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Appel vers l'autre monde


 
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Appel vers l'autre monde :: 

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Fanella Ozark
# Appel vers l'autre mondeSam 31 Juil - 18:51
—  Très chers auditeurs, nous vous proposons aujourd’hui dans « Rencontre du troisième type » une personnalité du monde de la recherche.  L’invitée du jour possède plus de diplôme que le commun des mortels ne peut normalement en obtenir  : le bac à 8 ans, plusieurs master avant l’âge de 16 ans et  trois doctorats actuellement. Elle a oeuvré pour la recherche sur  les comas, la maladie mentale, les maladies orphelines mais aussi plus récemment l’antimatière, la physique quantique et actuellement son brillant intellect se consacre à un sujet plus mystérieux encore  : la mort. Une thématique bien morbide pour cette jeune femme de 25 ans  ! Mes amis, la personnalité la plus loufoque de la semaine, la voici, l’incroyable Fanella Osark. Bonjour, Fanella, merci d’avoir accepter cette interview.

— Avec plaisir.

— Tout d’abord, pouvez-vous nous raconter quelque peu le cheminement qui vous a amené à étudier la mort  ?

— Eh bien je discutais avec quelque collègue du laboratoire de l’Université de Yale qui plaisantaient sur le fait que certaines rumeurs relient l’antimatière à l’au delà. Cette idée à fait son chemin dans ma tête. Je me suis rendue compte que la question de la mort avait l’objet de beaucoup d’écrits théologiques ou mythiques. Il y aussi tout le travail des amateurs, ceux qu’on appelle « les chasseurs de fantômes ». Mais la littérature scientifique sur le sujet s’avère être d’une pauvreté affligeante. Je me suis figurée qu’on comprendrait mieux la nature du vivant et de notre conscience au monde si l’on comprenait mieux la mort.

— Partant de ce constat comment avez-vous procédé ?

— Eh bien, j’ai commencé comme les professionnels de terrain, j’ai disposé des capteurs de température et divers matériaux d’enregistrements dans des endroits réputés pour une présence importante de forces occultes. J’ai ajouté à cela les hôpitaux. Ce sont d’ailleurs ces seconds lieux qui ont donné le plus de résultats. Cependant les occurrences de phénomènes étranges restaient très réduites, et peu significatives statistiquement, par conséquent, je me suis intéressée aux situations où ils apparaissaient et je me suis demandée pourquoi elles différaient des autres.

— Et qu’avez-vous découvert ?

— Eh bien, le matériel utilisé était toujours plus ou moins défectueux, des anomalies mineures qui ne l’empêchait pas de fonctionner normalement, mais tout de même. J’ai d’abord cru que ces anomalies constituaient l’explications mais elles étaient en réalité causés par les phénomènes paranormaux. En étudiant ces anomalies j’ai compris que les entités que j’ai pu enregistrer se composent d’au moins deux choses  : l’antimatière et les ondes inversés. Ce ne sont là que deux éléments parmi ce que je suppose être beaucoup d’autres dont nous ignorons tout. Ce sont deux choses qu’on observe que très rarement et dont on ne faisait que supposer l’existence jusque là pour des raisons mathématiques. Ces deux éléments n’apparaissent que lorsqu’au niveau submoléculaire un atome qui se trouve à deux endroits et dans deux temporalité différentes, oscille selon une certaine fréquence. Il existe en physique quantique une théorie qu’on appelle la théorie performative, autrement dit l’état de la matière toujours ce à degré de l’infiniemment petit n’est fixé que lorsqu’un observateur est présent. Nous pensons que nous vivons dans le monde et que nous l’observons. En réalité le monde serait un vaste chaos que nous organisons par notre perception à chaque instant. Cette portée performative de notre volonté peut alors être pensée comme un langage que les ondes inversés par une oscillation quantique imprime sur…

— En tout cas, vous avez conçu un moyen de communiquer avec l’au delà n’est-ce pas ?

— Pardon, je m’égare, oui, en effet. Normalement, mes équipes techniques devraient terminer le travail de programmation et la constitution de la machinerie ce soir.

— Donc ce soir, vous allez établir cette connexion mais c’est un moment historique  !

(Rires nerveux de la part de l’invitée)

— Je n’en sais rien. De toute façon je répéterais l’expérience tous les soirs de la semaine quand bien-même cette première tentative serait un succès. La démarche scientifique est basée sur la reproductibilité de… 

— Un sacré programme  ! Avant que nous nous quittions une dernière question.

— Oui ?

— Croyez-vous à l’au delà et aux esprits ?

— Lorsque j’ai commencé mon travail je n’y croyais pas. A présent j’y crois car je pourrais ajouter quelques témoignages inquiétants à ceux qui circulent déjà sur le net. Pour autant, je n’ai jamais été capable de démontrer l’existence de l’au delà scientifiquement de manière formelle et encore moins de parvenir à une théorie complète et cohérente qui puisse l’expliquer. Alors vous avez raison oui, pour l’instant tout ceci relève de la croyance.


Lorsque Fan sortit du studio de la radio elle s’engouffra aussi vite que possible dans le taxi qui devait la conduire au laboratoire de l’université de Salt Lake City. Son bâtiment brillait de milles feux malgré l’heure tardive. Elle avança dans les couloirs jusqu’au sous sol sous les néons en rasant les murs, répondant maladroitement aux commentaires, questions, invectives. L’effervescence dura jusque tard dans la nuit car elle ne voulait rien laisser au hasard. La tension montait peu à peu mais elle atteignit son comble lorsque les couloirs se vidèrent peu à peu. Elle alla se rafraîchir aux toilettes avant l’heure fatidique. Le silence était total. Le miroir éclairait son petit visage sous la masse de ses cheveux bruns et lisses. Elle lava à l’eau chaude ses grandes lunettes rondes avant de les poser à nouveau sur ses yeux bleus et de se donner un dernier regard d’encouragement dans le miroir.

Mais qu’allait-elle faire ? Et si elle provoquait une catastrophe qui réduisait à néant l’humanité ? Quels effets pourraient avoir ce qu’elle s’apprêtait à découvrir sur le monde ? Elle avait voulu que le laboratoire soit vide avant le début de l’expérience afin qu’aucune autre volonté que la sienne ne la perturbe, mais ses pas dans le silence autour d’elle la faisait se sentir minuscule. Elle poussa la double porte de la salle de communication qui claqua sinistrement. Face à elle se trouvait une gigantesque console en arc de cercle, semblable à celle des studios d’enregistrement. Au dessus, une vitre laissait présager que cette pièce déjà vaste n’était qu’un balcon qui donnait sur une immense salle de la taille d’un grand gymnase. Au centre, un anneau gigantesque se mit à luire doucement lorsqu’elle poussa l’interrupteur. La lumière bleuté gicla sur tout l’enchevêtrement complexe de tuyaux, pistons, compression, différentiels, refroidisseurs, capteurs… La machine ressemblait à la caverne d’Alibaba qui aurait été écrasée par un énorme donut à la menthe.

Elle ouvrit le micro alors que le sifflement augmentait. Tous les indicateurs étaient au vert. Elle se racla la gorge. A ce moment précis elle réalisa qu’elle n’avait aucune idée de quoi dire. Toute sa timidité maladive la rattrapa d’un seul coup. Tant de gens pouvaient potentiellement l’entendre. Elle n’avait aucune idée de la portée de son appareil dans l’espace et le temps.

— Euh…bonjour ? Est-ce.. pardon de vous déranger est-ce que… quelqu’un m’entends ?


L’onde de choc caractéristique retentit, faisant trembler le plexiglass qui la séparait du monstre de metal qu’elle avait créé. Quoiqu’il en soit, le message était parti. Tous canaux ouverts, elle attendit une réponse.
Fanella Ozark
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Appel vers l'autre mondeSam 31 Juil - 18:56
Stand in the ashes of a trillion dead souls and ask the ghosts if honor matters.

Si la mort était un océan, Eugène était la plage. Son corps s’érodait, frappé, rongé par les vagues incessantes. Parfois des ouragans de réalité crue l’ensevelissait. Parfois la mer calme ne faisait que l’effleurer. Mais il était toujours là, dans cet entre-deux, piégé entre la vie et la mort. Il avait déjà tenté de suivre les fantômes qui s’enfonçaient sous ses yeux dans ces eaux noires. Les flots avaient toujours recraché son esprit maudit sur la plage. A contrario, faire demi-tour et revenir au monde réel avait toujours été plus facile. Du moins quand il avait encore des attaches ici-bas. Ses amis… sa femme… son fils. Ces personnes qui lui étaient chères et qu’il s’était promis de protéger même dans la mort. Qui l’avaient toujours rattaché à la vie, en fait. Elles avaient fini par le rejoindre, chacune à leur tour et il avait profité de ces moments de plénitude. Puis elles s’étaient estompées, elles aussi, dans cet océan infini, le laissant à jamais seul, condamné à errer dans l’infini du vide.

Eugène avait mis des années à le comprendre ; il était le passeur. La dernière âme qui guidait toutes les autres dans la mort. De son vivant, elles s’amassaient autour de lui, criaient à ses oreilles, mordaient, frappaient, griffaient en quête d’attention, puis fatiguées et lassées, finissaient par le laisser tranquille. Tout comme on avait fait de lui une arme pour la guerre, un chien de l’armée, il avait maîtrisé cette malédiction de naissance pour en faire une force à exploiter, maîtriser. Il était devenu le plus puissant médium de son temps, le plus terrifiant des espions. Il était mort dans l’indifférence comme il l’avait au final souhaité toute sa vie.

Cela faisait des années qu’il n’était pas revenu sur Terre, n’ayant plus aucune attache pour que l’envie le prenne. Aujourd’hui cependant il se sentit tiré par une étrange force et une voix qui émergeait de lointains méandres. Son esprit attiré comme un papillon par la lumière sembla émerger d’un rêve brumeux. Son corps fantomatique inspira profondément lorsque derrière ses lunettes ses yeux vitreux s’ouvrirent sur une pièce étrange. A l’extérieur, un éclair déchira le ciel et une pluie battante se mit à tomber sur Salt Lake City, comme à chaque fois un étrange signe annonciateur de son arrivée. Comme tout bon esprit qui se respectait, il faisait baisser la température et s’emballer la pression atmosphérique ou les objets électroniques, à des niveaux toutefois un peu plus élevés que ce que le monde devait avoir l’habitude de rencontrer. Dans les radios, une marée de cris décharnés se faisaient entendre pour s’estomper au fur et à mesure qu’il s’ancrait dans la réalité, quittant ce monde immatériel rempli d’âmes en peine qui était devenu le sien près de 60 ans plus tôt.

En soi il n’avait jamais eu aucun mal à se matérialiser devant des gens. Il n’utilisait toutefois cette capacité qu’avec parcimonie et en présence de gens dignes de confiance. Ici, avec l’énergie qui l’entourait, sa présence se fit observer un peu malgré lui. Il semblait flotter au centre de la pièce, comme à l’intérieur d’une piscine invisible. Ses longs cheveux argentés ondulaient autour de son visage fin et même ses habits militaires semblaient emportés par d’étranges ondulations. Il se tourna alors vers la seule présence qu’il ressentait par-delà les murs et les vitres. Curieux, il s’en approcha lentement. La voix qui l’avait attiré ici… était-ce la sienne ? Son cerveau était plein de calculs scientifiques qui faisaient peu de sens pour quelqu’un comme lui.

- Bonjour, la salua-t-il de sa voix grave et posée. Est-ce vous qui m’avez appelé ?

Ses mots portaient toujours l’accent russe maladroit de son pays natal. Il n’avait appris l’anglais et de nombreuses autres langues que tardivement dans sa vie, quand il avait été jeté au milieu de guerres qui n’avaient pour lui aucun sens. Mille et une questions se bousculaient dans son esprit ; où était-il ? comment avait-elle réussi à le joindre ? Il avait le sentiment que cette pièce dans laquelle il se trouvait était étrange, peut-être trop réelle à son goût et chargée en énergie. Il n’était pas sûr de pouvoir en repartir. Était-il de nouveau au cœur d’étranges manigances dont il ignorait tout ? Cette scientifique était-elle une alliée ou une ennemie ? Balloté par le courant de se pensées, son regard s’était perdu au loin jusqu’à ce qu’il trouve la volonté de poser une nouvelle question.

- Qui êtes-vous ?
Eugène (The Sorrow)
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Fanella Ozark
# Re: Appel vers l'autre mondeSam 31 Juil - 19:05
Lorsque l’onde de choc retentit il ne se passa d’abord rien. Au bout de quelques secondes, Fanella conclut que l’expérience n’avait pas fonctionné. Elle n’était pas surprise, il aurait été hautement improbable qu’elle obtienne des résultats dès sa première tentative. Le nez dans ses carnets de note, elle ne vit pas d’abord les capteurs s’agiter. Un léger bip d’avertissement de seuil attira d’abord son attention. Ses yeux se promenèrent d’un écran à l’autre un instant encore avant qu’elle réalise que de toute évidence, quelque chose d’anormal se produisait. Les courbes s’agitaient, les voyants se mirent à virer à l’orange puis au rouge. Au centre de la pièce le générateur d’antimatière passa du bleu au blanc en quelques secondes. Bientôt la lumière fut si aveuglante qu’elle ne put que se recroqueviller au fond de la pièce, contre la double porte, couvrant ses yeux de ses mains.
L’onde de choc la terrifia, elle crut l’espace d’une seconde que le monde allait s’ouvrir en deux. Malgré tout la vitre de verre trempé tint bon. Le noir se fit brusquement et elle rouvrit les yeux. Dans la grande salle plusieurs capteurs et potentiomètres explosèrent dans une gerbe d’étincelles comme des feux d’artifices. Dans un réflexe de survie, elle attrapa le levier de seuil pour l’écraser sur la plus haute valeur possible. Il ne fallait pas perdre son sang froid, il se passait quelque chose de totalement inédit. Agitée par les calculs de valeurs qu’elle faisait de tête pour ne pas perdre de temps, elle ne vit pas d’abord la chose se matérialiser. Il lui fallu encore une dizaine de seconde pour stabiliser l’ensemble et si la machine se trouvait à présent presque aveugle et sourde, les organes vitaux étaient saufs. Malgré tout, elle était terrassée par le sentiment d’avoir commis une terrible erreur. Frénétiquement, elle notait les données et tentait d’en tirer du sens, mais ça n’était pas du tout ce qu’elle avait prévu et les courbes d’ordinaires si tranquilles se contredisaient entre elles.

- Bonjour,demanda une voix tranquille, est-ce vous qui m’avez appelé ?  

Ce son lui arracha un cri et un sursaut qui la propulsèrent à l’autre bout de la pièce à nouveau. Sur son passage, Fanella avait renversé la chaise de bureau ainsi qu’une grosse unité centrale. Terrorisée, elle se redressa pour oser jeter un regard timide à travers la grande vitre. Elle s’était habituée aux voix d’enfants dans les magnétophones, aux objets qui se déplacent seuls, aux murmures… Rien ne l’avait préparée à cela.
Au dessus du cercle bleu du générateur une silhouette évanescente flottait. Elle aurait pu aussi bien se trouver sous l’eau mais la présence qui s’en dégageait indiquait indéniablement que ça n’était pas qu’une image. Il y avait quelqu’un là, avec elle, tout près. Une personne qui n’était pas de ce monde. Les longs cheveux blancs de l’homme flottaient autour de lui et sa tenue militaire se dissolvait dans l’air.
La chercheuse prit son courage et força son intellect à se remettre en route. Qui qu’il soit, il était plus juste de dire qu’il n’était plus de ce monde. En revanche son accent russe et sa tenue indiquait qu’il en avait fait parti à une époque qu’elle pouvait se représenter. Ce constat lui permis de montrer son visage blanc au dessus de la console de contrôle.

- Qui êtes vous? demanda la créature d’une voix où elle perçu une certaine méfiante.

Par miracle, Fanella se souvint des conseils de la thérapeute qu’elle avait vu durant son adolescence pour essayer de lutter contre son anxiété sociale. Le moins qu’on pouvait dire, c’est que cela n’avait pas été une réussite. Mais elle parvint à se forcer à respirer, lentement, trois fois. Se concentrer sur le point de vue de son interlocuteur… se concentrer…. Oui, à sa place aussi, elle se serait méfiée. Il ne devait rien comprendre à ce qui lui arrivait.

Fanella se redressa quelque peu et tendit une mains tremblante vers le gros bouton rouge qui servait à ouvrir le micro qui permettrait que son interlocuteur l’entende à travers le verre. Elle n’aurait jamais pensé qu’il servirait à cette fin. La première chose qui lui vint, fut quelque chose qui ressemblait à ses phrases toute prêtes de début de conférence.

- Je… je m’appelle Fanella Ozark , vous êtes à l’université de Salt Lake City au laboratoire de recherche sur les propriétés de l’antimatière…

Elle hésita malgré tout, le souffle coupé.

- Je… j’effectue des recherches sur… la nature exacte de la mort…et de.. l’au-delà.


Enfin, sa nature curieuse la rattrapa.

- Et vous… qui êtes-vous… vous… vous… n’êtes pas un fantôme ordinaire.

C’était la seule explication au fait que l’onde ce choc avait été si puissante. Ou peut-être était-ce parce que celui-ci se tenait plus « près » de ce monde dans un sens qu’elle ne pouvait définir ?
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Appel vers l'autre mondeSam 31 Juil - 19:10
Eugène semblait avoir quelque peu oublié que sa présence pouvait susciter de l’effroi. La mort et les fantômes avaient été sa normalité toute sa vie, comme celle de son entourage qui s’y était habitué. Personne n’avait été réellement surpris, à l’époque, de le voir hanter leurs pas. Se matérialiser face à une scientifique aux pensées concrètes, animées par la logique, devait chambouler toute sa vie. En même temps, n’était-ce pas la préoccupation qui vivait dans ses pensées, de trouver un esprit ? Il tenta de lui sourire de manière rassurante lorsque sa tête livide lui apparut à nouveau et qu’il put croiser son regard. Intrigué et méfiant, il la questionna sur son identité, incertain qu’elle soit une amie ou une ennemie. De ce qu’il voyait en elle, elle ne semblait nullement là pour le piéger. Elle hésita tant avant de lui répondre qu’il sut à travers son esprit ce qu’elle allait dire avant même que les hauts parleurs ne lui transmettent ses paroles.

- Je… je m’appelle Fanella Ozark , vous êtes à l’université de Salt Lake City au laboratoire de recherche sur les propriétés de l’antimatière… Je… j’effectue des recherches sur… la nature exacte de la mort…et de... l’au-delà.

L’antimatière lui était quelque chose de totalement inconnu. Il était mort en plein milieu de la course à l’espace entre la Russie et les Etats-Unis et il n’y avait pas beaucoup de magazines de science à feuilleter une fois mort. Mais puisqu’elle parlait de l’au-delà, il comprenait que les années d’avancées scientifiques et technologiques avaient permis de relier ces deux aspects de la science. Il se sentait comme un petit microbe dans une boite de pétri, prêt à être analysé. Aussi surprenant que cela puisse paraître, Eugène trouvait cette condition amusante ; la Russie l’avait habitué à bien pire dans sa jeunesse, avec les camps d’entraînement censés développer ses pouvoirs. La douleur ne l’atteignait plus, il n’avait plus de corps pour la ressentir et cette situation brisait la monotonie aussi raide qu’un cadavre de son existence.

