr - 14:48
Eugène avait révélé à Fanella avec la plus grande sincérite son envie de créer des souvenirs heureux à ses côtés. Il n'avait pas réfléchi à la profondeur de ses mots car, en réalité, qu'ils restent amis ou que les choses aillent plus loin, il se sentait heureux à ses côtés. Et tandis que défilait dans l'esprit de la chercheuse des images de promenades en ville, de voyages et d'instants intemporels où ils pouvaient se tenir la main sur le pont au bord du lac, Eugène ne tarda pas à accepter que s'il revenait, il y aurait plus. Il y avait déjà plus. Le constat devenait écrasant. Il était content à ce moment qu'un fantôme ne puisse pas rougir. Prétendre de n'avoir rien vu et rien entendu était facile, il le faisait continuellement. Le fantôme était sûr d'une chose, ce serait pour aujourd'hui. Cette forme spectrale ne l'avait jamais dérangé mais à l'aube d'une renaissance, d'une redécouverte d'un monde qu'il avait à peine effleuré, il risquait d'avoir du mal à supporter ce qui devenait un véritable calvaire plus longtemps.

Jonathan vint les voir tandis qu'Eugène confiait la boite aux bons soins de Fanella et qu'elle la rangeait dans ses affaires. Evidemment, leur petite escapade en forêt de la veille avait porté ses fruits et les calculs ne semblaient vraiment pas bons. Le fantôme n'était qu'à moitié surpris mais avec un chiffre de 87%, il s'inquiétait pour la sécurité de Fanella, même s'il se sentait prêt à traverser l'enfer pour revenir. Ce contretemps allait prendre des mois de recherches impossibles sur le terrain. Le scientifique proposa de faire demi tour et l'idée fit paniquer Eugène. Bien sûr c'était possible mais ils n'étaient pas enfermés comme lui dans l'entre deux, sous cette forme qui ne pouvait pas entièrement revenir sur Terre. Fanella préféra aller voir Carter pour en discuter mais l'esprit n'était qu'à moitié soulagé. Le médecin aussi pouvait se positionner favorablement pour le repli stratégique. Eugène n'était pas sûr de pouvoir se plier à une telle décision si près du but.

Il emboita le pas de Fanella vers la tente médicale et l'équipe qui se faisait déjà briefer par le médecin. Au moins lui était de bonne humeur, comme toujours. Eugène essayait de conserver la sienne mais les conséquences que Fanella devrait subir parce qu'il n'avait pas pris en compte sa présence dans l'avion assombrissaient son visage malgré tout.

— Ce qui va arriver à Eugène, pendant le trajet jusqu’à son corps, ça va m’arriver aussi. Enfin il y a 87% de chances que ça se passe comme ça.

— Oh…

— J’ai besoin que tu m’aides à évaluer les risques…

Eugène se voyait mal prendre part à une discussion autour de calculs dont il ne comprenait rien mais tout de même. Fanella ne voulait pas abandonner et lui non plus mais si le reste des têtes pensantes de l'équipe leur faisait faux bond. Il tenta de réfléchir à toute vitesse mais tout comme la chercheuse, il n'était pas objectif. Personne ne s'était encore mis en colère contre lui mais si tout le monde devait faire demi tour, il ne doutait pas que l'équipe allait se retourner contre le coupable, c'est à dire lui. Il n'aurait jamais du céder et posséder Fanella dans l'avion.

— Et si tu restes un peu derrière tu crois que... la probabilité baissera ? Je suis désolé, je ne voulais pas saboter toute la mission...

Eugène ne voulait pas totalement l'écarter de l'expédition, il voulait, peut-être de manière égoïste, qu'elle soit à ses côtés. Mais elle n'avait pas à subir le même sort que lui. S'il y avait la moindre chance que l'expédition soit menée à son terme sans que son amie ne soit mise en danger, il la saisirait. Dans le cas contraire, il espérait que les souvenirs qu'ils avaient partagé ensemble atténueraient un peu l'expérience.
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# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Dim 1 Mai - 11:14
Fanella attendait anxieusement que Carter lui réponde quelque chose. Elle sentait bien qu’elle n’était pas objective et la mine inquiète d’Eugène ne la rassurait en rien. S’inquiétait-il de devoir différer son retour à la vie ou de sa sécurité à elle ?  Probablement les deux. 87%  de chances qu’elle ait à traverser cette épreuve avec lui, c’était à ne pas négliger, elle le savait bien. Elle aurait voulu faire comme si de rien n’était. Elle aurait pu demander à Jonathan de l’aider à prendre une décision mais plus le temps passait, plus elle questionnait son objectivité à lui aussi. Évidemment, il lui aurait conseillé de faire demi-tour sans hésiter davantage. Mais après tout, il n’était pas le mieux placé pour évaluer un risque qui concernait sa santé. C’était le travail de Carter. Avant que le médecin puisse vraiment se prononcer Eugène, prit la parole.

— Et si tu restes un peu derrière tu crois que... la probabilité baissera ? Je suis désolé, je ne voulais pas saboter toute la mission...

Comme toujours Eugène se sentait coupable. Il cherchait désespérément une solution. Mais Fanella connaissait déjà la réponse à cette question.

— Je ne pense pas que la distance y changerait quoique ce soit Eugène, puisque l’inversion agit sur le temps, elle peut aussi agir sur l’espace. D’ailleurs, j’imagine que Jonathan et toi êtes allés assez loin hier, justement pour pouvoir différencier les fronts qui te relient à ton corps, de ce qui nous relient… Ce n’est pas de ta faute. C’est moi qui ai pris cette décision dans l’avion après tout.

C'était ce que cela impliquait, d'être à la tête du laboratoire. Elle assumait personnellement les conséquences des décisions qu'elle prenait. Pendant ce temps, Carter était resté silencieux, il semblait réfléchir intensément ce qui ne lui ressemblait pas, il prit la parole tout à coup, sans avoir rien écouté de ce que Fanella venait de dire.

— Le pire qui puisse t’arriver je dirais c’est…un arrêt cardiaque,
lâcha-t-il soudain comme s’il n’y avait là rien de vraiment préoccupant.

— Tu es sérieux ? demanda Fanella.

En voyant son expression, Carter se reprit.

— Tu m’as demandé d’évaluer les risques, c’est ce que je fais. Mais c’est hautement improbable. Et puis dans tous les cas, nous aurions de quoi te réanimer, nous avons trois défibrillateurs en tout. Mais que les choses soient bien claires. Ce que tu veux dire exactement, c’est que tu risques d’expérimenter les souvenirs d’Eugène comme si c’était les tiens,  et comme s’ils se produisaient dans le moment présent c’est ça ?


Fanella trouva que c’était un assez bon résumé. Formulé de cette manière, les choses lui semblaient encore plus effrayantes mais elle ne pouvait pas se résoudre à renoncer vraiment. La jeune chercheuse en savait assez pour savoir qu’il y avait probablement pire qui lui avait été dissimulé.

— Oui c’est ça, enfin c’est ce que nous imaginons.

Carter hésita encore une fraction de secondes.

— Alors le plus gros risque, c’est l’état de choc. Mais il n’y a là rien d’irréversible. C’est une réaction normale du cerveau, en cas de charge émotionnelle trop importante. Ça s’améliore en quelques jours. Après il est fort probable que tu expérimentes des symptômes posts traumatiques divers, cauchemars, reviviscence diurnes… En somme, même si tu sais que ça n’est pas à toi que tout cela est arrivé, il est probable que ton cerveau interprète malgré tout ces souvenirs comme les tiens, au moment où tu les expérimenteras. Ce qui fera de vous deux personnes différentes avec une expérience exactement commune… Une chose inédite dans l’histoire…

Le visage de Carter s’éclaira d’un grand sourire. Une seconde de plus, et il allait commencer à divaguer.

— Est-ce que tu penses que j’en garderais des séquelles ? reprit-elle.

— Probablement comme pour toutes les expériences traumatisantes, reprit Carter, mais rien d’insurmontable il me semble,  puisque contrairement à Eugène, tu as expérimenté beaucoup d’autres choses. Donc je dirais que ton esprit va traiter cela comme un terrible accident survenu soudainement. Il y a peu de chances que cela déforme ta personnalité durablement.

Le médecin se remit à sourire de plus belle.

— Personnellement, je pense que le jeu en vaut la chandelle. Je vais juste t’affecter une ou deux infirmières. Au premier signe de perte de conscience nous allons t’immobiliser sur un brancard et nous verrons ensuite. La seule vraie question Fanella, c’est est-ce que toi tu es prête à traverser cela ? Je pense qu’il ne serait pas éthique de t’y forcer, même si le retour d’Eugène est en jeu. Le fait que tu l’accepte vraiment t’aideras probablement. Si tu n’a pas envie d’affronter tous ces évènements traumatisants, cela me semble en même temps une raison suffisante et légitime pour que nous fassions demi-tour. Il n’y aurait pas de honte à ce que tu fasses ce choix-là.

La jeune fut partagée l’espace d’une seconde entre la terreur que lui inspirait l’épreuve à venir et les images que son esprit rejouait en boucle, de leurs deux corps se serrant dans les bras. Carter avait raison de le souligner. Le fait qu’elle se sente piégée ne jouerait pas en sa faveur. Alors l’espace d’une seconde, elle se força à considérer l’idée de renoncer. Elle se visualisa en train d’expliquer les choses à Jonathan et à l’équipe de sécurité. L’instant d’après, elle fut certaine que ça n’était pas ce qu’elle voulait.

— Non, répondit-elle, je veux aller jusqu’au bout.

Carter eut un rire.

— Ah ah  ! Je savais que tu dirais ça  !

Dans son esprit de médecin, mille ramifications apparaissaient sur les implications possibles ce que Fanella et Eugène allaient vivre. Partager une expérience commune, voilà qui devait nécessairement être de nature à rapprocher deux êtres humains.
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# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Mar 3 Mai - 13:41
— Je ne pense pas que la distance y changerait quoique ce soit Eugène, puisque l’inversion agit sur le temps, elle peut aussi agir sur l’espace. D’ailleurs, j’imagine que Jonathan et toi êtes allés assez loin hier, justement pour pouvoir différencier les fronts qui te relient à ton corps, de ce qui nous relient… Ce n’est pas de ta faute. C’est moi qui ai pris cette décision dans l’avion après tout.

Fanella venait en quelques mots de confirmer les craintes d’Eugène. Lui et Jonathan s’étaient même suffisamment éloignés pour qu’un ours vienne les embêter donc les résultats devaient être sans appel et le fantôme était déjà à court de solutions. Mais le pire provint finalement des conclusions de Carter et lorsqu’il prit la parole, il se pétrifia d’horreur derrière la jeune femme. Il annonçait la couleur ; dans le pire des cas, Fanella pouvait mourir ou se retrouver en état de choc, traumatisée, poursuivie par des souvenirs qui ne lui appartenaient pas. Au delà de ce qu'elle devait déjà porter de si durement ancré en elle depuis des années.

— Personnellement, je pense que le jeu en vaut la chandelle. Je vais juste t’affecter une ou deux infirmières. Au premier signe de perte de conscience nous allons t’immobiliser sur un brancard et nous verrons ensuite. La seule vraie question Fanella, c’est est-ce que toi tu es prête à traverser cela ? Je pense qu’il ne serait pas éthique de t’y forcer, même si le retour d’Eugène est en jeu. Le fait que tu l’accepte vraiment t’aideras probablement. Si tu n’a pas envie d’affronter tous ces évènements traumatisants, cela me semble en même temps une raison suffisante et légitime pour que nous fassions demi-tour. Il n’y aurait pas de honte à ce que tu fasses ce choix-là.

Eugène ne comprenait pas comment Carter pouvait s'extasier de l'idée qu'il envoie Fanella dans ses souvenirs comme si c'était les siens. Que son traumatisme lui colle à la peau. Peu importe le nombre d'infirmières, de défibrilateurs, de médicaments ou de soutien psychologique compris dans l'effectif. Bon sang, comment l'équipe allait-elle donc réagir en voyant Fanella sur un brancard ? Que sa décision soit celle qui importe ou non, l'esprit savait que cela ne ferait qu'augmenter l'inquiétude et la peur qu'il pouvait inspirer.

— Non, répondit-elle, je veux aller jusqu’au bout.

— Ah ah  ! Je savais que tu dirais ça  !

— C'est... c'est absolument hors de question ! s'affola-t-il voyant que la décision semblait déjà prise.

Que Fanella ne prenne en compte que quelques instants l'idée de faire marche arrière n'était pas suffisant et peu importe les images que son esprit tentait de créer pour se rassurer. N'allait-elle pas le percevoir comme un bourreau s'il la faisait souffrir dans l'unique but de revenir ?

— Je refuse d'être responsable d'un arrêt cardiaque ou d'un quelconque traumatisme ! Mon retour ne sera pas au prix de la santé mentale ou physique de Fanella ou de qui que ce soit d'autre. Ce n'est pas comme ça que l'expédition devait se dérouler alors je préfère... qu'on rentre.

Les larmes lui montèrent, pas parce que cette situation était injuste mais peut-être parce qu'au final, il l'avait bien cherché. Evidemment qu'on ne revenait pas à la vie aussi facilement et se lier à ce point avec Fanella avant même d'être de retour était ridicule. Elle pouvait dire ce qu'elle voulait, occulter le voyage en avion le rendait tout aussi fautif qu'elle, tout comme la faiblesse d'avoir accepté sa proposition alors qu'il y en aurait peut-être eu d'autres.

— Je préfère attendre que d'être à ce point égoïste et d'accepter de te faire du mal. Il y a tant de choses que je suis incapable de me pardonner, je n'en rajouterai pas une, je suis désolé. Partager mes souvenirs s'en est une chose, te forcer à les vivre s'en est une autre...

Peut-être que ce n'était pas ce qu'elle voulait, peut-être que faire demi tour si près du but était horriblement frustrant et que l'équipe allait s'énerver si elle leur annonçait leur abandon. C'était toujours mieux que de s'énerver sur lui et de se mettre le groupe à dos parce qu'il torturait celle qui n'avait jamais fait que l'aider. Eugène ne voulait plus être un monstre, ni volontairement, ni malgré lui.
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# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Ven 6 Mai - 10:40
- Ah ah je savais que tu dirais  ça ! S’était réjouit Carter.

Fanella avait presque laissé un semblant de courage l’envahir, malgré la difficulté de ce qui l’attendait probablement. Elle avait caressé l’espoir qu’une solution à ce problème supplémentaire avait été trouvé. Elle savait que malgré les apparences Carter était assez réfléchis pour ne pas la pousser à faire quelque chose qu’elle pourrait regretter.

Mais Eugène coupa court à son enthousiasme d’une simple phrase.

— C'est... c'est absolument hors de question ! explosa-t-il soudain.

Evidemment, elle avait oublié qu’avec sa tendance à culpabiliser, Eugène refuserait catégoriquement qu’elle court le moindre danger, si minime fut-il. Et puis, elle devait bien reconnaître qu’elle s’exposait malgré tout à une forme de risque, plus important en tout cas que lorsqu’elle avait choisi de le laisser la posséder dans l’avion. Elle prit le parti d’écouter ses arguments, même si elle sentait que les émotions parlaient en plus de son raisonnement.

— Je refuse d'être responsable d'un arrêt cardiaque ou d'un quelconque traumatisme ! Mon retour ne sera pas au prix de la santé mentale ou physique de Fanella ou de qui que ce soit d'autre. Ce n'est pas comme ça que l'expédition devait se dérouler alors je préfère... qu'on rentre.

Voir les larmes perler au coin de ses yeux la força à baisser les siens. Elle voulu répondre mais elle ne sut pas quoi dans un premier temps. Elle pouvait comprendre qu’il ne veuille pas porter ce poids, comme s’il se rendait responsable de ce qui pourrait lui arriver.

— Je préfère attendre que d'être à ce point égoïste et d'accepter de te faire du mal. Il y a tant de choses que je suis incapable de me pardonner, je n'en rajouterai pas une, je suis désolé. Partager mes souvenirs s'en est une chose, te forcer à les vivre s'en est une autre...

Cette fois, elle sut par où commencer. Elle n’était pas certaine d’arriver à le convaincre. En attendant Carter se taisait, visiblement plongé dans une intense réflexion.

— Tout d’abord, Eugène, tu ne me forces à rien. Carter l’a dit, ce doit être mon choix. Dans tous les cas, ce n’est pas toi qui va me faire du mal.

Fanella savait qu’elle ne pouvait pas mentir à Eugène, mais elle pensait ce qu’elle était en train de dire. Quoiqu’il se passe, comme dans l’avion c’était le résultat de sa décision et de toute cette expérience. Ça n’était pas comme si Eugène décidait de s’en prendre à elle directement, pour lui faire mal ou lui voler quelque chose.  

— C’est une question éthique, reprit Carter. Je comprends que ça te touche cette idée, Eugène, que ton retour pourrait coûter quelque chose à Fanella. Mais ici, le coût est bien moindre que le gain tu t’en rends compte non ? Je comprends que mon raisonnement peut sembler froid, mais c'est un argument à considérer non? Si on renonce, c'est comme si on te tuait de nouveau, pour quelques mois au moins...

La jeune chercheuse doutait que ce type d’arguments convainque vraiment Eugène. Il n’avait pas l’air parti pour raisonner en termes de gains et de pertes. Elle-même n’en était pas là non plus. L’idée de devoir abandonner par tous ces efforts lui retournait l’estomac. Celle qu’Eugène allait rester translucide, à l’état de spectre, encore plus. Pour elle, il y avait là une forme d’injustice parce que de son vivant il avait si peu vécu. Au delà de l’attachement qu’elle ressentait pour lui, elle s’était rarement trouvée dans une situation où elle avait eu la certitude si claire qu’elle avait l’opportunité de faire quelque chose de bien. Réparer quelque chose de précieux qui avait été cassé. Faire preuve de courage quand une telle éventualité se présente, à ses yeux, c’était la moindre des choses.

— C’est à moi de décider ce que je suis prête à sacrifier ou non ? Tu ne crois pas ? essaya-t-elle encore. J’ai eu cette idée folle qu’on pouvait te ramener. C’est moi qui ait fait les calculs, conçu le matériel, c’est à moi d’assumer les conséquences de ce choix pas à toi. De ton côté, tu peux prendre la décision que tu veux. Si tu veux renoncer je ne le retiendrais pas contre toi. Mais je te demande de respecter mon choix.  Beaucoup de chercheurs ont fait des choses beaucoup plus folles.

Après tout, Eugène ressemblait parfois à Jonathan, à considéré qu’elle n’était pas vraiment responsable de ses actes. À quel moment de sa vie allait-elle se sentir comme une adulte ?
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# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Sam 7 Mai - 21:47
La discussion entre Fanella et Carter venait de brûler les ailes d’Eugène, tel Icare qui s’était trop approché du soleil. Pour lui, c’était s’être trop approché du tabou de sa renaissance. L’idée que son amie puisse en mourir ou subir un quelconque stress post traumatique lié à des souvenirs qui ne lui appartenaient même pas était intolérable. Il préférait rentrer et continuer de subir sa triste condition que de la voir souffrir ou mourir juste pour qu’il puisse revenir.

— Tout d’abord, Eugène, tu ne me forces à rien. Carter l’a dit, ce doit être mon choix. Dans tous les cas, ce n’est pas toi qui va me faire du mal.

Fanella avait raison lorsqu’elle pensait qu’Eugène n’allait pas lui faire du mal directement, volontairement. Non, ce qui allait lui faire du mal, c’était très certainement le souvenir de sa femme, tirant une balle dans son œil et lui arrachant la moitié du visage. Ou Volgin qui l’électrocutait d’un coup de poing à chaque fois qu’ils se croisaient au détour d’un couloir. C’était peut-être même la plage. Tandis qu’il angoissait de plus en plus, faisant tournoyer dans son esprit les images du passé, Carter reprit la parole à son tour.

— C’est une question éthique. Je comprends que ça te touche cette idée, Eugène, que ton retour pourrait coûter quelque chose à Fanella. Mais ici, le coût est bien moindre que le gain tu t’en rends compte non ? Je comprends que mon raisonnement peut sembler froid, mais c'est un argument à considérer non ? Si on renonce, c'est comme si on te tuait de nouveau, pour quelques mois au moins...

Mourir ne lui semblait pas moindre que revenir à la vie. C’était pire, même s’il avait bien entendu que les probabilités étaient quasi nulles. Il ne voulait pas que Fanella se retrouve à échanger sa place avec lui sur la plage et il n’était pas certain de pouvoir contrôler quoi que ce soit.

— Ça va faire soixante ans que je suis mort, répliqua-t-il froidement. Même si ce sera difficile je peux encore tenir. J’ai connu bien pire.

Et Fanella avait suffisamment vu du pire dans tout ce qu’il avait bien pu lui montrer. Avait-elle vraiment besoin de vivre sa mort ? Il comprenait son envie d’aller jusqu’au bout et de faire preuve de courage. Et l’image dans son esprit de son corps qui allait rester fantomatique lui fendit le cœur. Ce ne serait pas difficile, ce serait insupportable mais toujours moins que de vivre en portant dans sa conscience les multiples cauchemars ou hallucinations que risquaient de vivre la jeune femme.

— C’est à moi de décider ce que je suis prête à sacrifier ou non ? Tu ne crois pas ? J’ai eu cette idée folle qu’on pouvait te ramener. C’est moi qui ait fait les calculs, conçu le matériel, c’est à moi d’assumer les conséquences de ce choix pas à toi. De ton côté, tu peux prendre la décision que tu veux. Si tu veux renoncer je ne le retiendrais pas contre toi. Mais je te demande de respecter mon choix.  Beaucoup de chercheurs ont fait des choses beaucoup plus folles.

Il était effectivement bien placé pour savoir que d’autres scientifiques avaient fait bien pire. Ne serait-ce que Tanner qui avait ouvert un trou noir. Et tous ceux qui l’avaient torturé. Et voila que Fanella le comparait à Jonathan, à refuser de croire qu’elle savait ce qu’elle faisait, à ne pas la trouver responsable. Oui, clairement, il trouvait ce qu’elle décidait irréfléchi au vu des risques.

— Que va donc en penser le reste de l’équipe ? Ils vont s’inquiéter de te voir dans une civière, ou inconsciente ou pire encore alors que c’est toi qui es censée diriger cette expédition. Ils ne sont même pas au courant… ils vont forcément se poser des questions ! Ou paniquer ! Ou s’en prendre à moi s’ils se rendent compte que tu dans cet état parce que nous sommes liés !

Eugène savait bien sûr que Jonathan comme Carter pouvaient prendre la relève de la direction de l’expédition. Pour avoir travaillé en groupe, il était néanmoins bien placé pour savoir que la confiance n’était pas la même entre la tête pensante et la chaine de commande inférieure lorsqu’il s’agissait de faire respecter des ordres. Mais son jugement de la situation était peut être erroné, déformé par une expérience passée somme toute bien différente. Et pourtant, même son chef de la sécurité n’était pas exactement au courant du déroulé des opérations. Ses larmes de tristesse se remplirent d'aertume.

— Je ne veux pas renoncer mais je pense effectivement que tu ne devrais courir aucun risque, au moins pour le reste des gens sous tes ordres. Sachant ça, puisque tu as après tout la responsabilité de diriger cette expédition, je te laisse décider de ton sort et du mien.