- Et vous… qui êtes-vous… vous… vous… n’êtes pas un fantôme ordinaire.

Son sourire s’agrandit davantage tandis qu’il s’approchait encore de la vitre pour l’observer de plus près. Cette jeune et curieuse dame était très perspicace et il était heureux de tomber sur quelqu’un avec un esprit aussi vif, qui ne tournait pas autour du pot.

- Je m’appelle Yevgeny mais tout le monde m’a toujours appelé Eugène… ou The Sorrow, déclara-t-il tandis que son regard se perdait dans ses souvenirs pour souffler une petite clarification du bout des lèvres. Mon nom de code, à l’armée.

Yevgeny faisait trop russe lorsqu’il avait été parachuté dans l’armée américaine pour servir l’effort de guerre contre Hitler et le troisième Reich qui s’étendait et menaçait sa mère patrie, alors Eugène était resté. Il s’était retrouvé dans une unité d’élite expérimentale, avec d’autres soldats possédant des capacités plus ou moins paranormales et aux ordres d’une guerrière au mental d’acier qui allait finir par devenir sa femme. Le sang et les batailles avaient forgé des liens indestructibles dans ce groupe et ses anciens amis lui manquaient beaucoup parfois. Ainsi allait la vie. Ainsi allait la mort. Mais ce n’était pas les souvenirs d’un vieux fantôme qui allaient répondre à la scientifique.

- Vous avez parfaitement raison, je ne suis pas tout à fait comme les autres… De mon vivant j’avais déjà cette étrange capacité de communiquer avec les morts, comme un pied dans la tombe si vous voulez. Je suppose que cela à fait de moi un fantôme très sensible qui s’est retrouvé bloqué entre deux mondes. N’ayez pas peur de moi, on m’a toujours trouvé étrange mais je suis gentil.

Peut-être que Fanella pouvait l’aider à comprendre pourquoi son esprit était incapable de trouver le repos ? Ses années d’errance ne l’avaient amené qu’à des suppositions pour accepter sa condition, la rendre plus tolérable. Il se disait qu’il avait fait défaillir le système dès sa naissance mais il n’avait jamais eu aucune preuve de la véracité des hypothèses qu’il émettait. Ses recherches l’intriguaient en tout cas et il avait pour ainsi dire bien envie d’y participer.
Eugène (The Sorrow)
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Fanella Ozark
# Re: Appel vers l'autre mondeSam 31 Juil - 19:15
Par miracle, Fanella avait réussi à garder un semblant de sang froid, juste assez pour se présenter à son interlocuteur et lui demander qui il était. Plus elle y pensait et moins il lui semblait normal que son arrivée ait à ce point mis à l’épreuve sa machinerie. Elle l’écouta lui répondre, son coeur battant la chamade et avec aucune idée de ce qui allait suivre.

-Je m'appelle Yevgeny mais tout le monde m'a toujours appelé Eugène.. ou The Sorrow, déclara-t-il tandis que son regrad se perdait dans ses souvenirs pour souffler une petite clarification du bout des lèvres. Mon nom de code, à l'armée. Yevgeny faisait trop russie lorsqu'il avait été parachuté dans l'armée américaine pour servir l'effort de guerre contre l'Allemagne Nazie qui s'étendait et mançait sa mère patrie, alors Eugène était resté.



Elle avait donc en face elle le fantôme d’un ancien soldat. Un être humain au destin très différent du sien mais un être humain tout de même. Est-ce que la quantité d’énergie dégagée dépendait de la complexité du vécu de la personne ? La plupart des gens qu’elle avait enregistrés à l’hôpital et qui étaient venu hanter les couloirs étaient des hommes et des femmes ordinaires, morts d’accidents domestiques, de voiture ou de maladie pour la plupart. Il faudrait qu’elle songe à retrouver les donnés sur cette jeune de seize ans qui s’était suicidé et qui s’excusait en pleurant du mal qu’elle avait causé à ses parents par son geste. Est-ce que les chiffres étaient plus importants  ? Elle ne se souvenait pas. Maintenant qu’elle avait moins peur, les questions fusaient dans sa tête. A quoi ressemble l’au-delà. Qu’en sait-il ? Pourquoi est-il resté à l’état de fantôme ? Est-ce que tout le monde reste en cet état ? Qu’en est-il du paradis et de l’enfer ?

Se calmer, il fallait se calmer. Respirer. Une chose à la fois. Le laisser poursuivre. Rester présente avec lui et ne pas se mettre à l’ignorer parce qu’il l’impressionnait comme elle le faisait parfois avec les ingénieurs qui travaillaient pour elle.

-Vous avez parfaitement raison, je ne suis pas tout à fait comme les autres... de mon vivant, j'avais déjà cette étrange capacité de communiquer avec les morts, comme un pied dans la tombe si vous voulez. Je suppose que cela à fait de moi un fantôme très sensible qui s'est retrouvé bloqué entre deux mondes. N'ayez pas peu de moi, on m'a toujours trouvé étrange mais je suis gentil.



Si on le suivait, cet homme n’était déjà pas un être humain ordinaire. Que disait la science sur ces personnes qui disait ent avec cette capacité de parler avec les défunts ?  Elle n’avait pas pensé à étudier le problème par ce biais là mais après tout, il devait bien y avoir quelque chose de commun entre l’âme des vivants et celles des morts et partant de ce principe il n’y avait là rien d’impossible. Il se pouvait tout à fait qu’elle ait conçu une machine qui reproduise ce que certains êtres humains spéciaux savent déjà faire ? Et donc que se passait-il pour eux lorsqu’ils étaient décédés ? Etait-ce pour cela que c’est cet être en particulier qui lui avait répondu ? Et si cela faussait totalement les résultats de l’expérience ? Ce n’était pas grave, dans tout les cas, il y avait là de quoi faire une étude qualitative révolutionnaire mais encore fallait savoir par quoi et par où commencer ? Les donnés récoltées là, chaque seconde, allaient donner des années de travail à des centaines personnes. Antimatière, volonté, communication, langage, ondes inversés, vie et mort, tout cela était lié mais il manquait encore tellement d’éléments pour comprendre la dynamique exacte de…

Fanella s’interrompit dans ses pensées, se souvenant encore une fois des conseils de sa thérapeute  : Ne pas oublier de répondre à son interlocuteur. Exprimer calmement son point de vue. Elle força sur son visage un sourire crispé.

- Je suis euh… enchantée de faire votre connaissance, Eugène. Je suis désolée pour ma réaction je… Je ne m’attendais pas à… Je ne pensais pas que ma machine allait fonctionner du premier coup et encore moins… eh bien encore moins à ce que quelque ch… quelqu’un…vienne à moi, là, aujourd’hui… Aussi… j’ai pris l’habitude d’entendre des fantômes ou de voir leurs manifestations mais c’est la première fois… c’est la première fois que j’en vois un…


La chercheuse força son esprit méthodique à se remettre en route. Elle avait en face d’elle un être conscient capable de s’exprimer. L’éthique voulait qu’avant toute chose elle recueille son consentement pour sa participation à son étude. De plus, se raccrocher au procédures connues l’aideraient sans doute à se calmer et à garder la tête froide.

- J’aurais des centaines peut-être même des milliers de questions à vous poser Eugène… Chaque chose que vous pourriez avoir à me dire est d’un intérêt crucial pour la connaissance… Cependant, je dois vous demander. Seriez-vous d’accord pour que j’utilise les données que je vais récolter pour la science ? Si vous voulez, vous pouvez garder l’anonymat…
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Appel vers l'autre mondeSam 31 Juil - 19:19
Eugène se perdait un peu dans l’esprit rempli de questions de Fanella. Elle pensait à une vitesse si effrénée qu’il avait du mal à la suivre et à tout saisir. Il comprenait maintenant la véritable différence entre ses amis qui avaient toujours connu ses pouvoirs et une personne lambda, qui tombait dans ce monde totalement par surprise. Et encore, la jeune femme avait l’air d’avoir déjà passé beaucoup de temps sur la question, elle ne s’attendait juste pas à ce que son expérience réussisse. Mais il était là aujourd’hui, à parler de sa vraie nature, de ce qu’il supposait savoir de son état.
D’une certaine manière par l’intérêt frénétique qu’elle lui portait, elle le faisait se sentir vivant. Il se sentait presque euphorique, partageait son excitation. Il ne lui en voulait pas qu’elle se perde dans ses pensées, il comprenait que par-delà les élucubrations scientifiques se cachait une souffrance beaucoup plus compliquée et plus ancienne qu’il fallait maîtriser. Il n’osait pas trop plonger sous la surface de peur de se faire envahir, mais de ce qu’il voyait de l’iceberg, il compatissait avec elle. Comme elle essayait de rassembler ses idées pour s’excuser et éclaircir ses intentions, il secoua la tête. Elle ne pouvait pas savoir qu’il était aussi sensible aux pensées et aux émotions des gens. Cela facilitait parfois le dialogue, ou non.

- Je comprends votre réaction… Elle est même plutôt normale je dirais, je ne me vexerai pas parce que vous avez paniqué. Nous avons le temps de discuter ne vous en faites pas, je ne vais pas disparaitre tout de suite.

Concernant la machine de Fanella, elle l’avait surtout guidé et lui donnait un bon regain d’énergie. Il était censé pouvoir se matérialiser sur le monde terrestre mais cela lui demandait beaucoup d’efforts. Grâce à elle, il se sentait exister sans trop se fatiguer et même s’il devait repartir, elle pourrait le rappeler aisément. Il lui sourit davantage quand les questions fusèrent à nouveau.

- J’aurais des centaines peut-être même des milliers de questions à vous poser Eugène… Chaque chose que vous pourriez avoir à me dire est d’un intérêt crucial pour la connaissance… Cependant, je dois vous demander. Seriez-vous d’accord pour que j’utilise les données que je vais récolter pour la science ? Si vous voulez, vous pouvez garder l’anonymat…

L’esprit ne le disait pas, mais il était content qu’on lui porte un intérêt, peut-être scientifique, mais qui ne cherchait pas à abuser de lui ou de ses pouvoirs. Il prit le temps de réfléchir un moment à sa demande car il se doutait sans trop se tromper que ses recherches risquaient d’être détournées. Même mort, il pouvait être utile aux services secrets, tout autant que cette machine qui l’avait amené ici. Son assassinat et même tout son dossier devaient toujours être sous clé, trop sensible pour le public. Alors même si l’engouement le transportait, il préférait être prudent.

- Je serais heureux de pouvoir répondre à toutes vos questions si cela peut faire avancer la science. De mon vivant nous manquions cruellement de temps et de moyens… Cela dit, je ne veux pas vous attirer de problèmes car tout ce qui concerne mon identité, ma vie ou ma mort est normalement classé secret défense. Je ne vois aucun problème à tout vous divulguer, mais pour votre propre sécurité il vaudrait peut-être mieux que ces recherches restent anonymes.

Il s’étira dans le vide à l’intérieur duquel il flottait et pris une seconde pour nettoyer ses lunettes, ancienne habitude qu’il avait gardé de son vivant avant de s’asseoir en tailleur devant la vitre sur un sol invisible. Eugène n’avait jamais eu droit aux interviews, c’était sa première. Il était à la fois intimidé et excité. Et tellement heureux de se rendre utile et de pouvoir contribuer à quelque chose de plus grand que lui qui ne soit pas une guerre ou de l’espionnage.

- Je vous écoute.
Eugène (The Sorrow)
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Fanella Ozark
# Re: Appel vers l'autre mondeSam 31 Juil - 19:27
Finalement, Fanella s’était débrouillée pour reprendre ses esprits et remettre son intellect en route pour affronter l’inconnu qui s’ouvrait à elle. Le fantôme ne lui tenait pas rigueur de la frayeur qu’elle avait eu en le voyant apparaître, il venait de le lui dire. D’ailleurs, il semblait dans l’ensemble plutôt attentif à ses besoins, soulignant qu’ils avaient du temps devant eux pour discuter. Elle ne risquait rien, en tout cas dans l’immédiat à échanger avec lui. Il reviendrait à plus tard de penser aux conséquences de tout cela.

Afin de faire les choses correctement, elle lui avait demandé son consentement, comme elle l’aurait fait pour n’importe quel être humain participant à une étude. Eugène (connaître son prénom avait grandement contribué à faire diminuer sa crainte) sembla reconnaissant et répondit  :

- je serais heureux de pouvoir répondre à toutes vos questions si cela peut faire avancer la science. De mon vivant nous manquions cruellement de temps et de moyens... Cela dit, je ne veux pas nous attirer de problèmes car tout ce qui concerne mon identité, ma vie ou ma mort est normalement classé sercret défense. Je ne vois aucun problème à tout vous divulguer, mais pour votre propre sécurité il vaudrait peut-être mieux que ces recherches restent anonymes.


Cette réponse étonna la chercheuse. Cela voulait dire que l’armée avait probablement d’une façon ou d’une autre utilisé les capacités d’Eugène à des fins guerrières. Pourquoi fallait-il toujours qu’ils veuillent garder pour eux les découvertes importantes ? Le peu qu’ils avaient malgré tout pu amasser aurait pu être d’un intérêt crucial. Une vague angoisse s’empara malgré tout de la jeune femme sensible qu’elle était. Elle n’avait aucune envie d’avoir affaire aux services secrets ou de s’attirer des ennuis. Elle rêvait d’un monde ou l’objectivité scientifique et la curiosité scientifique primait sur les enjeux humains.

- Dans ce cas oui je changerais votre prénom et j’omettrais les détails concernant votre passé militaire tant que faire ce peu si cela vous convient… La dernière chose que je veux c’est me retrouver mêlée à des choses qui dépassent ma recherche.

Eugène semblait satisfait de sa situation. Fanella avait rarement rencontré un sujet d’étude aussi enthousiaste. Elle s’étira comme un gros chat translucide et s’installa en tailleur, flottant au dessus du générateur qui continuait de siffler tranquillement.

- Je vous écoute, déclara-t-il calmement.

Ces trois mots ouvrirent un gouffre sous les pieds de Fanella. Par où allait-elle commencer ? Lui demander de décrire l’expérience subjective de la mort ? Lui demander ce qu’il avait compris de son fonctionnement ? Le faire parler de son quotidien ? Elle regretta de ne pas avoir préparé un entretien semi-directif pour se préparer à cette situation. Elle se força à se calmer.  Il fallait commencer par le début  : cet être qu’elle avait en face d’elle, était-il véritablement mort, stricto sensu ? Il ne fallait pas risquer de prendre un cas particulier pour une généralité. Garder à l’esprit qu’il constituait déjà une forme d’exception était essentiel.

- Tout d’abord, je dois bien comprendre le contexte dans lequel vous évoluez. Vous avez dit tout à l’heure que vous étiez « bloqué entre deux mondes ». Dois-je en déduire que vous n’êtes pas tout à fait mort ? Quel est cet entre deux dans lequel vous évoluez ?

C’était déjà trop de questions à la fois pour une étude qualitative bien menée, mais Fanella s’était laissée emportée par sa curiosité.
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# Re: Appel vers l'autre mondeSam 31 Juil - 19:37
L’armée et les services de renseignement arrivaient toujours à planer tels des corbeaux dans l’esprit d’Eugène, même s’il était mort. Ils avaient été son unique solution, son seul but pour se sentir utile dans la vie, puis le rêve avait viré au cauchemar quand le piège s’était refermé sur lui et qu’il avait dû faire le choix de mourir de la main de sa propre femme lorsqu’on l’avait jugé trop dérangeant. Triste période dont il ne tirait qu’une rancœur amère envers des gens qui n’avaient jamais payé pour leurs crimes. Oh ils avaient fini par mourir eux aussi. Et par être retrouvés par ce fantôme en colère à qui on avait tout pris. Eugène avait tout fait pour qu’ils ne reposent jamais en paix mais si, de son vivant, il pouvait retenir à lui n’importe quelle âme décédée, dans cet état, elles lui filaient entre les doigts comme de la fumée. Ils n’étaient sans doute pas allés au paradis, du moins c’est ce qu’il se disait en consolation.

Il était donc normal qu’il soit réticent à ce que la chercheuse révèle son identité. Lui ne risquait plus grand-chose, sauf si des agents venaient saisir sa machine et tenter de l’enfermer. Fanella pouvait tout perdre. L’anonymat leur siérait mieux à tous les deux et Eugène avait confiance en son discernement. C’était son étude, elle saurait quelles informations divulguer et lesquelles garder précieusement pour elle. Il était ainsi prêt à l’écouter, un sourire amusé sur les lèvres à l’idée de pouvoir faire découvrir son monde à une personne curieuse et avide de connaissances. De nouveau les questions fusèrent dans son esprit et il attendit qu’elle en synthétise une parmi la marée qui déferlait dans son esprit.

- Tout d’abord, je dois bien comprendre le contexte dans lequel vous évoluez. Vous avez dit tout à l’heure que vous étiez « bloqué entre deux mondes ». Dois-je en déduire que vous n’êtes pas tout à fait mort ? Quel est cet entre deux dans lequel vous évoluez ?

- Je peux vous assurer que je suis tout à fait mort depuis un bon moment, avait-il déclaré sans se départir de son sourire et de son air amusé. Tout cela est assez difficile à expliquer… Vous connaissez les expériences de mort imminente ? C'est comme si je n'avais jamais quitté le tunnel.

Joy avait bien fait son travail. On ne se remettait pas vraiment d’une balle dans la tête, ni d’une chute vertigineuse dans une rivière tumultueuse en contrebas.Au moins elle avait respecté son souhait ; une mort rapide et sans souffrance. Il n’avait en effet pas souvenir d’avoir ressenti la moindre douleur. Même pas la balle partir, encore moins la chute.

- Même mort, j’ai pu aisément revenir dans ce monde parce que s’y trouvait encore ma famille et mes amis et j’avais promis de veiller sur eux. J’y étais rattaché pour ainsi dire. Je pensais devoir les attendre et que nous trouverions le repos éternel tous ensemble mais je suis toujours là…

La tristesse de la solitude et du temps impossible à arrêter ou à remonter défigura ses traits et son sourire se perdit dans les souvenirs douloureux et la déception de les voir partir une nouvelle fois. Il avait eu le temps de réfléchir, d’échafauder bon nombre d’hypothèses, allant jusqu’à se demander s’il n’avait pas été maudit dès la naissance. Si cette situation n’était pas une punition divine ou démoniaque à cause de ses capacités qu’on avait longtemps considérées contre nature. Il fallait pourtant se concentrer car Fanella lui demandait d’expliquer des choses assez difficiles à décrire.

- Mon esprit n’a jamais vraiment quitté la terre, c’est simplement que j’ai… des moments de lucidité sur le monde qui m’entoure comme maintenant et d’autres fois j’ai l’impression d’à peine exister, de n’être que planté là, déchiré, au milieu d’une plage sombre devant une mer infinie sans pouvoir choisir quelle direction prendre. J’aimerai emprunter celles des morts, m’enfoncer dans les vagues comme eux mais j’en suis incapable. C’est plus facile de se retourner, de marcher un peu et de revenir ici.

C’était au tour d’Eugène de se perdre dans ses pensées. Lui voyait une plage mais sa femme, lorsqu’elle était arrivée, voyait un carrefour à l’entrée d’une forêt, celle de son enfance. Ils étaient restés tous deux sous le lampadaire rouillé à la lumière jaune des jours durant, sous la pluie, sous le soleil ou l’orage à discuter, rattraper le temps perdu, s’excuser. Puis elle s’était enfoncée dans la forêt sombre par une nuit étoilée après un dernier baiser. Peut-être que cet entre deux était différent pour chaque personne.

- Peut-être que je n’y arrive pas parce que j’ai peur ? réfléchit-il en croisant les bras. Non… en réalité je crains que l’explication ne soit plus terre à terre.

Eugène, s’il avait eu un corps avec un vrai cœur battant, aurait soudain pâli à en faire peur. Comme cela lui arrivait parfois lorsque les souvenirs et les sensations le prenaient à la gorge, il sembla soudain figé et sa voix se fit plus blanche que jamais, presque aussi faible qu’un murmure.

- Mon corps… il est toujours là-bas. Personne n’y a touché, personne ne l’a ramené. Je n’ai ni tombe, ni cendres dispersées… Et l’endroit à l’air de plutôt bien me conserver, je vais finir comme un fossile de dinosaure et rester là encore pendant des millénaires.

Face à ce fugace trait d’humour sorti directement de son inconscient, l’esprit ricana nerveusement et ce son sembla l’éveiller à nouveau. Il eut comme un sursaut avant de se reprendre, confus. Il n'avait pas l'habitude de parler ainsi de son propre corps. Si c’était une manière de rendre la situation moins triste et plus supportable, ça n’en était pas moins gênant.

- Oh ! Parfois je fais vraiment des réflexions étranges, excusez-moi.

Une partie de lui voulait y croire car cela voulait dire que son état était réversible, qu’un jour le repos lui serait également permis, quand la vase de la rivière aurait fini de digérer ses os. Parmi toutes les hypothèses qu’il avait formulées dans son esprit, celle la lui semblait la plus logique. Peut-être suffisamment pour que Fanella y trouve une justification à sa présence en tout cas. Plus il y réfléchissait et moins il voyait une autre explication.
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# Re: Appel vers l'autre mondeSam 31 Juil - 19:40
Ne sachant pas par où commencer Fanella avait tenté de mieux cerner le contexte dans lequel évoluait Eugène. Etait-il une exception, connaissait-il le même sort que toutes les âmes qui étaient passées dans l’au delà ? Etait-ce réellement pertinent de s’exprimer de la sorte pour en parler ? C’est ce qu’elle allait découvrir.

- Je peux vous assurer que je suis tout à fait mort depuis un bon moment, plaisanta-t-il.

Elle se permit un sourire elle aussi. Il avait raison. Tout la question était de savoir exactement ce qu’on entendait par « être mort ». Eugène était immatériel face à elle, du moins c’est ce qu’elle aurait pensé avant de mener à bien son étude. Il était plutôt fait d’antimatière et d’ondes inversés et probablement de beaucoup d’autres choses dont elle n’avait pas la moindre idée et qui échappaient encore et toujours à sa prise.

- Tout cela est assez difficile à expliquer… Vous connaissez les expériences de mort imminente ? C'est comme si je n'avais jamais quitté le tunnel.

Evidemment, Fanella avait étudié tout ce qui se disait sur les expériences de mort imminentes donc elle connaissait bien le sujet.  Lors de ses expériences elle avait observé une inversion d’onde qui se produisait juste un peu après que l’heure du décès ne soit prononcée. Elle jeta un oeil à ses capteurs. La machine lui montrait que les ondes émises par Eugène n’étaient pas complètement inversées. Son récit allait dans le sens de cette hypothèse  : la mort et la vie étaient deux pôles opposés d’un continuum mais sur le fond, rien ne les opposait aussi radicalement qu’on pourrait le penser. Voir les choses de cette façon ouvrait de très nombreuses perspectives qu’elle avait du mal a appréhender. L’idée la traversa que mal réglée, sa machine pourrait tous les envoyer vers la mort. Il faudrait qu’elle soit vigilante à cela.

- En réalité, répondit-elle avec un sourire, ce que vous dites est assez paradoxal. Le sens commun nous pousse à penser que vous êtes mort, mais d’une certaine façon, si vous n’avez pas quitté le tunnel, il se peut bien que vous ne le soyez pas tout à fait. Je suis en train de réaliser que, potentiellement, je n’ai jamais rien entendu qui provienne de l’au delà ou «  l’autre côté » mais que j’ai plutôt été en contact avec cet « entre deux » que vous décrivez. Il nous faudrait tout un nouveau vocabulaire pour désigner ces différents états.

Il serait temps d’y penser plus tard. Pour l’heure elle laissa Eugène poursuivre.

- Même mort, j’ai pu aisément revenir dans ce monde parce que s’y trouvait encore ma famille et mes amis et j’avais promis de veiller sur eux. J’y étais rattaché pour ainsi dire. Je pensais devoir les attendre et que nous trouverions le repos éternel tous ensemble mais je suis toujours là…  Mon esprit n’a jamais vraiment quitté la terre, c’est simplement que j’ai… des moments de lucidité sur le monde qui m’entoure comme maintenant et d’autres fois j’ai l’impression d’à peine exister, de n’être que planté là, déchiré, au milieu d’une plage sombre devant une mer infinie sans pouvoir choisir quelle direction prendre. J’aimerai emprunter celles des morts, m’enfoncer dans les vagues comme eux mais j’en suis incapable. C’est plus facile de se retourner, de marcher un peu et de revenir ici.


Il y avait tant de choses à requestionner dans ce que Eugène venait de dire mais son air triste suscita d’abord l’empathie de la jeune femme. A priori, il n’était pas normal du tout de se retrouver comme cela « bloqué » dans l’entre deux et il devait être dans une solitude immense maintenant que sa famille avait « traversé ». Les mots qu’il employait firent forte impression sur elle «  planté là, déchiré au milieu d’une plage sombre ». Elle se reprit cependant. Ce qu’il était en train de dire c’était surtout que rester là, d’une certaine manière relevait de sa volonté.  Comme si pour mourir vraiment, il avait fallut se suicider, en quelques sortes. Cela allait dans le sens de la théorie performative. Son état d’esprit influençait son devenir bien plus que dans l’univers des choses matérielles.

- Peut-être que je n’y arrive pas parce que j’ai peur ? reprit-il en croisant les bras. Non… en réalité je crains que l’explication ne soit plus terre à terre.

Sa première hypothèse collait avec ce que Fanella connaissait du fonctionnement de la matière et de l’antimatière au niveau quantique. Elle lui semblait donc déjà tout à fait terre à terre, cependant elle était curieuse d’entendre la suite.

- Mon corps… il est toujours là-bas. Personne n’y a touché, personne ne l’a ramené. Je n’ai ni tombe, ni cendres dispersées… Et l’endroit à l’air de plutôt bien me conserver, je vais finir comme un fossile de dinosaure et rester là encore pendant des millénaires.

Cette petite phrase aurait pu passer pour un trait d’humour mais Fanella avait du mal à voir le comique dans cette situation. En plus de mener à bien son étude, elle avait maintenant envie d’essayer de l’aider. En plus, il venait de la mettre sur une voix qu’elle n’avait pas encore explorée  : le lien entre corps matériel et âme.  Elle n’avait jamais pensé à aller voir les corps des fantômes qu’elle avait pu enregistrer. Demain, elle enverrait quelques laborantins faire des tests. Aussi, si elle trouvait le corps d’Eugène faire des mesures pourrait peut-être l’aider. Il serait intéressant alors de déterminer quoi faire pour qu’il puisse partir.

- Oh ! Parfois je fais vraiment des réflexions étranges, excusez-moi.

Ce dernier commentaire rappela à Fanella qu’elle ne devait pas se contenter de rester plongée dans ses pensées pendant que son interlocuteur parlait. Pourquoi cela était-il toujours aussi difficile de tenir une conversation.

- Je trouve que ce que vous dites est au contraire tout à fait pertinent. En fait, les recherches que je mène tendent à montrer que nos pensées, nos états d’esprit ont une réellement influence sur le monde qui nous entoure. Cela est d’autant plus marqué lorsqu’il s’agit d’antimatière de laquelle vous êtes partiellement constitué, toujours selon les hypothèses avec lesquelles je travaille actuellement. Il est d’ailleurs possible que l’espace dans lequel vous vous trouvez, la « plage sombre » en soit constituée en partie également. Autrement dit, la promesse faite à vos proches à pu très littéralement vous retenir sur terre de leur vivant et la peur peut tout aussi littéralement vous empêcher de partir.  En fait avec le temps j’en suis venue à penser que les sentiments voyagent dans le monde (et peut-être même « les mondes » ?)  sur des flux d’ondes inversées.

Fanella se racla la gorge.

- Votre deuxième idée mérite également d’être considérée. C’est un angle que je n’ai pas encore exploré. Je compte mettre mon équipe sur le coup dès demain, pour qu’elle étudie les corps des âmes avec lesquelles nous avons eu contact. On pourrait aussi tout à fait prendre des mesures près de votre lieu de décès ? Pour cela j’aurais besoin de savoir où vous êtes décédé et il y a combien de temps cela s’est produit. Si votre corps se trouve toujours sur place, nous pourrions sans doute le retrouver et étudier les niveau d’oscillation des…

La jeune chercheuse réalisa qu’elle parlait très froidement d’un sujet qui touchait de près l’intimité de la personne a qui elle s’adressait alors elle se reprit.

- Enfin, seulement si vous en êtes d’accord ? Je pourrais en dire très peu à mon équipe si vous souhaitez préserver les détails de votre euh… vie privée…

Elle espéra ne pas l’avoir froissé par son apparente indifférence. Fanella avait toujours eu pour habitude de laisser l’intellect en charge des moments difficiles. Seule l’objectivité de la réflexion lui permettait de venir à bout de sa sensibilité extrême. Pour cette raison, la plupart de ses collègues la trouvaient froide et distante et elle s’en désolait.
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# Re: Appel vers l'autre mondeSam 31 Juil - 19:47
Fanella le comprenait ; Eugène parvenait à le ressentir dans son esprit. Ce qu’il tentait d’expliquer faisait sens à cette scientifique, elle en tirait des justifications et des conclusions qui semblaient logiques et pertinentes. Il avait tant cherché une raison à son état et à ses pouvoirs, de son vivant ou mort. Erré en quête de réponses jusqu’à arriver à des cheminements de pensées qui n’avaient ni queue ni tête et finalement, elle était venue à lui. Elle l’avait appelé et il pouvait enfin mettre des mots face à un interlocuteur qui le comprenait, après toutes ses années. L’esprit solitaire se sentait soudain beaucoup moins seul et cela lui faisait un bien fou. Il ne se rappelait pas la dernière fois qu’il s’était senti aussi vivant. Un cœur imaginaire semblait battre à nouveau au milieu de sa poitrine immatérielle.

- En réalité ce que vous dites est assez paradoxal. Le sens commun nous pousse à penser que vous êtes mort, mais d’une certaine façon, si vous n’avez pas quitté le tunnel, il se peut bien que vous ne le soyez pas tout à fait. Je suis en train de réaliser que, potentiellement, je n’ai jamais rien entendu qui provienne de l’au delà ou «  l’autre côté » mais que j’ai plutôt été en contact avec cet « entre deux » que vous décrivez. Il nous faudrait tout un nouveau vocabulaire pour désigner ces différents états.

Et encore une fois elle avait raison. Son corps était mort mais pas son esprit, donc il ne l’était pas réellement, pas en totalité. Comme elle le disait si bien, toutes les personnes avec qui elle avait parlé étaient elles aussi dans cet entre-deux. Tout était à revoir et elle s’était lancée dans une entreprise difficile mais sans aucun doute enrichissante.

- Rien qu’avec ça, il y a matière à révolutionner pas mal de choses, je vous donne beaucoup de travail on dirait, ironisa-t-il avec amusement. Mais oui, une fois les âmes passées de l’autres côté, elles n’en reviennent effectivement pas pour pouvoir en discuter.

Une fois l’âme disparue, elle le restait, à la seule exception peut-être de certains démons qui revenaient sur terre mais Eugène se tenait éloigné de ces choses-là et s’en méfiait trop pour s’y intéresser. Peut-être qu’au moment venu, il en parlerait à son interlocutrice mais ils avaient déjà tant à se dire. C’était peut-être égoïste de sa part mais il avait beaucoup de choses sur le cœur qu’il lui semblait nécessaire d’exprimer. Il avait fait de son mieux pour lui décrire ce qu’il ressentait et ce qui l’entourait dans cet enfer de solitude qu’il éprouvait. D’être le passeur qui regardait les autres s’en aller sans jamais pouvoir traverser. Il lui avait fait part d’une ou deux théories, celle de la promesse faite à ses proches puis l’horreur de se rendre compte que son corps physique était toujours perdu au milieu de nulle part l’avait saisi aussi fermement que tombe un couperet.

- Je trouve que ce que vous dites est au contraire tout à fait pertinent. En fait, les recherches que je mène tendent à montrer que nos pensées, nos états d’esprit ont une réellement influence sur le monde qui nous entoure. Cela est d’autant plus marqué lorsqu’il s’agit d’antimatière de laquelle vous êtes partiellement constitué, toujours selon les hypothèses avec lesquelles je travaille actuellement. Il est d’ailleurs possible que l’espace dans lequel vous vous trouvez, la « plage sombre » en soit constituée en partie également. Autrement dit, la promesse faite à vos proches à pu très littéralement vous retenir sur terre de leur vivant et la peur peut tout aussi littéralement vous empêcher de partir.  En fait avec le temps j’en suis venue à penser que les sentiments voyagent dans le monde (et peut-être même « les mondes » ?)  sur des flux d’ondes inversées.

Il ne comprenait pas en totalité son bagout scientifique car les ondes inversées et l’antimatière faisaient peu de sens pour lui mais il voyait que cela en faisait pour elle. Elle devait être sur la bonne voie : après tout, que lui restait-il hormis sa volonté et ses émotions ? Il devait forcément y avoir un lien. Il ignorait s’il pouvait emmener son âme sur cette fameuse plage pour lui montrer, si elle était prête à prendre ce risque. Ce n’était peut-être pas pertinent si elle ne pouvait emmener aucun instrument de mesure avec elle. Certains lieux, figés hors du temps, devaient peut-être rester immaculés ainsi. Avant qu’il ait le temps d’acquiescer, Fanella avait déjà rebondi sur le reste de ses explications.

- Votre deuxième idée mérite également d’être considérée. C’est un angle que je n’ai pas encore exploré. Je compte mettre mon équipe sur le coup dès demain, pour qu’elle étudie les corps des âmes avec lesquelles nous avons eu contact. On pourrait aussi tout à fait prendre des mesures près de votre lieu de décès ? Pour cela j’aurais besoin de savoir où vous êtes décédé et il y a combien de temps cela s’est produit. Si votre corps se trouve toujours sur place, nous pourrions sans doute le retrouver et étudier les niveau d’oscillation des… Enfin, seulement si vous en êtes d’accord ? Je pourrais en dire très peu à mon équipe si vous souhaitez préserver les détails de votre euh… vie privée…

Il venait d’ouvrir une porte qu’elle avait jusqu’à présent délaissée et cela semblait l’encourager à poursuivre sur cette voie. Son esprit rationnel et les difficultés qu’elle avait dans les relations sociales prenaient le dessus sur la bienséance mais il ne lui en tenait pas rigueur. Lui ne la trouvait ni froide ni distante contrairement à ce qu’elle pouvait penser. Ils avaient même quelques points communs. Eugène lui adressa un sourire triste et désolé. Il était réellement touché par sa proposition mais l'entreprise lui semblait impossible.

- J’en serais honoré mais j'ai peur que tout cela ne soit très compliqué, Fanella. Je suis mort en 1962, en Union Soviétique... dans une zone entourée de nombreuses bases militaires secrètes, à l’époque... et depuis les frontières ont beaucoup changé. Je pourrais vous y conduire mais ce ne serait pas sans risques.

Avec la dissolution de l'URSS après la guerre froide, peut-être qu'il n'était même plus dans le bon pays mais dans un de ses nombreux voisins. Il aurait besoin d'une carte détaillée du sud-est de la Russie et de l'Asie pour en avoir le cœur net. Il ne savait pas ce qu’étaient devenues ces bases une fois la course à l’espace terminée. Il y avait opéré durant des années avant que le gouvernement ne décide de le supprimer. Peut-être qu’il n’en restait que des ruines, qu’on avait décidé de le laisser pourrir là-bas sans surveillance par crainte de ce qui pourrait arriver si on touchait à son corps maudit.

- Si la zone est encore militarisée, ce que j’ignore, je ne pense pas que vous obtiendrez les autorisations nécessaires. Donc ce ne serait pas très légal… Même si ce ne serait pas un gros problème si je pouvais vous accompagner.

Excitant pour un ancien espion qui trahissait la règle de la mort elle-même et, à l'inverse, il était terrifié des conséquences du rapatriement de son corps. C'était incroyable de se dire qu'après toutes ses années de vie à avoir souhaité la mort, il voulait maintenant la repousser. Quant aux éventuels militaires qui patrouilleraient encore la zone, leur esprit n'était pas une barrière très résistante pour lui ; il pouvait leur insuffler peur, chagrin, culpabilité... leur faire voir nombre de choses inexistantes pour les troubler le temps que la chercheuse et son équipe fassent leur affaire. Mais cette dernière ne s'en doutait pas encore.
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Fanella Ozark
# Re: Appel vers l'autre mondeSam 31 Juil - 19:52
Plus le temps passait, plus Fanella passait de la peur à la fascination.  Elle se rendait compte qu’elle s’était trompée. Les relations entre ce monde-ci et l’autre étaient finalement plus étroites que ce qu’elle avait imaginé au départ. Ces êtres qu’elle avait contactés se trouvaient non pas dans l’au delà mais dans un lieu intermédiaire. La question restait ouverte de savoir comment nommer cet état et s’il était possible ou non d’inverser totalement un son, ou quoique que ce fut d’autre pour passer d’un lieu à l’autre. Eugène en tout cas constituait une exception puisqu’il était « bloqué » dans ce lieu. Fanella n’aurait pas souhaité pareil sort à son pire ennemi.

- Rien qu’avec ça, il y a matière à révolutionner pas mal de choses, je vous donne beaucoup de travail on dirait, Mais oui, une fois les âmes passées de l’autres côté, elles n’en reviennent effectivement pas pour pouvoir en discuter.