Si elle voulait poursuivre malgré tout, il obtempérerait mais avec beaucoup moins de gaieté de cœur. Il ne voulait simplement pas que cette histoire et les dangers qui en découlaient se retourne contre eux au pire moment. Si elle se sentait capable de supporter de vivre ses derniers instants dans sa peau, il n’était personne pour la juger. Seule la confrontation avec la réalité leur dirait si sa confiance en elle était justifiée ou non.
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# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Jeu 12 Mai - 22:51
Fanella avait fait un effort pour argumenter posément même si les émotions et les idées se bousculaient dans son esprit. Carter avait explicité l’enjeu éthique de cette décision. Ce qu’il y avait à gagner ce qu’il y avait à perdre. Elle se rassurait avec l’idée que dans son absence d’objectivité, elle faisait confiance au médecin pour la ramener à la raison si elle prenait une décision trop risquée. Mais Carter estimait que ça n’était pas si déraisonnable. Compte tenu du fait qu’on parlait de ramener quelqu’un à la vie. Eugène était visiblement triste, il avait versé quelques larmes. Aussi, Fanella ne le croyait pas vraiment quand il disait qu’il pouvait rester mort encore quelques mois.

Elle avait alors déployé un dernier argument qui consistait à réaffirmer qu’elle avait mené cette expédition depuis le début. Elle était capable de décider quels risques elle prenait et Eugène devait respecter ce choix, comme elle respecterait le sien. Elle vit distinctement son visage changer. Il considérait l’idée. L’espoir explosa douloureusement dans sa poitrine.

— Que va donc en penser le reste de l’équipe ? Ils vont s’inquiéter de te voir dans une civière, ou inconsciente ou pire encore alors que c’est toi qui es censée diriger cette expédition. Ils ne sont même pas au courant… ils vont forcément se poser des questions ! Ou paniquer ! Ou s’en prendre à moi s’ils se rendent compte que tu dans cet état parce que nous sommes liés !

Fanella se mit à sourire parce que s’il posait cette question, c’était qu’il était déjà à demi d’accord pour aller au bout de l’expérience. La jeune chercheuse devait bien admettre que dans un premier temps elle n’avait pas pensé à ça. Mais déjà, son esprit logique explorait toutes les options possible pour résoudre ce problème avec plusieurs scénarios de réactions possibles.

— Tu as raison Eugène, évidemment, on doit se préoccuper de ça. Si tu es d’accord, je pourrais dire la vérité. Tu m’as possédée dans l’avion et un lien s’est créé entre nous. La plupart de l’équipe ne connait pas la vraie fonction de la machine tampon, alors je ne pense pas qu’ils en déduiront autre chose que ce que je leur dirais, non ? Là encore, tout cela est la conséquence d’une décision que j’ai prise.

Elle fit une pause pour réfléchir encore un peu.

— Il faudra confier le commandement à Jonathan, c’est lui que le reste de l’équipe connait le mieux. Evidemment, ça veut dire qu’il faut prendre le temps de réunir tout le monde et de communiquer avant le départ ce matin. On ne sait pas où et quand le processus va se mettre en route.

L’enthousiasme la gagnait à nouveau, au point qu’elle ne ressentait que peu d’anxiété à l’idée de parler à l’équipe. Contrairement au laboratoire, elle était entourée ici seulement de ceux en qui elle avait le plus confiance.

— Je ne veux pas renoncer mais je pense effectivement que tu ne devrais courir aucun risque, au moins pour le reste des gens sous tes ordres. Sachant ça, puisque tu as après tout la responsabilité de diriger cette expédition, je te laisse décider de ton sort et du mien.

La joie augmenta d’un cran encore. Il ne voulait pas renoncer. Il l’avait dit. Il la suivrait dans son choix. Le sentiment d’être respectée acheva de lui redonner confiance.

— Il n’y a pas de raisons que les gens de l’expédition courent un risque supplémentaire, à partir du moment où ils suivent mes instructions et celles de Jonathan. Carter, j’aurais besoin de toi pour rassurer tout le monde d’accord ?


Le médecin sourit.

— Je ne vais peut-être pas mentionner le risque mineur d’arrêt cardiaque alors hein ?

Fanella déglutit douloureusement et l’angoisse la rattrapa. Quelques uns des souvenirs d’Eugène défilèrent dans son esprit. Elle avait savoir ce que cela faisait de vivre ça. Mais elle pouvait accepter d’avoir peur, c’était un sentiment normal. Sans peur, il n’y avait pas de décision courageuse à prendre.

Alors elle attira l’attention du reste de l’équipe sans trop hésiter. Elle expliqua simplement que des découvertes avaient été faites dans la nuit sur des effets secondaires du fait qu’elle avait été possédée par Eugène. Elle annonça que cela resterait sans conséquence pour le reste de l’équipe, mais qu’elle allait devoir être immobilisée. Carter confirma qu’il s’agissait là d’une simple mesure de précaution. Les équipes scientifiques feraient leur travail comme convenu de même que celles chargés de la sécurité. Si elle perdait ses moyens, Jonathan prenait le commandement. Quelques éléments de l’équipe médical seraient détachés pour s’occuper d’elle. Dans l’ensemble leurs objectifs et la procédure restait inchangés. Il y eu quelques questions respectueuses mais dans l’ensemble le convoi sembla accepter cette décision.

A l’exception de Jonathan évidement qui désespérait. Il garda sa réserve pour lui cependant, dans l’idée de ne pas questionner publiquement l’autorité de Fanella.

Lorsqu’ils se remirent en route, la douleur de son corps se rappela à elle. Mais elle se consola avec l’idée qu’elle pouvait le faire. Si elle avait survécu à l’ascension de la veille, elle y arriverait.
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# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Sam 14 Mai - 12:20
Eugène et Fanella semblaient bien se compléter ; là où l’esprit angoissé du fantôme créait tous les scénarios possibles et imaginables de ce qui pourrait arriver de pire, l’esprit logique de la scientifique y trouvait des réponses cohérentes ou démontrait à quel point ce qu’il imaginait était irréalisable. Aussi, lorsqu’il avait parlé du reste de l’équipe se retournant contre lui à la moindre suspicion, Fanella avait immédiatement proposé d’aller leur dire la vérité. Pas dans ses moindres détails, certes, mais qu’à cause de la possession dans l’avion, elle allait devoir être surveillée. C’était somme toute mieux que rien, même si Eugène craignait que cela suffise à provoquer une levée de bouclier envers lui, envers ce qu’il était et dont il était difficile de cerner et d’appréhender les limites. Ou de définir exactement son existence et la peur de l’inconnu, ou de la mort qui se cachait derrière.

Heureusement pour son moral, l’annonce fut bien acceptée par le reste de l’équipe. Il ne perçut vraiment que les pensées inquiètes de Jonathan qui prendrait les rênes du groupe si Fanella devait perdre connaissance. Carter n’avait pas parlé du risque d’arrêt cardiaque mais il allait continuer de planer comme un vautour dans son esprit jusqu’à ce que cette aventure soit terminée. Lorsque le convoi se remit en marche, une certaine tension recommença à monter et Eugène resta longtemps silencieux, flottant aux côtés de la jeune femme dont les muscles peinaient à l’effort. Bien que le sentier du plateau ait un dénivelé bien moins impressionnant que la veille, elle n’avait pas oublié cette escalade à couper le souffle.

A chaque pas de chaque personne vivante du groupe, le spectre sentait qu’il se rapprochait de la base et du pont. Il avait peur de ce qui risquait de survenir, peur de cette familiarité obscure qui semblait prendre le dessus sur son esprit comme un brouillard tombant comme une chappe de plomb sur une plaine endormie. Sans vraiment pouvoir les contrôler ni savoir s’il s’agissait de simples réminiscences, des images et des sensations du passé se superposaient au présent. Les nombreuses salles d’interrogatoire, sa chambre, les couloirs à la lumière crue du bâtiment administratif de la base où il prenait ses ordres. La souffrance qui montait en lui à chaque fois qu’il avait le malheur de croiser le chemin d’un certain colonel qui ajoutait encore du poids à l’enfer qu’il devait supporter. Eugène se secoua et fit un effort pour se concentrer et tenir à distance les images, encore au moins pour un moment. Loin devant, les arbres au bout du chemin commençaient déjà à s’éclaircir et on devinait des restes de grilles métalliques et les ruines d’une immense structure. Il se tourna vers son amie en espérant que le trouble qui était le sien ne la parasitait pas encore. Il se rappela de son inquiétude à l’aube et des questions sans réponses qui planaient encore.

— Fanella ? S’il s’avérait que… je n’étais pas le seul fantôme ici, tes machines pourraient faire quelque chose ? Le capturer ou le repousser ?

Après tout, s’il y avait une chance, même infime, que Fanella fasse un arrêt cardiaque, il y en avait une autre tout aussi infime pour que Volgin rôde dans ce qu’il restait de son domaine, perdu à travers le temps, enfermé dans la période de gloire de l’URSS. Eugène avait bon espoir qu’ils puissent passer inaperçus tant que personne ne s’approchait de la piste d’atterrissage et de l’immense carcasse de machine qui gisait là-bas. Si ce n'était pas le cas, il allait tâcher de ne pas se laisser paralyser par l'idée de devoir se charger lui même d'un esprit aussi menaçant et empli de souffrances. Lorsqu’ils atteignirent l’entrée de la base et son checkpoint en ruine derrière les arbres, son immensité jeta sur Eugène le même sentiment écrasant que la première fois qu’il était venu.

A droite, les baraquements dans lesquels il s’était réfugié la veille se perdaient au milieu de la forêt qui gagnait du terrain et à gauche, le terrain militaire semblait s’étendre, caché dans la montagne, sur d’innombrables centaines de mètres. Le complexe administratif ressemblait à un labyrinthe même de l’extérieur ; une passerelle aux vitres brisées le reliait au bâtiment des communications agrémentés de paraboles rouillées dans lequel on devinait encore des bureaux et leur mobilier au travers des fenêtres. Loin derrière, se tenait un imposant hangar dont la porte métallique semblait avoir été éventrée par une immense explosion et la piste d’atterrissage. Les carcasses d’anciennes voitures militaires traînaient encore sur la route pavée fissurée, en proie aux plantes grimpantes.

— Voila, souffla Eugène, envahi par une nostalgie déprimante. C’est ici que j’ai passé les dernières années de ma vie.

Dans sa tête se dessina le bâtiment tel qu’il ressemblait autrefois avec ses drapeaux rouges flottant au vent. Le lieu grouillait de gardes, de scientifiques, d’espions. Il eut l’impression que chaque jour et chaque nuit passée ici défilaient en même temps dans son esprit et même s’il ne respirait plus, il se sentit étouffer un instant. Tout ce qu’il pouvait espérer c’était de traverser vite cet endroit jusqu’au pont pour que la torture dure le moins longtemps possible. Il n’osa pas projeter son esprit plus loin que d’habitude de peur d’attirer les foudres de celui qui pouvait hanter ces murs et ce n’était même pas qu’un sens figuré.
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Fanella Ozark
# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Sam 14 Mai - 16:20
L’excursion tomba dans un silence tendu dès les 1er mètres. Les chercheurs parlaient entre eux à voix basse. Fanella resta près de Jonathan venu s’assurer qu’elle pouvait marcher après l’ascension d’hier. Elle y parvenait sans trop de difficulté. Toutes les heures, elle surveillait l’avancée de l’échange de front d’onde sur sa montre. Plus les chiffres montaient, plus elle sentait la nervosité lui serrer la gorge. A quelques rares moments, elle fut tentée de faire demi-tour, chaque fois, elle se souvint pourquoi elle avait fait le choix de continuer malgré tout. Carter vint lui aussi s’enquérir de son état de temps à autre. Lorsqu’ils aperçurent les grilles de l’ancien complexe scientifique à travers les arbres, ils eurent ce même échange, devenu routinier depuis la veille.