La jeune femme trouva admirable qu’il ait encore la force de s’amuser de la situation. Il soulevait en tout cas le caractère inéluctable de la mort. Elle faisait l’hypothèse d’un continuum entre vie et mort mais à un moment donné d’une certaine manière un point de non retour devait être franchi. Comme avec le passage du temps peut-être ?

- En effet, mais quoiqu’il en soit, notre discussion constitue une avancée considérable dans mes travaux et je vous en remercie, reprit-elle avec un sourire.

Elle se garda de dire que de toute façon, elle n’avait pas grand chose d’autre à faire que travailler dans l’existence.

Ensuite le fantôme partagea avec elle quelques unes des hypothèses qu’il avait faites pour expliquer qu’il soit resté coincé dans l’entre deux, contrairement aux autres âmes. Elle lui expliqua alors en quelques mots la théorie performative. Ce premier point était difficile à vérifier, pour cela il aurait fallut pouvoir changer les émotions et sentiments de loyauté d’Eugène et ce genre de variable étaient difficilement contrôlables. La seconde en revanche concernant l’état des corps des personnes disparues pouvait aisément s’explorer. Fanella résolu donc dès demain d’informer son équipe de cette nouvelle piste. Elle avait également proposé à Eugène d’aller faire des mesures autour de son corps, avant de réaliser ce qu’une telle demande pouvait avoir de déplacer. Elle n’était en général pas vraiment vigilante à ces choses là.


- J’en serais honoré mais j'ai peur que tout cela ne soit très compliqué, Fanella. Je suis mort en 1962, en Union Soviétique... dans une zone entourée de nombreuses bases militaires secrètes, à l’époque... et depuis les frontières ont beaucoup changé. Je pourrais vous y conduire mais ce ne serait pas sans risques.

1962… cela remontait à loin pour un corps laissé sans sépulture. A moins qu’il ne soit décédé dans une zone de grand froid, il ne devait pas rester grand chose de son corps. Cela dit, rien. n’indiquait que cela empêche des fronts d’ondes inversés de s’attacher à ce qu’il restait potentiellement malgré tout. Cette fois, elle eut la décence de ne pas formuler de telles pensées à voix haute.

- Si la zone est encore militarisée, ce que j’ignore, je ne pense pas que vous obtiendrez les autorisations nécessaires. Donc ce ne serait pas très légal… Même si ce ne serait pas un gros problème si je pouvais vous accompagner.

Un instant la jeune chercheuse s’imagina vêtue d’une grande parka blanche accompagnée d’un fantôme. Une telle chose était-elle possible ? Eugène et elle pourraient ils communiquer sans l’aider du générateur qui se trouvait actuellement juste en dessous de son corps flottant ? Elle aimait l’idée. Après tout, il était étonnamment facile d’échanger avec lui pour une raison qu’elle s’expliquait mal. Elle marqua une pause, songeuse avant de se reprendre.

- Peut-être pourriez-vous commencer par me pointer cette zone sur une carte, déjà cela nous permettrait de savoir si votre.. enfin si votre dépouille se trouve toujours sous juridiction militaire ou non. Avec le temps, il se peut que le niveau de vigilance ait diminué. Nous sommes en 2021, ce qui veut dire que presque 60 ans se sont écoulés…

Fanella chassa les images que son esprit formait du corps d’Eugène et de l’état dans lequel il devait être, car cela la mettait mal à l’aise. Les convenances sociales ne dictaient aucune conduite à tenir quand on était face à quelqu’un qui n’avait plus de corps et qui peut-être vivait non sans douleur cet état de fait. Aussi, elle lui avait donné la date sans faire preuve d’aucun tact ce qu’elle regretta. Depuis sa « plage sombre » difficile de savoir comment Eugène pouvait se représenter l’écoulement du temps.

- Je ne sais pas s’il est possible… que vous puissiez… m’accompagner ou que ce soit en dehors d’ici… Je ne suis pas très sûre de comment les interpréter mais les chiffres semblent indiquer que le générateur continue de produire de l’antimatière et les fronts d’ondes s’organisent de manière assez inédite…

Il lui faudrait d’ailleurs à peu près une éternité pour venir à bout des données récoltés au cours de cet échange, mais c’était un problème qu’elle pouvait remettre à plus tard.
Fanella Ozark
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Appel vers l'autre mondeSam 31 Juil - 19:59
Eugène avait expliqué à Fanella qu’un voyage pour aller récupérer son corps ou faire des mesures s’avérait compliqué, en plus d’être risqué. Mais c’était se mentir à lui-même que de ne pas espérer qu’elle accepte malgré les difficultés. Il était terrifié à l’idée de se retrouver face à ses propres restes et de ce qu’il pourrait ressentir qu’il ne maîtrisait pas mais une partie de lui serait plus rassuré de savoir que quelqu’un allait s’occuper du peu de son physique qui restait sur terre. Peut-être trouverait-il alors enfin la paix qu’il recherchait et qui lui manquait terriblement. Tous les deux se demandaient silencieusement dans quel état il pouvait bien être. Tout ce qu’Eugène savait, c’était que son corps était toujours là, quelque part. Il n’en démordait pas.

Le fantôme retint un petit rire lorsque l’image de la chercheuse chaudement vêtue dans un pays étranger s’imposa à leurs deux esprits. Si elle savait que tout ce qui lui passait par la tête passait par la sienne aussi… Elle risquait de se mettre dans un de ces états ! Il préférait ne rien lui dire car dès lors que son entourage savait qu’il lisait dans les pensées, ils avaient tendance à réfléchir davantage, à vouloir contrôler leur esprit et à être moins naturels et spontanés. Quand bien même sa sensibilité n’était la faute de personne sauf la sienne, il appréciait cette discussion où Fanella était entière et elle-même devant lui, même s’il omettait pour l’instant ce détail important.

- Peut-être pourriez-vous commencer par me pointer cette zone sur une carte, déjà cela nous permettrait de savoir si votre.. enfin si votre dépouille se trouve toujours sous juridiction militaire ou non. Avec le temps, il se peut que le niveau de vigilance ait diminué. Nous sommes en 2021, ce qui veut dire que presque 60 ans se sont écoulés…

Eugène hocha la tête, c’était la meilleure option qu’ils avaient mais Fanella ne devait pas avoir de carte suffisamment détaillée dans son labo. Même si elle ne le disait pas, il sentait qu’elle pensait à lui et à choisir ses mots avec soin pour ne pas le vexer ou lui faire du mal inutilement. Il n’avait pas l’habitude de tant d’attention et il était touché par cette attitude. Les années l’avaient cependant rendu plus résistant qu’elle ne le pensait et le tact avait beau ne pas être son point fort, il appréciait qu’elle lui donne des informations sans filtre.

- 60 ans, souffla-t-il, interloqué. J’ai passé davantage de temps mort que vivant… Heureusement je ne m’en suis pas trop rendu compte. Et on ne vieillit plus quand on est un fantôme.

Il n’avait que peu suivi le défilement des années et l’évolution de la civilisation depuis sa retraite solitaire sur la plage. A l’époque où il suivait sa famille en bon petit ange gardien, ce n’était guère la première question qu’il posait. Joy avait toujours accepté et apprécié sa présence. Son fils l’avait longtemps considéré comme une malédiction ou une hallucination, déniant totalement leur lien de parenté. Mais il avait toujours été à ses côtés, qu’il le veuille ou non. Il avait juste tenté de lui rendre cela moins intolérable en lui apparaissant le moins possible. Mais 2021… jamais il ne pensait se retrouver dans une telle année. Comparée à la Guerre Froide, cela lui semblait si loin, si inatteignable. Et pourtant il était bien là, curieux.

- Je ne sais pas s’il est possible… que vous puissiez… m’accompagner ou que ce soit en dehors d’ici… Je ne suis pas très sûre de comment les interpréter mais les chiffres semblent indiquer que le générateur continue de produire de l’antimatière et les fronts d’ondes s’organisent de manière assez inédite…

Concernant les calculs, il regrettait de ne pouvoir aider Fanella ; tout cela était trop compliqué pour lui. Il pouvait par contre lui parler de son ressenti et de son expérience sans problème. En tant que bon fantôme qui se respecte, il était tout à fait capable de la hanter et de la suivre partout si c’était ce qu’elle lui demandait. Allaient-ils trouver des cartes chez la chercheuse ? Ou trouver une bibliothèque ouverte capable de les renseigner ? Il n'en savait rien mais il était tout excité à l'idée de sortir et de découvrir l'extérieur une nouvelle fois après tant d'années.

- J’ai l’impression que ce générateur m’attire ici, un peu comme un gros aimant… Mais une fois éteint je ne devrais pas avoir trop de mal à rester à vos côtés comme je le faisais par le passé, je peux me déplacer un peu partout et même faire en sorte que vous soyez la seule à me voir.

Il n’aimait pas passer entre les murs, la sensation était étrange mais cela faisait partie de sa condition après tout. Il ne savait pas exactement quelle heure il était mais son instinct lui disait que la nuit était tombée depuis un moment. Ils ne devraient pas croiser beaucoup de monde dans les rues et il pouvait soit faire disparaître sa forme immatérielle soit convaincre l’esprit des gens qu’il n’y avait rien à voir, en échange d’un peu de concentration et d’énergie.

- J’aimerais beaucoup voir Salt Lake City… Je n’ai passé que quelques années aux Etats Unis, principalement dans des bases militaires et j’étais souvent en mission ailleurs dans le monde. Tout à du beaucoup changer… Enfin, seulement si ma présence à vos côtés ne vous incommode pas.
Eugène (The Sorrow)
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Fanella Ozark
# Re: Appel vers l'autre mondeSam 31 Juil - 20:14
Fanella et Eugène débattaient à présent de si ils allaient pouvoir se rendre près de son corps. La chercheuse avait maintenant l’impression que là se trouvaient des éléments clefs pour comprendre la mort et plus largement les relations entre univers physique et antimatériel.  Assez maladroitement, elle venait d’annoncer au spectre qu’il était décédé il y avait presque 60 ans. A son grand étonnement, il semblait le prendre plutôt bien.

- 60 ans, souffla-t-il, interloqué. J’ai passé davantage de temps mort que vivant… Heureusement je ne m’en suis pas trop rendu compte. Et on ne vieillit plus quand on est un fantôme.

- Vous êtes mort vraiment jeune…

Cette remarque déplacée avait évidemment, comme souvent complètement échappé à Fanella. Elle baissa les yeux et se maudit pour la millième fois pour sa maladresse. Pour se donner une contenance, elle commença à pianoter sur l’ordinateur pour afficher une carte de l’ancienne URSS.  Ce faisant, elle questionna le fait qu’il puisse ou non quitter cette pièce. En effet, le génué.érateur semblait agir sur lui  d’une manière qu’elle avait encore du mal à déterminer.  Comme souvent elle réfléchissait à voix haute, une main sur le clavier de l’ordinateur pour afficher la carte, un oeil sur les données qui se succédaient.

- J’ai l’impression que ce générateur m’attire ici, un peu comme un gros aimant… Mais une fois éteint je ne devrais pas avoir trop de mal à rester à vos côtés comme je le faisais par le passé, je peux me déplacer un peu partout et même faire en sorte que vous soyez la seule à me voir.

Fanella s’arrêta dans ce qu’elle était en train de faire. Les fantômes qu’elle avait enregistrés par le passé se déplaçaient oui mais rarement très loin de leur lieu de décès ou de leurs proches qu’ils hantaient. Là encore, Eugène constituait une exception à la règle. Un instant elle se demanda si le générateur lui faisait mal. Elle n’aurait sans doute pas aimé la sensation d’être attirée comme par un aimant. Elle espéra que si le procédé avait été d’une manière ou d’une autre douloureux pour lui, il l’aurait dit. Malgré tout, elle n’osa aucun commentaire à ce sujet.

- Bon, dans ce cas je vais éteindre la machinerie, ça me semble plus prudent.

En effet, qui savait les effets à long terme d’une telle machine, sur elle, sur l’environnement, ou sur Eugène sous son influence ?  Elle se souvenait encore de l’ingénieur en chef qui l’avait conçu et sa petite phrase « Il existe un risque faible, mais non nul que le laboratoire se transforme en trou noir ».  Les dangers de la physique quantique… Elle s’employa à commencer de désactiver les capteurs qui risquaient d’être mis à mal par la brusque variation entraînée par la coupure de l’appareil.

- J’aimerais beaucoup voir Salt Lake City… reprit-il.  Je n’ai passé que quelques années aux Etats Unis, principalement dans des bases militaires et j’étais souvent en mission ailleurs dans le monde. Tout à du beaucoup changer… Enfin, seulement si ma présence à vos côtés ne vous incommode pas.


Fanella sourit, et essaya un instant de se représenter à quoi le monde ressemblait dans les années 60. Pas d’internet pas de smart phone, les voitures devaient être différentes aussi, elle espérait qu’il ne serait pas trop dépaysé.

D’un geste habile, elle coupa le générateur, une seconde la pièce fut plongée dans le noir avant que les lumières de la grande salle ne se rallument.

- Votre présence de m’incommode pas. D’ailleurs si vous pouvez venir de l’autre côté de la vitre, je vais vous montrer la carte…


Elle désigna l’écran en face d’elle ou s’affichait la carte de l’ex URSS en couleurs et avec commentaires sur l’évolution des frontières avant d’ajouter, gardant malgré tout un oeil sur les courbes et les chiffres qui chutaient.

- En fait, je ne pensais pas que je m’accorderais si vite de discuter avec un fantôme. Comme quoi, les êtres humains sont flexibles.

Elle n’eut pas le temps de regretter cette nouvelle réflexion maladroite que son téléphone sonna. Nerveuse, elle décrocha. Le check up, elle l’avait oublié. Elle avait convenu avec son second de labo que s’il n’avait pas de nouvelles ou bout d’une heure, il faudrait qu’il s’inquiète.

- Fan  ! Qu’est ce que tu fais  ! Ça fait une heure et demi que tu es là dedans  ! Je suis à deux doigts d’appeler les pompiers mais je saurais même pas quoi leur dire.

- Je suis désolée Jonathan j’ai… j’ai oublié l’heure… En fait… comment te dire… l’expérience à tourné bien mieux que ce que je pensais. Quelqu’un a répondu à l’appel. J’ai appris pleins de choses et enregistré une tonne de données  ! Je ne peux pas vraiment te parler là, mais demain de toute façon je vais faire un grand briefing. Il va falloir qu’on modifie un peu notre approche…

- Comment ça, quelqu’un a répondu à l’appel ? Tu es sérieuse ?

Fanella étouffa un rire parce qu’elle peinait elle-même à réaliser ce qu’elle venait d’accomplir.

- Oui, ce quelqu’un est toujours avec moi d’ailleurs. Il a donné son accord pour participer à l’étude. Ne t’inquiète pas et soit au briefing demain 8h.

Avec le temps heureusement Jonathan avait compris qu’il ne servait à rien d’argumenter avec elle. Après tout, elle était en charge de cette étude de grande envergure ce qui impliquait que le reste de l’équipe se plie à ses décisions.

- D’accord… finit-il par concéder.

La jeune femme le salua et raccrocha avant de se tourner vers le spectre à nouveau.

- Je m’excuse, je ne pensais plus à mon équipe qui attendait de mes nouvelles…
Fanella Ozark
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Appel vers l'autre mondeSam 31 Juil - 20:17
Etait-il mort si jeune que cela ? C’était du moins la remarque qui était sortie des lèvres de Fanella. Sa vie, jonchée de tristesse, de combats et de malheurs lui avait semblé bien longue pourtant. Ses paroles avaient été un peu brutes et la chercheuse s’était plongée sur ses écrans pour en oublier les émotions qui menaçaient de la submerger, ce qui arracha un sourire compatissant à Eugène. Mais dans son regard se perdaient mille et un souvenirs douloureux tandis qu’il faisait ses propres calculs et se rappelait les événements marquants de sa vie.

- Je suis né en 1925, j’avais 19 ans lorsque j’ai été parachuté sur les plages de Normandie lors du Débarquement… Et 37 ans quand ma femme a été obligée de me tuer. Dis comme ça, c’est vrai que c’est un peu jeune. Et mouvementé.

Il s’était senti le besoin de se confier davantage car il avait le cœur gros, si sa situation lui permettait cette expression. Les pensées lourdes aurait été un terme plus exact sans doute. Il aurait aimé pouvoir lui montrer des photos de sa jeunesse mais elles devaient sans doute être perdues au fin fond d’un dossier depuis bien longtemps. Comme elle semblait concentrée à chercher quelque chose, le fantôme pris le temps de s’y intéresser.

Lui qui pensait qu’ils allaient se rendre dans une bibliothèque ou un centre historique à la recherche de cartes se trompait lourdement ; visiblement tout était disponible sur son ordinateur. En apparence, il semblait déjà bien plus avancé que ceux qu’il avait connus, vestiges archaïques d’une époque disparue, celle des débuts d’internet et de l’informatique pour des fins militaires. Il prit le temps également de rassurer son interlocutrice quant aux générateurs ; ce n’était pas parce qu’elle le coupait qu’il allait disparaître et il se ferait une joie de la suivre partout où elle voudrait bien l’emmener.

- Bon, dans ce cas je vais éteindre la machinerie, ça me semble plus prudent.

Elle semblait se demander si le générateur lui provoquait une quelconque souffrance. La sensation était étrange certes mais pas douloureuse. Elle n’en restait pas moins dangereuse et il espérait que, jusqu’au bout, Fanella savait ce qu’elle faisait et qu’il n’y aurait aucun accident pendant que la machine s’éteignait. Heureusement pour eux deux, elle l’éteignit très doucement et peu à peu, Eugène retrouva les sensations plus familières, plus froides et un peu plus fatigantes dont il avait l’habitude.
Il lui parla de son envie de tourisme dans cette ville dont il ne connaissait que le nom, le temps que les sensations passent puis il dut se concentrer, se sentant repartir une fois l’extinction terminée, comme un petit garçon qu’on finit par lâcher dans le grand bain sans l’y avoir préparé. Après une seconde de flottement, il avait repris l’habitude.

- Votre présence de m’incommode pas. D’ailleurs si vous pouvez venir de l’autre côté de la vitre, je vais vous montrer la carte… En fait, je ne pensais pas que je m’accorderais si vite de discuter avec un fantôme. Comme quoi, les êtres humains sont flexibles.

Rassuré par ses paroles, il traversa la vitre pour venir s’installer derrière elle et observer ce fameux ordinateur avec curiosité. Le tableau de bord était plus imposant encore que celui qui avait emmené les premiers hommes dans l’espace. Il n’avait jamais rien vu de pareil, même si, pour son travail d’espionnage, on lui avait appris à se servir de ces machines compliquées.

- Vous n’avez pas idée de la capacité d’adaptation des humains et puis, je suis un bon fantôme, il y en a avec qui il ne fait pas bon discuter… D’ailleurs, ne vous en faites pas, le générateur ne m’a pas fait mal.

Il ne pouvait s’empêcher de semer de maigres indices, tel un petit poucet un peu trop enclin à rassurer les autres sur leurs propres pensées. Une drôle de sonnerie le fit sursauter, si tant est qu’un fantôme puisse sursauter et il se demanda un instant si le bâtiment était entré en état d’alerte, si de soldats venaient le chercher.