— Combien  ? demanda Jonathan

— 21%, en progression rapide, répondit Fanella dans un souffle.

Elle savait que les chiffres grimpaient en progression exponentielle, aussi à partir de maintenant, c’est à dire passer la barre des 20% il allait falloir les surveiller comme le lait sur le feu, afin d’avoir le temps de mettre en place les sécurités nécessaires. L’endroit qui s’offrait à eux ne la rassurait en rien. Tout semblait avoir été pensé pour empêcher tant les intrusions de l’extérieur que les tentatives de fuite depuis l’intérieur. Elle n’était pas certaine mais elle croyait reconnaître ces lieux à partir des souvenirs d’Eugène, depuis l’époque où ils étaient encore neufs et non en ruine et où toute une armée grouillait là.

— Fanella ? S’il s’avérait que… je n’étais pas le seul fantôme ici, tes machines pourraient faire quelque chose ? Le capturer ou le repousser ?


Cette question d’Eugène la prit par surprise. L’idée semblait réellement le préoccuper. Elle-même ne comprenait pas pourquoi la présence d’autres fantômes serait source de danger.

— Sûrement que des gens sont morts ici dans de mauvaises circonstances alors ce ne serait pas étonnant qu’il y en ait ici. Cependant, ils seront sûrement incohérent, je ne suis pas sûre qu’ils seront capable de s’apercevoir de notre présence… Cela dit normalement oui la machine devrait nous protéger sur quelques mètres de rayon.

Le groupe progressa encore en direction des bâtiments. L’ensemble était gigantesque et labyrinthique. Fanella se demandait combien de personne avaient travaillé ici, connaissant la situation d’Eugène dans l’indifférence la plus totale. Et puis elle repensa à Tanner. Après tout, les temps n’avaient pas vraiment changé depuis l’époque où ces lieux n’étaient pas encore ravagés par le temps. Elle lança un regard vers Eugène visiblement gagné par l’angoisse mais n’osa posé aucune question. Il s’exprima de lui-même.

— Voila, souffla Eugène, c’est ici que j’ai passé les dernières années de ma vie.

Aucune joie ne se dégageait de ce constat. Fanella espéra qu’ils seraient vite sortis de cet endroit. Elle ne répondit rien, qu’aurait-elle pu dire. De toute façon l’angoisse qu’elle ressentait se muait doucement en une nausée sourde. Tout était près, il n’y avait plus qu’à continuer de cheminer et d’attendre.

— Combien ? demanda encore Jonathan.

Fanella regarda sa montre, le chiffre sur l’écran la surpris.

— 32%.

— Il temps temps, constata Carter qui venait de les rejoindre.

Fanella fit signe au convoi de s’arrêter et Spencer immobilisa l’avant de la troupe qui cheminait en silence parmi les ruines du complexe. Le médecin alla chercher deux infirmière avec le brancard. Il fallait expliquer la situation à Eugène.

— Les chiffres progressent de manière exponentielle. Si on avance encore de quelques dizaines de mètres, le processus pourrait bien commencer. Nous allons sûrement perdre connaissance bien avant que nous arrivions jusqu’au pont alors mieux vaut ne prendre aucun risque.

Jonathan s’éclipsa en silence, la mort dans l’âme pour aller mettre en route la machine tampon. Pendant ce temps, on installa Fanella sur le brancard. Elle songea qu’Eugène avait pris un risque inconsidéré la veille au soir de revenir jusqu’ici. Elle n’aurait pas cru que les données seraient si hautes, si vite. Jonathan avait chargé sur son dos la machine qui brillait d’une lumière bleutée. Autour d’Eugène les pensées des membres de l’équipe se brouillaient.

— Eugène, commenta Spencer, tu avance à l’avant nous à l’arrière, d’accord?

— Courage, souffla Carter au fantôme.

Une fois Fanella sanglée, le petit groupe continua d’avancer avec Eugène et Spencer à sa tête. A chaque mètres, elle s’attendait à ce que sa tête explose tant l’angoisse était forte. Elle allait savoir ce que cela faisait de mourir. Elle aurait préféré l’ignorer pour le restant de ses jours. Lentement, ils progressèrent entre les bâtiments. Jonathan avait récupéré la montre.

— 38%, commenta-t-il.

Fanella se tortilla sur le brancard où elle était ligotée. Elle essaya d’adresser un dernier sourire à Eugène. Dans quelques minutes à peine, le plus difficile débuterait. La traversée des bâtiments lui sembla interminable. Ils n'étaient pas très loin du mur d'enceinte, de l'autre côté, lorsqu'une sensation fiévreuse s'empara de la chercheuse, comme si elle allait s'évanouir.

— Carter je vais vomir, dit-elle très vite.

Elle ferma les yeux, pour les protéger de la morsure du soleil. Lorsqu’elle les rouvrit, elle était ailleurs, autrement, quelqu’un d’autre. Quoiqu'il se passe maintenant, elle serait avec Eugène, Eugène serait avec elle. Mais elle n'était pas sûre de qui il était et qui elle était.
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# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Sam 14 Mai - 23:20
Le départ de l’expédition fut des plus silencieux tandis qu’Eugène retrouvait avec une certaine nostalgie malsaine les sentiers que ses pas avaient longuement arpentés les derniers jours de sa vie. La forêt qui était si belle et paisible sous ses yeux commençait à se resserrer, à redevenir une prison. Alors il avait évoqué avec Fanella la possibilité qu’il ne soit pas le seul fantôme hantant les lieux et si sa machine pouvait les protéger, s’ils étaient repérés.

— Sûrement que des gens sont morts ici dans de mauvaises circonstances alors ce ne serait pas étonnant qu’il y en ait ici. Cependant, ils seront sûrement incohérent, je ne suis pas sûre qu’ils seront capable de s’apercevoir de notre présence… Cela dit normalement oui la machine devrait nous protéger sur quelques mètres de rayon.

Eugène hocha la tête. Volgin n'était pas le seul à être mort ici, il y en avait même eu beaucoup. Mais de tous ceux qui devaient rester, c'était peut-être le pire, le plus difficile à supporter, qu'il ère sans être conscient de sa propre mort ou non. L'idée que la machine pouvait les protéger le rassura au moins un peu. Il ne savait pas s’il serait apte à le faire ou non de son côté, autant mort que vivant.

— Tant que personne ne s'approche de la piste d'atterrissage ou n’entre dans les bâtiments, ça devrait aller, indiqua-t-il en espérant que la consigne serait respectée. Après tout, nous ne sommes pas là pour ça.

Ils étaient à peine entrés dans le complexe que les résultats progressaient. De 21% ils étaient passés à 32 aussi rapidement que l'angoisse d'Eugène montait et, très vite, Fanella dut être immobilisée sur un brancard. Elle lui sembla bien pâle et la nouvelle culpabilité se mélangea à celle du passé. L'inquiétude gagna le groupe et l'esprit ne tira plus grand chose de la cacophonie des esprits qui résonnaient dans le sien. Seule la voix de Fanella lui rappelait de se concentrer.

— Les chiffres progressent de manière exponentielle. Si on avance encore de quelques dizaines de mètres, le processus pourrait bien commencer. Nous allons sûrement perdre connaissance bien avant que nous arrivions jusqu’au pont alors mieux vaut ne prendre aucun risque.

Quelques dizaines de mètres seulement ? Eugène n'était plus sûr de pouvoir avancer tant l'idée d'être si proche de quelque chose d'horrible le tétanisait. Il serra ses bras contre lui en flottant nerveusement à ses côtés, observant à droite à gauche les structures qui devenaient menaçantes tout d’un coup.

— Eugène, commenta Spencer, tu avances à l’avant nous à l’arrière, d’accord ?

— A… à l'avant ? bredouilla-t-il d'une voix tremblante.

— Courage, tenta de le rassurer Carter mais cela n'eut qu'un faible effet.

L'idée d'ouvrir la marche sembla l'achever. Comme s'il était au bout de la planche et qu'il devait sauter dans une eau infestée de requins sans savoir s'ils allaient le manger ou le laisser regagner la rive. Il aurait aimé pouvoir avoir l'esprit libre pour partager un travail de mémoire, expliquer son quotidien ici, a quoi servaient les bâtiments. Au lieu de cela il tremblait tandis que les souvenirs bataillaient devant ses yeux. A contrecœur, il avança néanmoins en se demandant si vivre valait vraiment la peine de subir tout cela. Comme à l'époque. Et au fur et à mesure qu'il se perdait dans l'immensité vaste de son passé, ses camarades du présent et Fanella semblaient plus lointains derrière lui. Plusieurs fois il s'était subitement écarté de peur de rentrer en collision avec un soldat qui n'existait que dans son passé. Sans s’en rendre compte il s’était mis à errer, entraîné vers son corps qui attendait sous l’eau tumultueuse des cascades dont on devinait le son mélodieux au loin. Peu à peu se collaient à lui aussi ce dégoût de la vie, cette haine et cette culpabilité qu'il avait traîné comme une camisole durant des années. Il ne savait pas s'il avait bravé les dix mètres ou s'il en avait fait cent.

Un premier souvenir le happa, celui des nombreuses fois où son esprit avait détecté les espions américains. Il se revoyait les pointer du doigt et les dénoncer à Volgin. Il se revoyait subir chaque coup qu'il leur infligeait, chaque décharge électrique jusqu'à la mort, à côté de lui, mortifié. Il se revoyait prendre ces mêmes coups lorsqu'on l'avait placé sous les ordres du colonel et qu'il lui avait fait comprendre ce qui arriverait à son fils s'il en venait à désobéir. Il se revit en torturer d’autres pour les rendre obéissants tel qu’il en avait fait voir des bribes à Fanella puis hurler ensuite seul dans sa chambre de sa propre monstruosité.

Eugène regagna un semblant de conscience paniquée lorsque le groupe arriva près du pont. Ce qui n’était autrefois que des cordes et des planches avait été remplacé par du béton, autrement plus stable. Durant la durée de la marche où il les avait guidé tel un vrai fantôme errant uniquement dans ses souvenirs, il ne savait pas ce qu'il avait pu dire ou faire. Mais le fait que son corps était là, juste en dessous du vide vertigineux des falaises, à quelques mètres, l'avait soudainement rappelé sur terre et il s'était immobilisé en peine crise de panique, son corps tremblant se tordant dans tous les sens. Son esprit peinait à maintenir cohérente son apparence à nouveau. Il lui semblait entendre l'eau bouillonner à ses oreilles comme s'il était déjà en train de se noyer au fond de la chute d'eau.

— Non non non qu'est-ce que je fais je peux pas traverser, je ne peux pas sinon je vais disparaître, il ne faut pas.

Le fantôme hurla de terreur avant qu'une dernière impression ne le saisisse, la même que lors de sa dernière venue ; s'il traversait, il ne reviendrait pas. Alors un dernier souvenir le happa. Celui qu’il n’aurait pas voulu faire vivre à Fanella. Il se tenait sur ce pont, la main posée sur la poutre qui soutenait la structure de bois et de cordes qui se balançait sous le vent et la pluie de cette soirée brumeuse, décisive. Il savait très bien qui arrivait de l’autre côté, ce qui allait se dérouler. Ses yeux se fermèrent un fugace instant sous la pression de l’hésitation puis ses pieds foulèrent les premières planches grinçantes du pont. D’abord mal assurées, elles étaient devenues déterminées lorsqu’il arriva sur la roche herbeuse de l’autre côté, ses yeux bleus plantés dans ceux de Joy, défigurés par la confusion. L’horreur de voir un fantôme.

— Dix-huit ans, six mois et onze jours, murmura-t-elle, peinant à croire ce qu’elle voyait.

Il hocha la tête devant ce constat exact du dernier jour où leurs regards s’étaient croisés ainsi. Sous le feu, la mort et les bombes du Débarquement. Elle l’avait cru mort pendant si longtemps. Lui n’avait cessé d’entendre parler des exploits de Voyevoda, la plus grande guerrière que le monde ait connu. La main de Joy qui tenait son arme s’était mise à trembler, la serrant si fort que ses jointures blanchirent. Elle fondit en larme et se jeta sur lui pour le serrer dans ses bras, s’assurer qu’il était bien réel et le médium lui rendit son étreinte. Aussitôt, les émotions et souvenirs de sa femme affluèrent. La CIA l’avait envoyé dans l’espace dans une navette dont les plans avaient été falsifiés par les espions qu’Eugène lui-même avait ralliés à la Russie. La rentrée atmosphérique s’était très mal passée mais ce qu’elle avait découvert là-haut l’avait chamboulée. Une planète bleue, sans frontières, unifiée, où la guerre n’avait plus aucun sens.

— La Terre est si bleue, sourit Eugène contre son épaule, caressant son dos tandis que les sanglots de la militaire redoublaient d’intensité. Tu as vécu tant de choses…

— Ça ne peut pas être toi… S’il te plait, dis-moi que ce n’est pas toi qui a retourné ces types.

Aujourd’hui, elle se retrouvait là avec l’ordre d’assassiner les agents qui avaient trahi les Etats Unis et l’instigateur qui tirait les ficelles derrière eux pour porter un coup vengeur à la Russie. Elle le serrait dans ses bras en ce moment même. Eugène avait été mandaté pour laver le cerveau de l’agent venu d’Amérique et le renvoyer aux Etats-Unis, un pion planté au cœur du système. Il l’avait fait pour d’autres mais jamais il ne pourrait infliger pareille torture à Joy. Chacun avait reçu ses ordres. Le piège s’était refermé sur eux et ils le savaient tous les deux. Il n’y en avait qu’un qui pouvait repartir d’ici vivant.

— Je suis désolé Joy, c’était ça où ils s’en prenaient à notre fils… Comme ils s’en prendront à lui aujourd’hui si l’on ne trouve pas une solution.

Indirectement, il avait failli la tuer en sabotant les plans destinés aux américains. Il en était conscient et culpabilisait. Depuis le début, il avait été utilisé comme un pion et il s’était laissé faire. Un homme dont on avait épuisé la conscience et la résistance, devenu un fantôme qui n’avait plus la force de poser la moindre question, de réfuter aucun ordre. Il était malade de cette vie. Ce n’était même pas une vie.

— Je connais ta solution ! ragea-t-elle soudain en quittant ses bras pour planter dans ses yeux un regard plein de colère.

De sa main libre, elle sortit une photo dont les veinures blanches indiquaient qu’elle avait été pliée et dépliée un nombre incalculable de fois et lui tendit. Dessus, une photo aux couleurs quelque peu délavées d’un jeune homme vêtu d’un costume. Blond aux yeux bleus, il avait un regard et une allure assez fière. Eugène sentit les larmes perler sous ses lunettes. C’était la première fois qu’il voyait son fils. Qu’il apprenait son nom dans l’esprit de sa femme. Adamska, le parfait mélange entre Amérique et Russie, deux pays qui se déchiraient comme ils allaient tous les deux se déchirer aujourd’hui.

— C’est fou ce qu’il te ressemble, il a tes cheveux, sourit-il, attendri et ému.

— Il a ton nez et tes yeux, sanglota-t-elle mais le désespoir colérique transparaissait toujours dans sa voix.

Joy renifla avec un brin de dédain et croisa les bras malgré son arme qu’elle refusait de lâcher. Ce qu’il lisait en elle lui fendit le cœur. Elle souffrait tellement qu’elle tentait de se fermer à l’amour maternel qu’elle ressentait pour justifier de l’épargner ce soir.

— Je n’ai même pas eu le temps de le tenir dans mes bras ou de l’entendre respirer et toi tu ne l’as même jamais vu. Pourquoi mourir alors que… qu’il est à peine notre enfant ? Pourquoi tu n’essayes même pas de te sauver ?

Eugène replia la photo et la lui rendit avant que sa main n’attrape celle de la blonde qui agrippait son arme et la força à la tenir de telle manière qu’elle la pointait sur lui. Elle voulut se dégager mais il la tenait bien trop fort. Il aurait du être en colère, la supplier et au lieu de cela, il était calme, confiant. Serein et déterminé.

— Je suis la meilleure preuve que la mort n’est pas vraiment en accord avec la définition qu’on en fait. Je survivrai à ma manière et mon esprit sera toujours avec toi. Si cela permet d’offrir à notre fils l’expérience de la vie avant de nous rejoindre, je sacrifie la mienne bien volontiers. J’ai assez vu et assez vécu ici. Depuis qu’on est séparés je crois que je suis déjà mort. Alors je crois que… je voudrais que ce soit toi qui en finisses… même si je sais ce que je te demande.

Incapable de prononcer le moindre mot, Joy secoua la tête, se mordant la lèvre pour ne pas laisser échapper des hurlements de détresse. Combien de fois lui avait-il demandé de le tuer ? Allait-elle vraiment s’y résigner, ce soir alors qu’elle s’y était opposé toute sa vie ? Qu’allait-on bien pouvoir lui demander de sacrifier ensuite ? Comment pouvait-elle rester le commandant des Cobras si elle en tuait ses membres ?

— Je… je n’en ai plus la force, Eugène.

Ce n’était pas le premier coup dans le dos que la CIA lui infligeait. Pour son pays elle avait toujours tenu bon. Eliminer ses propres frères d’armes, liés par serment, était la goutte de trop. Si elle obéissait, elle ne serait plus jamais la même. Elle ne serait plus jamais Joy et il était clair que l’organisation s’en ferait alors une ennemie.

— Tu es la plus forte de nous tous, Joy, tu la trouveras en toi… et tu me trouveras moi derrière ton épaule, jusqu’à la fin.

Eugène lâcha sa main et recula d’un pas. Elle ne bougea pas pendant de longues minutes, acceptant la finalité, se résignant au pire. Finalement, elle décrocha de son autre main le collier qu’elle portait autour du cou, sur lequel était accroché son alliance ainsi que la plaque avec son nom et son code, que portaient tous les soldats pour être identifiés et lui tendit. La partie d’elle qui mourrait avec lui ce soir. Il les passa autour de son cou, liant la chaine à la sienne et lui offrit son plus beau sourire. Il y avait tant d’amour à l’intérieur.

— Je t’aime Eugène, sanglota-t-elle une dernière fois tandis que le canon de l’arme se mettait à trembler.

— Je t’aime aussi, Joy, lui répondit-il.

La détonation de la poudre qui envoyait la balle scella leurs derniers mots et résonna dans la vallée. Joy n’avait pas voulu qu’il agonise dans la souffrance ; l’impact dans son œil gauche à travers son cerveau avait été plutôt radical. Une brûlure déchirante l’avait troublé l’espace d’une seconde, puis plus rien. Le sang macula le visage de la jeune femme et elle n’avait aucunement l’intention de l’essuyer. Son visage défiguré par la tristesse regardait celui de son mari basculer vers l’au-delà tandis que son corps plongeait de manière vertigineuse, poussé par l’impact, dans la rivière bouillonnante plusieurs mètres en contrebas. Il n’avait jamais cessé de sourire et elle hurla tout ce qu’elle pouvait dans l’infini de la nuit. Eugène était mort avant même de se sentir chuter ou de heurter la surface de l’eau.

Le silence devint assourdissant et lorsqu'Eugene ouvrit les yeux, il se trouvait sur la plage. L'eau salée pleine d'écume léchait ses pieds enfoncés dans le sable noir. Le ciel était gris, d'un de ceux ou le soleil ne perçait jamais. L'instant d'après, en un battement de cils, la plage du passé disparut et Fanella qui partageait avec lui son esprit se retrouva sur la plage du présent. Devant eux, la mer avait brusquement reflué et une immense vague arrivait. Le fantôme, bien qu'abasourdi par cette situation qu'il n'avait jamais rencontrée, sembla étrangement serein. Lorsqu'elle heurta le corps du spectre, Fanella fut brusquement éjectée dans son corps et ils se retrouvèrent séparés. Lorsqu'Eugène ouvrit les yeux à son tour il sentit son corps prendre une immense inspiration qui l'ebranla tout entier. Ensuite vint la douleur de ses poumons qui le brûlèrent, de ses muscles engourdis qui reprenaient vie, de sa peau glacée. Il fut incapable d'esquisser la moindre pensée cohérente. D'abord il fallait respirer. D'abord il fallait vivre.
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Fanella Ozark
# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Dim 15 Mai - 17:32
Carter avait l’habitude qu’une anxiété dévorante et une excitation énorme cohabitent en lui. Surtout depuis qu’il avait accepté de travailler avec Fanella dans toutes sortes de projets fous. Ce jour-là était particulièrement intense. Il se sentait comme dans un manège de foire lorsqu’on grimpe la côte et que la nacelle s’arrête en haut de la pente. Exception faite du fait qu’il fallait piloter l’engin pour éviter de s’écraser. Heureusement, il n’était pas seul. Il obéissait à Jonathan, Spencer veillait à la sécurité. Toute une équipe s’assurait de ne pas perdre une miette des données de l’expérience. Lui, son travail serait de s’assurer que personne ne meurt pendant l’opération. Et accessoirement ranimer quelqu’un, peut-être. Son intellect savait qu’il pouvait faire confiance à Fanella lorsqu’elle disait que c’était possible. Mais son coeur n’y croyait pas. Pas encore.

Fanella venait de rassurer Eugène sur le fait que les fantômes ne poseraient pas de problème particulier. L’ordre remonta malgré tout à Spencer que personne n’entre dans les bâtiments. Personne ne semblait en avoir l’intention, cela dit. De plus en plus tendue, tout l’équipe était concentrée sur l’objectif  : le pont.

Spencer avait demandé à ce que Eugène marche devant et le médecin lui avait soufflé un vain encouragement. L’agent de sécurité pensait que comme cela la machine pourrait l’empêcher de partir trop vite, mais le véritable objectif était de protéger l’équipe des effets de ses capacités. Cela Carter et Jonathan étaient les seuls à le savoir.

Les chiffres montaient dangereusement alors les infirmières immobilisèrent Fanella. Carter oscillait entre euphorie et terreur.

— Carter je vais vomir, lâcha la jeune femme.

Les infirmières la tournèrent sur le côté sous les sangles mais c’était inutile. Ses yeux se révulsèrent, elle était partie.

Des décharges, des ordres, la douleur toujours renouvelée de l’électricité qui glisse et roule sous la peau. La morsure de la culpabilité, presque pire. Les images sous ses paupières clauses comme une interminable nausée de souffrance. Crier, crier dans sa chambre, la tête entre les mains n’aidait pas.

— Il ubiquite ça y est ça commence  ! cria Jonathan qui suivait Eugène.

Carter releva les yeux. Sur le fond du ciel la silhouette clignotait. L’ordre qui suivit fut sans appel.

— Courrez  !

Le médecin fit signe à son équipe qui s’ébranla. Les chercheurs suivaient tant bien que mal avec leur lourd matériel. Tout se passait beaucoup plus vite que prévu. Ils s’élancèrent hors du complexe, Dans les cailloux, il y eut quelques chutes. Un des appareils fut brisé. Parmi les arbres, un vent étrange montait de tous côtés.

— Les fronts d’onde font bouger l’air  ! commenta quelqu’un dans la tourmente.

— C’est normal, cria Jonathan en retour.