Il se figea pour essayer de sentir d’éventuels intrus à travers les murs mais Fanella le pris de court à nouveau en sortant un petit appareil de sa poche pour parler à l’intérieur. Une voix semblait provenir de l’autre bout. Un talkie-walkie ? Ou un téléphone aussi ultra perfectionné que l’ordinateur. Tout lui semblait possible dans ce futur tout nouveau pour ce vieil esprit. Elle semblait discuter avec un des membres de son équipe, il n’avait rien à craindre mais la peur l’avait tout de même saisi un instant. Il essaya de ne pas écouter cette conversation qui le regardait à peine pour se concentrer sur l’écran.

La carte qu'il y trouva indiquait, pour son plus grans soulagement, la Russie telle qu'il avait connue. Il n'eut donc aucun mal à retrouver la région dans laquelle il avait opéré. Un regard plus attentif l'amena à Rassvet, ancienne zone industrielle qui était l'endroit noté le plus proche du lieu de sa mort. Déjà désaffectée de son vivant, il espérait pouvoir en retrouver quelques ruines pour se repérer si l'expédition avait finalement lieu. La zone était montagneuse et boisée, difficile d'accès mais quelques routes bitumées devaient bien subsister, du moins il l'espérait.

- Je m’excuse, je ne pensais plus à mon équipe qui attendait de mes nouvelles…

Il lui fallut quelques secondes pour se rendre compte que la chercheuse s’adressait de nouveau à lui et que tout semblait rentré dans l’ordre. Il quitta l’écran des yeux pour lui sourire. Elle avait parlé de grande réunion prévue pour le lendemain. Son équipe allait-elle être tout aussi fascinée qu’elle de cette rencontre ? Allait-elle les mettre dans la confidence ?

- Les pauvres, ils ont du s’inquiéter… Est-ce qu’ils sont… contents ? Vous allez me présenter à eux demain ?

Il avait tout de même une petite appréhension. Si elle voulait effectivement le présenter, cela ferait encore plus de personnes dans la confidence et possiblement en danger. Il ne fallait jamais être trop paranoïaque lorsqu’on était espion mais un brin d’excès de zèle ne faisait de mal à personne. Et au fond, Eugène était toujours content de rencontrer de nouvelles personnes. On l’avait tant enfermé et stigmatisé de son vivant, en l’enfermant en laboratoire ou dans son groupe de soldats qu’il n’avait jamais vraiment été capable de créer des relations sociales simples et cela lui manquait un peu. Il était sans doute trop tard maintenant pour se lier réellement d’amitié avec un monde entier pour les séparer. Il se secoua un peu pour reporter son attention sur la carte.

- J'ai trouvé l'endroit, il n'y a plus qu'à regarder sur une carte actuelle pour faire correspondre les positions. Je vous laisse faire par contre, j'ai trop peur de détraquer votre ordinateur. J’en avais fait exploser un par accident à l’époque, qu’est-ce qu’on m’avait crié dessus…

Les appareils électriques pouvaient parfois réagir à sa présence même de son vivant. Période sombre de sa vie où on l’avait renvoyé seul en Russie pour l’utiliser comme un vulgaire objet d’espionnage, il n’avait que peu d’espoir sur son avenir. Ses pouvoirs avaient dû se déclencher et l’appareil qu’il utilisait avait tout simplement explosé devant lui. Plutôt que de s’inquiéter de son état, ses supérieurs avaient hurlé sur la perte des données et de temps que tout cela allait leur coûter. Mais si Fanella acceptait de l’aider, il allait pouvoir l’aiguiller et trouver ce qu’ils cherchaient tous les deux.
Eugène (The Sorrow)
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Fanella Ozark
# Re: Appel vers l'autre mondeSam 31 Juil - 20:20
Comme souvent Fanella avait fait une remarque déplacée sur le jeune âge auquel Eugène était mort. Quoiqu’il se passe, elle avait tendance à ne jamais savoir quoi dire ou quoi faire lorsque la conversation tournait autour de sujets difficiles. Ça n’était pas qu’elle manquait d’empathie comme beaucoup de gens tendaient à le penser. Soit elle se murait dans un silence interprété comme de l’indifférence, soit elle faisait une remarque qui manquait de tact. Dans ce cas précis, la réponse de son interlocuteur lui laissa penser qu’il aurait mieux valu la première option.

- Je suis né en 1925, j’avais 19 ans lorsque j’ai été parachuté sur les plages de Normandie lors du Débarquement… Et 37 ans quand ma femme a été obligée de me tuer. Dis comme ça, c’est vrai que c’est un peu jeune. Et mouvementé.


Il arrivait souvent à la jeune chercheuse d’avoir le sentiment de souffrir dans son existence mais ce genre de récit la faisait se sentir coupable. Elle avait vécu des moments difficiles en lien avec sa précocité intellectuelle, son anxiété sociale et aussi d’autres choses auxquelles elle ne pensait que rarement et dont il ne lui restait que des souvenirs flous et nauséeux, mais la plupart du temps, elle avait le sentiment de s’inventer des douleurs comme la gamine pourrie gâtée qu’elle avait été. Après tout, elle provenait d’une famille de riches héritiers et avaient grandi dans un vaste domaine avec des major d’hommes.

Une multitude de question lui venaient… Qu’est ce qui pouvait pousser quelqu’un ( même avec les capacités qu’il avait) à s’engager dans l’armée ? Avait-il eu le choix ? Quels missions on lui avait confiés, dans quelles conditions avait-il vécu ? Pourquoi sa propre femme avait-elle était contrainte de le tuer ?

D’autres aussi se pressaient plus existentielles :  pourquoi divers pays devaient-ils se faire la guerre ? A ses yeux rien ne justifiaient que des êtres humains s’entretuent mais après tout, elle n’avait pas vécu la montée du nazisme en Europe.

Elle réalisa évidemment trop tard qu’elle s’était plongée trop longtemps dans ses pensées. Elle voulu dire qu’elle était désolée, cela lui sembla dérisoire alors cette fois elle choisi l’option du silence plutôt que de prendre le risque de blesser encore davantage les sentiments de ce pauvre fantôme.

Par mesure de précaution, elle avait coupé le générateur. En effet, il n’était pas impossible que celui-ci cause de la douleur à son invité imprévu. Un silence relatif était retombé sur le laboratoire, débarrassé du sifflement d’arrière fond de la machinerie. Il faudrait songer demain à réparer les dégâts causés par l’apparition du fantôme. Après l’avoir rassuré sur le fait qu’elle n’avait plus peur de lui, elle l’observa, fascinée, alors qu’il traversait la vitre. Mentalement elle imagina le vide entre les atomes s’aligner.


- Vous n’avez pas idée de la capacité d’adaptation des humains et puis, je suis un bon fantôme, il y en a avec qui il ne fait pas bon discuter…

Durant toute la mise en place de l’expérience, pas une fois Fanella avait songé qu’il aurait été possible qu’elle s’attire les foudres d’une entité malveillante. D’une manière générale, elle peinait à croire à la malveillance tout court. Il s’avérait qu’elle avait eu une chance inouïe de tomber sur Eugène qui en plus acceptait de collaborer avec elle.

- D’ailleurs, ne vous en faites pas, reprit-il le générateur ne m’a pas fait mal.

Cette dernière remarque stoppa net le court de ses pensées. C’était un de ces moments où son esprit allait plus vite que ce que sa conscience pouvait saisir. Elle entendit à nouveau distinctement sa pensée à ce sujet. Elle se souvenait avec certitude n’avoir rien formulé de tel à voix haute. Se pouvait-il que cela soit un coïncidence ? Selon sa théorie si Eugène pouvait communiquer les morts c’était forcément via leur flux d’ondes inversés. Partant du principe qu’elle venait d’établir de la continuité entre ce monde et l’autre en fonction du taux d’inversion des ondes, rien n’interdisait à Eugène d’entendre les pensées des vivants, même après son décès. En effet, celles-ci était imprégnées d’une forte capacité performative… Mentalement, elle calcula mentalement rapidement la probabilité qu’il ait pu formuler cette idée par hasard à partir du peu qu’elle savait. Elle était infime. Cette idée la tarauda mais son téléphone se mis à sonner.

Elle prit le temps de rassurer Jonathan et de lui expliquer en quelques mots la situation puis s’excusa d’avoir oublié de lui signaler que tout aller bien.

- Les pauvres, ils ont du s’inquiéter… Est-ce qu’ils sont… contents ? Vous allez me présenter à eux demain ?


Fanella n’y avait même pas pensé, mais c’était sans doute la seule solution.

- Oui, j’aimerais bien si vous êtes d’accord. Sinon il y a très peu de chances qu’ils me croient… Pour le moment j’imagine qu’ils ne savent pas quoi penser, répondit-elle, imaginant la moquerie éventuelle de ses collègues.

Pendant qu’elle parlait avec ses collègues, le fantôme s’était penché sur la carte de l’ancienne URSS afin d’y localiser son corps.

- J'ai trouvé l'endroit, il n'y a plus qu'à regarder sur une carte actuelle pour faire correspondre les positions. Je vous laisse faire par contre, j'ai trop peur de détraquer votre ordinateur. J’en avais fait exploser un par accident à l’époque, qu’est-ce qu’on m’avait crié dessus…

Fanella eut un rire nerveux.

- Oui je vais le faire alors, c’est un ordinateur très perfectionné.

Elle s’attela donc à faire correspondre les deux cartes. Et ce faisant, son constat précédent vint la titiller de nouveau. Si Eugène lisait ses pensées, elle voulait le savoir. Ou elle n’était pas sûre de vouloir le savoir. Nerveusement, elle faisait l’inventaire de toutes les pensées qu’elle avait eus depuis le début de cette conversation, honteuse, avec le sentiment d’être mise à nue. Du calme. Il se pouvait très bien que tout cela soit dans sa tête. Elle n’avait pas de raison de penser qu’il pouvait lui mentir et elle comprenait qu’il ait voulu cacher cette information qui pouvait nettement compliquer la rencontre avec une inconnue. Aussi le plus simple restait sans doute de lui poser directement la question.

- Est-ce que je peux vous poser une question un peu stupide ? essaya-t-elle.

Puis il lui fallut prendre son courage à deux mains.

- Est-ce que là, maintenant, vous êtes capable de lire mes pensées ?

Une fois énoncée à voix haute, l’idée lui sembla absurde. Elle se maudit de s’être ainsi couverte de ridicule et afficha un sourire crispé.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Appel vers l'autre mondeSam 31 Juil - 20:22
Fanella semblait se poser beaucoup de questions sur la vie qu’Eugène avait menée. Pour la plupart, il se les étaient posées lui aussi durant des années, pour d’autres, il aurait pu lui répondre qu’il n’avait guère eu le choix. Il se sentait rassuré en sa présence et aurait pu tout lui raconter pendant de longues heures mais cela risquait de faire beaucoup d’information pour une première soirée. Il aurait préféré naître pendant une période de paix que de se retrouver propulsé dans une guerre vide de sens à ses yeux. Sa seule véritable mission, celle qui lui importait vraiment, ça avait été de protéger ses amis, ceux qu’il aimait de tout cœur.

Après la guerre, quand son unité avait éclaté, on l’avait forcé à retourner en Russie espionner les Etats-Unis, ce même pays pour lequel il s’était battu, qu’il avait défendu et il s’était senti perdu, révolté. Comme un pion qu’on manipulait, qu’on faisait virevolter d’un camp à l’autre sans se soucier de ses attaches sentimentales. Pendant un temps, il avait noyé ses questions, le sens de sa mission et de sa vie dans l’alcool puis il s’était laissé aller à faire ce qu’on lui demandait, lassé de chercher des justifications désespérées là où on ne le considérait que comme une arme. Et une arme n’avait pas besoin de se questionner pour accomplir ce qu’on lui demandait, juste de s’exécuter. Au final, son meurtre avait été une libération.

Mais les années s’étaient écoulées et au contact de la jeune chercheuse, Eugène se surprenait à presque regretter de n’avoir pas un peu plus profité de la vie. Quand bien même, à son époque, celle-ci n’avait rien à lui offrir, contrairement à celle dans laquelle il se retrouvait plongé aujourd’hui. Il avait traversé la vitre pour rejoindre l’ordinateur et chercher sur une carte où on avait laissé son corps, répondant un peu par habitudes aux pensées de Fanella, révélant à demi-mots qu’il en était imprégné. Viendrait un moment où elle finirait par s’en rendre compte, tôt ou tard. Eugène n’était pas doué pour cacher ses propres secrets. Ceux des autres en revanche, il en avait emmené beaucoup avec lui dans sa mort. Elle considéra la chose avec intensité mais fut interrompue par son téléphone, aussi le fantôme se concentra-t-il sur l’écran et la carte à sa disposition. Les noms familiers ne tardèrent pas à lui sauter aux yeux et il retrouva très vite la zone incriminée.

Fanella se faisait rabrouer au téléphone car elle n’avait vraisemblablement pas prévenu son équipe qui s’inquiétait et il lui demanda si elle comptait le présenter incessamment sous peu, sans doute demain. Cela semblait être à l’ordre du jour puisqu’elle lui demanda son accord et il hocha la tête avec un petit sourire. Elle avait peur de leurs moqueries mais quelque chose lui disait qu’ils allaient vite déchanter à la vue d’un vrai fantôme. Une partie de lui se méfiait des conséquences et une autre était un peu amusée d’imaginer leur surprise. Mais en attendant, il fallait se pencher sur la carte et avec son état si particulier, Eugène n’osait pas trop toucher à l’ordinateur, aussi laissa-t-il la place à sa propriétaire.

- Oui je vais le faire alors, c’est un ordinateur très perfectionné, lui avait-elle dit avec un petit rire, sans doute à cause de la mésaventure qu’il venait de compter.

- Il a l’air en effet… Et dire qu’on a envoyé des hommes dans l’espace avec les ordinateurs de mon époque qui avaient l’air de boites de conserves. Celui-là serait capable d’envoyer quelqu’un sur la Lune, j’en suis sûr !

Eugène était mort un an après le succès des premiers hommes dans l’espace. Gagarine, russe de surcroit, avait coiffé au poteau les américains. En partie grâce aux informations qu’il recueillait alors pour le compte du gouvernement. Il ignorait qu’en 2021, on avait déjà foulé la Lune depuis bien longtemps et que des hommes vivaient à bord d’une station en orbite. Tandis qu’elle installait les deux cartes sous ses yeux intrigués et qu’il se concentrait pour les faire correspondre, la jeune femme s’était perdue une nouvelle fois dans ses pensées. Il savait à quoi elle réfléchissait mais essayait de ne pas y prêter trop d’attention, autant par sa pudeur habituelle que parce qu’il se doutait qu’elle finirait par poser la question tôt ou tard.

Les deux cartes étaient si différentes… L’URSS avait perdu une grande partie de sa superficie, le nom de certaines villes avaient changé et il se retrouva un instant perdu, à chercher du bout des doigts des correspondances. Il se retrouva vite au Kazakhstan, un pays qui avait émergé sans doute à la fin de Guerre Froide, du moins il le supposait. Au moins, son corps n’était plus sous la juridiction russe, il y avait peut-être des chances pour que l’endroit ait été laissé à l’abandon.

- Là, finit-il par pointer sur la carte. Je crois qu’ils ont transformé la zone en réserve naturelle ce qui n’est pas étonnant vu le terrain. C’était un plateau montagneux avec des cols assez escarpés et de nombreux ravins. Un joli coin de randonnée s’il n’était pas infesté de soldats à mon époque. Si l’endroit n’a pas trop changé, je reconnaîtrais la route, il faudrait passer par l’ouest.

Les vestiges des laboratoires et des bureaux secrets faisaient peut-être partie de la visite aux touristes ? Les routes semblaient toujours entretenues sur la carte en tout cas. Il se rappelait d’un ravin avec une cascade et une rivière en contrebas dans laquelle il était tombé et qui l’avait emporté au gré de ses remous. Des arbres dans la brume, du pont de cordes sur lequel il avait retrouvé Joy. Du matériel d’escalade risquait de s’avérer nécessaire, juste au cas où. Il voulait croire qu’il y avait un espoir de le retrouver. De se retrouver, au final. Il ne savait pas si Fanella l’avait écouté, elle semblait toujours très préoccupée et il savait très bien pourquoi.

- Est-ce que je peux vous poser une question un peu stupide ? Est-ce que là, maintenant, vous êtes capable de lire mes pensées ?

- Il n’y a aucune question stupide et vous n’êtes pas ridicule.

Il se tourna vers elle avec un sourire étrangement triste et désolé. Le repos de l’omission n’avait été que de courte durée mais Eugène était ainsi ; un peu trop honnête et beaucoup trop gentil pour dissimuler une capacité qui faisait tant de différence. Il ne pouvait décemment pas lui mentir les yeux dans les yeux.

- Oui je lis dans les pensées, ça fait partie de ma ‘’sensibilité’’ dira-t-on, soupira-t-il avec lassitude. Je suis désolé, j’aurais peut-être du vous le dire tout de suite mais j’espérais… enfin je voulais espérer… que ça n’ait pas grande importance. Bien sûr je comprendrais si vous étiez fâchée ou si vous preniez cela comme une agression… Je suppose que je serais moi-même très gêné si cela devait arriver. Si cela peut vous rassurer, vous réfléchissez tellement vite que j’ai du mal à vous suivre quelques fois.

Il n’était pas du genre à fouiner tant qu’on ne lui en avait pas donné l’ordre. Et ses supérieurs du temps de son vivant étaient morts depuis bien assez longtemps pour ne plus lui en donner. Il ne voyait que ses pensées immédiates, quelques images, souvenirs ou sensations qui s’imposaient à elle quand les connexions se formaient dans son esprit. Il pouvait percevoir les pensées d’autres gens à l’intérieur du complexe, ou à l’extérieur, il ne savait pas trop car plus la distance était marquée, plus tout s’estompait. Il n’y avait que Fanella qu’il percevait clairement. Elle et son esprit qui réfléchissait à toute vitesse. Il avait un peu peur qu'elle le rejette ou se mette à le considérer comme un monstre, à tenter de faire attention à la moindre de ses pensées à partir de maintenant. Il n'aimait pas quand sa malédiction devenait une contrainte pour les autres.

- C’est quelque chose que je ne peux pas contrôler et vous n’y êtes pour rien non plus… Personne ne peut s’empêcher de penser, de ressentir ou de se poser des questions. C’est aussi pour ça qu’il vous sera très difficile de me froisser par manque de tact comme vous avez tendance à le penser parce que je sais que vous ne le faites pas exprès.