Carter pressa sa course en se disant qu’il n’y avait rien de normal dans toute cette situation. Il courrait aussi vite que le poids du matériel le lui permettait. Derrière lui suivait le brancard de Fanella, secoué dans tous les sens. Un vent violent soufflait quand ils arrivèrent au pont. La silhouette d’Eugène se matérialisa face à eux et instinctivement, tous cessèrent de courir. L’air fou et le bruit de l’eau donnaient au médecin le sentiment qu’il n’était qu’une fourmi insignifiante perdu au milieu d’une nature démentielle. Ce n’était pas la science qu’ils faisaient. C’était de la magie. L’euphorie gagna définitivement sur l’angoisse alors que le fantôme les regarda tous, translucide sur le fond d’une roche sans âge.

— Non non non qu'est-ce que je fais je peux pas traverser, je ne peux pas sinon je vais disparaître, il ne faut pas.

Dix huit ans, six mois et onze jours. Son coeur allait exploser d’amour et de tristesse. L’espoir était mort depuis longtemps. Sur le visage de Joy se superposaient ceux tendus par la douleur, celle qu’il infligeait et qu’il s’infligeait à la fois. Il avait manqué de causer sa mort à elle aussi. Deux âmes soeurs aux pays ennemis. Cet enfant, seule chose belle qu’il restait de leur union. Sa vie, un fardeau, la sienne, si précieuse. Il n’eut pas peur lorsque l’arme se pointa vers lui. Après tout, ils s’étaient revus, juste une dernière étreinte, une dernière déclaration. C’était plus qu’il avait rêvé ces dernières années. Graver son visage, avant qu’elle ne tire et la brûlure, pire de toutes, celle d’être irrémédiablement séparés.

Carter voulu lui dire qu’il pouvait encore renoncer mais il n’en était rien. Le vent agita les cimes en cercles concentriques et Eugène clignota à nouveau. Chaque fois qu’il apparaissait à nouveau, il était encore un peu plus près du bord du pont. Toutes les émotions humaines passèrent sur son visage qui vacillait comme l’image d’un film de mauvaise qualité. Joie, peine, colère, désespoir puis calme. L’équipe se positionna en arc de cercle sur le pont de béton autour d’Eugène qui clignotait toujours.

Tous reculèrent lorsque soudain le corps ruisselant jaillit devant eux, inerte, les yeux fermés a demi décomposé. Les appareils photos se déchainèrent de toute part. Personne n’osa rien dire tant la scène était surréaliste. La masse de chair s’approcha du pont, alors que les joues creuses se remplissaient de vie. Les tâches noirâtres se résorbèrent, les os apparents se couvrirent de chair. Carter était soulagé, ils étaient arrivés à temps.

— Tenez-vous prêts, chuchota-t-il presque à son équipe.

Presque discrètement, derrière lui ils installaient le matériel, les mains tremblantes. Autour d’eux, les capteurs explosaient les uns après les autres, surchargés comme un feu d’artifice ajoutant leur cacophonie aux sons de la nature. Carter avait entendu Fanella parler de front d’ondes, d’antimatière, d’inversion. Il pouvait sentir tout cela à travers son corps et la pression dans l’atmosphère sous le soleil de plomb.  Face à lui, la silhouette allait et venait. Son corps la regardait au dessus du vide. Lentement, il s’avança, son pied glissa contre le béton tordant sa cheville sans une position étrange, les bras ballants, le visage sans expression. Les stigmates du temps achevèrent de s’effacer, les algues glissèrent de ses pieds. Le corps progressait penché en arrière, oblique, les yeux vers le ciel, les cheveux pendant et ruisselant. Mais intacte ou presque.

Carter pouvait dire qu’il n’avait jamais rien vu aussi étrange. Tous faisaient silence parmi le vacarme, humbles. Ce n’était pas une expérience, c’était un rituel. Une détonation retendit et par reflexe, quelques uns des militaires se jetèrent sur le sol. Spencer regarda de tous côté. Le médecin savait qu’il n’y avait pas de balle, pas de danger. Au moment précis où le son fouetta l’air le corps se redressa brusquement et son oeil, jusque là noir s’alluma d’une lueur désespérée. La silhouette se stabilisa l’espace d’une seconde. L’instant d’après, le fantôme avait disparut et le corps chutait sur le béton.

Le vent cessa brutalement et ne resta que le bruit de l’eau en contrebas. Les brancardiers coururent pour le rattraper, chacun par un bras, avant qu’il ne heurte le pont. Ils le chargèrent et l’esprit de Carter se remis en route alors qu’on connectait les électrodes, le tensiomètres et toutes les machines.
L’électrocardiogramme était plat.

La panique obscurcissait son esprit.

— Allez, allez, allez…

Dans ses mains tremblantes, il tenait les deux palettes du défibrillateur.

— Carter  ! Elle fait de l’arythmie  !

Le médecin se retourna, il avait presque oublié qu’il avait une autre patiente. Elle convulsait a tel point que le barcard dansait presque sur le sol.

— Attendez, il répondit, si elle ne se stabilise pas, ranimez là.

Le ciel d’un gris de plomb. Ces deux mains face à elle, les siennes, elle le regarda sur le fond du sable avant de relever les yeux au son des roulis. Il la regarda, terrorisé.

— Eugène  ! elle hurla.

Ensemble ils se tournèrent vers l’immense vague avec la même terreur.


Il se tourna vers Eugène, incrédule en voyant son visage, cette peau, étrangers mais qu’il reconnaissait pourtant.

— Chargez, dégagez… dit-il.

Un bip sonore retentit. Le médecin retint son geste juste à temps.

— Un pouls  ! s’extasia quelqu’un derrière lui, un putain de pouls bordel de merde !

Puis une respiration, visiblement déchirante.

Derrière Carter, Fanella hurla, une bref seconde, juste avant de retomber dans le silence le plus total. Il se tourna brièvement vers l’autre équipe derrière lui qui lui faisait signe que tout allait bien.

— Eugène ? Eugène tu m’entends ? Tout va bien.

Carter sentit un rire irrépressible monter dans sa gorge. Le son réveilla Fanella qui cligna des yeux. Chaque fois qu’elle fermait les paupières, elle s’entendait crier dans cette petite pièce sans vie, avec une voix d’homme. Pour le reste son esprit n’était qu’une brume cotonneuse. C’était comme regarder le monde depuis un ciel très très loin, à travers milles épaisseurs de nuages.

— Tu es en vie  ! Tu es en vie  ! se réjouissait le médecin.

Quelque part, la jeune femme entendit que leur entreprise avait réussi. Elle tourna les yeux vers le ciel et se contenta de respirer.
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# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Dim 15 Mai - 18:36
La vie et ses sensations déferlaient avec autant de force que la vague immense qui s’était abattue sur son fantôme et l’avait expulsé de la plage. Chaque inspiration brûlante qu’Eugène prenait, qui gonflait ses poumons meurtris, apportait sa part d’une énergie martelante qui le reconnectait à la réalité. Son cœur qui battait furieusement envoyait un sang neuf et vibrant de ses pieds jusqu’au bout de ses oreilles. Ses yeux écarquillés ne captaient qu’une lumière blanche atroce avant que l’image d’un ciel gris de nuages ne se fixe sur sa rétine. Une silhouette floue sembla passer devant sa vision et occulter l’infini étendue qu’il contemplait. Ses oreilles sifflèrent lorsqu’il perçut le son de l’eau et quelqu’un qui appelait son nom. Finalement, la caresse du vent sur sa peau, solide, capable de capter le moindre contact, acheva de le ramener sur Terre. Il pouvait sentir qu’il était allongé sur quelque chose de dur. La lourdeur douloureuse de son corps l’empêchait encore de bouger.

— Tu es en vie  ! Tu es en vie  !

L’intensité des émotions brouillaient encore davantage les pensées qui se mélangeaient au fond de sa tête. Dans la confusion, Eugène était bien incapable de distinguer si les cris qu’il entendait étaient emplis de terreur ou de joie.

— Carter ? souffla-t-il d’une voix rauque à l’attention de l’ombre qui s’agitait sous ses yeux.

Il avait cru reconnaitre sa voix, la couleur de ses cheveux, la forme de son visage mais ses yeux toujours aussi myopes lui refusaient le luxe du détail. Sa propre voix qui avait vibré le long de ses cordes vocales, s’était dessinée au gré de ses lèvres tremblantes, le surprit tellement qu’un instant, une terreur primaire déforma les traits de son visage. Il lui fallut encore une autre seconde pour accepter qu’elle était sienne à nouveau et que parler lui demandait de l’énergie, faisait rouler des muscles sous sa peau, vivait dans sa chair. Il était vraiment vivant ? Vraiment revenu ? Avec panique, il chercha autre chose à dire pour tenter d’accepter et de faire accepter l’irréel de la situation.

— Je crois que… j’ai encore… fait tomber… mes lunettes, peina-t-il à articuler, entre plusieurs longues inspirations.

Et Fanella, où était-elle ? Est-ce qu’elle allait bien ? Avait-elle retrouvé son corps ? Il se souvenait vaguement de l’avoir vue et entendue crier son nom sur la plage. Il aurait voulu tourner la tête, se redresser mais il était encore bien trop tôt pour que son corps lui réponde. L’idée même d’esquisser le moindre geste était trop intense et il avait soudain tellement peur de mourir à nouveau qu’il préféra se focaliser sur sa respiration. Tant que sa poitrine se soulevait, tant qu’il sentait son cœur battre, c’est qu’il était en vie. Il ne fallait pas en faire de trop.

— Fanella ? appela-t-il désespérément de sa petit voix en la cherchant du regard parmi les ombres au-dessus de lui.

Si elle était restée sur la plage, il était prêt à repartir la chercher dans l'instant si cela s'avérait nécessaire.
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# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Dim 15 Mai - 19:49
La petite voix, frêle tira des larmes de joie au médecin.

— Carter ?

Des applaudissements et des exclamations de joie suivirent cette simple déclaration. Le médecin battait des mains, surexcité. Il se força à se calmer pour s’adresser à peu près correctement à son patient. Son visage était pâle, il ne bougeait presque pas. Mais il respirait, il parlait. Il était là. Peut-être seulement les jours prochains Carter réaliserait ce à quoi il avait pourtant participé. Et en même temps, il n’avait presque rien eu à faire. La vie était revenue. Toute seule, sans défibrillateur, sans intubation. Toute seule. Portée par le vent fou dans les cimes.

— Oui c’est moi. Tout va bien Eugène.

Il jeta un coup d’oeil aux indications des machines.

— Ta tension est bonne, ta saturation augmente doucement, ton pouls est bon. Tout va bien.

Carter essuya ses larmes avant qu’elle ne tombent sur le visage d’Eugène. Il avait sans doute déjà trop de sensations à gérer. Aussi le médecin se rassurait lui-même en reprenant la liste de constantes. Ils l’avaient fait. Eugène était vraiment de retour.

— Je crois que… j’ai encore… fait tomber… mes lunettes,
souffla encore le rescapé.

Carter se mit à rire et cela contamina le reste de l’équipe. Cette préoccupation sembla incongrue après  être revenu à la vie. Ils rirent encore un peu jusqu’à ce qu’une petite main se tende vers le patient, timide avec les lunettes tenues par le bout de la branche. Le jeune infirmier riait aussi à moitié, incrédule.

— La remontée du temps… les a réparées.


Le médecin aida Eugène à les mettre sur ses yeux, pensant que cela l’aiderait un peu d’y voir plus clair, de reconnaître leurs visages. Il essaya de passer sur le fait que cet objet était cassé lorsque tout le corps d’Eugène était remonté miraculeusement de l’eau.  

— Fanella ?

Carter s’écarta un peu et fit signe à l’autre équipe d’approcher le brancard. Fanella était allongée, les yeux ouverts. Jonathan s’avança près d’elle le visage fermé, sa machine éteinte toujours chargée sur ses épaules. La jeune femme semblait regarder le vide.

— Elle va bien, expliqua le médecin. Je sais qu’on dirait qu’elle a subi des dommages cérébraux là, mais ce n’est pas le cas. Elle va parfaitement bien. Elle est en état de choc mais on va lui donner quelques heures, d’accord ?

Sa petite main ouverte traînait sur le béton du pont, comme oubliée là non loin du brancard où Eugène était allongé. Elle semblait calme.

— On ne devrait pas rester là trop longtemps, interrompit Spencer. Docteur si les patients peuvent être déplacés, on devrait y aller.

Carter se demanda si cet homme avait un coeur pour s’émerveiller. Mais Fanella l’avait choisi justement pour son sang froid. Il n’avait pas tord. Sur ce pont, ils étaient vulnérables et Eugène devait vouloir avoir le sentiment d’être à l’abri et pas dans les lieux qui l’avaient vu mourir. Retrouver le campement aiderait sans doute aussi Fanella à retrouver ses esprits.

L’esprit de la jeune chercheuse était blanc doux, figé. Dans cet état, elle avait du mal à penser à quoique ce soit.
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# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Dim 15 Mai - 20:22
Les lunettes d’Eugène finirent par atterrir sur son nez, retrouvées par un gentil infirmier. Il était soulagé d’avoir réussi à détendre l’atmosphère avec son trait d’humour déniché dans la précipitation. Même lui avait laissé éclater un petit rire, contaminé par les esprits autour de lui. Il avait fait trembler tout son corps et réveillé une nouvelle fois tous ses sens dans une cohue intérieure qu’il avait encore beaucoup de mal à gérer. D’après le médecin, ses constantes étaient bonnes mais il gardait toujours en lui ce souvenir de la fragilité de la vie qui pouvait basculer en une fraction de seconde. Il reconnut finalement le visage de Carter et de son équipe médicale autour de lui mais ne vit pas Fanella et l’inquiétude gagna du chemin. Même ces sensations qui n’étaient que reproduites par son esprit et ses souvenirs lui parurent plus intenses et il la chercha frénétiquement des yeux.

Lorsqu’on lui amena le brancard sur lequel la jeune femme était allongée il déchanta face à la paralysie qui embrumait son esprit et il sentit son cœur s’accélérer de tristesse et de culpabilité. Elle était là, avec lui, sa main toute proche de la sienne prête à être saisie et pourtant si loin. Il regrettait tant de ne pas pouvoir exaucer son souhait, elle qui avait tant espéré pouvoir l’étreindre dès son retour. Il n’osa même pas croiser le regard de Jonathan à ses côtés.

— Elle va bien. Je sais qu’on dirait qu’elle a subi des dommages cérébraux là, mais ce n’est pas le cas. Elle va parfaitement bien. Elle est en état de choc mais on va lui donner quelques heures, d’accord ?

— D’accord… bredouilla le médium en sentant ses yeux le picoter presque douloureusement. Je suis désolé... je ne voulais pas qu'elle se retrouve... dans cet état.

Quel choix Eugène avait-il si ce n’était celui d’attendre patiemment ces quelques heures qu’elle repose son esprit. Il se résigna et se concentra un instant tendre son bras hors de son propre brancard et serrer faiblement sa main. L’effort lui fit mal et son geste tâtonnant fut tremblant et mal assuré mais il eut au moins la récompense de pouvoir sentir sa peau contre la sienne et sa chaleur. C’était la seule chose qu’il pouvait lui offrir pour l’instant.

— On ne devrait pas rester là trop longtemps, interrompit Spencer. Docteur si les patients peuvent être déplacés, on devrait y aller.

La voix du chef de la sécurité le sortit de ses lugubres divagations et l’expédition s’agita autour de lui pour ramasser le matériel et se rassembler. Eugène perçut dans leurs esprits la scène qui s’était déroulé sous leurs yeux. Son corps désarticulé qui avait jailli de l’eau, l’explosion des appareils. Il se félicita d’avoir ubiquité car s’il avait été conscient du processus, il aurait probablement pris ses jambes à son cou. Il aurait préféré ne pas se voir décomposé et tordu, avançant comme une marionnette sur le pont. Alors il ferma les yeux et se força à respirer, se rappelant les leçons qu’on lui avait enseigné pour se calmer. Il ne pouvait rien dire, ni même s’excuser de ce spectacle cauchemardesque car cela voulait dire révéler son secret. Peut-être que dans un moment de tranquillité, il pourrait évoquer le sujet avec Carter. Il se laissa contaminer par son esprit euphorique pour contrebalancer tout le reste.

Le soulagement d’imaginer le pont s’éloigner détendit son dos dans le brancard lorsqu’il vit les arbres défiler sous ses yeux tandis que l’équipe médicale poussait son brancard. Mais cette impression ne dura que le temps du trajet inverse jusqu’au complexe militaire. Attirés comme les papillons à une lumière intense au beau milieu de la nuit, il sentit les fantômes d’anciens soldats arriver avant que leurs cris désincarnés ne parviennent à ses oreilles. Heureusement qu'il n'avait rien dans l'estomac car ce dernier se retourna d'appréhension. Un froid mordant se saisit de son corps, dont la sensation familière ne lui avait guère manqué et il serra comme il put ses bras autour de lui comme un instinct de survie. Cela ne le protégea pas le moins du monde puisque des ombres fugaces et nerveuses dansèrent au coin de sa vision, se mêlant au commun des mortels qui ne pouvaient pas les voir. Il entendit évidemment les machines qui le monitoraient s’agiter alors il préféra rassurer Carter immédiatement.

— Ce n’est rien… juste les fantômes…

Il ne se rendit compte qu’après du peu de réassurance qu’offrait ses paroles. Il aurait voulu ajouter qu’il avait l’habitude. Sa paix n’avait été que de courte durée mais il acceptait son sort et leur fureur de le voir revenu tandis qu’ils continuaient d’errer là, perdus dans les limbes de leur passé. Il se souvint que le médecin avait peut-être offert une solution à cette tourmente aussi. Même vivant, il se voyait mal se passer de l’aide de Fanella.
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# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Dim 15 Mai - 22:14
Carter avait rassuré Eugène du mieux qu’il avait pu à travers sa propre émotion qui le submergeait. Il allait bien. Physiquement Fanella allait bien aussi et il n’y avait pas de raison de penser que les choses ne pourraient pas s’améliorer. L’opération avait été un succès au delà de toutes leurs espérances. L’ancien fantôme était évidemment affecté par l’état de la jeune femme.

— D’accord… balbutia Eugène. Je suis désolé... je ne voulais pas qu'elle se retrouve... dans cet état.

Le médecin s’efforça de lui sourire.

— Souviens-toi ce qu’on a dit, elle a pris sa décision. Ce n’est pas de ta faute. Et encore une fois, c’est impressionnant, mais sans gravité. Je préfère qu’elle soit comme ça que très agitée par exemple.

Jonathan regarda Eugène, le visage toujours aussi fermé.

— Oui, elle a fait son choix. Elle l’a revendiqué après tout.

Le chercheur était en proie à des sentiments mitigés. Une partie de lui était heureux que l’expérience ait réussi et même qu’Eugène soit envie. Il était d’accord avec Fanella pour dire qu’il ne méritait pas de mourir comme il l’avait fait, ni de passer toute une éternité dans l’entre deux. Mais cet homme face à lui, dans ce corps lui semblait comme un étranger qui aurait eu le même visage que quelqu’un qu’il avait connu. Il n’arrivait pas à secouer cette impression dérangeante.

Quelque part dans la brume de son esprit, Fanella avait senti comme un contact sur sa main. Cette main, c’était la sienne oui. Elle se souvenait l’avoir regardée sur la plage. Après, il s’était passé quoi déjà ? Elle ne savait dire où elle était mais elle serra faiblement les petits doigts en retour parce qu’ils lui procuraient un agréable sentiment de chaleur.

Carter ne manqua pas de remarquer ce léger contact. Un peu attendri il n’osa rien dire pourtant. De toute façon Spencer ordonna que le convoi se remette en route et le mouvement sépara les brancards. Le convoi s’enfonça dans les bois, cheminant tranquillement sur les chemins où ils avaient couru, complètements paniqués. Un vent calme agitait les arbres. Bientôt, ils s’enfoncèrent à nouveau dans le complexe et alors Carter s’étonna de voir les machines se brouiller. L’électrocardiogramme bipait aléatoirement, les écrans se brouillaient.

— Oh la la, c’est pas bon ça… souffla-t-il.

Eugène allait bien mais l’idée de pouvoir lire ses constantes à tout moment le rassurait. Son retour était si récent après tout. Qui pouvait prédire les effets secondaires de pareille expérience ?

— Ce n’est rien… juste les fantômes…

Carter regarda autour de lui, un brin paniqué, mais il ne vit rien. Les machines continuaient de s’affoler. L’idée qu’il y avait là des spectres qu’il ne pouvait pas voir ne l’aidait pas à rester calme. Dans son brancard non loin Fanella restait toujours aussi inerte, indifférente, calme.

— Je vais rallumer la machine,
commenta Jonathan en faisant glisser le sac qui contenait l’appareil sur son ventre. Il pressa quelques commandes et la petite tour qui dépassait du sac s’alluma d’une lumière bleutée.

Jonathan ne les voyait pas mais les fantômes furent repoussés. Ils s’agitèrent vainement à la frontière, rendus muets comme si soudain le médecin son équipe Jonathan et Eugène s’étaient trouvés dans une bulle de verre. Dans cette bulle et au dehors, les pensées des autres lui étaient désormais inaccessibles. Les machines elles avaient retrouvé leur calme et Carter lâcha un léger soupire de soulagement.

Le petit convoi progressa rapidement jusqu’à la grille du complexe. Ensuite il fallu avec mille précautions descendre le sentier entre les arbres. Parfois le brancard de Fanella doublait le sien, et alors Eugène pouvait l’apercevoir brièvement. Le regard vers le ciel, elle observait le ciel, écoutait le vent. Peu à peu, la mémoire lui revenait. L’expédition, le voyage, la plage… Eugène. Tout cela lui semblait si flou et si lointain.

— Eugène ? appela-t-elle très calmement. Eugène où es tu ?

Dans son esprit encore confus. Elle s’attendait le voir flotter au dessus d’elle sous sa forme spectrale, tel qu’elle le connaissait.
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# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Lun 16 Mai - 9:15
Fanella avait pris sa décision, ce n’était pas de sa faute. Eugène se répéta les mots de Carter en boucle comme un mantra pour tenir à l’écart les regrets et se concentrer sur sa propre survie. Il devait bien ça à son amie. Mais plus le temps passait et plus il s’éloignait du pont, plus son corps lui faisait ressentir qu’il était bien là. Qu’il avait enfreint les règles de la nature, soulevé un tabou. Et les fantômes du complexe qui se jetèrent sur lui en furent les premières conséquences. Le pire cette fois était qu’il reconnaissait une bonne partie des visages. Les appareils de mesure qu’on avait relié à lui s’alarmèrent autant que l’esprit du médium de cette situation et Carter céda à la panique lorsqu’il expliqua qu’il s’agissait des fantômes hantant le complexe.

Bien sûr, personne d’autre que lui ne les voyait. Leur cerveau n’était pas une antenne radio reliée à l’entre deux, un phare dans la nuit, un aimant à morts. Il crut entendre Jonathan expliquer qu’il allait rallumer la machine et de l’agitation autour de lui mais les cris des âmes qui se demandaient ce qui leur arrivait couvraient l’esprit des vivants. Puis au milieu de cette marée d’ombres, il le sentit. Eugène voulut reculer dans son brancard lorsqu’il tourna la tête pour voir le corps de Volgin émerger d’un mur dévoré par le lierre et se diriger droit sur lui. Sa peau était couverte de sang, sa tenue brûlée mais plus il avançait, plus sa rage corrosive semblait se transformer en quelque chose de malsain. Lorsque les souvenirs douloureux de sa mort saturèrent l’esprit d’Eugène, sa respiration s’emballa. A l’instant où il aurait voulu crier cependant, une lumière bleue sembla les faire tous disparaitre et il se retrouva la bouche ouverte, hébété. Il ne percevait plus rien, comme l’autre soir où il s’était réfugié dans sa chambre. Rien d’autre que lui. Son corps se réchauffa doucement et son cœur se calma. Il sursauta néanmoins lorsqu’il entendit Carter soupirer à côté de lui, comme s’il avait cessé d’exister au moment où il avait cessé de percevoir son esprit.