Elle n’était pas la seule à faire face à des anxiétés sociales. Quand on se retrouvait étouffé par les pensées d’une foule, par les pensées d’une personne qui ne faisait que vous toucher, on avait tendance à fuir les autres comme la peste. Durant ses premières années de vie, on avait pensé Eugène muet avant de se rendre compte qu’il était tout à fait capable de crier lorsqu’on l’approchait trop. Ses amis l’avaient quelque peu décoincé en termes d’interactions sociales et l’entraînement qu’il avait reçu l’aidait à ne pas se laisser déborder par les autres mais il n’était pas infaillible.
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Fanella Ozark
# Re: Appel vers l'autre mondeDim 1 Aoû - 11:47
Tout en s’occupant de la caret Fanella bataillait avec ses pensées et ses hypothèses. L’idée la taraudait, lancinante, qu’il pouvait peut-être lire ses pensées. Elle lui semblait cependant si absurde qu’elle n’osait pas la formuler à voix haute. Pourtant, tous les éléments pointaient dans cette direction.

Il fallait rester concentrer sur leur objectif  : voir s’il était possible de retrouver le corps d’Eugène pour expérimenter sur le lien entre matière et antimatière, corps et âme en somme. Lorsque le fantôme lui raconta un épisode où il avait fait explosé un ordinateur, elle préféra s’occuper du sien elle-même. Elle se disait qu’il semblait avoir besoin de parler, de raconter son expérience. Là où il se trouvait en temps normal, il devait se sentir bien seul après tout.

- Il a l’air en effet… Et dire qu’on a envoyé des hommes dans l’espace avec les ordinateurs de mon époque qui avaient l’air de boites de conserves. Celui-là serait capable d’envoyer quelqu’un sur la Lune, j’en suis sûr !  
Commenta-t-il

Fanella lui fit un sourire nerveux. En arrière fond, elle continuait de tourner et retourner les éléments dans sa tête. Elle avait du se tromper quelque part dans le calcul de probabilités. Après tout cette situation qu’ils vivaient était hors normes.

- Il y a beaucoup de choses que vous ne savez pas sur cette époque j’ai l’impression, dit-elle pour faire diversion.

Si son hypothèse était vrai cela était parfaitement inutile. Pendant qu’elle faisait correspondre les deux cartes son esprit vagabondant malgré tout sur les images de Thomas Pesquet sur Facebook qui dit bonjour depuis la station MIR et partage des images de la terre vue de l’espace. Elle repensait aussi aux images des premiers hommes sur la lune dans les cours d’histoire sur la conquête spatiale. Le monde avait évolué à une vitesse folle. Au passage elle remarqua que le fait qu’Eugène ignore tout cela voulait dire que l’hypothèse selon laquelle les morts avaient accès à une forme de savoir universel était tout simplement fausse. Ou peut-être concernait-elle seulement ceux qui étaient entièrement morts, ce qui n’était pas le cas d’Eugène ?

- Là, dit-il en la tirant de ses pensées. Je crois qu’ils ont transformé la zone en réserve naturelle ce qui n’est pas étonnant vu le terrain. C’était un plateau montagneux avec des cols assez escarpés et de nombreux ravins. Un joli coin de randonnée s’il n’était pas infesté de soldats à mon époque. Si l’endroit n’a pas trop changé, je reconnaîtrais la route, il faudrait passer par l’ouest.

Finalement cette partie là de la recherche pouvait s’avérer moins compliquée que prévu. Elle allait partir avec une équipe et Eugène récolter des données pendant que le reste de son équipe s’attèlerait à reproduire l’expérience sur les corps d’autres entités qu’ils avaient identifiées. Cela leur serait surement très utile. Elle ressentait une grande anxiété à l’idée de partir de cet endroit sans doute magnifique, mais escarpé et au milieu de rien.

- A ce que je sache, répondit-elle il n’y a pas de présence militaire dans cette zone. Cela va demander un peu de temps d’organiser une expédition comme celle là, il va falloir réfléchir à comment protéger le matériel des intempéries et si possible, en réduire la taille…Je suppose que j’aborderais ce point au briefing de demain, enfin si mes collaborateurs ne sont pas trop surpris par votre présence.

L’angoisse la saisi lorsqu’elle s’imagina suspendu dans le vide au bout d’une corde et chassa du mieux qu’elle put cette pensée. Son hypothèse de toute à l’heure revint à la charge à nouveau. Elle scruta le visage de son interlocuteur. Avait-il perçu cette image ? L’idée que cela put être le cas la couvrit de honte.

De toute évidence, cette idée n’allait pas la quitter alors elle n’eut pas d’autre choix que de la formuler à haute voix. Une fois cela fait, elle se sentit parfaitement ridicule.

- Il n’y a aucune question stupide et vous n’êtes pas ridicule.

Fanella baissa immédiatement les yeux. Même si son intellect ne l’avait pas trompée, elle n’était pas prête du tout à envisager qu’il puisse avoir raison. Immédiatement, elle se sentit comme si elle avait brutalement pris conscience d’avoir été totalement nue tout le temps de leur échange. Non seulement il connaissait le contenu de ses pensées, mais il savait aussi ce qu’elle ressentait, de manière exacte, comme sa première remarque venait de le prouver.

Il se trouva vers elle, cherchant son regard mais elle se déroba, rattrapée par cette horrible conviction irrationnelle qui l’avait accompagnée toute son enfance  : quiconque la connaîtrait vraiment, quiconque saurait qui elle est la détesterait immédiatement.

- Oui je lis dans les pensées, ça fait partie de ma ‘’sensibilité’’ dira-t-on, reprit le spectre.

La tristesse dans sa voix attira son attention. Quelle égoïste elle faisait. Avait-elle songé une minute à ce qu’il pouvait vivre, lui ? Elle aussi venait de le percer à jour ? Ou était-ce ce qu’il voulait, que l’idée lui vienne seulement quand elle serait prête à l’accepter ? Voilà quelqu’un qui faisait preuve d’un tact qu’elle n’aurait jamais. Elle aurait voulu dire quelque chose mais tout lui sembla futile, vain ou inutile alors elle le laissa terminer.

- Je suis désolé, j’aurais peut-être du vous le dire tout de suite mais j’espérais… enfin je voulais espérer… que ça n’ait pas grande importance. Bien sûr je comprendrais si vous étiez fâchée ou si vous preniez cela comme une agression… Je suppose que je serais moi-même très gêné si cela devait arriver. Si cela peut vous rassurer, vous réfléchissez tellement vite que j’ai du mal à vous suivre quelques fois.

Fanella comprenait très bien qu’il n’ait pas pu tout lui dire immédiatement. A quel moment aurait-il pu  ? Juste après qu’elle été terrorisée par son apparition ? Ensuite ? Fanella ne se sentait pas fâchée non, gênée oui de toute évidence alors qu’elle retraversait ses pensées de la soirée. En ce laps de temps, combien en avait-il appris sur elle ? Son immaturité ? Sa faiblesse ? Fanella dégluti douloureusement et se rappela les conseils de sa thérapeute à nouveau. Rester concentrée sur la discussion, ne pas oublier de répondre. Ces conseils restaient-ils valables en pareilles circonstances ?

- C’est quelque chose que je ne peux pas contrôler et vous n’y êtes pour rien non plus… Personne ne peut s’empêcher de penser, de ressentir ou de se poser des questions. C’est aussi pour ça qu’il vous sera très difficile de me froisser par manque de tact comme vous avez tendance à le penser parce que je sais que vous ne le faites pas exprès.

Souvent dans sa vie, Fanelle avait souhaité pouvoir entendre les pensées des autres, pouvoir enfin vérifier quel genre d’impression elle laissait à ses interlocuteurs, cependant, elle savait aussi ce que c’était d’être différente et pointée du doigt. Cette dernière pensée pris le dessus finalement. Eugène n’avait pas a payer le prix de sa difficulté à s’accepter. Jusqu’ici, il n’avait été rien d’autre que gentil et prévenant avec elle. Elle voulait être cette personne capable de lui rendre la pareille alors elle se força à respirer.

- Je suppose que je n’ai rien besoin de dire, souffla-t-elle, vous savez déjà tout.

Elle se força à sourire maladroitement, pour éviter qu’il ne perçoive cette remarque comme un reproche, avant de se souvenir que c’était parfaitement inutile. Au moins Eugène serait la première personne en ce bas monde à ne pas se méprendre sur ses intentions.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Appel vers l'autre mondeDim 1 Aoû - 18:25
Fanella avait raison, Eugène ignorait beaucoup de ce nouveau siècle dans lequel il avait plongé. Même que des hommes étaient allés sur la Lune et que certains demeuraient visiblement dans l’espace. S’il avait été vivant, il lui aurait fallu une chaise pour s’asseoir lorsque son esprit, connecté bien malgré lui à celui de la chercheuse, se fit offrir quelques images éparses de la planète bleue et d’hommes en apesanteur dans une station en orbite depuis de nombreuses années. Bien entendu, la jeune femme était trop occupée pour voir la fascination mêlée de tristesse mélancolique qui illuminait maintenant son visage translucide.

Sa femme aussi était allée dans l’espace. En même temps que Gagarine mais les Etats-Unis avaient dû se précipiter pour tenter de rattraper les russes, au prix de nombreuses erreurs d’ingénierie. Ils s’étaient basés sur l’architecture de la fusée soviétique sans savoir que les plans que leurs espions faisaient sortir des bureaux russes étaient falsifiés. Et que c’était lui, Eugène, qui avait manipulé l’esprit de ces agents doubles pour qu’ils truquent ces documents. La réentrée de Joy dans l’atmosphère fut catastrophique et elle en garda de nombreuses séquelles. Le gouvernement américain étouffa cet échec et la Russie fut déclarée grande gagnante de cette expérience novatrice. Le médium n’oublierai jamais les mots de son épouse lorsque, des années plus tard, ils s’étaient finalement revus pour la dernière fois ; « Eugène, la Terre est si bleue… de là-haut, il n’y a aucune frontière et pas de guerre froide pour nous séparer… C’est si triste de voir des pays se déchirer alors que nous ne formons qu’un tout bien plus grand. » Et dire qu’elle ne lui en avait jamais voulu. Sans s’en rendre compte, des larmes s’échappaient des yeux du vieux fantôme, qu’il chassa dans l’angoisse d’être découvert quand les deux cartes furent superposées sur l’écran. Il avait une bonne raison de se concentrer sur autre chose que ces souvenirs qui laissaient parfois encore son esprit anéanti.

Après un court instant durant lequel ce fut au tour de Fanella d’aller se perdre dans ses réflexions, il fit le lien entre les deux cartes pour tomber sur la zone familière où son corps devait toujours reposer. C’était à la fois scientifique avec les cartes superposées mais un étrange instinct lui disait également que l’endroit était effectivement le bon. Il se rappelait qu’ils entraient plus facilement dans la zone en voiture par l’Ouest à l’époque et il partagea ces informations. Si une expédition devait avoir lieu, mieux valait mettre toutes les chances de leur côté. La chercheuse semblait en tout cas bien partie pour proposer cette idée à son équipe le lendemain. Pour ce soir par contre, d’autres questions la taraudaient et vint enfin le moment où il dut lui révéler une de ses capacités les plus handicapantes, celle de voir s’imposer à soi l’esprit des autres.

Eugène s’attendait à tout, à ce qu’elle s’énerve, pleure, ne veuille plus jamais lui parler, soit terrifiée. Bien évidemment, le courant de ses pensées et de ses émotions l’entraîna un brin tandis qu’il tâchait de rester concentré, se fixant sur la pensée que tout cela ne lui appartenait guère comme il avait l’habitude de le faire. Il fallait essuyer l’ouragan pour que le calme revienne peu à peu. L’esprit tenta de se justifier autant que de la rassurer. Beaucoup de souvenirs, de vieilles émotions automatiques passèrent à travers eux, qu’il essuya sans sourciller.

- Je suppose que je n’ai rien besoin de dire, vous savez déjà tout.

S’il n’avait pas lu dans son esprit, il aurait effectivement pu penser que ces mots étaient une attaque à demi voilée, un reproche. Cela avait d’utile que ses interlocuteurs étaient toujours honnêtes avec lui et ne pouvaient pas lui mentir. C’était presque rassurant. Eugène cessa de flotter pour venir poser ses pieds au sol et se planter en face de Fanella. Il pouvait aussi aisément traverser le carrelage que les murs s’il n’y prêtait pas attention mais de cette manière, il paraissait un peu plus réel peut être, bien campé sur le plancher. Et un peu plus à sa hauteur pour discuter, car le sujet était sérieux et il la voyait d’ores et déjà éviter son regard.

- Fanella… vous êtes unes des rares personne qui me respecte un tant soit peu en ce monde. Qui ne cherche pas à m’utiliser pour son profit ou à me contrôler pour mes pouvoirs et la force qu’ils peuvent octroyer mais plutôt pour avoir des réponses à ses questions. Vous m’avez écouté parler, vous êtes même prête à partir en expédition pour retrouver mon corps. Je ne peux pas vous détester, ni juger vos pensées ou vos actions. Ces blessures ne peuvent être infligées que par des ignorants.

Eugène n’avait été capable de détester que quelques rares personnes durant sa vie. Ceux qui l’avaient manipulé, avaient enlevé son fils à la naissance et poussé sa femme à exécuter la tâche ignoble de venir le tuer principalement. Fanella avait dû faire face à beaucoup de souffrance dans sa jeunesse et sans doute encore maintenant du fait de sa précocité intellectuelle. Cela ressemblait fort à une malédiction comme la sienne ; des capacités énormes et l’incompréhension totale, la peur et la médisance des gens autour d’eux. L’impossibilité de créer des liens sociaux. Il compatissait tellement. Il aurait voulu poser sa main sur son épaule et l’aurait sans doute fait, s’il n’avait pas été un fantôme.

- Je vous apprécie pour ce que vous êtes en globalité et je vous fais confiance. Votre intelligence hors du commun vous définit en partie mais pas en totalité, c’est simplement la partie qui brille le plus. Au-delà, je vois beaucoup de force et de volonté en vous. Regardez donc ce que vous avez réussi à faire, vous parlez avec un vieux fantôme ! Parce que vous avez cru en vous malgré les critiques et que votre motivation vous à poussé jusque là. Alors oui, nos discussions pourraient se passer de mots... mais au moins elles sont honnêtes.

Il ne la trouvait ni faible, ni immature. Savoir se comporter face à quelqu’un pouvait s’avérer si compliqué, les émotions pouvaient être si aléatoires en fonction du vécu de chacun. Pour toutes les moqueries et brimades que Fanella avait pu subir, lui, ce soir, était fier d’elle. De ce qu’elle avait accompli et de l’aide qu’elle voulait lui fournir. Elle aurait pu céder à la peur et l’envoyer balader mais ça n’avait pas été le cas. Il ne savait pas s’il pourrait un jour la remercier ou lui rendre la pareille de ce qu’elle s’apprêtait à faire pour lui.
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Fanella Ozark
# Re: Appel vers l'autre mondeLun 2 Aoû - 21:52
Fanella était passée par toutes sortes d’émotions à l’idée que le fantôme qui se tenait face à elle pouvait lire ses pensées. Cette conversation la mettait à l’épreuve plus qu’elle aurait pu l’imaginer sur le plan de l’intimité, là où elle se sentait fragile et vulnérable. Finalement, elle voulait que l’humanité et l’empathie priment sur tout ça. Et cela, elle n’avait pas besoin de le dire, puisqu’il pouvait le sentir.

Le fantôme se plaça face à elle et cette fois il trouva son regard. Il se tenait là et il semblait presque se gonflait de matérialité.

- Fanella… vous êtes unes des rares personne qui me respecte un tant soit peu en ce monde. Qui ne cherche pas à m’utiliser pour son profit ou à me contrôler pour mes pouvoirs et la force qu’ils peuvent octroyer mais plutôt pour avoir des réponses à ses questions. Vous m’avez écouté parler, vous êtes même prête à partir en expédition pour retrouver mon corps. Je ne peux pas vous détester, ni juger vos pensées ou vos actions. Ces blessures ne peuvent être infligées que par des ignorants.

Par ses mots, il lui rappelait qu’elle en revanche ne lisait dans son esprit. Elle n’avait aucune idée de ce qu’il avait pu traverser. Oui, il avait du rencontrer meilleur qu’elle, mais il avait aussi connu bien pire. Probablement souvent. Elle savait très bien ce que cela faisait d’être traité différemment, de se sentir utilisée. Elle n’avait pas été l’objet d’expériences mais les adultes autour d’elle l’utilisaient souvent pour se valoriser lorsqu’elle était enfant. Plus il parlait, plus elle sentait une forte émotion gonfler en elle, comme une vague qu’elle n pouvait ni maîtriser ni expliquer. Alors elle l’écouta et l’observa cette fois, avec attention, puisqu’une brèche s’était ouverte, très profond en elle  : cet être la voyait, il la voyait vraiment et il était capable de l’accepter.

- Je vous apprécie pour ce que vous êtes en globalité et je vous fais confiance. Votre intelligence hors du commun vous définit en partie mais pas en totalité, c’est simplement la partie qui brille le plus. Au-delà, je vois beaucoup de force et de volonté en vous. Regardez donc ce que vous avez réussi à faire, vous parlez avec un vieux fantôme ! Parce que vous avez cru en vous malgré les critiques et que votre motivation vous à poussé jusque là. Alors oui, nos discussions pourraient se passer de mots... mais au moins elles sont honnêtes.

Beaucoup de force et de volonté.. jamais personne n’avait perçu cela en elle. Elle-même se trouvait toujours fable, maladroite, insuffisamment capable de gérer ses émotions. Jamais personne, hormis les quelques journalistes qu’elle avait rencontrés ne l’avait vraiment félicitée pour ce qu’elle avait accompli. Personne de qui elle pouvait se dire proche en tout cas.

Elle regarda Eugène sans peur, alors que ses yeux se mouillaient de larmes.

- Si vous étiez de chair et de sang… je vous serrerais dans mes bras, dit-elle d’une voix tremblante. Ces quelques mots étaient exactement le reflet de la pensée qui la traversa à ce moment précis.

Elle reprit son souffle, parce qu’elle ne voulait pas pleurer malgré tout.

- Vous êtes… vous êtes si… gentil avec moi.

Jamais elle n’aurait pensé qu’une telle rencontre puisse avoir lieu. Riche sur le plan scientifique, mais aussi sur le plan humain. Jamais non plus, elle ne s’était sentie aussi proche de quique ce soit. Cette pensée l’embarassa d’autant plus qu’il l’entendait. Prenant conscience un peu honteusement de la terrible solitude dans laquelle elle se trouvait, elle se détourna à nouveau.

- Bon euh je…je crois que j’ai besoin de.. euh… d’aller dormir quelques heures. Est-ce que vous pouvez rester.. rester là cette nuit ?

En effet, une terreur sourdre lui disait qu’il était tout à fait possible que l’expérience ne se réplique pas et que demain, le générateur n’envoie son message que vers une abysse de silence.
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Eugène (The Sorrow)Lost Ghost
# Re: Appel vers l'autre mondeLun 2 Aoû - 22:23
Les mots d’Eugène avaient touché Fanella, fait mouche comme il le désirait. Forcément, il était plus facile de constater les échecs que de valoriser les réussites alors que c’était ce dont elle aurait eu besoin pour gagner en confiance. Il était facile pour l’esprit de déceler les bonnes émotions derrières les paroles de ses interlocuteurs mais plus difficile de transmettre les siennes par des mots à des personnes moins sensibles. Ce soir, il pouvait se targuer d’avoir plutôt bien réussi. La scientifique avait tout compris ; il pouvait la voir, sans filtre, sans préjugés, presque à cœur ouvert et ils se trouvaient tous deux des points communs mêlés de souffrance auxquels se connecter.

Elle tentait de contrôler les larmes qui lui venaient et s’il avait été en mesure de les sécher physiquement, il n’aurait pas hésité à lui dire de se laisser aller mais ce n’était pas le cas. Il n’était qu’un être translucide à travers lesquelles les petites gouttes salées passeraient pour s’écraser sur le sol. De l’extérieur, elle aurait eu l’air de pleurer seule dans son laboratoire. Il savait pourtant à quel point pleurer pouvait faire du bien, si on se libérait d’une petite partie embêtante d’amour propre qui avait tendance à faire passer cet exutoire pour de la faiblesse. Il avait toujours beaucoup pleuré, au point d’être traité de pleurnichard, mais il s’était toujours senti mieux ensuite.

- Si vous étiez de chair et de sang… je vous serrerais dans mes bras. Vous êtes… vous êtes si… gentil avec moi.

- J’aimerai l’être de nouveau pour faire de même, avoua-t-il, presque à sa propre surprise. Je ne fais que répondre à votre propre gentillesse par la mienne vous savez, vous méritez des gens gentils autour de vous.

Ses propres larmes, étranges pour un fantôme, perlèrent au coin de ses yeux tant il fut touché par ses paroles mais surtout par la vague d’émotion qui s’écrasa sur lui. Son sourire, un peu désolé de ne pouvoir totalement répondre à ses attentes n’en était pas moins compatissant. Nul doute que la sensation risquait d’être étrange, peut être désagréable mais il s’avança d’un pas pour passer ses bras autour de ses épaules, tapotant son dos d’une main fantomatique. Il ne pouvait lui apporter cette étreinte rassurante et chaleureuse mais il pouvait toujours la toucher. Sa peau risquait de se rendre compte de quelque chose d’anormal et de l’alerter mais il ne prolongea pas le contact jusqu’à ce que cela devienne intolérable. Autant pour elle que pour lui car il eut l’impression que son cœur inexistant s’ouvrait en deux face à la solitude de Fanella qui faisait écho et amplifiait la sienne. S’il ne restait pas concentré, il risquait de se perdre dans l’esprit de la jeune femme, dans ses souvenirs et sa douleur et d’éprouver des difficultés à en sortir ou à se remettre. Ses bras la quittèrent pour qu’il puisse reculer d’un pas et la sensation froide de la mort s’estompa avec lui. Il regrettait de ne pouvoir lui offrir davantage et la pensée, qui aurait pu être positive, d’être proche d’elle, ne l’emplit que de davantage de tristesse, car il n’aurait pas dû être le seul ou presque à lui offrir cette proximité. Elle la méritait de la part de personnes belles et bien vivantes.

- Bon euh je…je crois que j’ai besoin de.. euh… d’aller dormir quelques heures. Est-ce que vous pouvez rester.. rester là cette nuit ?

Il comprenait son appréhension et il hocha la tête. Eugène lui-même n’était pas sûr de pouvoir revenir à une heure fixe le lendemain, puisque le temps passait différemment sur sa plage, qu’il n’y avait pas vraiment de journée ou de nuit pour s’orienter. Et, comme elle le pensait, le générateur pouvait tout aussi bien appeler quelqu’un d’autre. Qu’elle lui ait posé la question ou non, il serait resté parmi les vivants cette nuit.

-- Vous avez brassé beaucoup d’émotions ce soir, ça ne peut vous faire que du bien. Et je comptais bien rester en effet. Je peux vous raccompagner si vous le souhaitez, ou bien rester ici sagement jusqu'à demain. Je vous autorise à décider de mon sort, plaisanta-t-il avec une pointe d'amusement.

Si Fanella voulait lui mettre un film, une série ou un documentaire pour la nuit sur son ordinateur ultra perfectionné, il risquait d’être occupé pendant des heures et des heures et ne verrait pas le reste de la nuit passer. Et si elle lui donnait l’autorisation de sortir, il partirait sans doute explorer Salt Lake City après l’avoir raccompagné, invisible aux yeux de ses habitants endormis.
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Fanella Ozark
# Re: Appel vers l'autre mondeSam 7 Aoû - 15:56
Fanella venait de vivre une expérience tout à fait exceptionnelle. Elle était parvenue à se sentir proche d’un autre être, qui la comprenait et l’acceptait tel qu’elle était. Même si elle ne pouvait pas lire ses pensées à lui, elle savait au plus profond, sans le moindre doute, qu’il ne lui mentait pas.

Alors elle avait dit le fond de sa pensée, tel qu’il était, puisque face à lui les apparence et les conventions sociales perdaient tout leur sens. C’était aussi la première personne qu’elle avait authentiquement envie de serrer dans ses bras depuis longtemps.

- J’aimerai l’être de nouveau pour faire de même, avoua-t-il. Je ne fais que répondre à votre propre gentillesse par la mienne vous savez, vous méritez des gens gentils autour de vous.

Même si son corps lui semblait fait de vapeur, elle put voir que ces yeux se mouillaient de larmes. A travers la mort, ils partageaient la même humanité. Elle ne comprit pas d’abord, quand le grand fantôme s’avança vers elle. Elle ne réalisa que quand elle se sentit un courant glacé tout autour d’elle qu’il la serrait dans ses bras. Elle ouvrit de grands surpris, son nez flottant au milieu de son épaule, complètement incrédule. Cette étreinte, différente avait le mérite, contrairement à beaucoup d’autres de ne pas réveiller de mauvais souvenirs. Son menton trembla fort mais elle ne céda pas aux larmes. Elle pouvait sentir à quel point son geste était doux, précautionneux. Lorsqu’il s’éloigna à nouveau, son corps tremblait de froid, pourtant, elle débordait d’une gratitude qu’elle était incapable de lui montrer. Débordée par ses émotions, elle ne pensait même pas que cette sensation constituait une donnée scientifique non négligeable. Encore une fois, les mots manquèrent mais cette fois, ça n'était pas grave.

Alors elle baissa les yeux, avant de lui dire qu’elle souhaitait aller dormir. Elle était véritablement épuisée. Il devait être tard à présent et demain, il faudrait affronter l’angoisse du debreifing avec toute l’équipe. Cependant elle n’imaginait pas le laisser repartir dans le vaste inconnu de l’autre monde. Et si demain, le générateur ne le retrouvait pas et contacter une autre entité ? Elle demanda donc à Eugène s’il pouvait rester là la nuit.

- Vous avez brassé beaucoup d’émotions ce soir, ça ne peut vous faire que du bien. Et je comptais bien rester en effet. Je peux vous raccompagner si vous le souhaitez, ou bien rester ici sagement jusqu'à demain. Je vous autorise à décider de mon sort, plaisanta-t-il avec une pointe d'amusement.

Fanella eut un rire nerveux.

- Peu de gens le savent ici, mais ça doit faire trois semaines que je ne suis pas rentrée chez moi… Je vais prendre une petite douche ici et m’écrouler sur le canapé de la salle de pause…

Son salaire lui permettait un appartement en ville tout à fait descent que sa mère l’avait aidée à meubler avec goût mais Fanella se trouvait en général vide et désoeuvrée chez elle. Au labo, elle avait de quoi travailler.

- Quant à vous.. reprit-elle, je crois qu’il serait plus sage que vous ne sortiez pas d’ici même si les gens ne vous voient pas. Tout le laboratoire est truffé de capteurs, il est déjà arrivé que des employés ramènent des entités chez eux… Je préfère annoncer moi-même votre présence à mes collaborateurs qu’ils la découvrent sur les relevés de nuit. Mais vous risquez de vous ennuyer.

La jeune chercheuse réfléchit un instant, avant de se souvenir que la pièce comportait un ordinateur dernier cri sur lequel il lui arrivait de regarder des séries au milieu de la nuit, quand elle n’arrivait pas à dormir. Pour se faire, elle utilisait son téléphone comme télécommande et s’installait sur la confortable chaise de bureau. Autant elle tenait à l’ordinateur, autant le fantôme pouvait griller son téléphone si cela lui chantait. Sa principale interlocutrice restait sa mère.

Elle lui sourit et lui confia l’objet.

- Voilà ça ça peut vous servir de télécommande.

Elle afficha Netflix sur l’écran.

- Vous pouvez regarder ce que vous voulez, c’est un peu comme, une télé sur commande ?

Rapidement elle lui montra le fonctionnement de la chose, en espérant qu’il puisse se l’approprier. La question restait ouverte de savoir jusqu'à quel point Eugène pouvait interagir avec les objets.

- Il y en a pour tous les goûts, fictions, documentaires…
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# Re: Appel vers l'autre mondeSam 7 Aoû - 16:44
Même si l’étreinte d’Eugène avait peut-être glacé Fanella, la gratitude la réchauffait de l’intérieur. Trouver les mots ou l’attitude pour lui faire comprendre ce genre d’émotions étaient sans doute difficile pour elle en temps normal mais avec lui, elle n’avait pas besoin de réfléchir ou de s’efforcer de trouver une solution ; il la ressentait comme si c’était la sienne. Pour certaines personnes, il était ainsi plus facile de parler avec lui et pour d’autres, plus pudiques ou renfermées, cela paraissait plus difficile. La chercheuse devait faire partie de ces gens qui trouvaient cela plus facile et il en était heureux. Mais facile ou non, cette soirée et ces émotions semblaient l’avoir épuisé, ce qu’il comprenait parfaitement. Il pensait naïvement qu’elle allait rentrer chez elle et qu’il pourrait la raccompagner mais dans son esprit, un tout autre scénario se dessinait.

- Peu de gens le savent ici, mais ça doit faire trois semaines que je ne suis pas rentrée chez moi… Je vais prendre une petite douche ici et m’écrouler sur le canapé de la salle de pause… Quant à vous, je crois qu’il serait plus sage que vous ne sortiez pas d’ici même si les gens ne vous voient pas. Tout le laboratoire est truffé de capteurs, il est déjà arrivé que des employés ramènent des entités chez eux… Je préfère annoncer moi-même votre présence à mes collaborateurs qu’ils la découvrent sur les relevés de nuit. Mais vous risquez de vous ennuyer.

Il se rappela un instant des semaines passées dans les bureaux et usines russes à travailler et à lui-même dormir sur des canapés ou à même le sol. C’était à l’époque plus par nécessité que par envie, son vieil appartement miteux de Moscou étant bien trop loin pour pouvoir rentrer tous les soirs. Il comprit vite que la solitude la poussait à rester ici, là où elle pouvait s’occuper, se rendre utile. C’était triste mais il comprenait. Lui aussi tournait un peu en rond à chaque fois qu’il rentrait, aussi ne fit-il pas de remarque particulière. Tant que le canapé était confortable… Et oui, qu’il reste ici ce soir était sans doute plus raisonnable même s’il était une gentille entité. Il respectait sa décision concernant ses collègues. Ils sauteraient peut-être moins au plafond si elle leur expliquait la situation plutôt que s’ils devaient la constater par des relevés.

Des images qui firent peu de sens dans sa tête apparurent dans celle de Fanella tandis qu’elle cherchait de quoi l’occuper. Il fut touché par cette attention et l’observa avec un sourire. Apparemment, la suite de sa nuit allait se dérouler sur un ordinateur qui semblait aussi capable de servir de télévision. Grand Dieux, il espérait ne pas tout faire exploser. La jeune femme lui tendit l’étrange téléphone avec lequel elle avait discuté précédemment avec un de ses collaborateurs. Il l’attrapa et l’appareil sembla flotter dans les airs comme par magie. Il espérait ne pas le casser, même si cela ne semblait pas d’une grande importance pour sa nouvelle amie.

- Voilà ça ça peut vous servir de télécommande. Vous pouvez regarder ce que vous voulez, c’est un peu comme, une télé sur commande ? Il y en a pour tous les goûts, fictions, documentaires…

- Oh la télévision je connais ! s’exclama-t-il joyeusement. Il n’y avait pas de couleur à l’époque et les programmes étaient très spécifiques, réservés aux grands évènements. Je crois que je vais passer la nuit à chercher quoi regarder avant de vraiment me lancer dans quelque chose. Il y a tellement de choix, c'est incroyable...

Il comprit assez vite que le téléphone lui permettait de choisir ce qui s’affichait sur l’ordinateur. L’écran, qui semblait tactile, réagissait étrangement au passage de ses doigts. L’écran présentait quelques bugs visuels ou avait du mal à prendre en compte ses déplacements mais dans l’ensemble, il arrivait à se dépatouiller. La batterie risquait malencontreusement de se vider un peu plus vite que la normale. Amusé, Eugène s’installa dans la chaise de bureau comme s’il était encore vivant, essayant d’oublier que s’il ne se concentrait pas, il risquait de la traverser.

Lorsque Fanella fut certaine qu’il arriverait à se débrouiller, elle prit congé et il lui souhaita une bonne nuit, du moins pour ce qu’il en restait. Le fantôme attendit que son esprit s’estompe tandis qu’elle s’éloignait pour commencer à chercher sur cette fameuse application Netflix quelque chose qui pouvait bien le tenter. Malheureusement, tout le tentait. Les images colorées et alléchantes de créations dans lesquelles plonger son esprit l’appelaient. Il préféra cela dit se lancer dans les documentaires plutôt que dans une série, bien trop longue à regarder, ou un film qu’il faudrait peut-être couper sans en connaître la fin. Un documentaire pouvait se suspendre ou s’arrêter sans qu’on sente de réelle frustration. Il trouva assez vite quelques documentaires sur la conquête spatiale et cela rappela sa conversation d’il y a quelques minutes. Il allait pouvoir rattraper le temps perdu et en couleur ! Pour une des rares fois dans sa vie, Eugène pressentait qu’il n’allait pas s’ennuyer au beau milieu de la nuit.

Au petit matin, lorsque Fanella revint de sa courte nuit, il était tellement concentré sur les images de son troisième reportage qu'il ne capta absolument pas son esprit qui revenait vers lui. Il avait posé le téléphone télécommande sur le bureau, qui avait fini sa lente agonie entre ses doigts il y avait de ça un petit moment déjà. Il espérait qu'elle allait réussir à le rallumer. Que l'objet soit important à ses yeux ou non, il serait gêné à l'idée de l'avoir cassé.
Eugène (The Sorrow)
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Fanella Ozark
# Re: Appel vers l'autre mondeDim 15 Aoû - 12:08
Comme elle l’avait dit à son invité Fanella se traîna dans un mélange d’émotions complexe s jusqu’aux douches du laboratoire. Le bâtiment en comprenait toujours depuis l’époque où les lieux servaient à étudier des composants chimique assez dangereux. Certains les utilisaient tôt le matin car ils venaient travailler en courant pour entretenir leur forme. La jeune chercheuse, elle, vivait plus ou moins là. L’eau qui coula sur elle l’aida malgré tout à trier ses pensées, entre la joie de la rencontre qu’elle venait de faire, et l’anxiété de la réunion du lendemain. Par où commencerait-elle, que dirait-elle ?  D’emblée, elle se dit qu’elle emmenerait Eugène avec elle. Pour une fois, elle ne serait pas seule face à eux. Cependant, elle lui conseillerait d’attendre un peu que tout le monde entende ce qu’elle avait a dire avant d’apparaître. Pour sur, elle garderait pour elle le fait qu’il pouvait lire les esprits, potentiellement jusqu’à la fin de l’étude. Ça n’avait rien d’éthique mais c’était la seule solution.
Alors qu’elle fouilla sous le canapé, là où elle gardait le sac qui contenait ses affaires de rechange, elle songea qu’il y avait trop d’éléments à prendre en compte. Rien ne lui permettait de prévoir la réaction de ses collaborateurs face à l’apparition d’un fantôme en salle de réunion. Surtout, elle doutait qu’ils la croient. Dans le frigo, elle dénicha un yaourt probablement périmé qu’elle mangea. Ses pensées fusaient imaginant les réactions de ses collègues, leurs regards, leurs gestes à son endroit. Fanella détestait les briefing d’une manière générale mais celui-ci risquait de s’avérer d’autant plus complexe qu’il faudrait désigner ceux qui allaient entreprendre le voyage jusqu’au Kazakhstan. Elle se doutait déjà que comme souvent, personne n’aurait envie de s’aventurer si loin, et alors elle faudrait qu’elle tranche d’autorité. Evidemment, toujours, elle emmenait Jonathan avec elle, parce qu’elle avait besoin de lui. Il s’en plaignait souvent car sa vie de famille en pâtissait, disait-il.
Une fois le yaourt terminé et la table nettoyée, Fanella regarda le canapé d’un air triste. Elle sortit de sous un coussin la couverture qu’elle gardait là. Le meuble n’avait pourtant rien à se reprocher, confortable et moelleux à souhait, il était assez long pour qu’elle puisse s’y allonger en plein. C’était juste qu’elle détestait le moment d’aller dormir, depuis l’enfance.
Chaque soir pourtant, elle s’y conformait avec discipline et malgré le fait que cette soirée restait sans doute dans les anales des plus spéciales de sa vie, elle ne ferait pas exception, même s’il ne lui restait que quelques heures devant elle. Elle soupira, s’allongea, et fit l’effort de fermer les yeux.
Alors qu’elle se concentrait sur sa respiration, toutes sortes de pensées et de scenarii catastrophe concernant la réunion du lendemain l’envahissaient. Mais à mesure que sa conscience se troublait, d’autres pensées plus envahissantes, plus glacées remontaient à la surface. Elles étaient toujours floues, indistinctes et pourtant terriblement vives. Plus que des idées, il s’agissait de sensations qui glissaient sur sa peau comme des insectes rampants. Quelques mots, susurrés à ses oreilles.

« Viens Fan, on va jouer ensemble »

Ses deux yeux se rouvrirent grand et elle se redressa, le souffle court. Elle se força à respirer calmement comme sa thérapeute lui avait appris. Sa montre indiquait que seule une heure était passée. Un instant, elle hésita à aller rejoindre son invité. Elle se demanda qu’est-ce qu’il pouvait bien regarder. Heureusement il avait pu manier son téléphone. La tentation fut grande mais elle y résista et se rallongea.
« Allez, reste calme » se dit-elle pour elle-même. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, avec le sentiment de nager dans une gelée répugnante, quarante cinq minutes s’étaient écoulées. Elle fit une dernière tentative mais finalement l’angoisse de la journée à venir la rattrapa et bien avant l’heure requise elle se leva et alla dans le frigo à la recherche d’un autre yaourt douteux. Comme elle ne trouva rien, elle se mit en devoir d’enfiler son grand manteau d’hiver et de chercher quelque chose à se mettre sous la dent. Elle trouva une petite épicerie de nuit sans trop de mal et rentra au labo en claquant des dents. Après qu’elle eut mangé, il fut presque sept heure quarante cinq. Elle déglutit douloureusement, heureusement malgré tout de retrouver Eugène avant la fameuse réunion.
Elle se demanda avec amusement ce qu’il avait choisi de regarder avant de pousser la porte battante de la salle de test.