— Merci, souffla-t-il à Jonathan qui avait réussi à allumer la machine. Je savais que mon répit ne serait que de courte durée... mais je pensais qu’ils me laisseraient en paix un peu plus longtemps que ça...

Il espérait que l’équipement tienne le coup. Même s’il ne sentait plus la présence des fantômes, il savait très bien qu’ils risquaient de suivre cette petite bulle qui les protégeait. Et de lui sauter dessus une nouvelle fois dès que l’occasion se présenterait, Volgin le premier. Il se rassura un peu en se disant qu’il ne pouvait rien lui faire. Que cette fois, son esprit avait le dessus tant qu’il ne se laissait pas dépasser. Qu’il pouvait menacer de le repousser pour le forcer au calme. Eugène soupira de soulagement lorsque les grilles du complexe disparurent derrière lui.

— J’espère que je n’aurais jamais à revenir ici, souffla-t-il.

Il retrouvait peu à peu le plaisir de s’habituer à ressentir, à redécouvrir ses cinq sens. L’odeur boisée et humide de la forêt l’apaisa tant qu’il pouvait s’imaginer être dans une autre que celle-ci. Il se demandait si le lac de Salt Lake City sentait les embruns comme la mer. Et la nourriture ? Il se demanda même quelle odeur pouvait bien avoir Fanella et rêva de la serrer dans ses bras à son tour. Elle passait parfois à côté de lui dans la descente et elle lui semblait toujours aussi perdue et figée. Son cœur se serrait à chaque fois que ses yeux se posaient sur elle. Et finalement, alors qu’ils n’étaient plus très loin du campement, il crut l’entendre l’appeler.

— Eugène ? Eugène où es tu ?

Sa voix semblait calme, comme ces matins où elle venait de se réveiller et cherchait son fantôme du regard. Aujourd’hui, sanglé dans son brancard, Eugène était bien en peine de venir flotter à ses côtés, ou ne serait ce que se relever. Même dans un lit il n’aurait sans doute pas réussi, il se sentait encore bien trop faible. Seule sa voix semblait prendre de l’énergie et de la force à chaque fois qu’il l’utilisait. Il s'agita un peu, essayant de faire porter sa voix jusqu’à elle.

— Fanella je suis là, juste un peu derrière toi. Je suis désolé je ne peux pas trop bouger.

Mille mots se bousculaient au bord de ses lèvres, qu’il devait restreindre. S’il débordait et déversait sur elle le chaos confus de ses pensées, elle risquait de repartir dans la conscience brumeuse de laquelle elle semblait sortir, ou de ne rien comprendre. Il voulait juste savoir comment elle allait, s’excuser, la remercier pour absolument tout, la couvrir de son immense reconnaissance.
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# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Mar 17 Mai - 22:42
Carter avait été soulagé de voir les machines qui surveillaient l’état de santé d’Eugène revenir à la normale. Jonathan portait sur son don la machine tampon qui luisait d’une lumière bleue tranquille. Le médecin se demanda l’espace d’un instant comment Eugène avait vécu sans cet appareil. Il avait forcément du fréquenter d’autres endroits comme ce complexe, avec une forte concentrations de fantômes. Sans parler des champ de bataille évidemment. Il se demanda également jusqu’à quel point les fantômes pourraient s’éloigner de leur lieu, et suivre Eugène. Si les hypothèses qui se formaient dans son esprit étaient bonnes, alors il agissait comme un espèce de générateur qui attirait à lui les fantômes et leur rendait en même temps leur lucidité. Mais il se pouvait très bien qu’il se trompe. Il l’espérait sans quoi soutenir Eugène par la suite pourrait s’avérer compliqué. Ou alors, la priorité serait de concevoir une machine tempon portative.

— Merci,
souffla Eugène. Je savais que mon répit ne serait que de courte durée... mais je pensais qu’ils me laisseraient en paix un peu plus longtemps que ça...

Cela confirmait en quelques sortes les craintes de Carter mais mieux valait ne pas mettre la charrue avant les boeufs. Il y avait d’autres problèmes plus urgents comme par exemple qu’Eugène puisse retrouver un semblant de mobilité. Le médecin n’avait aucune idée de comment l’esprit était relié au corps. Pour sur, ce qui allait suivre permettrait de faire des hypothèses passionnantes à ce sujet.

Bientôt les grilles du complexe furent derrière eux et Carter ne fut pas fâché de quitter ce lieu qu’il savait être hanté pour retrouver la quiétude de la nature.

— J’espère que je n’aurais jamais à revenir ici,
souffla-t-il.

— Moi aussi, répondit le médecin, cet endroit me donne la chair de poule.

Il se passa encore quelques heures de précautionneuse descente. L’équipe approchait du camp lorsque soudain Fanella sembla reprendre quelque peu ses esprits. Carter abandonna Eugène dont les constantes étaient stable pour se tourner vers elle. La jeune femme semblait toujours aussi calme, juste curieuse.

— Eugène ? Eugène où es tu ?
demanda-t-elle.

La brume s’étiolait peu à peu dans l’esprit de Fanella. Que s’était-il passé déjà ? Que faisait-elle sur ce brancard à cheminer dans la forêt. Elle se souvint la douleur de l’ascension de la veille. Peut-être ne pouvait-elle plus marcher ? Non ce n’était pas cela. Elle avait vu le pont, elle avait vu la plage. Elle regardait les évènements comme à travers une longue vue. Une vague inquiétude commençait à s’emparer d’elle alors elle fut rassuré d’entre la voix d’Eugène.

— Fanella je suis là, juste un peu derrière toi. Je suis désolé je ne peux pas trop bouger.

Elle sourit, rassurée, avant de réaliser que quelque chose clochait définitivement. C’était sa voix oui, mais elle était rauque et il y avait dans son timbre un changement presque imperceptible. Son coeur fit un bond dans sa poitrine. Elle aperçu Carter qui faisait signe à d’autres infirmiers d’approcher. Elle cru qu’elle allait exploser lorsqu’elle le vit, dans son corps, les yeux ouverts un léger sourire sur le visage.

— Ça a marché…
souffla-t-elle, incrédule…

Des larmes roulèrent sur ses joues sans qu’elle s’en rende compte lorsqu’elle tendit la main vers lui. Elle avait besoin de le toucher pour sentir que c’était réel. Elle voulu se lever mais elle était toujours attachée ce qui fit monter l’angoisse d’encore un cran. Des images diffuses et incohérentes de corps attachés jaillirent dans son esprit, vives mais étrangères.

— Attends, attends, calme-toi, essaya Carter.

On posa les deux brancards au sol, sur la pente précaire du chemin. Fanella se leva dès qu’elle put et trébucha, alors que le longs sanglots naissaient dans sa gorge. Dès qu’elle put elle s’agenouilla pour prendre Eugène dans ses bras, inonder son torse de larmes et prendre ses cheveux dans ses doigts tremblants.

— ça a marché, ça a marché  ! répétait-elle.

Elle était si heureuse qu'il soit là. Vraiment là.
Fanella Ozark
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: But the monsters turned out to be just trees so... are we out of the woods ?Mer 18 Mai - 13:43
Alors que l’équipe descendait précautionneusement vers le camp, Fanella sembla retrouver ses esprits. Lorsqu’elle l’appela, Carter et les infirmières partirent la rejoindre. Eugène ne pouvait pas accéder à ses pensées tant qu’il était au sein de la bulle crée par la machine tampon et l’inquiétude s’empara de lui. Est-ce qu’elle allait bien ? Il lui fit savoir qu’il était juste là à ses côtés mais qu’il ne pouvait pas bouger dans son état. Elle parvint à tourner son visage vers le sien et leurs regards se croisèrent enfin. Elle ne faisait pas que le traverser des yeux et lorsque la réalité le frappa encore une fois, il lui adressa un sourire maladroit. Un vrai, chargé d’émotion, de vie.

— Ça a marché…

Des larmes perlèrent au coin des yeux du médium et son sanglot s’étouffa au fond de sa gorge, transformé en un éclat de rire nerveux. La chercheuse tendit son bras vers lui et il aurait tout donné pour pouvoir le saisir mais son corps était encore bien trop lourd. Il avait l’impression d’avoir voyagé dans l’espace et d’être revenu sur Terre. Comme les astronautes, les fantômes ne pesaient pas grand-chose et la gravité le rappelait à son bon souvenir. Carter fit poser les brancards au sol et libéra son amie qui se précipita à ses côtés.

— Est ce que ça va ? demanda-t-il, inquiet et perdu de ne pas pouvoir le savoir sans avoir besoin de demander.

Lorsque Fanella le prit dans ses bras, il en eut le souffle coupé. La machine tampon faisait toujours effet et il ne se retrouva pas submergé par ses pensées et ses émotions comme il en avait l’habitude et le réflexe. Par contre, il arrivait à sentir ses mains dans ses cheveux, sa tête contre sa poitrine. Quelle incroyable chose de pouvoir se dire qu’il possédait de nouveau un corps. A chaque geste, elle semblait réveiller quelque chose en lui, lui rappeler qu’il était vivant. Il s’en retrouva bouleversé, incapable d’émettre le moindre son, l’esprit complètement blanc. Son cœur s’emballa dans sa poitrine, ravi de retrouver ces sensations humaines et les larmes dévalèrent finalement le long de ses joues. C’était si époustouflant qu’il en avait le tournis.

— Ça a marché, ça a marché  !

Eugène se rendit compte d’autre chose tandis que sa main faible s’agrippait aux vêtements de la jeune femme en une maigre tentative désespérée pour la réconforter et espérer qu’elle reste encore un peu à ses côtés. Les sentiments de Fanella qui le contaminaient peut-être sous sa forme spectrale depuis le début ne l’influençaient à présent en rien. La machine tampon n’avait pas modifié ce qu’il ressentait pour elle. Une intense gratitude, un bonheur écrasant et bien plus encore, cela ne servait à rien de se mentir. Une partie de lui aurait néanmoins été plus rassurée de pouvoir appréhender ce qui se déroulait dans son esprit. Mais cela voulait aussi dire que les fantômes derrière la bulle protectrice auraient gâché ce moment. Le choix était finalement vite fait. La seule chose qu’il regrettait réellement, c’était l’impossibilité de l’étreindre réellement. La seule manière qu’il avait de passer ses bras autour d’elle était d’user de la télékinésie puis d’attraper ses habits en tremblant car ses mains engourdies refusaient encore de lui répondre totalement. Il devait ressembler à une drôle de marionnette qui contrôlait ses propres fils. Mais au moins, ils avaient droit à ce moment dont ils avaient tous deux tant rêvé.

— Tu m’as ramené, sanglota-t-il d’une voix tremblante. Tu as réussi…

Il sentait les cheveux de Fanella chatouiller le creux de son cou, sa douce chaleur le traverser et il aurait voulu que jamais ce moment ne se termine. Eugène ferma les yeux pour en savourer chaque instant, le graver dans sa mémoire comme un de ses souvenirs les plus précieux avec le retour de ses sens. Sa poitrine tressautait douloureusement à mesure qu’il essayait de calmer ses pleurs.

— Merci… Mille fois merci.

Il avait une dette envers elle à présent, qu’il payerait en profitant de chaque jour à ses côtés. Autant pour qu’elle puisse continuer de faire avancer la science que pour l’accompagner et lui apporter du soutien dans sa vie de tous les jours, si elle l’acceptait.
Eugène (The Sorrow)
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