- Bonjour  ! Vous avez bien dormi ? demanda-t-elle avant de se corriger … euh vous avez trouvé de quoi vous occuper ?

Elle haussa les épaules, chassant la pensée de sa propre nuit.

- Il va être temps de partir au briefing. Je pense que le plus simple serait que vous restiez avec moi, mais dissimulé, jusqu’à ce que je vous demande de montrer votre présence. Qu’en pensez-vous ?
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# Re: Appel vers l'autre mondeDim 15 Aoû - 20:43
Eugène venait de passer sa nuit absorbé par des documentaires sur l’exploration spatiale et le système solaire. Il devait y en avoir bien d’autre sur cette fantastique application Netflix mais après le premier, l’ordinateur lui avait proposé de nouvelles miniatures toutes aussi alléchantes. Au moins, l’esprit ne s’était cette fois pas laissé dériver dans des pensées macabres et il n’avait pas vu le temps passer. Les images de la Terre vue de l’espace l’avait fasciné et il avait dévoré les premiers pas de l’homme sur la Lune comme si l’évènement datait d’aujourd’hui. Avec une pointe de regret, il pensait toujours à ses amis qui n’étaient plus présents pour partager ce moment. Quelqu’un d’autre l’était cela dit et il sursauta jusqu’à en traverser le fauteuil lorsque les pensées et les paroles de Fanella brisèrent la bulle de fascination qui s’était forgée autour de lui.

- Bonjour ! Vous avez bien dormi ? Euh vous avez trouvé de quoi vous occuper ?

Elle ne s’en rendait peut-être pas compte, mais le surprendre était absolument rarissime. Il tournoya vaguement dans les airs pour se remettre face à elle, quittant l’écran des yeux. La chercheuse avait passé une terrible nuit dont elle gardait encore les émotions et les images collées à son corps. Sans ces sensations et ces souvenirs qui le prirent à la gorge, son sourire aurait été beaucoup plus éclatant. Il paraissait ce matin triste et désolé.

- Bonjour Fanella, ma nuit à été plutôt instructive en effet. On ne peut pas en dire autant de la vôtre, je suis navré de l'apprendre…

S’il avait su ou si elle était revenue le voir, il aurait peut-être pu la guider vers des rêves plus agréables. Il aurait aimé lui dire de penser à elle, de reporter la réunion ou son travail d'aujourd'hui mais il savait très bien que le choses ne fonctionnaient pas ainsi. Lui comme elle avaient leurs propres fantômes ou démons pour les hanter. Et malheureusement, ils lâchaient difficilement prise. Elle voulait chasser ses pensées et se libérer l’esprit et il n’insista pas. Un cauchemar et des angoisses étaient assez horribles comme ça, il ne voulait pas en rajouter alors que la journée commençait à peine et risquait d’être éprouvante. Le briefing l’inquiétait déjà suffisamment et lui aussi par la même occasion.

- Il va être temps de partir au briefing. Je pense que le plus simple serait que vous restiez avec moi, mais dissimulé, jusqu’à ce que je vous demande de montrer votre présence. Qu’en pensez-vous ?

Eugène hocha la tête. Par prudence, il n’aurait pas voulu se révéler immédiatement de toute façon. Tout le monde ne pouvait pas prendre aussi bien qu’elle le fait de discuter avec un fantôme, sans compter les quelques secrets sur son identité qu’il fallait taire sous peine d’engendrer des problèmes auxquels personne ne voulait avoir affaire.

- Personne ne me verra si je n’en ai pas envie, lui dit-il d’un air un peu amusé. Disons que je ne choisis pas de me rendre visible ou invisible, je choisis qui peut me voir ou non. Je n’existerai pour eux que lorsque vous m’en aurez donné le feu vert. C’est mieux comme cela, je n’ai pas envie de provoquer un vent de panique.

Le fantôme ne les avait jamais rencontrés, il ne savait guère à quoi s’attendre. Il espérait souvent beaucoup trop des relations en général et des nouvelles rencontres. La réalité le rattrapait vite puisque personne ne pouvait cacher sa véritable nature très longtemps devant lui. Quoi qu’il en soit, il la suivit en flottant dans son sillage dans les couloirs, invisible pour les gens mais sans doute guère pour les capteurs.

- Si cela peut vous rassurer, sachez juste que je serais là pour vous défendre et vous épauler si vos confrères vous font des misères.

Fanella avait cru en lui et, contrairement à ce qu’elle pouvait penser, il estimait avoir été traité avec beaucoup de respect. Il se rangeait donc de son côté et n’hésiterai pas à se faire entendre si c’était nécessaire, même s’il avait toujours été plus médiateur que bagarreur. Il espérait tout de même qu’elle trouverait des volontaires pour partir en expédition. Le voyage risquait d’être compliqué, incertain et dangereux si elle voulait y aller seule. Eugène dut faire un gros effort pour canaliser ses émotions car lui même se sentait angoissé à l'approche de la porte de la salle de réunion. Il hésita même un instant à s'occulter à la vue de sa nouvelle amie pour qu'elle ne le voie pas se triturer les mains et réarranger ses lunettes dans l'expectative de la réunion et du jugement de gens qu'il ne connaissait pas.
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Fanella Ozark
# Re: Appel vers l'autre mondeSam 21 Aoû - 18:22
C’était encore un autre matin stressant au laboratoire où il faudrait se réunir devant ses collaborateurs. Mais ce matin au moins, elle avait la joie de retrouver son nouvel ami. Aussi elle poussa la porte de la salle de test avec enthousiasme. Un peu trop visiblement puisqu’il sursauta. Jamais elle n’avait vu chose aussi étrange  : a quoi bon sursauter lorsqu’on avait plus de corps à défendre, de vie à conserver ? Elle l’observa passer à travers son fauteuil avant de reprendre peu à peu contenance.
Alors elle lui demanda ce qu’il avait regardé d’intéressant pendant qu’elle essayait, vainement comme souvent, de dormir.

- Bonjour Fanella, ma nuit à été plutôt instructive en effet. On ne peut pas en dire autant de la vôtre, je suis navré de l'apprendre…

Evidemment, tous ses efforts pour dissimuler les pensées qui l’avaient envahie dans la nuit étaient vains. Elle le savait. Pourtant,  elle ressentit un violent sentiment de honte à l’idée qu’Eugène pouvait déjà savoir ce qui lui était arrivé. De toute façon, lorsque son esprit se rapprochait de près ou de loin de cette zone minée, elle ne ressentait rien d’autre  : une dévorante honte, le genre qui rend insupportable le fait même de respirer. Alors elle chassa cette pensée du mieux qu’elle put.

- Oh oui.. je dors rarement.. rarement bien. Tant mieux si Netflix a pu vous divertir.  Au moins vous en savez un peu plus sur cette époque.

Elle se demanda jusqu’à quel point Eugène pourrait être décalé idéologiquement parlant avec le 21 ème siècle. Sans doute pas tant. Fanella se représentait que l’époque présente était plus tolérante que celle qu’il avait connue. Avec un peu de chance, cela jouerait en leur faveur tout à l’heure.


- Il va être temps de partir au briefing, reprit-elle Je pense que le plus simple serait que vous restiez avec moi, mais dissimulé, jusqu’à ce que je vous demande de montrer votre présence. Qu’en pensez-vous ?

- Personne ne me verra si je n’en ai pas envie, lui dit-il d’un air un peu amusé. Disons que je ne choisis pas de me rendre visible ou invisible, je choisis qui peut me voir ou non. Je n’existerai pour eux que lorsque vous m’en aurez donné le feu vert. C’est mieux comme cela, je n’ai pas envie de provoquer un vent de panique.

Elle nota mentalement cette idée. Là encore il devait s’agir de flux d’ondes inversés agissant peut-être directement sur l’esprit de ses vis à vis. Si l’humanité parvenait à maîtriser ces phénomènes, les applications seraient sans doute nombreuses. Fanella rit volontiers aussi quoiqu'un peu nerveusement.

- Si tout le monde réagit comme moi, on s’expose à un vent de panique oui…

Tout reposait donc sur la manière dont elle introduirait la chose. Voilà qui n’était guère rassurant.  A nouveau son esprit déployait milles possibilités concernant ce qui allait suivre. Comme elle pouvait s’en douter, le fantôme eut encore une parole rassurante.


- Si cela peut vous rassurer, sachez juste que je serais là pour vous défendre et vous épauler si vos confrères vous font des misères.

Fanella ne sut pas quoi penser de cela. Elle aurait aimé se défendre seule. Comme ses gestes, même discrets de lui montraient. Il était déjà assez anxieux de tout cela. A sa place, elle aurait été terrorisée. Elle l’entraîna dans les couloirs et juste avant de pousser la porte de la salle de réunion où le bruit des conversations retentissaient déjà, elle lui lança un dernier regard.

- Eugène, merci de faire ça.


Elle entra, en se forçant à inspirer et expirer tranquillement et alla s’asseoir en bout de table là où était sa place de leader. Parmi les rumeurs des conversations, elle tira une seconde chaise pour la  placer à ses côtés. Ce geste anodin n’éveilla heureusement aucune curiosité. Certains baillaient, d’autres proposaient du café, d’autres encore saluaient l’assemblée car ils venaient d’arriver. Il était assez rare que tout le monde soit à l’heure. Pour se donner une contenance Fanella ouvrit son ordinateur portable avec lequel elle prenait des notes lors de ce type de réunion. Cela lui permettait de suivre les raisonnements de ses collègues lorsque les échanges traitaient de sujet techniques. Plus souvent, ses notes faisaient foi lorsque quelqu’un disait « On a jamais dit ça ».  L’anxiété monta et Fanella essayait de ne pas trop regarder en direction d’Eugène sans quoi, elle aurait eu l’air de scruter le vide. Le calme se faisait peu à peu autour de la table bleu où se reflétaient la lumière agressive de néons blancs. Bientôt une trentaine de personnes se tinrent face à elle, assises dans les chaises noires et matelassés.

Elle entendit distinctement un commentaire à son endroit juste avant que le silence ne se fasse.

- Elle à l’air de mauvaise humeur ce matin… et tu crois que hier soir…

- Bon, commença-t-elle sur un ton dur pour couper court et un silence de mort tomba.

Elle déglutit douloureusement. Il fallait s’en tenir au plan. D’abord parler du voyage, ensuite de la présence d’Eugène. A ce point, l’échange risquait de devenir difficilement contrôlable.

- Tout d’abord, je m’adresserais aux équipes de recherches  : une nouvelle direction va être prise en matière de récolte de données et je voudrais..

- Fanella, vous ne voudriez pas commencer par debrieffer le test d’hier soir ? Tout le monde brûle d’impatience et… essaya une jeune femme assise dans la rangée de droite.

- Je ne peux pas faire ça, la coupa Fanella toujours avec dureté. Je vais d’abord aborder les points de fonctionnement avant d’en venir au test d’hier soir, mais ne vous inquiétez pas, il est évidemment à l’ordre du jour.

Elle lança un regard appuyé à Jonathan qui baissa les yeux. De toute évidence, il n’avait pas gardé leur conversation de la veille pour lui. Probablement, la moitié du labo pensait déjà qu’elle avait perdue la tête. Heureusement personne d’autre n’osa enchérir.

- Je disais donc, équipes de recherche, nous allons devoir explorer une nouvelle direction. J’aimerais qu’on fasse l’inventaire des entités connues toujours en activité et qu’on aille trouver leurs corps.

- Rien que ça, commenta Jonathan qui se trouvait être aussi le chef des équipes de recherche.

Fanella essaya de ne pas se laisser démonter.

- Evidemment nous allons nous donner du temps pour faire ce travail, je pense que nous auront besoin de quelques mois pour commencer à obtenir des résultats probants. Aussi, nous allons devoir prévoir un voyage au Kazakhstan.

Rumeur de mécontentement autour de la table. Fanella la laissa retomber avant de poursuivre.

- Nous avons le temps avant de décider qui y prendra part. Equipes techniques, je vais devoir vous solliciter. Il faut trouver des manières de réduire la taille et le poids de notre matériel de mesure, l’endroit où nous allons est reculé et escarpé. Une partie d'entre vous va devoir évidemment se consacrer à l'entretien du générateur qui a subit quelques dommages hier soir mais la majorité d'entre vous devra...


- Fanella, je crois que tout le monde à besoin de savoir ce que nous allons faire là-bas, coupa Jonathan.

- J’y viens, s’agaça-t-elle, là bas se trouve le corps d’une entité. Celle avec qui le test d’hier soir m’a permis d’entrer en contact.

De nombreux murmures parcoururent l’assistance et les collaborateurs se regardaient incrédules. D’autres avaient sur le visage un air de « Eh bah voilà je vous l’avais bien dit » qui lui déplut fortement.

- C’est de la folie, coupa un homme aux cheveux grisonnants. Une soirée de test, c’est tout ce qu’il vous faut pour remettre en question tout le protocole  ? Doit-t-on encore vous apprendre comment fonctionne la démarche expérimentale ?

Fanella se leva et tapa du poing sur la table. Elle ne voulait pas se faire traiter de la sorte devant Eugène. Elle avait besoin qu’on la laisse terminer si elle devait aller au bout de ce qu’elle avait à révéler aujourd’hui.

- Est-ce que je peux faire une réunion, une seule, sans que chacun d’entre vous ne questionne chacune de mes décisions ?

Le silence tomba, et elle poursuivit.

- Je sais que cela est difficile à admettre pour certains d’entre vous - elle lança un regard appuyé à l’homme qui l’avait coupée en dernier - mais c’est moi qui prends les décisions ici. A tous ceux à qui ça ne convient pas, j’attends vos lettres de démissions sur mon bureau dès cet après-midi et quitter cette réunion dès à présent.

Tout le monde baissa la tête, personne n’osa répondre. Heureusement personne ne se leva.

- Bien. Maintenant que cette question est réglée, pour vous répondre Mr Tanner, il ne s’agit pas de remettre en question tout le protocole. Mais je n’ai eu de cesse de le répéter. C’est un champ d’étude de nouveau, et par conséquent, on doit pouvoir s’adapter en fonction de ce que les résultats nous présentent. On s’occupera de la stabilité de nos résultats dans un second temps. Pour faire des études statistiquement significatives encore faut-il avoir une idée très précise de ce qu’on recherche.

Fanella risqua un regard dans la direction d’Eugène avant de se reprendre.

- Hier soir donc, j’ai eu une conversation avec une entité, via le générateur. Cette.. personne à accepté, de collaborer à l’étude pour une approche plus… qualitative  des choses. Cela en échange du fait qu’on la traite avec respect et qu’on tente de retrouver son corps qui se trouve au Kazakhstan.

- Attends, Fanella reprit Jonthan, comment tu as fait pour obtenir pour obtenir ce…Est-ce que tu es sûre d’avoir bien interprété les…


- Oui, Jonathan, reprit Fanella, choisissant ses mots avec soin, cette entité est très différente de celles auxquelles nous avons eu affaire jusque là. La pression antématrielle était si forte que j’ai grillé quelques composants du générateur, mais il est tout à fait possible d’avoir une conversation rationnelle avec. J’ai d’ailleurs passé une bonne partie de la nuit à ne faire que cela.

Des murmures parcoururent l’assistance. Joanthan la dévisageait, complètement choqué.

- Ecoutez, j’ai bien conscience que cela est difficile à croire. Mais il semblerait qu’il faille penser l’au delà et notre monde comme une continuité. Nous ne sommes pas morts ou vivants. Seulement plus ou moins morts et plus ou moins vivants à la fois. C’est ce qu’indiquent les relevés d’hier en tout cas sur cette occurence.

- Si cette chose existe bel et bien, alors faut trouver un moyen de l’isoler et de limiter son rayon d’action. Ce n’est sûrement pas un hasard si tous les écrits de toutes les religieux s’accordent à dire, qu’il existe des entités maléfiques qui savent très bien cacher leur jeu, reprit l’homme grisonnant.

La chef du laboratoire soupira. Tanner avait l’art de la contredire en toutes circonstances. Elle savait qu’il la détestait parce qu’elle était sa chef, plus jeune que lui et de surcroît, une femme. Voilà pourquoi il passait de but en blanc d’une critique sur sa rigueur scientifique à la citation d’ouvrages antiques.

- Je suis désolé Fanella, mais Tanner a raison, reprit Jonathan, Si tu as laissé cette chose repartir d’où elle vient, ou même pire, rester ici, alors tu es devenue complètement irresponsable ! As tu la moindre idée des conséquences irréversibles que pourraient avoir la présence de…

L’assemblée se rebellait contre elle. Certains montraient clairement de la peur, d’autres de la colère, et tous se mirent à l’invectiver en même temps.

- Assez, assez,
essaya-t-elle, et puis prenant courage en lançant encore un regard à Eugène qu’elle ne pouvait pas décemment laisser dans cette situation désastreuse. Il fallut encore trois coups secs sur la table et qu’elle crie bien fort.

- Assez  !

Le silence retomba et elle fit de son mieux pour ignorer les regards noirs dans sa direction.

- N’y-a-t-il rien que nous ayons appris, en temps qu’humanité, de l’histoire ? Que gagne-t-on a avoir peur de ce que nous ne connaissons pas au point de vouloir le contrôler, l’asservir,  le renvoyer d’où il vient, ou pire, le réduire à néant ? Quelqu’un autour de cette table peut-il me citer un exemple où cette approche à produit autre chose que des résultats désastreux ? N’avez-vous rien compris à ce que je viens de dire ? J’ai pu, hier soir, discuter avec une entité qui vit quotidiennement dans un autre monde et quoique ce cela veuille dire, nous avons à le définir. Est-ce qu’on allons regarder cet autre monde avec défiance ? Est-ce que nous allons punir celui qui est venu, très naturellement, partager avec moi son savoir  ? Ou est-ce que nous allons profiter de cette chance extraordinaire pour montrer à cet être, et à travers lui à cet autre monde dans son entier, que l’humanité est tolérante et capable d’évoluer au delà de la crainte primordiale de ce qu’elle ne connait pas ? N’est-ce pas justement notre travail en temps que laboratoire de recherche  ? Pour moi, la réponse est clair. Cette question ne souffrira aucune autre discussion. Cet entité… il… sera considéré comme un allier de poids pour nous. Nous allons l’accompagner pour retrouver son corps en échange de sa généreuse collaboration. Un point c’est tout. Quiconque tentera de lui nuire aura affaire à moi, personnellement.

Le visage blanc de Jonathan se tourna vers elle.

- Il… tu n’arrête pas de dire…il… Tu peux… Peux-tu… Tu es sûre qu’il va revenir ?

- J’espère qu’il acceptera de venir maintenant oui…

Fanella tourna se tourna vers la chaise vide qu’elle avait laissée pour Eugène en priant pour qu’il accepte d’y apparaître. A sa place, après ce qui venait de se produire, elle aurait très probablement pris ses jambes à son cou. Elle ne lui en tiendrait aucune rigueur s’il décidait à ce stade de continuer de dissimuler sa présence.
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